Chirac prendrait bien un peu de quinquennat09/06/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/06/une-1665.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Chirac prendrait bien un peu de quinquennat

Lundi 5 juin, Chirac a pris son courage à deux mains et s'est retrouvé devant les journalistes des deux principales chaînes de télévision pour y défendre ce à quoi il s'était opposé à plusieurs reprises depuis le début de son propre septennat : le quinquennat présidentiel.

Un mandat présidentiel ramené à une durée de cinq ans, c'est un serpent de mer de la politique française qui apparaît et disparaît au gré des besoins politiciens. Il se trouve que, depuis 127 ans, le mandat du président de la République est d'une durée de sept ans. Pour sa part, De Gaulle avait inauguré en 1965 la première élection présidentielle au suffrage universel direct, en lieu et place d'un système d'élection par des " grands électeurs " recrutés parmi les politiciens.

Depuis, la question du quinquennat est revenue plusieurs fois sur le tapis pour des raisons d'opportunité. En 1973 Pompidou, président malade, avait cherché à abréger le mandat présidentiel. Bien qu'il ait obtenu un vote favorable au Parlement et au Sénat, il avait échoué devant le Congrès (réunion des deux Chambres nécessaire dès lors qu'il est question de modifier un tant soit peu la Constitution).

Ces derniers temps, c'était devenu le cheval de bataille de Giscard. Cela lui permettait, à défaut de briguer un autre mandat, de ne pas être entièrement oublié. Mais, depuis que Jospin a repris au vol la balle giscardienne, il a bien fallu que Chirac s'y mette à son tour pour ne pas être accusé de refus de moderniser la vie politique française. Comme si la longueur du mandat présidentiel était le seul problème posé par les institutions de la Cinquième République !

Sur un ton emprunté et pas très convaincu, Chirac est donc venu dire sans rire qu'il avait toujours été un chaud partisan du quinquennat. C'est donc un autre Chirac qui avait déclaré son opposition au quinquennat le 14 juillet 1997, l'accusant de conduire à la fois " au régime présidentiel " et à " un retour à un régime trop parlementaire " (voilà ce que c'est que de flatter tous les publics). Les mêmes arguments avaient été ressortis un an après, jour pour jour, pour le même refus. Il récidivait une troisième fois le 14 juillet dernier, allant jusqu'à couper tous les ponts en affirmant : " Le quinquennat sous une forme ou sous une autre serait une erreur et donc je ne l'approuverai pas ".

Mais, en politique politicienne, les volte-face à 180° ne sont pas rares. On comprend cependant que, dans ces conditions, le président ait quelque peu tourné autour du pot pour annoncer son revirement. Mais, comme toutes les girouettes politiques, il a expliqué, à sa façon, que ce n'était pas lui qui avait tourné, mais le vent : " Aujourd'hui, il y a une situation, compte tenu de la position prise par le gouvernement, la mienne, après toutes les consultations auxquelles je me suis livré depuis deux mois, qui permet d'envisager une modification constitutionnelle qui ne porte que sur la durée - et sur rien d'autre - du mandat présidentiel ". Il suffit d'y croire.

En direction des petits malins qui espéraient lui voir abréger son propre mandat, il a expliqué que les lois françaises ne sont pas rétroactives et donc qu'il ira jusqu'au bout de ses sept ans (de malheur ?).

A ceux qui suggéraient que, du fait de son âge actuel, il ait ainsi envisagé un second mandat plus court pour avoir quelque chance d'être réélu, il a répondu là encore sans rire : " Le choix du quinquennat par rapport à mon âge est une réflexion qui ne m'a pas effleuré l'esprit ". Une fois avalée la première couleuvre, les suivantes glissent toutes seules.

Pour la suite des événements, une fois le projet présenté au Conseil des ministres le 7 juin, il sera à l'Assemblée nationale le 14. Chirac a laissé entendre qu'il pourrait avoir recours à une consultation par référendum, là encore sans grande conviction (pour ne pas y recourir si nécessaire ?). N'a-t-il pas déclaré : " Nous posons une question aux Français, ils y répondent. Ils répondent oui : c'est très bien. Ils répondent non : c'est très bien. " Pas contrariant, le Chirac.

En expliquant que le quinquennat " c'est également le choix du Premier ministre " et que " nous sommes tous les deux favorables à quelque chose qui soit rapide ", s'il a en partie coupé l'herbe sous les pieds de Jospin, il a aussi réveillé dans le camp de la droite quelques-uns de ses adversaires, comme Pasqua ou Bayrou. Le quinquennat, s'il est finalement adopté, ne changera pas grand-chose à la vie politique, mais il va donner du grain à moudre aux différentes figures de la droite et de la gauche, qui auront ainsi de quoi s'empailler, sans aborder aucune question essentielle du point de vue de la population.

On saura en septembre si Chirac a su renvoyer le ballon du quinquennat lancé dans sa direction par Jospin. Quant au manque d'assurance de sa prestation, il provient peut-être du fait que Chirac se souvient de ses deux précédents coups de génie : l'un fut la nomination de Tiberi à la mairie de Paris, l'autre la dissolution d'une Chambre des députés majoritairement de droite en 1997, d'où est sorti le gouvernement actuel. Jamais deux sans trois ?

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