TotalFina : Coupable et... totalement irresponsable31/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1642.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

TotalFina : Coupable et... totalement irresponsable

La responsabilité de la catastrophe écologique déclenchée par le naufrage de l'Erika revient en premier lieu à la société TotalFina qui l'a affrété afin de faire transporter ses 30 000 tonnes de fuel lourd à travers l'océan Atlantique. Par le biais d'intermédiaires, londoniens paraît-il, TotalFina s'est contenté d'accepter un contrat de location avec un armateur qu'elle ne connaissait pas, pour un rafiot naviguant sous pavillon maltais, de complaisance, et présentant l'énorme intérêt de lui permettre d'économiser jusqu'à 30 % du coût journalier du transport. Hormis cette considération de coût et un bon contrat d'assurance et de réassurance, le reste n'importait pas.

Depuis sa fusion avec Pétrofina en 1998 (et avant même son rachat d'Elf Aquitaine il y a seulement quelques mois), TotalFina s'est placé au cinquième rang mondial des pétroliers et au quatrième rang des raffineurs européens. Le trust est présent aux quatre coins de la planète, en Mer du Nord mais aussi au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, en Afrique. Il possède des participations dans des exploitations du Golfe du Mexique, du Golfe de Guinée et notamment d'Angola. Au moment même où se répandait le pétrole sur les côtes bretonnes et vendéennes, son PDG, Thierry Desmarest, annonçait le lancement d'un projet de 1,3 milliard de francs, de construction d'une usine de production de bitume et de fuel lourd dans le sud du Vietnam. Et si le naufrage de l'Erika, la marée noire et la réprobation générale de l'opinion publique ont contribué à faire baisser l'action de TotalFina en Bourse de près de 5 %, ce n'est là qu'un phénomène qui passera sûrement beaucoup plus vite que le goudron sur les rochers.

Thierry Desmarest aurait déclaré qu'il n'était pas question pour lui de se désintéresser du dossier car " c'est notre produit qui est à la mer " et qu'en conséquence, sa société participerait au financement du nettoyage des côtes, du pompage des cuves de l'épave, de l'indemnisation des professionnels touchés et des réparations écologiques. Quand on sait que certains dégâts causés par la marée noire de 1978, déclenchée par le pétrolier Amoco Cadiz, n'ont été partiellement indemnisés par Elf, l'affréteur, que dernièrement, soit plus de vingt ans après, on a une petite idée de ce que peuvent valoir ces discours du PDG de TotalFina. Mais ce que cette nouvelle catastrophe souligne surtout, c'est l'aberration qui consiste à laisser entre les mains de trusts privés, pour lesquels ne compte que la course au profit, la production, le raffinage et le transport de ce produit utilisé dans le monde entier, de cette énergie indispensable aujourd'hui, que représente le pétrole. L'économie est, on nous le dit assez, " mondialisée ", et l'extraction et le transport du pétrole sont une des industries les plus mondialisées qui soient. Alors à ce degré, considérer l'industrie pétrolière comme un service public, à l'échelle mondiale, dont l'exploitation ne serait plus laissée au gré d'intérêts privés mais pourrait être sévèrement et véritablement contrôlée, serait une mesure de salut public. Les pavillons de complaisance devraient être interdits, les règles de sécurité des navires, les conditions de navigation, la qualification et les conditions de travail des équipages devraient pouvoir être unifiées, considérablement améliorées et leur respect parfaitement vérifié avant que s'engagent sur l'océan ou sur n'importe quelle mer de la planète, des milliers, voire des centaines de milliers de tonnes de pétrole... sans risquer que se reproduisent des catastrophes écologiques comme celle d'aujourd'hui.

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