De la Grèce à la Hongrie : La menace de faillite, c'est celle du système09/06/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/06/une2184.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

De la Grèce à la Hongrie : La menace de faillite, c'est celle du système

Cette fois, c'est la perspective d'une faillite de l'État hongrois, et de son incapacité à rembourser ses dettes, qui a semé la panique sur les marchés financiers. Le 3 juin, deux hauts responsables hongrois - un secrétaire d'État du nouveau gouvernement (de droite), et le vice-président du parti arrivé au pouvoir lors des élections d'avril dernier - affirmaient que le précédent gouvernement (de gauche) avait menti sur le niveau du déficit public, expliquaient que « la Hongrie était dans une situation comparable à celle de la Grèce » et agitaient la perspective d'une faillite de l'État hongrois.

En vingt-quatre heures, le cours de la monnaie nationale, le forint, chutait de plus de 5 %, la Bourse de Budapest était en chute libre, le coût des emprunts de l'État hongrois commençait à s'envoler... Et l'euro connaissait une nouvelle baisse, tombant en dessous de 1,20 dollar...

Dans les jours qui ont suivi, le gouvernement hongrois revenait sur ses déclarations alarmistes et multipliait les propos rassurants. Le ministre de l'Économie expliquait qu'il y avait eu « un certain nombre de dysfonctionnements dans la communication la semaine passée », et qu' « il est absolument évident que la Hongrie n'est pas la Grèce ». Cela n'a pas empêché le gouvernement hongrois, se servant du climat de crise qu'il avait lui-même artificiellement provoqué, d'évoquer la nécessité d'un « plan d'action pour redresser les finances publiques ». Ce qui n'augure rien de bon pour la population hongroise, qui a déjà subi, en moins de cinq ans, deux plans sévères de « redressement financier » - en 2006 sous prétexte de préparer l'intégration de la Hongrie à la zone euro, et en 2008 en contrepartie du prêt de 20 milliards d'euros accordé par le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne pour sauver le pays menacé de faillite par la crise financière mondiale.

L'épisode est significatif de la façon dont les États se servent de l'explosion des endettements publics et du risque de leur faillite - réel ou supposé - pour imposer des restrictions supplémentaires à leurs populations.

Mais il est surtout significatif de la gravité, du caractère incontrôlé, explosif et dangereux de la phase actuelle de la crise financière. Il a suffi que les dirigeants hongrois parlent d'une faillite de leur État pour que les Bourses des principaux pays occidentaux rechutent, pour que l'euro continue à baisser par rapport au dollar sous l'influence des spéculateurs qui parient sur cette baisse, et pour que les relations entre banques se tendent. Depuis qu'a éclaté la crise de l'endettement des États, les banques répugnent en effet de plus en plus à se faire crédit.

Le spectre d'une faillite de l'État hongrois a encore accru cette méfiance des banques entre elles. Derrière le risque de faillite de l'État hongrois - et, au-delà, des autres États de l'Europe de l'Est et du Sud, mais aussi de l'Ouest et du Nord - il y a en effet un risque de faillite des grandes banques européennes qui en sont les principales créancières.

Certains économistes évoquent à ce propos la possibilité que l'on se dirige vers une crise comme celle que nous avons connue après la faillite de Lehman Brothers en 2008, crise qui avait conduit à une véritable paralysie de l'économie et débouché sur les plans de sauvetage massifs des banquiers et les plans de relance des profits des industriels. Mais les enjeux financiers - et le risque pour les populations - sont aujourd'hui sans commune mesure : ils sont à la hauteur de l'endettement des États consécutif à ces plans. Et cette fois, ce sont les États eux-mêmes qui sont menacés de faillite, quels que soient d'ailleurs les sacrifices qu'ils imposent à leurs populations, sous prétexte de retour à l'équilibre budgétaire.

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