Tchétchénie : Le terrorisme d'Etat du Kremlin31/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1642.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tchétchénie : Le terrorisme d'Etat du Kremlin

La capitale tchétchène porte bien son nom. En russe, Grozny signifie " menaçant ", " terrible ". Mais si une menace terrible s'applique à Grozny, c'est celle que le pouvoir russe fait porter sur ses habitants depuis qu'il a déclenché la guerre contre la Tchétchénie, le 1er octobre.

Déjà à moitié détruite en 1994-1996 lors de la guerre russo-tchétchène précédente, Grozny est sur le point d'être rasée sous un déluge d'artillerie et de bombardements aériens russes. Les dizaines de milliers d'habitants qui s'y trouvent encore terrés dans des caves risquent d'être pour la plupart ensevelis sous ses décombres.

" Nous n'avons aucun chiffre en ce qui concerne les pertes civiles, mais elles ne sont pas élevées " ose prétendre le numéro 2 de l'état-major russe dans une interview à Libération. Évidemment. Tout comme les généraux de l'OTAN n'évoquaient que de rares " dommages collatéraux " en Serbie et au Kosovo, ceux d'Eltsine nient faire la guerre aux civils. Mais c'est bien à la population tchétchène qu'ils font payer le fait que ses dirigeants se sont déclarés indépendants de la Russie.

Bien sûr, ni Eltsine ni son Premier ministre Poutine ne reconnaissent ravager la Tchétchénie et écraser sa population sous leurs bombes. A la télévision, ils préfèrent montrer des camps de réfugiés et des officiels se présentant comme venus les aider. C'est la version russe de la fable humanitaire que les dirigeants occidentaux nous ont servie pour couvrir leur sale guerre des Balkans, voici quelques mois. Cette fois, à la place de Milosevic dans le rôle du méchant, on a le président tchétchène Maskhadov, présenté par le Kremlin comme complice des " terroristes " et autres chefs de guerre locaux.

Mais à qui les dirigeants russes feront-ils croire que c'est pour libérer la Tchétchénie des brigands qui la dirigent, que l'armée russe bombarde sa population depuis des mois ?

Et s'il est vrai, comme le disait le haut gradé russe dans l'interview déjà citée, que la Tchétchénie est, depuis des années, la proie d'une soixantaine de bandes criminelles, ce général évite de rappeler que le régime eltsinien a contribué au développement de ces bandes armées. Par toute sa politique et par sa précédente guerre, il a jeté des milliers de gens désespérés, des jeunes en particulier, dans les bras des " bandits ".

A l'occasion, le Kremlin s'est aussi appuyé sur ces derniers, les a armés quand il y trouvait son compte : pour affaiblir les autorités de Grozny ou pour défendre son statut de grande puissance dans le Caucase et les intérêts inavouables des hauts dignitaires russes.

Ces dirigeants russes sont au moins aussi criminels que les chefs mafieux et autres terroristes locaux qu'ils affirment combattre aujourd'hui, mais auxquels les unissent tant de liens de complicité.

Qui se ressemble s'assemble, dit-on. On en a une illustration caricaturale avec la création, par le Kremlin, d'une " milice tchétchène " censée prouver que des Tchétchènes appuient son armée. Son chef, un certain Gantemirov, est un repris de justice. Et pas n'importe lequel : ancien maire de Grozny et pilier du régime indépendantiste, il séjournait en prison pour avoir détourné les rares aides russes à la reconstruction du pays après la précédente guerre.

Si le pouvoir eltsinien a dû sortir de prison un tel gangster pour former sa milice pro-russe, c'est sans doute qu'il n'en avait pas de plus présentable sous la main : un individu finalement représentatif des mafieux locaux et de ses employeurs russes actuels. Le pillage de la population, ça les connaît. La seule différence entre eux, outre leur rivalité, est affaire d'échelle.

Là n'est pas leur seul point commun. Que les chefs de guerre et dirigeants indépendantistes tchétchènes aient imposé par la force et la terreur leur régime pillard au reste de la population, ce n'est que trop évident. Mais que fait d'autre le régime russe quand, au nom d'une prétendue " lutte anti-terroriste ", il soumet cette même population à son ignoble terrorisme d'Etat ?

Que les brigands qui pillent l'immense Russie et ceux qui font de même dans la petite Tchétchénie règlent une nouvelle fois leurs comptes, ce ne serait pas une catastrophe si cela aboutissait à leur anéantissement mutuel. Mais, ce qui se passe en Tchétchénie, c'est tout autre chose. Toute une population, prise depuis des années entre le marteau des chefs terroristes du Kremlin et l'enclume des brigands locaux, est écrasée jour après jour par les premiers, au nom d'une pseudo-lutte anti-terroriste, et en fait parce que les dignitaires du régime eltsinien n'ont trouvé que cette solution pour tenter de se maintenir au pouvoir en tentant de faire oublier à la population russe qu'elle est, elle aussi, victime de ce régime qui la pille et la méprise depuis trop longtemps.

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