Voir : Rosetta, des frères Dardenne15/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1631.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Divers

Voir : Rosetta, des frères Dardenne

Il est dur de survivre dans une ville ouvrière de Belgique, rongée par le chômage, quand on a 19 ans et que l'on vit avec une mère, alcoolique et dépressive, dans une caravane installée sur un camping.

C'est le cas de Rosetta qui, au jour le jour, doit trouver de quoi se nourrir, de quoi tenir un jour de plus. L'héroïne du film tente de faire front, de ne pas tomber dans le trou, elle veut avoir " une vie normale " et pour cela trouver... un travail. Mais cela s'apparente à une recherche désespérée où, après s'être fait renvoyer d'une usine, elle essuie échec sur échec.

Rosetta subit, les dents serrées, tous les coups : les refus polis ou impolis, les coupures d'eau du propriétaire vénal du camping, et la déchéance infantile de sa mère... On suit pendant une heure et demie Rosetta pas à pas, et le film nous décrit son enfer minute par minute. En cela, ce film, qui a obtenu la palme d'Or à Cannes, est une dénonciation des ravages du chômage, de la misère qu'il engendre et de cette société.

Pourtant, on ressent aussi un malaise à le voir. Dans cette lutte quasi biologique pour l'existence, les personnages, presque tous des pauvres, sont décrits comme indifférents ou hostiles et prêts à tout. Le seul jeune qui cherche à lui témoigner d'un peu de chaleur humaine, Rosetta le dénonce à son patron... pour pouvoir lui prendre sa place de vendeur de gaufres. Précédemment, elle avait failli le laisser se noyer dans une rivière pour la même raison.

Oui, la société est pourrie et peut pousser à commettre bien des bassesses, y compris parmi les opprimés qui sont ses principales victimes. Dans Rosetta, on nous montre un monde où les pauvres ne sont que les ennemis des pauvres. " Voyez comme la misère transforme les pauvres en bêtes ", semble dire le film. Et la façon de filmer en suivant à la trace le personnage principal, à la manière d'un documentaire animalier, renforce ce sentiment.

Bien sûr, c'est un choix qui mène à ne discerner, face à la misère, que les réactions les plus négatives qui mènent à la guerre des pauvres entre eux. Il en existe pourtant d'autres, tant il est vrai, que dans toutes les situations, il se trouve des hommes et des femmes pour refuser la condition qui leur est faite, et pour trouver dans des attitudes collectives le moyen de défendre leur dignité. En définitive, c'est bien là aussi que résident l'espoir et la possibilité de changer un jour cette société désespérante. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le choix fait par les cinéastes ne permet guère d'entrevoir cet espoir.

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