Denain : la pauvreté, résultat de la politique patronale02/11/20162016Journal/medias/journalnumero/images/2016/11/2518.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Denain : la pauvreté, résultat de la politique patronale

Un plan Marshall pour la ville, c’est ce qu’a réclamé la députée-maire PS de Denain, dans le Nord, Anne-Lise Dufour lors d’une conférence de presse le 18 octobre.

Selon la maire, « la situation est devenue intenable, ingérable, inacceptable. (...) La désindustrialisation massive a fait de Denain une ville abandonnée dans laquelle il n’y a quasiment pas eu d’investissement » « le taux de chômage [est] de 50 % chez les jeunes âgés de 18 à 25 ans (...) l’espérance de vie moyenne de 58 ans, hommes et femmes confondus, contre 82 ans au niveau national ». En plus, ajoute l’élue, des marchands de sommeil « mafieux » attirent « des populations d’une encore plus grande précarité », c’est-à-dire un millier de Roms qu’elle rend responsables de « scènes de guérilla urbaine ». « On n’a pas encore assez de moyens pour endiguer le problème », a affirmé la députée-maire qui a fait voter dernièrement par son conseil municipal un plan délirant d’installation de 400 caméras – voire 500 – dans les rues de la ville !

Dix jours plus tard, elle élargissait un arrêté municipal interdisant les regroupements dans les principales rues centrales de Denain jusqu’au 31 décembre, « suite à plusieurs incidents survenus ces derniers jours... » notamment par des jeunes qui s’en prennent au matériel du tramway. Et dans une circulaire aux habitants, elle demandait « à l’État des moyens supplémentaires et renforcés pour permettre le redressement et le développement de Denain et du Denaisis, garantir la sécurité des habitants et le vivre ensemble ».

Denain n’est pas devenu une ville inhabitable, mais c’est l’une des villes les plus pauvres, avec Roubaix et Calais, d’une des trois régions les plus pauvres, avec tout le cortège de misère sociale qui accompagne la misère économique.

Mais qui est responsable ? La maire a raison d’accuser la « désindustrialisation massive » des années 1970-1980, la fermeture des mines de charbon et de la sidérurgie entraînant la suppression de dizaines de milliers d’emplois, entre autres dans le bassin de Denain.

En 1978, sous Giscard d’Estaing, l’État a pris le contrôle d’une sidérurgie en faillite pour cause de surproduction, permettant aux barons de l’acier de récupérer des milliards pour les placer ailleurs, avec à la clé un plan de 21 000 suppressions d’emplois.

Il y a eu de fortes résistances, des luttes, des émeutes en 1979 à Denain et Longwy. La répression s’abattit sur les sidérurgistes, mais les syndicats et partis politiques les laissèrent isolés, malgré le soutien qu’ils avaient dans toute la classe ouvrière du pays. Les directions du PCF et de la CGT misaient tout sur les élections à venir, pas sur les luttes. Il fallait chasser Giscard, permettre l’arrivée d’un gouvernement de gauche... alors les problèmes se résoudraient.

L’État lâcha des mesures sociales d’apaisement, mais les fermetures d’usines et les dizaines de milliers de licenciements furent appliqués.

Mitterrand avait promis que la gauche ne supprimerait pas un emploi de plus sans qu’il soit remplacé... Promesse de candidat, jamais tenue par l’élu ! Après son élection en 1981, le gouvernement Mitterrand-Mauroy – avec la complicité du Parti communiste, qui avait quatre ministres – se chargea d’achever la nationalisation de la sidérurgie et surtout sa réorganisation et la poursuite des licenciements.

Il y eut encore de nombreuses luttes contre les licenciements, mais sous l’impulsion de leurs dirigeants, le Parti communiste et la CGT contribuèrent à les limiter, car il ne fallait pas « mettre les camarades ministres en difficulté ».

Réorganisée aux frais de l’État et une fois les dizaines de milliers de licenciements effectués, la sidérurgie put être privatisée, au grand bénéfice des nouveaux rois de l’acier, car vendue au rabais. Quant aux populations du Valenciennois, Denaisis, et autres centres de l’Est et de Picardie, elles furent abandonnées au chômage et à leur sort.

La députée-maire en campagne fait appel à l’État, mais le Parti socialiste au gouvernement n’aidera pas plus la population de Denain qu’il ne l’a fait auparavant. Et il ne faut pas se laisser abuser par les critiques des opposants de droite à la mairie : leurs partis ont largement leur part de responsabilité dans la situation de Denain. Il n’y a pas plus à se laisser abuser par le Front national, lui aussi prêt à critiquer le PS et la mairie, en vue de prendre la place et de continuer la politique de ses prédécesseurs, c’est-à-dire rien, car le problème va bien au-delà de la ville.

Il faut supprimer la misère à Denain, oui, comme dans tout le pays, et pour cela mettre fin au chômage, en partageant le travail existant, en prenant sur les profits pour payer les salaires. Il faut pour cela s’attaquer au pouvoir patronal, ce que ne proposent ni le PS, ni la droite, ni le FN, autant de partis qui font la politique des riches.

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