Turquie : Erdogan ne sait plus à quel saint se vouer15/07/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/07/2711.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : Erdogan ne sait plus à quel saint se vouer

« Aujourd’hui, la Turquie s’est débarrassée d’une honte. Sainte-Sophie vit à nouveau une de ses résurrections. » Ainsi parlait le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en annonçant la reconversion en mosquée du musée de la basilique Sainte-Sophie d’Istanbul, splendide monument de l’époque byzantine.

Le 10 juillet, Erdogan rendait publique la décision du Conseil d’État d’annuler le décret de 1934, pris à l’époque par Mustafa Kemal, dirigeant nationaliste promoteur d’une Turquie moderne et laïque, qui conférait à Sainte-Sophie le statut de musée. Erdogan transférait par là même la gestion du monument du ministère de la Culture et du Tourisme à la direction des Affaires religieuses et le rouvrait au culte. Basilique byzantine de l’ancienne Constantinople, construite au VIe siècle, Sainte-Sophie avait été transformée en mosquée en 1453, lors de la prise de la ville par les Ottomans. Mustafa Kemal ayant affirmé vouloir « offrir Sainte-Sophie à l’humanité », les splendides mosaïques et fresques tapissant les murs et dômes de l’édifice avaient été nettoyées de l’enduit qui les avait dissimulées depuis 1453. Des millions de touristes venaient chaque année les admirer.

Retranché derrière le Conseil d’État dont il a évidemment inspiré la décision, Erdogan peut à loisir fanfaronner et peaufiner sa posture de successeur de Mehmet le conquérant, le vainqueur de Constantinople.

Il veut aussi donner un gage aux franges les plus réactionnaires de son électorat et au parti MHP, son allié d’extrême droite au sein de l’Alliance populaire au pouvoir. Il adresse aussi un signe de mépris à l’opposition, tant du parti kémaliste CHP que du Bon Parti de la droite laïque, dont la représentante, Mme Aksener, a émis une protestation.

Ce genre de geste ne fera certainement pas oublier à la population les conséquences dramatiques de la crise économique. L’inflation qui rend la vie quotidienne très précaire, la chute de la livre turque et le chômage qui atteindrait officieusement 20 ou 22 % pèsent lourdement. La politique belliciste du dictateur à l’égard de la Syrie, puis de la Libye, sans oublier la guerre intérieure vis-à-vis de la population kurde, ne font qu’aggraver la situation.

Le crédit d’Erdogan auprès de la population ne cesse de s’effriter et l’épisode de Sainte-Sophie n’y changera rien.

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