Dans le monde

États-Unis : une élection sans enjeu pour les travailleurs

Le 8 novembre, quelque 225 millions d’Américains sont appelés aux urnes pour élire la Chambre des représentants, un tiers des sénateurs, douze gouverneurs, de nombreux responsables locaux ou étatiques, et surtout le président. Les derniers jours de la campagne voient se multiplier les coups bas et les arguments bidon.

Un des principaux arguments de campagne d’Hillary Clinton est le bilan économique de l’administration Obama (2009-2016), dont elle dit qu’il a surmonté avec succès la récession de 2008. Et ici même on nous vante souvent le bas niveau du chômage aux États-Unis (5 % officiellement). C’est un bilan trompeur. Des millions d’adultes sont sortis du marché du travail et le taux d’activité, c’est-à-dire le rapport entre la population active et la population totale, a beaucoup baissé.

Clinton, favorite de la grande bourgeoisie

Les millions de travailleurs qui ont perdu leur emploi n’en ont retrouvé un, au mieux, qu’à un salaire inférieur. La richesse globale a augmenté au profit quasi exclusif des privilégiés : les 1 % les plus riches ont capté 85 % de la hausse du PIB (2009-2013) ! À l’autre bout de la société, si 26 millions d’Américains avaient en 2007 recours aux Food Stamps (bons alimentaires) que l’État fédéral accorde aux plus pauvres, ils sont maintenant 43 millions, soit un Américain sur sept. La réalité, pour les classes populaires, c’est la précarité croissante, une exploitation souvent féroce, quand ce n’est pas la saisie du logement pour insolvabilité, suivie d’une vie d’errance, d’emploi précaire en petit boulot, de parc de caravanes en logement insalubre.

Pour le grand capital américain, Hillary Clinton est sans doute maintenant la candidate préférée. Il faut dire que son CV parle pour elle. Sa carrière est liée à celle de son mari Bill, président de 1993 à 2001. Elle fut ensuite sénatrice pour l’État de New York (2001-2009) puis ministre des Affaires étrangères (2009-2013). Comme sénatrice, elle a soutenu le renflouement des grandes banques lors de la crise de 2008 et a prouvé au grand capital son sens des responsabilités. Comme ministre, elle a assumé diverses interventions militaires et a soutenu les dictatures sur lesquelles s’appuie l’impérialisme américain. Malgré le soutien que lui apportent les syndicats ou encore l’ex-candidat dit socialiste Bernie Sanders, peu d’Américains ont des illusions sur elle. Cette candidate, dont la loyauté envers la bourgeoisie n’est plus à démontrer, est surtout celle de la continuité.

Trump, un démagogue sans vergogne

Donald Trump joue précisément sur le rejet suscité par Clinton et sur le sentiment, largement répandu, d’une dégradation des conditions de vie au cours des années Obama. Il manie avec un certain succès cette carte de l’outsider, en particulier parmi les Blancs des classes populaires et moyennes. Il leur promet de ramener les emplois « partis au Mexique ou en Chine », « ces pays qui nous volent nos entreprises et nos emplois ». En réalité, Trump a lui-même fait fabriquer des chemises au Bangladesh, au Honduras et au Vietnam, des lunettes et des cravates en Chine, des costumes en Indonésie, en Inde et au Mexique.

Il vient du sérail capitaliste : héritier d’un patron, magnat de l’immobilier, il est détenteur d’une fortune estimée à 3,7 milliards de dollars, sans pour autant payer d’impôts. Trump est connu comme un patron de choc, qui paie ses employés au salaire minimum et les licencie par milliers quand ils cherchent à s’organiser. Acteur de la télé-réalité, il est connu pour sa phrase fétiche : « Vous êtes viré ! » Sa misogynie, son racisme, sa xénophobie lui ont peut-être aliéné une partie de l’électorat, mais cette sorte de Le Pen américain garde toute une base électorale. C’est sans doute ce qui est le plus préoccupant dans cette élection : même s’il est battu, le relatif succès de Trump montre qu’une partie de la classe ouvrière américaine est sensible à la démagogie xénophobe dont il a fait son fonds de commerce.

En tout état de cause, les travailleurs américains n’ont rien à attendre du scrutin du 8 novembre, si on excepte les rares endroits où des candidats se réclamant de la classe ouvrière peuvent se présenter (voir Lutte ouvrière du 26 octobre). Pour le reste, entre Trump et Clinton, le grand capital est sûr de rafler la mise.

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