Projet de loi sur les licenciements : De la comédie gouvernementale à la réalité des attaques21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Projet de loi sur les licenciements : De la comédie gouvernementale à la réalité des attaques

Vendredi 15 octobre une partie du projet de loi se rapportant aux licenciements économiques, présenté par le gouvernement aux syndicats, était rendue publique. Comme le notait la CGT cette mouture gouvernementale reprenait pour une bonne part mot à mot le projet présenté quelques mois auparavant par le Medef. En fait, comme le reconnaissait Raffarin lui-même, le but était de rendre encore plus aisés les licenciements collectifs, au nom de la compétitivité, en faisant sauter l'essentiel des quelques freins encore existants.

Mais le lendemain matin, en exclusivité, Le Parisien annonçait certains reculs gouvernementaux. Il en résultait une certaine cacophonie, plus personne ne sachant ce qui restait exactement des remises en cause initiales. Raffarin annonçait dimanche 17, lors de son voyage en Roumanie, que la discussion restait ouverte avec les syndicats, alors que le ministre du Travail, Borloo, et son secrétaire d'État, Larcher, eux, déclaraient lundi 18 que "l'heure n'était plus aux discussions, mais aux décisions".

D'ailleurs le gouvernement faisait savoir mardi 19, alors qu'il recevait par ailleurs les syndicats, que la nouvelle mouture de son projet de loi devrait être présentée, sans aucune autre modification, dès mercredi 20 octobre au Conseil des ministres. Et si c'était le cas, le texte serait soumis en toute urgence au Sénat la semaine suivant le 27 octobre.

Cette nouvelle loi, si elle est adoptée renforcera encore l'arbitraire patronal face aux travailleurs. Malheureusement depuis toujours cet arbitraire-là est la règle en matière de licenciements collectifs.

Tout d'abord, les lois régissant les licenciements économiques n'ont jamais empêché les patrons de licencier. De 1975 à 1989, de 1993 à 2002, l'essentiel des lois votées dans ce domaine ont accompagné la courbe croissante des licenciements collectifs. Elles ont servi à masquer la politique des gouvernements qui laissaient au patronat les mains libres pour licencier, parfois par dizaines de milliers, comme dans la sidérurgie. Pire, les gouvernants du moment, quelle que soit leur couleur politique, s'en sont servis comme dérivatifs, en laissant croire que ces lois allaient limiter les licenciements, sans qu'il soit besoin de s'affronter au patronat.

Bien sûr, même le peu de protection existant dans la loi a servi de point d'appui aux militants syndicaux et aux travailleurs qui voulaient résister, autant qu'ils le pouvaient, à la volonté des patrons de licencier.

Mais le texte de loi envisagé va apporter une aide supplémentaire au patronat, notamment en facilitant les changements du contrat de travail en défaveur des salariés.

Jusqu'ici la loi a toujours permis aux patrons de proposer à leurs salariés la modification de leur contrat de travail. Ceux-ci avaient le droit de refuser. Le patron pouvait alors rompre le contrat de travail, à ses torts, au risque de voir considéré le licenciement comme non fondé. De plus il était tenu de respecter au préalable les lois régissant les licenciements économiques et, s'il ne le faisait pas, tout ce qu'il avait fait pouvait être frappé de nullité.

Avec la nouveauté introduite par le gouvernement, le patron ferait ses propositions librement, sans avoir de comptes à rendre. Ensuite seulement, si des salariés refusaient et si le patron voulait vraiment licencier les récalcitrants, le nombre de refus servirait de référence pour déclencher un plan social, avec les droits qui s'y attachent. Une telle disposition serait évidemment un encouragement pour tous les patrons à utiliser ce moyen de chantage légalisé et pour imposer dans bien des entreprises une remise en cause des conditions de salaire et d'emploi.

Pour le reste, l'essentiel porte sur les limites mises à la contestation devant les tribunaux de ce qui se passerait dans les entreprises lors d'une procédure de licenciement. Une mesure déjà existante serait généralisée, qui permet dans chaque entreprise de conclure un accord qui raccourcisse les délais et soit inférieur à la loi pour le reste. Tout cela aidera les patrons, surtout là où ils se sentent en position de force, pour agir encore plus à leur guise. Et, jusqu'à l'adoption finale de la loi, il peut y avoir encore bien d'autres mauvaises surprises.

Ce projet de loi, et tout ce qui s'est passé autour, tend à enraciner un peu plus l'idée qu'il faut que les travailleurs acceptent d'être mis à la porte pour "sauver" les entreprises et qu'il y aurait là comme une sorte de fatalité. Mais c'est un mensonge!

Le patronat et le gouvernement avec lui veulent profiter jusqu'au bout du rapport de forces actuel pour imposer tous les reculs possibles. Un appel à une réaction collective devrait être lancée jeudi 21 octobre par la CGT. Quelles qu'aient été les hésitations et les arrières-pensées des dirigeants confédéraux, les travailleurs ont tout intérêt à répondre le plus massivement possible aux initiatives qui pourraient être organisées. Car de toute façon, c'est sur le seul terrain de la lutte collective la plus large et la plus déterminée possible que les travailleurs peuvent imposer des véritables reculs et garantir enfin leur avenir.

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