Pinochet peut être jugé... les dictateurs ont quand même un bel avenir15/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1631.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pinochet peut être jugé... les dictateurs ont quand même un bel avenir

L'extradition de Pinochet vers l'Espagne, où il devrait être jugé pour une partie de ses crimes, a été acceptée par les juges anglais. Le magistrat britannique chargé de l'affaire a en effet déclaré justifiée la demande du juge espagnol Garzon, qui avait inculpé l'ancien dictateur chilien, déclenchant de ce fait la procédure. Pinochet a cependant encore bien des recours juridiques pour faire durer l'affaire, qui dure déjà depuis un an. Reste aussi la possibilité que le ministre de l'Intérieur britannique décide de le renvoyer au Chili. Rien ne dit donc qu'il se retrouvera de sitôt devant les juges espagnols.

Le fait que ce dictateur sanglant puisse avoir à rendre compte ne serait-ce que d'une petite partie de ses crimes ne peut que réjouir. Le 11 septembre 1973, à la tête d'une junte militaire, après avoir renversé le gouvernement socialiste de Salvador Allende, il avait procédé à un bain de sang, massacrant des milliers de militants. On avait estimé à l'époque que 30 000 partisans du gouvernement de gauche avaient été assassinés en quelques jours. Et ces meurtres se poursuivirent pendant les années de dictature qui suivirent. Entre 1988 et 1990, Pinochet négocia la " transition " avec ses successeurs de façon à conserver d'abord la fonction de chef des armées, puis un poste de sénateur à vie qui lui garantissait l'impunité. Il fallut qu'il aille se faire soigner en Grande-Bretagne pour que soit troublée la retraite tranquille de ce bourreau.

Mais le fait qu'un dictateur lâché depuis longtemps par ses protecteurs, les grandes puissances et en particulier les Etats-Unis qui l'avaient encouragé et aidé dans son putsch, puisse se retrouver peut-être devant un tribunal, ne diminue en rien les risques que de nouvelles dictatures s'instaurent. Et il n'affaiblit pas le pouvoir de dictateurs en place avec la bénédiction des grandes puissances, de la Birmanie à bon nombre de pays africains. En 1973, les USA avaient besoin d'un putsch au Chili pour étouffer tout risque de voir leur emprise contestée. Les envoyés du gouvernement américain le planifièrent donc méthodiquement, avec la participation des hauts cadres de l'armée chilienne. La CIA fut présente à toutes les étapes de sa préparation et de son exécution. Le massacre accompli, et parachevé dans les premières années de la dictature, les dirigeants américains pouvaient mettre de côté Pinochet et lui préférer un régime plus présentable. C'est ce que fit le président américain Carter en exprimant, en 1977, ses " profonds regrets " pour le rôle joué par son pays dans la mise en place de la dictature chilienne.

Cela n'empêcha pas les Etats-Unis de soutenir, voire de susciter, depuis lors, la mise en place de nombreux régimes dictatoriaux aux quatre coins de la planète. C'est même grâce à eux que se prolongent tous ces régimes qui mitraillent les manifestants et emprisonnent à tour de bras les opposants.

Pour en finir avec les dictatures, il ne suffira pas de juger quelques dictateurs usés et vieillissants. C'est l'impérialisme lui-même qu'il faudra abattre.

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