L'Europe des barbelés19/07/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/07/une1773.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

L'Europe des barbelés

En annonçant conjointement vendredi dernier la fermeture prochaine du camp de réfugiés de Sangatte, les ministres de l'intérieur anglais et français ont voulu mettre l'accent sur la " lutte contre l'immigration illégale", dans la droite ligne du sommet des gouvernements européens à Séville, en juin dernier.

Les contrôles de police seront renforcés à Calais. Davantage de barbelés et de nouveaux dispositifs sophistiqués vont être mis en place à l'accès du tunnel sous la Manche. Les réfugiés de Sangatte qui tentent leur chance de passer en Angleterre seront invités à retourner chez eux. De gré? ou de force. Côté britannique, le gouvernement va durcir la législation sur l'immigration et l'asile, d'ici octobre. Il envisage même de mettre en place la carte d'identité obligatoire, document dont la population s'était très bien passé pendant 50 ans mais qui permettrait de réaliser des contrôles systématiques et la chasse aux sans-papiers.

Les quelques centaines d'hommes qui espèrent traverser la Manche et qui, en attendant subissent des conditions innommables de vie dans ce centre, ont pour unique tort de vouloir échapper à la misère, à la dictature. Mais ce sont eux que l'État a décidé d'attaquer et de stigmatiser.

Cette démagogie anti-immigrés, est d'autant plus choquante de la part d'États qui sont responsables de la situation de misère, de dictature, de guerres, qui secoue une large partie de la planète.

A Sangatte, de nombreux réfugiés sont afghans. L'Afghanistan a connu le terrible régime taliban, sa dictature. Mais le régime taliban n'était pas un problème pour les grandes puissances. Les Talibans ont eu pendant un certain temps le soutien des États-Unis. Puis il y a eu le 11 septembre et la guerre qui a frappé et qui frappe encore de plein fouet la population. Pas plus tard que le 1er juillet dernier, un bombardement allié provoquait la mort d'une cinquantaine de civils. Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui à Kaboul, avec la bénédiction des États occidentaux, sont des chefs de guerre qui sont bien loin d'être des démocrates, et dont les idées réactionnaires n'ont souvent rien à envier aux Talibans. L'Afghanistan est ruiné, après des années de guerre. Mais après avoir dépensé des milliards pour déployer des armées, les grandes puissances ne semblent pas disposées à dépenser le moindre sou pour permettre réellement à ce pays de se développer et se remettre sur pied.

Pourtant, désormais, les réfugiés afghans seront invités à rentrer chez eux, sous prétexte que tout serait réglé depuis la " victoire " des alliés.

Les puissances impérialistes que sont les États-Unis, mais aussi la France ou la Grande Bretagne soutiennent des dictateurs, créent des situations de misère, de guerre. Mais en même temps pas question d'accepter chez elles les populations qu'elles ont plongées dans la détresse. Les gouvernements européens voudraient élever un mur autour de leurs territoires, multiplier les barbelés, les gardes-frontières, les policiers, chasser ceux qui passeraient à travers les mailles du filet. Bien entendu cela ne concerne pas les capitaux et les marchandises !

Cette chasse à l'homme est faite dans un but purement démagogique. En pointant du doigt une population accusée de tous les maux, de la délinquance comme du chômage, ils reprennent ouvertement des thèmes d'un Le Pen. Leur préoccupation, en plus de la chasse aux voix, c'est de cacher les responsables du chômage et des vrais problèmes des travailleurs : car les licencieurs qui mettent des salariés à la rue sont des patrons bien français ! Et pendant que Sarkozy fait du battage sécuritaire, s'en prenant aux réfugiés de Sangatte ou aux prostituées étrangères, d'une autre main, le gouvernement prépare une série d'attaques contre nous, nos conditions de vie, nos retraites, et favorise les plus riches dans la société par les baisses d'impôts et allégements de charges.

En traquant une partie des travailleurs immigrés ils réalisent une pression qui se répercute inévitablement sur tous les salariés. Nous n'avons aucun intérêt à rentrer dans ce jeu. Ne perdons pas de vue nos véritables ennemis : le patronat et les politiciens à son service !

Editorial des bulletins d'entreprise " l'Etincelle " de la minorité du lundi 15 juillet 2002

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