Calais - face à l'afflux des réfugiés : L'attitude indigne des pouvoirs publics08/10/19991999Journal/medias/journalnumero/images/1999/10/une-1630.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Calais - face à l'afflux des réfugiés : L'attitude indigne des pouvoirs publics

Depuis trois ans, de plus en plus d'émigrés arrivent à Calais et essayent de passer en Angleterre où la chasse aux clandestins est moins acharnée qu'en France. Ils sont Afghans, Kurdes, Irakiens, Iraniens, Éthiopiens et, depuis deux ans, il y a une proportion croissante de Kosovars.

En 1996, il y eut à Calais environ un millier d'interpellations pour tentative de passage illégal en Angleterre. En 1998, 4 800, et 3 800 sur les huit premiers mois de cette année. Jusqu'au début 1999, l'accès au port de Calais était libre. Les émigrés clandestins, des hommes seuls, mais aussi des familles entières, tentaient de passer le détroit dans les camions embarqués sur les ferries. Des dizaines de personnes en attente d'une possibilité de passage dormaient dans la gare maritime, sans la moindre structure d'hébergement, sans hygiène et même sans possibilité de se nourrir. Des familles, avec des enfants en bas âge, restaient là deux jours, parfois une semaine. Cette situation s'est encore aggravée, quand deux Kosovars sont morts dans une bagarre, probablement liée à des problèmes avec les filières de passeurs.

Surveillance renforcée

En avril 1999, le gouvernement a décidé de vider la gare maritime des émigrés clandestins et de construire des barrières avec des gardes et un système de surveillance vidéo autour du port. En tout, ces installations ont coûté 10 millions de francs. Cette décision fut prise au moment de la guerre au Kosovo et de l'intensification des exactions serbes contre la population kosovare.

Parallèlement, la préfecture a ouvert un hangar où plus de 100 personnes furent hébergées tous les soirs. Mais début juin, le préfet le fit fermer en disant qu'il hébergeait de moins en moins de familles, de plus en plus d'hommes seuls, et de moins en moins de Kosovars.

Du coup, les émigrés en attente d'un passage vers l'Angleterre se sont concentrés dans un parc du centre ville, où ils dormaient dans des baraques de fortune. Des associations et des bénévoles apportent de quoi manger, des gens du quartier fournissant des repas, des couvertures. A plusieurs reprises, des cafés autour du parc ont donné du lait pour les enfants en bas âge.

Centres d'hébergement archipleins

Mais le 16 août, la préfecture a fait évacuer le parc et a ouvert deux centres d'hébergement, un pour les familles et un pour les hommes seuls. Dans le même temps, la répression s'est accentuée contre les émigrés clandestins. En 15 jours, dans la deuxième quinzaine d'août, il y a eu 650 interpellations, 500 gardes à vue et 139 arrestations.

Fin août, tous les centres d'hébergement étaient pleins. Dans ces centres, les émigrés reçoivent un déjeuner le matin et un repas chaud le soir, rien le midi. Or le centre des célibataires est à 15 km de Calais. Il leur faut donc faire la route, le plus souvent à pied, tenter leur chance au port, et s'ils ne sont pas arrivés à passer, revenir. Pas de repas le midi sous prétexte de " ne pas favoriser l'installation des Kosovars dans les centres d'hébergement ", dit le préfet. En fait, les pouvoirs publics rendent la vie de ces immigrés impossible pour les pousser à quitter Calais et la France. Le 31 août, le préfet a fait fermer le hangar accueillant les célibataires, disant : " Il n'y a pas seulement des familles de réfugiés, il y a aussi des hommes jeunes et forts dont la place est au Kosovo ", alors que là-bas ces réfugiés n'ont souvent plus rien, ni logement, ni travail. C'est dire l'hypocrisie et le mépris de l'Etat et du gouvernement.

Le mépris des autorités

Dans cette affaire, pas plus que le PS ou évidemment la droite, le maire PCF de Calais n'a fait un geste pour aider les réfugiés. Bien sûr, le problème dépasse largement les possibilités de la municipalité. Mais point n'était besoin au maire de demander au préfet d'intervenir face à ce qu'il appelait " l'accroissement du nombre des dégradations et des tentatives d'effractions " entraînées par la présence des émigrés dans le parc du centre ville.

De son côté, le gouvernement anglais concentre les demandeurs d'asile dans le sud du pays. Fin août, il y avait 5 000 demandeurs d'asile. C'est à Douvres, le port où débarquent les ferries de Calais, que la situation est la plus tendue. Fin août, des bagarres ont opposé des jeunes Anglais et des réfugiés.

Depuis un mois, commencent à arriver des émigrés tziganes du Kosovo accusés d'être partisans des Serbes, et qui subissent des exactions d'une partie des Kosovars.

Alors que la misère s'accroît sur la planète, que des pays et des régions entières vivent dans le chaos et la guerre, le nombre de ceux qui fuient la faim et la violence et viennent chercher refuge dans les pays les plus riches ne peut que grandir. La situation à Calais et à Douvres témoigne de la façon scandaleuse dont les autorités des pays développés entendent les accueillir.

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