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Il y a 50 ans : L'indépendance de l'Indonésie
Il y a cinquante ans, le 27 décembre 1949, les Pays-Bas reconnaissaient la souveraineté de l'Indonésie. Après plus de trois siècles de colonialisme néerlandais pendant lesquels bien des révoltes avaient éclaté, il avait fallu quatre ans de guerre après la proclamation de l'indépendance pour y parvenir.
L'armée japonaise avait profité de la Deuxième Guerre mondiale, pour étendre sa domination en Asie du Sud-Est. Débarquant dans l'archipel indonésien le 28 février 1942, elle y supplanta les Pays-Bas pendant trois ans et demi. Le nationaliste indonésien Sukarno et les autres leaders nationalistes emprisonnés depuis des années par les autorités hollandaises, relâchés, collaborèrent avec les autorités japonaises et en profitèrent pour populariser leur mouvement.
La capitulation japonaise, le 15 août 1945, provoqua un vide politique qui profita aux indépendantistes. L'indépendance fut proclamée par Sukarno deux jours plus tard. Mais elle fut de courte durée, à peine plus d'un mois.
Les impérialistes contre l'indépendance
En effet, les Pays-Bas ne tardèrent pas à manifester leur volonté de reconquérir l'Indonésie avec, dans un premier temps, l'appui de la Grande-Bretagne. Des troupes britanniques occupèrent les principaux ports des îles de Java et de Sumatra, à partir du 28 septembre 1945. Des soldats indiens qui faisaient partie des bataillons britanniques, refusèrent de se battre contre les Indonésiens. Les troupes avaient pour mission de désarmer 250 000 soldats japonais et de libérer presque autant de prisonniers. En fait, le général Philip Christison, commandant en chef allié, fit savoir que les forces japonaises de Java serviraient temporairement à faire respecter la loi et l'ordre.
Il fut rapidement évident que le débarquement anglais servait de paravent à celui des troupes hollandaises. " Lorsqu'ils virent les forces hollandaises débarquer sous la protection britannique et qu'ils apprirent que les chefs japonais avaient reçu l'ordre de reconquérir les villes détenues par les Indonésiens, les dirigeants de la nouvelle République indonésienne eurent de bonnes raisons de penser que l'objectif des Alliés était de rétablir le statut colonial dans leur pays ", rapporte un journaliste, Tibor Mende. Alors que la capitale, Batavia - à laquelle les nationalistes redonnèrent son ancien nom de Djakarta - était couverte d'inscriptions anti-hollandaises, le gouvernement indonésien de Sukarno avertit le commandement anglais qu'il l'aiderait dans le désarmement des Japonais mais qu'une nouvelle occupation des troupes hollandaises se heurterait à une résistance armée.
L'offensive anglo-hollandaise, marquée par des bombardements et des massacres, se heurta à la résistance de la population et à la lutte armée des nationalistes. Les dirigeants britanniques invitèrent les autorités hollandaises à négocier, tout en maintenant une occupation militaire des grandes villes. Pendant ce temps, Bornéo et les îles les plus lointaines furent à nouveau occupées par les Pays-Bas qui eurent recours à un ancien officier de leur armée à la sinistre réputation, le capitaine Westerling, pour organiser un massacre dans les îles Célèbes qui fit 4 000 victimes selon les sources militaires hollandaises, plus de 30 000 selon les Indonésiens.
L'oppression change de forme
Le 25 mars 1947, les Pays-Bas reconnurent l'autorité de l'Indonésie, mais uniquement sur les trois îles de Java, Madura (à proximité de Java) et Sumatra. Il était précisé que le gouvernement indonésien s'engageait à rétablir les colons dans tous leurs droits et tous leurs biens. Dans les autres îles, au nom du fédéralisme, il était prévu de maintenir des gouvernements créés directement par les Pays-Bas. Mais cet accord fut rompu par le gouvernement hollandais lui-même, qui lança de nouvelles offensives militaires, notamment pour récupérer une région pétrolière et une zone de grandes plantations. Ce fut officiellement une opération de police, car jamais, au cours de ces quatre ans, les Pays-Bas ne reconnurent qu'ils menaient aux antipodes une guerre coloniale, pas plus que la France n'admit jamais les siennes.
Les troupes britanniques s'étant retirées en novembre 1946, les Etats-Unis entraient en scène. Ils reprirent en main les négociations et c'est sur un bateau de guerre américain qu'un nouvel accord intervint le 17 janvier 1948. Mais le gouvernement des Pays-Bas lança une nouvelle attaque, prenant l'initiative de la rupture. Surpris par la réaction de la population, les 145 000 soldats hollandais furent acculés à la défensive. Même dans les îles où ils avaient mis en place des gouvernements à leur dévotion, certains de leurs représentants prirent leurs distances.
Les Etats-Unis, qui voyaient à l'époque dans la disparition des empires coloniaux un moyen d'étendre leur influence, firent pression sur les Pays-Bas pour qu'ils reconnaissent l'indépendance de l'Indonésie. Les nationalistes venaient de donner un gage de fidélité à leurs intérêts : en septembre 1948, dans la région de Madiun (île de Java), ils avaient écrasé dans le sang un soulèvement dirigé par le Parti Communiste Indonésien et avaient tué ses dirigeants.
Le 22 décembre 1948, l'aide des Etats-Unis dans le cadre du Plan Marshall à destination des Pays-Bas fut suspendue en attendant une clarification de la situation en Indonésie. Il fallut cependant encore un an pour que les accords dits de la Table ronde aboutissent à la reconnaissance de l'indépendance de la République d'Indonésie par les Pays-Bas, et encore avec bien des limitations puisque l'Etat reconnu par ceux-ci le 27 décembre 1949 était restreint aux quelques îles parmi les plus peuplées. Cet Etat devait en principe cohabiter avec des gouvernements fantoches mis en place par les Pays-Bas dans les autres îles au sein d'une Union hollando-indonésienne, dans laquelle la République indonésienne était sous représentée et qui était placée sous l'autorité de la Couronne hollandaise.
Cependant, dans les sept mois qui suivirent, l'armée indonésienne plaça sous son contrôle la plupart des territoires des autres îles et l'Union hollando-indonésienne cessa d'exister officiellement en août 1954. L'oppression coloniale directe avait pris fin, mais pas celle de l'impérialisme et des riches indonésiens, vivant dans son ombre. L'armée indonésienne, qui avait été formée en grande partie par l'armée japonaise quand elle occupait le pays, fut désormais suivie de très près par la CIA américaine. En 1965 et 1966, à la suite de la prise du pouvoir par Suharto, l'armée anéantissait le Parti Communiste qui s'était aligné sur lui, dans un terrible massacre, qui fit au moins 500 000 morts en quelques jours, qui fut suivi d'années de répression sans faille.
Ces derniers mois, l'armée indonésienne s'est illustrée par les massacres au Timor-Oriental. Elle avait de sinistres états de service.