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La relance du nucléaire
Cet article reprend un exposé préparé par des militants Lutte ouvrière d’EDF pour un forum consacré à ce sujet à la dernière fête de Lutte ouvrière.
Le 10 février 2022 à Belfort, Macron annonçait la relance du nucléaire avec la construction de plusieurs nouveaux réacteurs. Les institutions de l’État se sont alors mises au service des intérêts de la filière du nucléaire, sous prétexte de produire plus d’électricité décarbonée ou d’assurer la souveraineté énergétique. Comme rien n’avait été anticipé, les conséquences sur la charge de travail des salariés de la filière ne se sont pas fait attendre. Quant aux conséquences sur la sûreté nucléaire et les tarifs de l’électricité, la population peut d’ores et déjà s’en inquiéter.
Dans son discours de Belfort, Macron annonçait la volonté de l’État d’engager la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR2, avec une première mise en chantier en 2035, et ensuite de huit autres, ainsi que de réacteurs plus petits, appelés SMR. Macron annonçait par ailleurs son souhait de prolonger la durée de vie des centrales actuelles de 10, 20 années ou plus, au-delà des 30 ou 40 ans de durée de vie initialement prévus.
L’Autorité de sûreté nucléaire vient d’autoriser la mise en service du réacteur de la centrale EPR de Flamanville, dont le premier béton a été coulé il y a quatorze ans et demi. Son coût va certainement dépasser les 19 milliards d’euros au lieu des trois prévus initialement. Le démarrage de la production d’électricité est annoncé pour la fin de l’été. Mais cette construction décidée en 2005 n’avait pas pour but de produire plus d’électricité en France. C’était, à l’époque, pour répondre au marché mondial des centrales nucléaires, alors très prometteur. Les capitalistes français de la filière brûlaient d’y prendre leur part, notamment aux États-Unis et en Chine. L’EPR de Flamanville devait surtout servir de vitrine pour la vente à l’export.
Et puis, patatras ! Six ans après la décision de 2005 de construire cet EPR, il y a eu la catastrophe de Fukushima au Japon. En avril 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami a causé la mort de 18 000 personnes, et un accident nucléaire majeur dans la centrale de la région. Cette catastrophe a suscité un tel émoi dans la population mondiale qu’elle a provoqué un tournant de la politique nucléaire de plusieurs États. L’Allemagne a abandonné la petite part de production nucléaire d’électricité dont elle disposait. En France, la doctrine fut alors de réduire progressivement la part du nucléaire dans la production d’électricité. Alors qu’elle était supérieure à 75 %, celle-ci devait être ramenée à moins de 50 %. La décision de fermeture de la centrale de Fessenheim accompagnait cette évolution, alors que des centaines de millions d’euros avaient pourtant été dépensés pour sa remise à niveau.
Un virage politique sans la moindre anticipation
En 2022, Macron a donc changé de doctrine alors que rien n’avait été anticipé.
On nous explique que la construction de nouvelles centrales ou le prolongement de la durée de vie des centrales actuelles répondraient à des besoins nouveaux en électricité, car il faudrait combattre le réchauffement climatique, en produisant de l’électricité avec un bon bilan carbone ; que pour les mêmes raisons, il y aurait des utilisations nouvelles de l’électricité, notamment pour les voitures électriques. Par conséquent, il faudrait produire plus d’électricité d’origine nucléaire, car ce serait, selon le gouvernement, « plus écologique ». Plus écologiques les mines d’uranium et les conséquences de leur exploitation sur les travailleurs et les populations locales ? Plus écologique la production de déchets radioactifs qui resteront sur les bras de l’humanité pendant des milliers et des milliers d’années ? On peut juste dire que cela produira moins de CO2.
D’autres arguments sont mis en avant, car, depuis 2022, les menaces de pénuries d’électricité révélées par les pannes à répétition des centrales nucléaires actuelles ont montré la fragilité du système de production électrique. La guerre en Ukraine et la forte réduction des importations de gaz russe, jusque-là très utilisé dans les centrales électriques allemandes, puis l’envolée des prix de l’électricité ont servi de prétexte pour prétendre qu’il faut assurer une « souveraineté énergétique ».
Mais faut-il rappeler que la France n’extrait plus du tout d’uranium sur son territoire depuis le début des années 2000 et qu’elle s’approvisionne au Kazakhstan, au Niger, en Ouzbékistan ou en Australie ? En vérité, parler de « souveraineté énergétique », avec le nucléaire comme avec tant d’autres types d’énergie, est absurde !
Cette prétendue « souveraineté énergétique » cache juste la volonté de l’État français de protéger les intérêts de ses propres champions nationaux de l’énergie face à la concurrence des autres capitalistes européens de l’énergie, notamment allemands.
Malgré l’enrobage, la décision de développer telle ou telle filière pour produire de l’électricité, pays par pays, alors même que les réseaux électriques des pays européens sont interconnectés, n’a rien à voir avec un choix collectif et conscient pour répondre à des besoins, soigneusement définis collectivement, avec une évaluation consciente des risques et des coûts pour la population. Elle est prise dans le secret des conseils d’administration ou encore par des gouvernements entièrement au service d’actionnaires privés.
C’est pour cette raison que les travaux de l’EPR de Flamanville engagés depuis décembre 2007 ont connu autant de déboires, retards et coûts exorbitants. La décision de construire cette centrale relevait uniquement de considérations financières et commerciales.
Or, depuis des années il n’y avait plus guère, parmi le personnel de la filière nucléaire, de travailleurs suffisamment formés et expérimentés pour effectuer ce travail.
Cela faisait suite à une période, les années 1990-2010, pendant laquelle la financiarisation de l’économie montait en puissance, avec de forts ralentissements d’investissements productifs, et pas seulement dans le secteur de l’énergie. Si bien que le renouvellement de la main-d’œuvre n’était plus vraiment au programme des entreprises de la filière nucléaire.
Autrement dit, EDF et ses partenaires industriels se sont lancés dans un chantier gigantesque alors qu’ils ne savaient plus vraiment faire. On a donc vu toute une série de malfaçons s’accumuler à cause de fournisseurs négligents, employant du personnel insuffisamment formé et des sous-traitants en cascade. Par exemple, une piscine d’entreposage du combustible nucléaire, construite en béton par Bouygues, était trouée comme du gruyère, à cause d’erreurs de ferraillage ; la cuve du réacteur, puis le couvercle construit par Areva, présentaient des défauts ; des soudures n’étaient pas conformes, etc.
Mais peu importe pour les capitalistes : ce désastre financier de l’EPR n’a aucunement empêché une myriade de sociétés de s’en mettre plein les coffres.
EDF, une entreprise au service des capitalistes
Depuis la création d’EDF en 1946, présentée de façon indue comme un service public, les projets de construction des centrales de production d’électricité et les moyens de l’acheminer ont toujours été conçus pour servir d’abord le grand patronat. Lors de la fièvre de la construction des barrages, bien avant l’époque du nucléaire, les bétonneurs des travaux publics, les fabricants de turbines et d’alternateurs géants ont croqué à pleines dents la manne qu’offraient les commandes d’EDF.
De même les industriels gros consommateurs d’énergie ont toujours bénéficié de tarifs de faveur comme Pechiney (aujourd’hui Rio Tinto) pour la fabrication d’aluminium.
Cela n’a jamais cessé. La création des centrales nucléaires a simplement introduit d’autres acteurs et donc d’autres profiteurs, ceux de la « filière nucléaire », c’est-à-dire les bétonneurs, les producteurs des innombrables équipements des réacteurs ainsi que les fournisseurs d’uranium et des sociétés informatiques de toutes sortes. Et bien entendu les gros clients, qu’on nomme les « électro intensifs ».
Tout ce petit monde du grand patronat, aux intérêts quelquefois divergents, voire opposés, sont ceux-là même qui décident en fin de compte de la politique d’EDF, et donc de la teneur des décisions de l’État.
C’est ainsi que les projets de construction se font dans la précipitation, en prenant des mesures pour lever les obstacles réglementaires ou administratifs qui pourraient ralentir la course au nucléaire, en réalité la course au profit.
Toute la presse a évoqué la récente fusion de l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sureté nucléaire, avec l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire. L’ASN a pour mission de prendre des décisions en matière de sûreté nucléaire après s’être appuyée sur l’expertise de l’IRSN qui est chargé d’instruire techniquement les dossiers de sûreté nucléaire.
Cette fusion signifie simplement que le processus d’expertise et d’information du public sera beaucoup moins séparé du processus de décision. Cela ne peut que plaire à la direction d’EDF qui considère souvent les experts de l’IRSN comme des gêneurs. L’instruction par l’IRSN des problèmes de corrosion sous contrainte des circuits de plusieurs centrales nucléaires, qui ont provoqué leur arrêt pendant plusieurs mois, a sans doute motivé la décision de rendre moins indépendante la parole des experts scientifiques.
De nombreux experts se sont élevés contre cette fusion et le personnel de l’IRSN s’est mobilisé massivement à plusieurs reprises pour la contester.
Mais pour le gouvernement, le sujet était prioritaire. Il fallait aller vite car il s’agit de fluidifier, comme il dit, le processus de décision, non seulement pour la construction des nouvelles centrales, y compris des centrales aux concepts novateurs, mais aussi pour les centrales en fonctionnement, dont il faut pouvoir prolonger la durée de vie sans entrave et ne pas les exposer à des arrêts prolongés, sachant que chaque jour d’arrêt coûte un million d’euros à EDF. S’il y a eu, au début, parmi les députés qui devaient voter la loi, quelques hésitations, la grande majorité s’est ensuite pliée aux injonctions, non pas de Macron, mais de la filière nucléaire et d’EDF. Et la loi a été votée le 9 avril de cette année. Et tant pis si la sûreté nucléaire va en pâtir un peu plus.
De nouveaux projets… sans les effectifs nécessaires
Chez EDF, chez Framatome, dans les services d’ingénierie et de recherche et développement, ces décisions prises en 2022 de relancer le nucléaire à brève échéance ont fait l’effet d’une bombe car depuis des années tout le monde se préparait au contraire à un ralentissement.
Depuis qu’en 1999 le dernier réacteur français a été couplé au réseau électrique, les emplois liés au nucléaire ont chuté brutalement. Même depuis la décision de construire l’EPR en 2005, les effectifs ont très peu augmenté dans les services d’EDF dédiés à la conception, au suivi des nouveaux projets ainsi qu’à la préparation de l’allongement de la durée de vie des centrales. L’année 2005 était celle de la transformation d’EDF en société anonyme. Les nouveaux actionnaires voulaient à la fois bénéficier de la rente nucléaire des réacteurs dont la dette venait à peine d’être remboursée et toucher les bénéfices de la vente d’EPR à l’étranger. La construction de l’EPR n’a donc pas enrayé la baisse des effectifs.
En fait, après l’accident de Fukushima et l’effondrement des ventes de nouvelles centrales, la fonte des effectifs chez EDF a repris de plus belle, à la suite de plusieurs plans d’économie aux effets ravageurs. En 2016, il y a eu le projet baptisé CAP 2030, puis en 2020 le projet baptisé du doux nom de Mimosa.
Aujourd’hui, pour construire toutes les centrales annoncées par l’État, la filière nucléaire estime qu’il faudrait atteindre un effectif de 300 000 personnes d’ici 2030. Cela signifierait le recrutement de 150 000 travailleurs en six ans compte tenu des départs en retraite. À EDF même, les besoins sont estimés à 3 000 recrutements par an.
Or, nous sommes bien loin du compte. La directrice des ressources humaines d’EDF a pu dire en mai que le groupe a recruté 10 000 CDI en France en 2023, mais cela n’a conduit qu’à augmenter les effectifs de 5 300 personnes dont 1 500 pour la société EDF SA – qui ne concernent pas seulement le nucléaire – et autant pour Framatome.
Pourtant, EDF ne cesse de porter de nouveaux projets, attirée par de nouvelles sources de financement public, français ou européen. Ainsi, le dispositif France Relance accorde une dotation de 500 millions d’euros pour financer le développement des petits réacteurs nucléaires, comme un SMR d’EDF baptisé Nuward. Pour le développement de ce dernier, EDF est partie pratiquement de zéro et sans prévoir d’embaucher plus en interne. Et au fur et à mesure des études de faisabilité, les équipes se sont rendu compte que ce réacteur décidé à la va-vite risquait de ne pas fonctionner avec les plans prévus initialement. Le PDG d’EDF a finalement décidé de suspendre le projet cet été.
Ce renoncement s’explique aussi par les difficultés de recrutement auxquelles les sociétés impliquées dans le projet ont été confrontées, comme le pointait en avril le journal Les Echos à propos de la société TechnicAtome, un fabricant de chaudières pour les sous-marins. Son vivier de recrutement est en effet le même que pour EDF, Framatome, Orano ou les sous-traitants du secteur. Un article de La Tribune de décembre 2023 titrait : « Les sous-traitants dénoncent les pratiques agressives de Framatome pour débaucher leurs employés. » En effet, s’il existe bien des accords au sein de la filière nucléaire, certains sous-traitants voient régulièrement leurs salariés les plus expérimentés partir vers les grands donneurs d’ordre. Ce vivier de compétences très recherchées n’est pas très rempli car rien n’a été anticipé dans le système scolaire et universitaire et les formations dédiées commencent juste à se mettre en place dans les régions.
Cette évolution constatée pour la conception et la construction des centrales nucléaires a été la même dans la maintenance nucléaire. Cette activité a aussi subi des décisions successives pour faire des économies et transformer l’activité nucléaire en machine à faire du cash, même avant la privatisation de 2004. La maintenance préventive a ainsi été limitée au maximum pour que les centrales soient le plus disponibles possible. Les stocks de pièces détachées ont été réduits et les agents de maintenance ont été contraints de faire durer les pièces. Alors que le rapport était inverse il y a 25 ans, la maintenance est désormais assurée par 20 % de salariés d’EDF et 80 % par des sous-traitants, les fameux « nomades du nucléaire », souvent surexploités, mal formés, mal considérés par EDF.
Dégradation rapide des conditions de travail dans une économie en stagnation
Avec la relance du nucléaire, avec le programme déjà entamé de prolongation des centrales, les conditions de travail se sont considérablement détériorées.
EDF s’appuie aussi de plus en plus sur des filiales ou des start-ups pour faire exécuter le travail à moindre coût par des travailleurs pressurés au maximum. Dans l’ingénierie, c’est une filiale d’EDF et de Framatome, Edvance, qui est chargée de concevoir au plus vite les nouveaux EPR2. Mais les salariés d’Edvance sont encore peu formés et bénéficient de droits moins avantageux que ceux d’EDF.
Quant à offrir des conditions favorables à de jeunes candidats à l’embauche, malgré toute la publicité qui est faite en ce moment dans les médias, cela n’est pas la préoccupation d’EDF. Dans les grandes métropoles, dans la région parisienne ou à Lyon, des postes peuvent rester des mois sans être pourvus, notamment des emplois de techniciens, car les salaires sont trop bas pour se loger dans ces villes et pour y vivre. Pour enfoncer le clou, les dernières mesures salariales décidées par EDF ne bénéficient même pas aux nouveaux embauchés, sans parler de la nouvelle loi sur la retraite qui les écarte du régime particulier des industries électriques et gazières depuis septembre 2023. Aussi, les démissions précoces sont-elles en augmentation.
Il y a donc un gouffre entre l’ambition proclamée de remettre en marche la machine à produire des centrales nucléaires et la situation de la filière nucléaire en termes de ressources humaines et de moyens de production disponibles et mobilisés. Cette situation contraste avec celle qui prévalait lors du programme de construction massive des centrales, dans les années 1970-1980. Pour construire 45 réacteurs entre 1977 et 1981 (contre six à huit réacteurs EPR2 annoncés pour les prochaines années), EDF et l’État avaient lancé, au tournant des années 1960-1970, c’est-à-dire peu avant l’éclatement de la crise économique mondiale, un vaste plan de construction de centrales, certes pour le bonheur des capitalistes de la filière nucléaire et de ceux du BTP.
Cinquante ans plus tard, l’économie capitaliste reste stagnante. Elle est dominée par la finance et les capitalistes sont à la recherche de profits à court terme, réalisés davantage par la spéculation que par la production. On le constate dans tous les secteurs économiques. Les réacteurs annoncés seront-ils réellement construits ? S’agira-t-il seulement d’un effet d’annonce, tant les entreprises de la filière semblent mettre peu d’empressement à recruter ? Le fait qu’EDF passe des contrats avec toutes sortes de start-ups pour développer d’autres petits réacteurs innovants alternatifs, comme dernièrement Thorizon, pourrait laisser croire que dans le cadre du capitalisme pourrissant, il s’agit seulement d’utiliser l’argent public pour tenter de maintenir à coups de milliards les profits capitalistes d’une industrie à bout de souffle.
Quelle conséquence pour la population ?
La population va évidemment payer le prix fort de cette relance du nucléaire. Le surcoût de l’EPR de Flamanville en est l’augure.
Telles que les choses s’annoncent, s’ils se concrétisent, les chantiers de construction de ces nouvelles centrales EPR2 seront aussi ponctués d’aléas très coûteux. Dans tous les cas, ce seront les usagers qui paieront la note.
Il est aussi inévitable que les prix de l’électricité augmentent encore. Les experts estiment que les coûts de production de l’électricité par les nouvelles centrales EPR2 seraient au minimum multipliés par deux par rapport aux coûts de production des centrales actuelles qui sont de l’ordre de 50 euros les 1 000 kWh.
Car en réalité les prix ne s’établissent pas pour épargner au mieux la population, mais pour que les industriels, les capitalistes en tirent le maximum de profit.
Le prix payé par les consommateurs inclut les énormes marges des entreprises qui participent à la construction des centrales, de toutes les entreprises prestataires qui assurent la maintenance et le fonctionnement quotidien des activités des multinationales de l’énergie électrique. Ce prix est encore le résultat de la spéculation sur le marché de gros de l’électricité, qui fait partie intégrante de cette économie.
L’augmentation des prix de l’électricité, de 45 % en deux ans, a ainsi permis au groupe EDF de faire en 2023 un bénéfice net considérable, dix milliards d’euros, et pour le seul premier semestre 2024, sept milliards. Ces bénéfices servent non seulement à payer les entreprises de la filière nucléaire associées aux différents programmes d’EDF, mais aussi à payer les banquiers qui ont prêté de l’argent à EDF. Près de trois milliards de frais financiers ont ainsi été décaissés par EDF en 2023. Et cela ne risque pas de s’arrêter étant donné le montant de la dette.
Inquiétude de la population et opacité permanente de toute la filière
Du fait de son inquiétude bien légitime devant les dangers du nucléaire, une partie de la population souhaite ralentir, voire arrêter les projets de prolongation ou de construction de nouvelles installations nucléaires, que ce soient des EPR2 ou des SMR. Des associations étudient les dossiers instruits par les autorités de sûreté nucléaire et réagissent dès que cela ne tourne pas rond. L’État craint les réactions de la population. Aussi, tout a été mis en œuvre par le gouvernement pour limiter ses possibilités d’intervention. Une loi dite « d’accélération des procédures pour la construction de nouvelles installations nucléaires » a ainsi été promulguée en juin de l’an dernier : les expropriations seront facilitées, les dispenses de permis de construire généralisées, les exploitants pourront déroger à l’obligation de protection des espèces protégées et les manifestations sur les sites nucléaires seront davantage criminalisées.
Il y a aussi le problème du retraitement des combustibles usés. Les capacités actuelles de l’usine Orano de La Hague sont insuffisantes. Selon l’ASN, les capacités d’entreposage des combustibles usés dans des piscines arriveraient à saturation peu avant 2030. La seule pratique actuelle consiste à entasser un peu plus les combustibles dans les piscines existantes. Cela n’est évidemment pas sans poser des questions de sûreté.
Alors, en attendant qu’une usine soit construite, c’est une filiale de Rosatom, le conglomérat russe du nucléaire, qui se charge de cette activité pour EDF, grâce à une dérogation à l’embargo accordée par la Commission européenne, qui a visiblement des principes à géométrie variable. L’accumulation des combustibles usés est donc un risque majeur pour la population. Pourtant, les médias en parlent peu, car il est évident que ce sont les intérêts immédiats des acteurs de la filière qui comptent en premier.
Pour conclure
Parlant de la société capitaliste de son époque, Karl Marx notait dans le Manifeste du parti communiste : « Elle a créé bien d’autres merveilles que les pyramides d’Égypte, les aqueducs romains, les cathédrales gothiques. » Et les centrales nucléaires, que Marx n’a pas connues, en sont un exemple moderne.
Mais à l’époque actuelle, les crises économiques profondes se succèdent sans cesse, comme celle de 2008 ou celle liée au Covid, et le parasitisme de la finance s’accroît chaque jour un peu plus : avec cette pression financière pour toujours augmenter les profits, en faisant sans cesse des économies à tous les niveaux, sur le personnel, sur le matériel, sur la sécurité, on peut douter que cette nouvelle « relance du nucléaire » aboutisse à de grandes réalisations.
Ce qui est sûr, c’est que, grandes réalisations ou pas, nombre de capitalistes, grands ou petits, comptent y faire des profits juteux ; des profits que les travailleurs paieront de leur sueur, la population de son argent ou de sa santé. Les travailleurs ne peuvent s’opposer à cette évolution qu’en exerçant un contrôle direct sur cette filière de l’économie, comme sur les autres filières. Mais pour pouvoir imposer réellement et durablement un tel contrôle, pour maîtriser la production d’énergie, quels que soient les modes de production, il faut enlever les moyens de production des mains des capitalistes qui les possèdent pour les placer sous la direction des travailleurs.
7 septembre 2024