Juppé et l'immigration : Déclarations démagogiques pour créneau électoral08/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1630.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Juppé et l'immigration : Déclarations démagogiques pour créneau électoral

L'interview d'Alain Juppé au Monde portant sur l'immigration aurait, paraît-il, fait un tabac au sein de la droite qui, à en croire la presse, en serait encore toute secouée.

Selon Le Parisien, Juppé aurait étonné la gauche. Au point que Jack Lang se serait réjoui de la " maturation des idées et de la pensée " sur l'immigration... de l'ex-secrétaire général du RPR ! Subjugué, Le Monde parle même d'une " autocritique courageuse " !

Mais Alain Juppé n'a pas dit grand-chose. Selon lui, le contexte économique serait plus favorable et les Français " plus ouverts et tolérants ", d'où la nécessité d'" accueillir de nouveaux immigrés " en France et de faire de l'intégration la priorité nationale (ceux qui ont été expulsés sous son gouvernement apprécieront).

Au passage, Juppé glisse une petite peau de banane à son ami Pasqua, en précisant que " l'immigration zéro ", cela " ne veut pas dire grand-chose " (de l'affirmer dans l'opposition cela n'a pas de grandes conséquences). L'ancien Premier ministre a tenu à souligner que " le regroupement familial est un droit ". Enfin, il s'offre une petite charge contre le gouvernement Jospin et souligne son manque " d'humanité " dans le traitement des cas individuels des sans-papiers à régulariser (les sans-papiers de Saint-Bernard ont de quoi se rappeler du sens profond d'humanité qui caractérisait son action quand, Premier ministre, il les fit expulser par la police, en août 1996).

Les propos démagogiques d'Alain Juppé tranchent, certes, avec le discours que l'on avait l'habitude d'entendre, à droite, lorsque celle-ci chassait dans le marécage xénophobe du FN. Qu'on se rappelle les " odeurs " des immigrés évoquées par Chirac ou la menace " d'invasion " agitée par Giscard d'Estaing ! Cela ne saurait faire oublier que c'est sous le gouvernement Juppé, que Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur, concocta une loi contre l'immigration qui aggrava les conditions d'accueil et surtout de séjour des travailleurs étrangers déjà en France.

En prônant l'accueil de nouveaux immigrés, l'intégration de ceux qui sont déjà sur le sol français, Juppé exprime ce que pense aujourd hui peut-être une partie du patronat qui, entend-on dire ici ou là, se plaindrait de manquer de main-d'oeuvre dans des branches comme le bâtiment. Les propositions de Juppé ne sont d'ailleurs pas si nouvelles que cela, Dans les années soixante-dix, la droite au gouvernement acceptait que des grandes entreprises françaises, comme Citroën, ouvrent des bureaux d'embauche au Maroc, ou en Afrique, pour recruter des travailleurs étrangers tout en favorisant le regroupement familial des nouveaux recrutés.

Mais le discours de Juppé vise, semble-t-il, un autre objectif : se positionner sur un créneau électoral entre l'extrême droite et la gauche. A la différence de Pasqua ou De Villiers qui lorgnent, eux, avec leur nouveau parti, sur l'électorat de l'extrême droite aujourd'hui en déshérence, Juppé a choisi de séduire une frange d'un électorat émergant, issu de l'immigration, qu'il juge déçu par la gauche et sensible aux problèmes de l'intégration économique et sociale.

Mais pour que la manoeuvre marche, encore faut-il que les jeunes électeurs français d'origine étrangère se laissent abuser par ses propos démagogiques. Et là, rien n'est moins sûr !

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