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Maroc - Mohamed VI devant le Parlement : Des mots pour soulager la misère
Le nouveau roi du Maroc, Mohammed VI, a critiqué devant le Parlement, le 8 octobre dernier, " la léthargie de l'administration marocaine ", et a annoncé la création d'un fonds pour développer et équiper le pays. Ces propos visent à accréditer l'idée que le souverain serait un roi moderne et réformateur, et qu'avec lui les choses vont enfin changer. Or, pour sortir le pays de la misère, il faut bien plus que de simples discours et des mesures insignifiantes.
Ce n'est pas la première fois que le nouveau roi fait ce genre de déclarations. Lors de son accession au pouvoir, il avait évoqué les droits bafoués des femmes, dénoncé la corruption généralisée et même reconnu du bout des lèvres l'existence des détentions arbitraires. Il a mis à l'écart une poignée de vieux dignitaires trop liés à son père et s'est entouré d'une jeune garde dévouée à sa personne. Le geste symbolique qui a permis le retour de l'opposant Abraham Serfaty, âgé et malade, s'inscrit dans la même démarche.
Mohammed VI a aussi rappelé qu'" une mobilisation nationale " pour lutter " contre l'analphabétisme et sa propagation, en particulier dans les villes et les campagnes " était nécessaire. Le Maroc compte en effet plus de 50 % d'analphabètes. Des dizaines de milliers d'enfants ne sont pas scolarisés (surtout les jeunes filles à la campagne et les jeunes des quartiers pauvres qui survivent grâce à la mendicité).
Mais parler de lutte contre l'analphabétisme sans prévoir les fonds nécessaires pour financer la construction immédiate de nouveaux établissements scolaires, embaucher les instituteurs et les professeurs, le tout en nombre suffisant pour scolariser toute la jeunesse marocaine, n'est que de la poudre aux yeux. Le roi a d'ailleurs ajouté qu'il mettrait fin " à la gratuité de l'enseignement secondaire et supérieur " sauf pour les familles les plus démunies et les étudiants les plus méritants ! Drôle de façon de lutter pour l'amélioration de l'éducation.
Le roi " réformateur " a même prévu de lutter contre le chômage, là encore, sur le papier. Aux jeunes chômeurs diplômés, il a expliqué qu'il ne fallait pas compter sur l'Etat pour créer des emplois dans la fonction publique. Il leur a conseillé d'aller chercher du travail ailleurs... dans le privé. Et ce dans un pays où le taux de chômage officiel avoisine les 21 %, un taux bien en deçà de la réalité. Quant au " Fonds Hassan II pour le développement et l'équipement " du pays, d'un montant de cinq milliards de francs, il devrait à la fois servir à lutter contre les bidonvilles, irriguer les terres agricoles, construire des routes... et des stades de football pour appuyer la candidature du royaume au Mondial de 2006 ! Ce qui, en admettant que de tels projets voient le jour, ce qui est loin d'être garanti, est bien dérisoire au regard des besoins urgents de la population.
En attendant, pour Mohammed VI, il n'est pas question de toucher aux caisses de l'Etat ou à la fortune des privilégiés du régime pour électrifier, par exemple, des milliers de villages ruraux (les trois quarts des paysans n'ont pas accès à l'électricité). Pas question non plus de prendre sur la fortune de la famille royale, qui possède des dizaines de comptes en banque, les meilleures terres du pays et qui est l'un des plus grands propriétaires immobiliers de New York, pour doter ces mêmes villages d'un réseau d'adduction d'eau potable ou de construire des logements décents pour les dizaines de milliers d'habitants qui s'entassent dans des bidonvilles aux portes des grandes agglomérations urbaines comme Rabat, Casablanca ou Marrakech.
Le nouveau roi s'est gardé d'évoquer devant le Parlement les droits de l'homme ou la lutte contre la corruption. Et pour cause ! Son pouvoir s'appuie sur le même appareil d'Etat qui a permis à Hassan II d'exercer une dictature féroce contre la population durant les années 1970 et 1980. Ce même appareil d'Etat qui est responsable de la torture et de la mort de milliers d'opposants.
Certes, le régime s'est libéralisé dans les années 1990. Il existe désormais une presse plus ou moins libre depuis plusieurs années. Mais cette démocratie reste formelle et n'existe que dans le cadre décidé par la monarchie. La gendarmerie royale continue son racket quotidien, tandis que la justice impose son arbitraire. La population reste surveillée par une armée et une police corrompues. Une armée et une police dont Mohammed VI peut toujours avoir besoin pour mater d'éventuelles révoltes populaires comme elles l'ont déjà fait dans le passé, par exemple à Casablanca en 1981 et à Marrakech en 1984.