Loi sur la sécurité intérieure : Si ce n'est pas du Le Pen, ça y ressemble19/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1773.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Loi sur la sécurité intérieure : Si ce n'est pas du Le Pen, ça y ressemble

Après deux mois de gesticulations, Sarkozy a présenté au Conseil des ministres et au Parlement son projet de loi sur la sécurité intérieure. L'ensemble des mesures annoncées reprend la démagogie sécuritaire qui a été au centre de la campagne de Chirac, le texte désignant à de nombreuses reprises les immigrés comme cible principale de la lutte contre l'insécurité.

Soit dit en passant, les socialistes qui eux aussi avaient voulu jouer de la fibre sécuritaire durant les campagnes électorales, ont été quelque peu divisés quant au vote qu'ils devront faire. " C'est compliqué ", a dit Marylise Le branchu, l'ancienne ministre socialiste de la Justice. Pas vraiment, si l'on en juge par la teneur du projet de loi de l'actuel gouvernement.

Pour bien souligner que la lutte contre l'insécurité est l'objectif prioritaire du gouvernement, Sarkozy va disposer d'un budget record : 5,6 milliards d'euros de 2003 à 2007, correspondant à la création de 13 500 emplois dans la police et la gendarmerie. Il souhaite par ailleurs que l'ensemble des effectifs soit sur le terrain. Qui s'occupera des tâches administratives ? Une réflexion sera engagée plus tard. Pour l'instant, cela permet à Sarkozy d'annoncer que le " gain net pour la sécurité " sera de 18 000 hommes.

La méthode Sarkozy est claire : " La répression est la meilleure des préventions ". Il entend réprimer en premier lieu les comportements qui selon lui affectent la vie quotidienne de la population : les dégradations, les incivilités, les vols et parfois les agressions physiques. Mais en mettant sur le même plan les actes délictueux et " la mendicité agressive " ou encore " l'envahissement de certaines propriétés privées par des gens du voyage agissant en réunion ", Sarkozy cherche surtout à flatter les préjugés réactionnaires d'une fraction de la population.

Même chose pour la lutte contre la prostitution, Sarkozy prévoit de créer une nouvelle infraction ne concernant que les prostituées étrangères, qu'elles soient en situation régulière ou pas, qui permettrait de leur interdire le territoire français. Que ces mesures ne puissent rien changer au sort des femmes et des jeunes garçons, d'Europe de l'Est ou d'Afrique, jetés par la misère sur les trottoirs des grandes villes françaises et européennes ; que cela ne puisse pas empêcher les réseaux de proxénètes de les faire revenir un peu plus tard avec ou sans papiers, c'est le cadet des soucis de Sarkozy. Il est prêt à annoncer la mise en place d'une bien sinistre " préférence nationale " dans le domaine sordide de la prostitution pour brosser dans le sens du poil ceux qui ont des préjugés racistes et xénophobes.

Dernier volet du projet de loi : la lutte contre l'absentéisme scolaire envisagé uniquement comme un facteur d'insécurité. Ici encore, le gouvernement s'y prend de la pire des manières. Il prévoit d'aggraver les sanctions encourues par les parents dont les enfants dérogeraient à l'obligation scolaire. La mesure n'est pas davantage précisée dans le texte. S'agira-t-il d'amendes allant jusqu'à 300 euros ou de peines de prison, comme le gouvernement anglais en a donné l'exemple ? S'agira-t-il plutôt de supprimer les allocations familiales ? En tout cas ces sanctions ne pourraient que contribuer à enfoncer davantage dans la misère des familles qui ont, la plupart du temps, déjà bien du mal à tenir la tête hors de l'eau.

Parce qu'il ne s'attaque pas à ses vraies causes, au chômage qui dure et à la misère qui s'aggrave, au désespoir social et au manque de perspectives de toute une partie de la jeunesse, ce projet n'apportera aucune solution au problème de l'insécurité et de la délinquance. Le discours musclé du ministre de l'Intérieur sera sans doute un encouragement pour les policiers les plus réactionnaires à jouer davantage de la matraque ou du pistolet, à faire des démonstrations de force voyantes, sans que cela ne règle quoi que ce soit. En attendant, Sarkozy montre que la droite dite " républicaine " est capable de promouvoir une politique de sécurité qui est à peu de choses près celle que préconisait Le Pen dans sa campagne.

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