Dans le monde

La Martinique rejoint la grève

Le 5 février, après une longue campagne de mobilisation sur une plate-forme revendicative, l'intersyndicale des organisations syndicales de Martinique composée de la CGTM, CDMT, CGTM-FSM, l'UGTM, l'UNSA, la CSTM, la CFTC appelaient à une journée de grève le 5 février.

Ce jour-là, dès 8 heures, la cour de la Maison des syndicats était vite remplie et les manifestants se massaient sur le boulevard Général de Gaulle. L'ambiance était chaude. Les manifestants parlaient de leur mobilisation mais surtout de leurs revendications, des salaires, de la vie chère. Après les allocutions des responsables des organisations syndicales, les cortèges des organisations se formèrent, banderoles et drapeaux en grand nombre, et une manifestation impressionnante s'élança dans les rues de Fort-de-France. On pouvait compter 15 à 18 000 personnes qui pendant plus de trois heures lancèrent des slogans, reprenant des chants fustigeant la vie chère et criant leurs revendications.

À la fin de la manifestation, les responsables de l'intersyndicale avaient un rendez-vous à la préfecture. La délégation en ressortit vers 15 heures. Le préfet proposait à l'intersyndicale une première rencontre avec les patrons, la Région, le Département, les parlementaires, dès le vendredi 6 février à 10 heures du matin. C'est alors que l'intersyndicale se prononça effectivement pour la reconduite de la grève.

Avant cela et avant qu'une partie importante des militants ne quitte le cortège, la CGTM avait donné d'ores et déjà un rendez-vous le vendredi matin pour continuer la mobilisation. Rejointe par de nouveaux syndicats et des associations, l'intersyndicale décida de se constituer en Collectif du 5 février pour le pouvoir d'achat et contre la vie chère.

L'organisation de la journée du vendredi se fit de façon un peu dispersée. La CGTM avait entrepris d'aller sensibiliser les salariés de la zone commerciale de la Lézarde au Lamentin. Les autres syndicats (FO-CDMT-UGTM) avaient décidé des « opérations Molokoy » aux différentes entrées de Fort-de-France, et de converger vers le centre-ville puis la préfecture vers 10 heures après une nouvelle manifestation dans les rues.

Malgré une pluie battante, un groupe de 400 manifestants partit du Hall des sports au Lamentin et sillonna à pied la zone commerciale se trouvant tour à tour à Mr. Bricolage, Intersport, Sofrima, Renault, la Librairie Antillaise, Chronopost et plusieurs agences moins importantes. Leur marche était accompagnée de la sono et des slogans très dynamiques comme : « L'huile-a : trop chère, la morue-a : trop chère, loyers-a trop chère, électricité trop chère... ». « Ki sa nou lé ? », « 300 euros net ». À chaque fois, ils se regroupaient devant le magasin et s'adressaient aux salariés pour leur demander de rejoindre le mouvement. Lorsque le patron avait baissé les rideaux et que les salariés se trouvaient enfermés à l'intérieur, ils insistaient pour que les clients et les salariés sortent effectivement. Ceux-ci passaient alors devant une haie d'honneur et la discussion reprenait pour les entraîner dans le mouvement.

À Chronopost, les salariés de l'entreprise ont interpellé les manifestants. Réclamant notamment une prime ultramarine mensuelle de 200 euros, ils voulaient un « coup de main » pour que leur patron les reçoive immédiatement dans le cadre de leurs négociations annuelles obligatoires. Une délégation des manifestants a donc interpellé le patron qui est alors sorti en déclarant qu'il acceptait de recevoir les salariés et de commencer la négociation.

Dans l'après-midi, les manifestants sont retournés à la Maison des syndicats à Fort-de-France. Une partie d'entre eux, sono en tête et en continuant à lancer des slogans, a rejoint le groupe de manifestants de Fort-de-France qui s'étaient massés devant la préfecture pour appuyer la délégation du Collectif du 5 février dans la négociation, jusqu'à la suspension de la première journée de celle-ci, à 22 heures.

La grève continue de plus belle

Lundi 9 février, très tôt le matin, les grévistes avaient choisi de s'adresser aux salariés travaillant dans les zones commerciales situées aux alentours de Fort-de-France, zone des Mangles, zone de la Lézarde ou de Chateau-boeuf. Les accès à ces zones ont été bloqués jusqu'à 9 heures du matin, avec le renfort des camionneurs, et des prises de parole ont eu lieu pour appeler les salariés à rejoindre le mouvement. Puis les grévistes se sont regroupés à la Maison des syndicats à Fort-de-France.

Le gros des grévistes de toutes les organisations syndicales arrivait entre 9 heures et 10 heures, hommes, femmes et enfants, jeunes, se rassemblaient petit à petit. La discussion entre eux allait bon train. Tous étaient écoeurés du départ de Jégo, le secrétaire d'État à l'Outremer, de la négociation qui se déroulait en Guadeloupe. Des tracts sur la situation étaient distribués par les organisations syndicales et politiques et commentés avec intérêt par les uns et les autres.

Vers 10 heures un cortège de jeunes élèves et étudiants rejoignait la manifestation. Ils s'étaient tout d'abord regroupés sur le Bord de Mer à Fort-de-France et avaient fait leur service d'ordre pour protéger leur manifestation.

Environ 20 000 personnes s'ébranlèrent à partir de 10 heures et manifestèrent sur le boulevard de Sainte-Thérèse. Ils rejoignirent le quartier populaire de Dillon à l'entrée de Fort-de-France en scandant avec force et enthousiasme leurs slogans et notamment « l'huile-a : bésé-y », « loyer-a : bésé-y », « impôt-a : bésé-y », « ka nou lé : 300 euros net », ou « Matinik' sé ta nou, Matinik sé pa ta-yo, on band' volè, on band'mentè, nou fouté yo dewo ».

En passant dans les quartiers populaires de Sainte-Thérèse, Dillon ou Volga, des femmes ou des jeunes rejoignirent le mouvement. La manifestation était estimée à 35 000 personnes soit bien plus que celle du jeudi 5 février.

Retournés à Fort-de-France vers 14 h 30, une grosse partie des manifestants se regroupèrent devant la préfecture où avaient repris les négociations entre le Collectif du 5 Février, le préfet, les patrons, la Région, le Département. Là, un podium avait été dressé et des artistes accompagnaient jusqu'à plus de minuit les manifestants rassemblés et la délégation du Collectif.

L'association des maires a annoncé que les mairies fermaient leurs services jusqu'à nouvel ordre en soutien aux revendications du Collectif. Chaque soir, les grévistes tiennent une assemblée générale à la Maison des syndicats pour définir la suite du mouvement.

Le mouvement continue de se renforcer pour arracher les revendications contre la vie chère et pour le pouvoir d'achat, les emplois et les augmentations de salaires.

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