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Dans le monde
France-Iran : Khatami à Paris, la dictature en Iran
La visite à Paris, la semaine dernière, du président iranien Mohamed Khatami a été marquée par des interpellations parfois musclées parmi les opposants iraniens en France, mais aussi par la signature de quelques gros contrats avec les industriels français. Eux, peuvent se frotter les mains : Alstom a vendu une centaine de locomotives et Airbus quatre de ses avions.
Il faut dire que l'Iran représente une occasion pour les hommes d'affaires français. Depuis son arrivée à la présidence en mai 1997, avec 70 % des voix, Mohamed Khatami cherche à rompre l'isolement dans lequel se trouve l'Iran. Vis-à-vis des États-Unis. cette ouverture n'a pas encore été couronnée de succès. Il y a donc là un créneau dans lequel se sont engouffrées les entreprises européennes. Il y a deux ans, Elf et Total avaient déjà signé un gros contrat, en dépit de la loi américaine d'Amato qui interdisait le commerce avec l'Iran.
Cela suffit à expliquer la sollicitude de Chirac comme du gouvernement socialiste vis-à-vis du chef de l'Etat iranien, qui est présenté comme un mollah démocrate, qu'il conviendrait de soutenir dans sa lutte pour la libéralisation du régime. Les exactions en Iran seraient exclusivement dues aux dirigeants conservateurs, également au pouvoir, mais agissant dans le sens inverse de Khatami. Si celui-ci ne s'y oppose pas ouvertement, ce serait par réalisme politique, nous dit-on. Ainsi, les bonnes affaires avec l'Iran, en venant au secours de Khatami, aideraient par la même occasion à la démocratisation en cours.
Toute cette rhétorique n'est qu'un paravent. Car l'Iran reste un des Etats les plus répressifs du monde. En juillet dernier, les étudiants avaient massivement manifesté sur les campus. 800 ont été arrêtés, quatre d'entre eux condamnés à mort et 45 à des peines de prison. Téhéran a annoncé pendant la visite de Khatami à Paris que l'un des leaders du mouvement serait condamné " seulement " à 15 ans de prison, ce qui se voulait un témoignage de la " libéralisation " du régime. Autant dire les limites de celle-ci. Les partis politiques non musulmans, et même parfois musulmans modérés, sont interdits. Les journalistes tant soit peu critiques sont systématiquement pourchassés, intimidés et parfois assassinés. Le mouvement ouvrier est totalement baillonné et les grèves étouffées. La situation des femmes, soumises à l'arbitraire religieux, reste abominable.
Alors si aujourd'hui une contestation se fait peut-être jour, si les étudiants ont manifesté et si des journalistes, des femmes, risquent leur vie en dénonçant les exactions du régime, c'est avant tout dû au courage de toute une population lassée par des années de dictature et de corruption. Les velléités réformatrices de Khatami, elles, sont avant tout à destination des dirigeants des grandes puissances.