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- Lutte ouvrière n°1634
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" Guerre " du boeuf : Boeuf miroton ou boeuf marlborough ? Mais la sauce est politicienne
A en croire les commentateurs, aussi bien en France qu'en Grande-Bretagne, les négociations de Bruxelles sur les exportations de viande de boeuf britannique se seraient soldées le 2 novembre par un " recul " du gouvernement anglais.
Ce recul paraît très relatif en fait, puisque le gouvernement anglais n'aurait fait qu'accepter de discuter de l'étiquetage et de la traçabilité de la viande importée. Il est vrai que cela va à l'encontre des pratiques en vigueur en Grande-Bretagne, depuis que le précédent gouvernement conservateur a aboli l'obligation d'étiquetage sous prétexte de " ne pas écraser les entreprises sous la paperasserie ", chose que le gouvernement travailliste de Blair s'est bien gardé de rétablir.
Mais comme il ne s'agit que de l'exportation, ce sont des concessions que Blair peut se permettre de faire, surtout s'il peut ainsi éviter d'avoir à déposer un recours auprès des instances juridiques européennes qui risquerait d'être très long. En " reculant " aujourd'hui, Blair peut espérer pouvoir annoncer une " victoire " sous peu et du même coup neutraliser tous ceux qui l'accusent de faiblesse à l'égard de l'Europe. Tandis que, de son côté, Jospin pourra, maintenant qu'il a montré sa fermeté en faisant " reculer " les Anglais, céder plus tard du terrain, fort des " garanties " qu'il aura obtenues pour le consommateur français.
C'est que dans tout cela, l'enjeu économique réel est en réalité bien faible. Aujourd'hui, suite aux contrôles drastiques imposés par les autorités, seuls deux abattoirs sont habilités à l'exportation de viandes de boeuf en Grande-Bretagne, l'un en Cornouailles et l'autre en Ecosse. Et leur production totale représente à peine plus d'un dixième des exportations de boeuf britannique avant qu'elles soient interdites suite à l'explosion de la maladie de la vache folle, en mars 1996. A l'époque ces exportations représentaient un chiffre d'affaires annuel de six milliards de francs. Or même dans l'hypothèse d'une levée immédiate de l'embargo sur le boeuf britannique en Europe, le gouvernement anglais prévoit que ces exportations n'atteindront même pas les 500 millions de francs par an en 2001.
Autant dire que d'un côté comme de l'autre de la Manche le seul véritable enjeu est politicien. Blair qui doit faire face à une offensive anti-européenne en règle de la part des Conservateurs et d'une aile de son propre parti, louvoie depuis plus de deux ans entre la démagogie nationaliste et la détermination des sphères dirigeantes de la bourgeoisie britannique de ne pas trop reculer l'entrée de la Grande-Bretagne dans la zone euro. De son côté, Jospin doit faire face aux mouvements de protestation des organisations d'exploitants agricoles pour qui la question du boeuf britannique est une bonne occasion de réclamer plus de protection (et de subventions) de l'Etat, en cherchant à s'appuyer sur les inquiétudes légitimes des consommateurs.
D'où la " guerre " de position à laquelle se livrent les deux gouvernements depuis des mois, guerre d'opérette dans laquelle les intérêts des consommateurs comme la viande de boeuf restent les dindons de la farce.