Faire sauter les bouchons de champagne le 31, et tout le reste au plus vite !31/12/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/12/une-1642.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Faire sauter les bouchons de champagne le 31, et tout le reste au plus vite !

Au jour J -5 du premier de l'an 2000, la nouvelle année ne s'annonce pas différente de l'ancienne. Pendant que les toits s'envolent, que les arbres se déracinent, que le mazout de l'Erika souille les côtes bretonnes et bientôt vendéennes, les gouvernants prennent leurs congés tranquilles, Jospin en Egypte, Chirac au Maroc. Seule Dominique Voynet a été ramenée par la peau des fesses de l'île de la Réunion pour admettre après avoir mis le nez sur des oiseaux englués qu'il y avait bien effectivement catastrophe écologique !

Il est vrai qu'elle n'avait pas tort de penser que sa présence était inutile. Un ministre bourgeois, peu importe qu'il soit de gauche ou de droite, n'est pas fait pour aider la population. L'Erika en fait foi.

Cela dit, n'y avait-il et n'y aurait-il rien à faire ? Que si ! Le responsable de cette nouvelle marée noire n'est pas un monstre inaccessible de la mondialisation, c'est une multinationale bien de chez nous, la première et la plus grosse société capitaliste française, TotalFina qui après avoir racheté le groupe belge Petrofina puis Elf, réalise une capitalisation boursière de 600 milliards de francs, de l'ordre du tiers du budget de la France. Son PdG a été nommé manager de l'année ! Ce qui n'empêche pas TotalFina de payer le moins cher possible le transport de sa camelote, c'est-à-dire de louer les services d'affréteurs qu'elle sait pourris, voguant sous pavillon de complaisance. Les trafiquants d'or noir font tous leur fric ainsi ! Et que leur importe puisqu'ils ne sont pas formellement responsables ! Ils sont assurés, et gageons qu'ils le sont mieux que les petites gens dont la voiture a été écrasée sous un arbre ! Alors voguent les 8 000 tonnes de mazout qui atteignent aujourd'hui les côtes, et voguent bientôt les 20 000 autres qui vont quitter les cales des deux morceaux d'épave coulée. Les hommes qui habitent la région peuvent pleurer, ramasser le goudron et les oiseaux crevés avec un seau, une pelle et un râteau, personne ne fera rien de vraiment efficace pour eux. Dans dix ans, peut-être, les tribunaux saisis leur donneront au mieux raison mais pas réparation ! Car jusqu'à ce jour, ceux qui ont le fric s'arrogent tous les droits.

Et pourtant, il y aurait quelque chose à faire. Dès le naufrage, TotalFina aurait pu et dû se voir imposer dans les 24 heures de récupérer son épave et sa cargaison, sous menace de réquisition, voire d'expropriation immédiate. On n'aurait pas disposé des moyens techniques et matériels ? Taratata ! Il suffit d'y mettre le prix. Mais par définition les pollueurs ne sont pas les payeurs. Et les gouvernements sont les larbins des pollueurs ! Cela ne changera que lorsque la colère montera d'en bas, et il suffirait déjà du coup de colère de quelques dizaines de milliers d'entre nous pour inspirer une sainte trouille aux actionnaires et PdG de TotalFina et Cie.

Et tout est lié. D'un côté, l'accumulation de capital que les industriels et les financiers réalisent avec l'aide des gouvernements - armée, police et prisons à la rescousse. De façon particulièrement brutale dans les pays pauvres où les trusts occidentaux entretiennent des dictatures pour protéger leurs intérêts, quitte à en changer comme c'est le cas en Côte d'Ivoire quand la misère et l'exploitation menacent d'engendrer ce qu'ils appellent des désordres sociaux. De l'autre, la misère grandissante. Y compris dans les pays riches. Y compris en France où près de 6 millions de personnes vivent avec moins de 3 500 F par mois tandis qu'une poussière d'actionnaires ont vu leurs indices boursiers grimper de 50 % et battre cette année tous leurs records depuis 1988.

Ces derniers vont mieux que jamais sabler le champagne !

Souhaitons que ce soit leur dernier millésime, car c'est de nous tous, ceux d'en bas, que l'année 2000 va dépendre.

Editorial des bulletins d'entreprise L'Etincelle du lundi 27 décembre 1999, publiés par la fraction.

Partager