Les patrons immunisés contre une hausse des tarifs postaux ?21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Les patrons immunisés contre une hausse des tarifs postaux ?

Alors que le prix du timbre était déjà passé de 0,46 à 0,50 euro en juin 2003, le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, a demandé au gouvernement de bien vouloir décréter une nouvelle hausse à 0,55 euro pour février prochain, soit une augmentation de 19,56% en à peine deux ans.

Il est vrai qu'un service public qui fonctionnerait correctement nécessiterait davantage de moyens financiers pour payer correctement du personnel, avec des emplois stables et en nombre suffisant pour éviter les queues aux guichets et les retards du courrier, pour assurer réellement un service dans les campagnes au lieu de s'en décharger sur les finances des petites communes. Mais La Poste ne vise nullement à améliorer le service pour les usagers, à l'exception de ceux qu'elle considère comme des clients au profil intéressant, c'est-à-dire les patrons. Pour eux, elle peut prévoir un service sur mesure (La Poste peut venir chercher leur courrier à domicile), au moindre coût.

Et en effet, si le président de La Poste souhaite une augmentation pour l'usager, il exclut "toute mesure similaire pour le courrier des entreprises" car il entend "stabiliser les tarifs du courrier industriel".

Déjà, dans un rapport paru il y a un an, la Cour des comptes conseillait au gouvernement de ne pas mélanger ceux à qui l'on peut faire payer des hausses sans se gêner, et les autres. "L'augmentation du prix du timbre n'est possible en pratique que pour le courrier "égréné"", prétend la Cour des comptes, tandis que "les tarifs applicables aux entreprises et en particulier aux grands clients sont appelés non pas à croître mais à diminuer" sous prétexte que ces tarifs sont "élevés si on les compare à ceux des pays voisins en termes qualité de service/prix". De plus, écrit-elle, "la libéralisation du marché va accentuer cette évolution", du fait que "entre 2002 et 2006, la part du chiffre d'affaires total du courrier soumis à la concurrence passera de 24% à 43%". En particulier, à partir du 1er janvier 2006, une partie importante du courrier industriel, et sans doute la moitié du courrier publicitaire pourront être acheminés soit par La Poste, soit par un concurrent.

D'ores et déjà, La Poste "s'efforce de soutenir son activité courrier industriel et de fidéliser ces grands clients", en particulier les 80 premiers "grands comptes" qui "représentent à eux seuls 30% du chiffre d'affaires total du courrier". La Poste leur propose des contrats avec délai d'acheminement garanti, et elle leur paye des pénalités si le délai est dépassé. Mais ce n'est qu'un début, car "ce dispositif novateur servira également à terme de support à la baisse progressive des prix payés par les grands clients". En conclusion, "La Poste va donc devoir organiser une baisse importante de ses prix sur ses segments d'activité les plus rentables".

Et voilà pourquoi il faudrait que l'usager paye le timbre plus cher, y compris celui qui est obligé de compter chaque sou pour tenter de boucler ses fins de mois! Si toutes ces arguties confirment quelque chose, c'est bien l'absurdité des lois de la rentabilité capitaliste, du marché et de la concurrence.

Partager