L’ENA supprimée ? changez le nom, la fonction reste24/04/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/04/2647.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

L’ENA supprimée ? changez le nom, la fonction reste

En attendant la conférence de presse présidentielle du 25 avril les médias ont spéculé sur son contenu et, en particulier, sur l’éventuelle suppression de l’École nationale d’administration, l’ENA.

Cette école, fondée en 1945, recrute sur concours et forme les hauts cadres de l’appareil d’État : préfets, membres du conseil d’État et de l’Inspection des finances, secrétaires généraux des ministères, conseillers des cabinets ministériels. On retrouve les énarques dans les conseils d’administration ou à la tête des grands groupes privés et l’école a fourni un bon contingent de présidents de la République et de Premiers ministres. Les médias prêtent aux énarques un puissant esprit de corps, une morgue détestable, une grande puissance dans l’État et une vision purement technocratique des problèmes. Et, dans la mesure où nombre de décisions impopulaires, d’attitudes méprisantes, de fortunes vite acquises à l’ombre des puissants peuvent être imputées à des énarques, la fermeture de l’ENA voudrait signifier que, dorénavant, le gouvernement va se préoccuper de la vraie vie des vrais gens.

C’est une bien médiocre comédie car la morgue des énarques est celle de l’État tout entier. C’est celle de l’argousin qui toise le passant mal habillé, du juge qui écrase un voleur de pommes, du directeur de la santé qui ferme une maternité « non rentable » d’un trait de plume, du ministre de l’emploi qui fait la leçon aux chômeurs. Avant la fondation de l’ENA, l’État était tout autant dur aux humbles parce qu’il était tout autant l’instrument exclusif des possédants.

C’est même la collusion évidente entre l’appareil d’État et les grandes fortunes, illustrée tant à l’époque du Front populaire que pendant la guerre, qui avait amené à la création de l’ENA en 1945. Il s’agissait, disaient ses promoteurs, de recruter plus largement et plus démocratiquement pour disposer d’une haute administration réellement au service du bien public. Comme si c’était une question de mode de recrutement !

Les hauts fonctionnaires sont sélectionnés, triés, préparés par la classe dominante à son usage, dès l’enfance lorsqu’ils en sont issus, dès l’école sinon. Ils apprennent à la servir, de sous-préfecture en ministère, dans le public et le privé, en robe du soir ou en uniforme. La carrière des plus notables d’entre eux, passant des hautes fonctions administratives et politiques à la direction des groupes bancaires et industriels, suffit à illustrer ce fait, l’existence d’une classe dominante et de sa garde rapprochée. La suppression de l’ENA, ou plus probablement son changement et sa substitution par d’autres filières, n’y changerait rien.

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