Trois heures de film et un livre sur Lionel Jospin : La dernière séance ?13/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2163.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Trois heures de film et un livre sur Lionel Jospin : La dernière séance ?

Depuis quelques jours, Lionel Jospin fait le tour des médias pour présenter un livre et un film en deux parties de 90 minutes réalisé avec Patrick Rotman, et dont la diffusion est prévue sur France 2 les 14 et 21 janvier.

Sept ans et demi après sa seconde défaite à l'élection présidentielle, Jospin étale son autosatisfaction. Il aimerait que son « récit personnel » soit « utile à tous ceux qui, à gauche, veulent retrouver le chemin du pouvoir ». C'est pourtant bien lui qui l'a perdu en 2002, mais il continue à attribuer les raisons de cet échec à une « sous-estimation de son adversaire Chirac » et au fait que « la gauche était divisée » au premier tour.

Et il estime toujours que son bilan de Premier ministre entre 1997 et 2002 était bon. Dans Le Monde du 8 janvier, il déclare « défier quiconque de trouver une mesure de mon gouvernement contraire à l'intérêt des milieux populaires ou simplement qui leur ait nui ». S'il n'ignore pas que « les partis de gauche percevaient une certaine déception dans ces milieux », il se refuse à en chercher la cause.

Tous ceux qui ont pu l'interviewer ces jours-ci se sont bien gardés de lui demander comment il expliquait qu'avec un bilan si formidable, son gouvernement ait pu perdre 4,1 millions de voix populaires par rapport à 1997. Il faut croire que, pour les classes populaires, le bilan n'était pas si bon.

Comme bien d'autres, depuis le krach de 2008, Jospin se présente comme un partisan d'une « réduction et d'une mise sous contrôle de la sphère financière et de la spéculation, d'une régulation raisonnable de la vie économique, d'une intervention raisonnée des États (...) dans la sphère économique », oubliant apparemment que, quand il était Premier ministre, il fut l'architecte d'une vague de privatisations supérieure à ce que la droite avait pu mener avant lui.

Il fut aussi celui qui expliqua aux travailleurs de Renault Vilvorde, de Michelin et à bien d'autres que « l'État ne peut pas tout », en clair : qu'ils se débrouillent avec leur patron, sans compter sur la gauche au gouvernement. Et s'il continue de défendre la loi des 35 heures, qu'il présente comme ayant créé des emplois, Jospin oublie de rappeler que, loin d'y perdre, le patronat y gagna une plus grande flexibilité des salariés, bien souvent des accords de modération salariale, et toujours une diminution des cotisations sociales.

Non, du point de vue des classes populaires, le bilan n'était pas bon et c'est ce qui explique cette hémorragie de voix, qu'aucun dirigeant socialiste n'a anticipée, et qui a conduit à la réélection de Chirac en 2002.

Jospin reste aussi bien silencieux sur ce vote Chirac auquel la gauche a appelé au deuxième tour contre Le Pen. À l'époque, il n'avait pas été pressé d'ajouter son nom à celui des dirigeants socialistes qui, pour masquer la défaite et surtout éviter qu'on s'interroge sur ses causes, avaient appelé l'électorat de gauche à voter Chirac, alors que les seules voix de la droite suffisaient largement pour battre Le Pen. Mais il l'avait fait quand même.

En apprenant ainsi aux électeurs de gauche à voter pour un homme de droite, le Parti Socialiste a cautionné Chirac et pris la responsabilité de faire qu'une partie de ses électeurs ne voient plus de différence entre voter pour la droite et voter pour la gauche. Il l'a payé par le fait qu'une partie des électeurs du PS ont pu voter pour Bayrou à la présidentielle de 2007, oblitérant ainsi les chances de ce parti d'écarter Sarkozy.

Quant à ce que le Jospin d'aujourd'hui, si d'aventure il revenait aux affaires, aurait à offrir aux classes populaires, c'est peu de chose : un « partage des revenus moins défavorable aux salariés ». C'est tout au plus une formule de politesse en direction de ceux qui constituent le coeur de l'électorat du Parti Socialiste, ceux-là mêmes dont il a piétiné les intérêts quand il était aux affaires.

Après tout, n'est-ce pas Pierre Mauroy, ex-Premier ministre socialiste et ex-maire socialiste de Lille, qui avait remarqué pendant le premier tour de 2002 que Jospin n'avait rien à dire à la classe ouvrière... C'est toujours le cas.

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