Cour des comptes : Un contrôle des finances publiques illusoire13/01/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/01/une2163.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Cour des comptes : Un contrôle des finances publiques illusoire

La mort de Philippe Séguin a donné lieu à un concert d'éloges du côté de tous les politiciens qui le considéraient comme l'un des leurs, et dans leurs louanges ils ont englobé la Cour des comptes, dont Séguin était le président.

En fait de contrôle, le rôle d'une telle institution est limité aux comptes de l'État et des organismes publics, s'arrêtant aux portes des sociétés privées protégées par le secret commercial et bancaire, et il est le fait de hauts fonctionnaires toujours prompts à proposer de nouveaux sacrifices aux milieux populaires.

Si, à travers certains de ces rapports, la Cour des comptes épingle tel ou tel abus de gestion des finances publiques, ce n'est donc pas pour défendre les intérêts de la population. Ses rapports annuels sur la Sécurité sociale donnent des chiffres de « déficits » qui l'incitent à aller dans le sens d'une restriction des dépenses de santé. Celle-ci est même souvent jugée insuffisante : « La Cour observe que la politique de restructuration hospitalière est insuffisamment dynamique, freinée notamment par la distribution d'enveloppes exceptionnelles (...). C'est pourquoi la Cour préconise d'amplifier avec détermination la politique de restructuration engagée par les autorités régionales de l'hospitalisation », peut-on lire par exemple dans un de ses rapports. Cela n'empêche pas la Cour des comptes d'indiquer, parfois, les conséquences catastrophiques d'une politique de réduction de personnel. Ainsi, le service de l'hôpital d'Épinal, dans les Vosges, où 5 500 malades traités pour des cancers ont été surirradiés entre 1987 et 2006, fonctionnait avec un médecin physicien au lieu des deux légalement obligatoires, et encore celui-ci travaillait en parallèle dans une clinique privée, a souligné l'antenne de la Cour des comptes en Lorraine.

Les rapports pointent aussi, bien sûr, quelques-uns des gaspillages liés au gouvernement tels que les « errements » de l'Élysée en frais de sondages, de réceptions ou de voyages, le bouclier fiscal qui fait perdre de l'argent à l'État, ou bien la politique des banques qui, malgré les milliards reçus par l'État au plus fort de la crise financière, ne tiennent pas leurs « engagements » d'augmenter de 3 à 4 % leurs crédits aux particuliers et aux entreprises. Mais les remarques de la Cour des comptes de toute façon ne pèsent pas lourd. Sans guère d'effet sur les choix des gouvernants, ils en ont encore moins quand ils touchent aux intérêts du capital privé. Des rapports publiés en 1997 et 2003 sur la gestion de l'eau pointaient comment les finances publiques locales alimentent les sociétés privées : ils sont restés lettre morte. Il en est de même d'une évaluation d'un organisme rattaché à la Cour des comptes qui a chiffré, début 2009, à près de 6 milliards d'euros les aides aux entreprises provenant de collectivités locales, par le biais de 5 000 régimes d'aides différents. Les dirigeants des entreprises continuent à disposer de cet argent sans que les collectivités locales puissent vérifier à quoi il a bien pu servir.

Il est évident qu'un contrôle des comptes de l'État est indispensable du point de vue des intérêts de la population. Mais la Cour des comptes est loin de remplir cette fonction, et ce contrôle devrait émaner de la population elle-même, et s'exercer autant sur les organismes publics que sur les sociétés privées. Prétendre contrôler les comptes de l'État sans pouvoir tout dire sur les comptes des entreprises et des banques serait illusoire, tant les grandes sociétés vivent aux crochets de l'État et de la Sécurité sociale. Ouvrir les comptes des entreprises permettrait de savoir d'où vient et où va l'argent, de mettre fin immédiatement aux diverses subventions et exonérations d'impôts et de cotisations sociales, et de dégager l'argent nécessaire pour les dépenses publiques utiles à la population.

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