Élections américaines : deux partis au service d’une même bourgeoisie27/10/20242024Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/2024/10/une_243-c.jpg.484x700_q85_box-12%2C0%2C1372%2C1965_crop_detail.jpg

Élections américaines : deux partis au service d’une même bourgeoisie

Après des mois de procès contre Trump et une condamnation, puis deux tentatives d’assassinat contre lui, après le remplacement express de Joe Biden par sa vice-présidente Kamala Harris, la campagne présidentielle américaine tourne à plein régime pour les élections du 5 novembre. Mais pour les classes populaires, durement frappées par l’inflation, comme pour le reste du monde dominé par l’impérialisme américain, l’enjeu de cette élection est limité. Les deux candidats, le milliardaire républicain ex-président et l’actuelle vice-présidente démocrate, diffèrent par le style mais annoncent une politique au fond similaire, dictée par les besoins des capitalistes américains.

Élection dans une société en crise

Les États-Unis, impérialisme dominant, sont un concentré des tares du capitalisme. Le Covid y a tué bien plus que dans n’importe quel autre pays, sous Trump puis sous Biden. L’inflation, plus forte qu’en France, a obligé des millions de travailleurs à cumuler un deuxième voire un troisième travail précaire, sous peine de se faire saisir leur logement par les banques. Une panne de voiture, dans un pays presque sans transports en commun, fait passer des nuits blanches à des millions de travailleurs. Certains débloquent leur épargne de retraite, quand ils en ont une, sachant qu’ils devront alors travailler jusqu’à la mort. Le gouvernement vante le taux de chômage, officiellement très bas, mais moins de 63 % des adultes ont un travail déclaré (contre 73 % en France). Toute une partie de la population survit hors des circuits et des statistiques officiels.

Le nombre de morts par overdose a triplé en dix ans. Dans le seul centre-ville de Baltimore, de moins d’un million d’habitants, ces overdoses ont fait plus de victimes l’an dernier que dans toute la France. Dans la plus grande puissance économique mondiale, pour la première fois (en dehors des guerres), l’espérance de vie recule depuis dix ans.

Mais Biden et Harris vantent tous les jours les succès de leur politique économique. C’est le point de vue de leur classe. Pour tous ceux qui ont de l’argent et vivent du travail des autres, le soleil brille au plus haut. L’indice boursier américain a doublé depuis 2020, et a même été multiplié par huit depuis 2009. L’exploitation accrue des travailleurs, les contrats ultra-­profitables de l’État (notamment militaires), la spéculation, le pillage des pays pauvres portent leurs fruits. Les milliardaires sont quinze fois plus nombreux aujourd’hui qu’il y a trente ans (756 aux États-Unis). Une partie de la petite bourgeoisie, qui a acheté de l’immobilier ou des actions, a reçu une part du gâteau.

Cette explosion des profits sur fond de spéculation financière mène vers le précipice. Des intellectuels s’alarment de l’avenir ; des économistes alertent sur les risques de krach, dénoncent les excès de la finance, réclament des investissements aux capitalistes. Autant demander à une hyène de manger de l’herbe. Parasitaire, aveugle, irresponsable, la bourgeoisie n’a qu’une politique : empocher le magot, et advienne que pourra. Les deux candidats sont bien décidés à poursuivre sur cette voie. Leur campagne en est le reflet.

Des candidats à l’image de leur classe

L’élection présidentielle américaine est le phare du monde démocratique bourgeois. D’un bout à l’autre de la planète, la presse célèbre l’événement censé présider aux destinées du monde.

Le premier grand débat de l’élection, le 27 juin, entre Trump et Biden, était édifiant. D’un côté, un milliardaire clownesque et cynique, qui avait contesté le résultat de l’élection précédente et organisé l’envahissement du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2021 (sans parler des affaires de corruption mêlant trafiquants et actrices pornographiques). De l’autre, un vieillard dans un triste état. Pas un mot sur les problèmes vitaux de la population, mais des insultes et une polémique sur leur classement au golf. La bourgeoisie décadente a des dirigeants à son image.

La campagne électorale dure déjà depuis près d’un an. Elle n’a suscité aucune vague d’intérêt dans la population. Les deux candidats, l’un président et l’autre ex-président, d’accord sur la plupart des sujets qui touchent directement les travailleurs, ne risquaient pas de déclencher l’enthousiasme. Il a fallu la tentative d’assassinat de Trump en juillet, faisant resurgir le risque de violences extraparlementaires, puis le départ « volontaire » de Biden, « encouragé » par l’appareil démocrate au profit de sa vice-présidente, Kamala Harris, pour relancer la machine.

Un enjeu d’influence pour la bourgeoisie

L’élection présidentielle est importante pour la bourgeoisie. Si, en France, seuls quelques dizaines de ministres et hauts fonctionnaires changent après des élections, aux États-Unis ce sont environ 4 000 membres de « l’administration présidentielle » qui sont remplacés, et généralement aussi des milliers d’autres hauts fonctionnaires des ministères et organismes fédéraux.

Les appareils des deux grands partis ont une relation fusionnelle avec l’État et servent de courroie de transmission entre lui et les milieux fortunés. Le cynisme et la corruption éhontée déjà décrits par Lénine dans L’Impérialisme n’ont pas diminué. Comme l’élection présidentielle est indirecte, via les « grands électeurs », la victoire se joue dans quelques États-clés, les plus indécis. Les partis dépensent des milliards de dollars en publicité pour y gagner des voix. Avec un financement politique presque sans limite, la bourgeoisie fait son marché.

Certains bourgeois ont des prétentions idéologiques. Timothy Mellon, héritier réactionnaire d’une grande famille de banquiers de Pittsburgh, a donné 125 millions à la campagne de Trump. Le magnat Bloomberg, Melinda French (l’ex-femme de Bill Gates), qui se veulent progressistes, ont versé des dizaines de millions à celle de Harris.

Mais la plupart n’ont pas de motifs aussi élevés. Trump l’a résumé dans son style fleuri à une assemblée de capitalistes invités à son manoir en décembre 2023 : « Vous êtes pleins aux as, on va vous faire des exemptions d’impôts, […] alors il faut verser quatre fois plus. »

Lui qui disait l’an dernier que les défenseurs de la voiture électrique allaient « pourrir en enfer » a obtenu le soutien d’Elon Musk, patron de Tesla, l’homme le plus riche du monde, qui a lancé et alimenté un fonds de campagne de plusieurs centaines de millions. Trump se dit maintenant « un grand fan des voitures électriques », ajoutant: « Il faut bien, Elon m’a beaucoup soutenu. »

De son côté, Reid Hoffman, propriétaire du réseau social LinkedIn, a versé 28 millions de dollars à Harris en « suggérant » dans une interview que la directrice de la commission fédérale du commerce soit remplacée, car trop agressive envers les monopoles de l’informatique.

Beaucoup de fonds de campagne financent les deux partis en même temps. Leur lobbying s’exerce non seulement en direction du futur locataire de la Maison Blanche, mais aussi de sénateurs, représentants et autres élus républicains et démocrates qui peuvent favoriser leurs affaires. Les entreprises de cryptomonnaie avaient ainsi versé 119 millions de dollars à la fin août. Un milliardaire du secteur, Chris Larsen, a versé 45 millions et, dans une conférence récente avec les dirigeants démocrates, a réclamé la tête du chef de l’agence de surveillance des opérations boursières (SEC), trop favorable à son goût aux banques traditionnelles.

Ces marchandages pour des intérêts particuliers entretiennent un réseau par lequel la bourgeoisie américaine influence directement ses domestiques politiques. Mais sur les questions essentielles, les deux partis s’accordent avec la hiérarchie administrative et militaire qui assure la continuité du pouvoir.

Trump : un milliardaire d’extrême droite

Caricature de l’élite financière new-yorkaise, Trump s’est lancé sur le tard en politique, en 2015, et s’est construit une image d’opposant par un langage et certaines prises de position se démarquant de « l’establishment », en mobilisant sa propre fortune. Pour qui en doutait, ses quatre ans au pouvoir (de 2017 à 2021) ont montré qu’il a vite trouvé sa place dans le « marais » de Wa­shing­ton qu’il prétendait assainir. Mais il entretient son image « anti-système ». Il y a tout intérêt, en raison de la crise sociale qui s’aggrave.

En janvier 2021, il appelait des milliers de manifestants d’extrême droite à contester sa défaite et soutenait l’envahissement du Capitole, siège du Congrès à Washington, franchissant une ligne rouge aux yeux de bon nombre de politiciens. Il se donnait ainsi une base militante extra-parlementaire, qu’il a reniée devant les juges qui ont distribué des centaines d’années de prison, mais qu’il flatte toujours car elle peut lui servir à nouveau.

Depuis 2022, il s’est démarqué en appelant à cesser les financements américains à l’Ukraine, à rebours de la campagne antirusse des médias, proclamant vouloir « garder les dollars aux États-Unis ».

Mais sa campagne accentue surtout ses deux thèmes nationalistes. Ses attaques anti-migrants ont atteint un degré encore plus violent, laissant loin derrière elles celles de Le Pen et de Zemmour. Il explique chaque jour que les immigrants sont « des prisonniers, des meurtriers, des dealers de drogue, des malades mentaux et des terroristes », que « cela va être un bain de sang », que « ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des animaux ». Ce sont des appels ouverts aux agressions anti-immigrés, repris en boucle sur des chaînes de télévision très regardées. Adressée en priorité à sa base réactionnaire, cette campagne vise aussi des couches larges d’électeurs menacés de tomber dans la misère. Trump se pose en « candidat de la classe ouvrière », mais il cherche avant tout à la diviser.

Il dénonce l’inflation et promet qu’il défendra les « emplois américains » par des tarifs protectionnistes agressifs, ce qui ne peut qu’aggraver l’inflation. Il a choisi comme vice-président James D. Vance, un des rares responsables républicains issus d’un milieu ouvrier rural avant de devenir un défenseur acharné des exploiteurs. Trump a aussi changé de ton vis-à-vis des Noirs, dont il courtise le vote sur une base anti-immigrés. Lui qui qualifiait en 2019 une ville noire pauvre de « chaos dégoûtant infesté de rats et de rongeurs » fait maintenant jouer des groupes de hip-hop noirs en introduction de ses meetings, et parle des « emplois noirs », donc subalternes et sous-payés, menacés par les immigrants (le racisme revenant chez Trump même quand il prétend le combattre).

Durant l’année écoulée, Trump dominait tous les sondages. Les démocrates, impuissants, ont lancé une guérilla juridique contre lui : procès pour complot contre l’État, pour fraude électorale, et pour plusieurs affaires de corruption « privées ». Ces attaques ont alimenté son image anti-système. Mais les milieux bourgeois dirigeants savent que Trump sait respecter leurs volontés une fois au pouvoir, et les juges ont donc levé les uns après les autres les obstacles à sa candidature.

Harris : ravalement de façade démocrate

Après le débat de juin et les grandes manœuvres de l’appareil démocrate paniqué par la défaite annoncée, Harris a finalement remplacé Biden, et son parti s’est mis en ordre de marche en vingt-quatre heures. Une femme noire, quoi de mieux pour donner l’impression du changement ? Les démocrates de gauche (ceux qui se disent « socialistes », dont le sénateur Bernie Sanders) et certains dirigeants noirs, critiques envers Biden, se sont empressés de soutenir… la vice-présidente de Biden.

La seule fraction démocrate qui ne s’est pas rangée de son côté est l’opposition « arabe » du parti, autour de la députée d’origine palestinienne Rashida Tlaib. Ce courant n’exigeait même pas de promesse politique, mais demandait qu’une Américano-­Palestinienne puisse prendre la parole à la convention nationale démocrate après les familles des otages américano-israéliens… ce qui lui a été refusé. Harris tient à annoncer la couleur : changer la tête pour que rien ne change, notamment sur la politique américaine au Moyen-Orient.

Toute la carrière de Harris a été celle d’une défenseure de l’ordre comme procureure, c’est-à-dire flic en chef, d’abord de San Francisco, bastion de la petite bourgeoisie « progressiste », puis de toute la Californie. Sur l’immigration, sans reprendre le langage haineux de Trump, elle a constamment défendu la politique répressive de l’État américain, depuis l’échelle municipale où elle a fait livrer des mineurs clandestins à la police fédérale, jusqu’à la dernière loi votée par Biden en juin, qui rend la demande d’asile quasi impossible pour beaucoup d’immigrés clandestins. Elle a d’ailleurs obtenu le soutien de Dick Cheney, ex-vice-président de George W. Bush connu comme « faucon » de la guerre en Irak, et celui de sa fille Liz Cheney, opposante à Trump au sein du Parti républicain.

La campagne de Harris s’adresse à la petite bourgeoisie, devenue la base électorale principale du Parti démocrate. Elle dénonce Trump comme un dictateur qui divise l’Amérique et sème la haine, et se présente comme la candidate de la « diversité » ethnique, sexuelle, religieuse. Cette propagande ne répond en rien aux problèmes des classes populaires menacées de misère (ceux qui sont déjà tombés dans la misère ne votent pas et n’intéressent pas les partis). Le seul sujet sur lequel Harris semble avoir un large soutien populaire est l’avortement – des référendums pro-avortement ont été victorieux récemment même dans des États conservateurs, et Trump a d’ailleurs mis en sourdine ses discours anti-avortement.

Sur les problèmes des travailleurs, Harris n’a rien à dire, sinon défendre systématiquement le bilan de Biden, et se proclamer « candidate des classes moyennes ». Rien dans son programme ne répond à la propagande de Trump sur les « emplois américains ». Comme Biden avant elle, elle a obtenu le soutien des principaux syndicats, liés à l’appareil démocrate, à l’exception du syndicat des routiers, qui a ostensiblement refusé son soutien aux démocrates pour la première fois depuis trente ans. Le seul geste de Harris envers les électeurs populaires est d’avoir, comme Trump, choisi un vice-président à l’image moins élitiste qu’elle : Tim Walz, gouverneur du Minnesota, loin des centres du pouvoir. Venu à la politique sur le tard après avoir été militaire, enseignant de lycée et entraîneur de football américain pendant vingt ans, il avait fait appeler la garde nationale contre les manifestants de Minneapolis, après le meurtre de George Floyd dans cette ville en 2020. Il avait alors reçu les félicitations du président Trump.

Pour l’impérialisme américain, une garantie de continuité

L’impérialisme américain domine le monde, mais fait face à des difficultés nouvelles. Les élections servent à donner un vernis démocratique aux décisions que ses intérêts commandent.

La principale de ces difficultés est la rivalité avec la Chine. Les deux partis sont d’accord pour augmenter les budgets militaires. Trump avait lancé une guerre commerciale, à coups de tarifs protectionnistes… que Biden s’est empressé de poursuivre et qu’il vient d’accroître fortement. En revanche, ils ont longtemps affiché un langage opposé sur la transition énergétique, question importante pour le patronat américain car la Chine a pris de l’avance sur les voitures électriques. Alors que Trump se déclarait partisan du complexe gazier-pétrolier et du moteur thermique, Biden-Harris ont injecté des centaines de milliards en subventions aux capitalistes sous couvert d’« énergie verte ».

Cette opposition affichée est destinée à leurs électorats respectifs. Mais leurs choix réels ont suivi les besoins changeants du patronat américain. Celui-ci sait qu’il va devoir effectuer une transition, mais n’est pas prêt à faire les investissements colossaux requis, faute de technologie éprouvée et de visibilité sur la mise en place d’un réseau des voitures électriques. Il exige avant tout une protection vis-à-vis des concurrents chinois, et des subventions massives. Il y a bien une compétition entre entreprises des deux secteurs – et la victoire de l’un ou l’autre candidat peut avoir des conséquences pour elles – mais les principaux capitalistes sont les mêmes : les groupes automobiles qui touchent les subventions « vertes », et les groupes de l’énergie dont les centrales à charbon ou au gaz tournent plus que jamais pour alimenter les réseaux électriques. C’est pourquoi Trump a annoncé son nouvel amour des voitures électriques, tandis que Harris a enterré ses déclarations passées sur l’interdiction du gaz de schiste. Tous deux se préparent à protéger le grand patronat américain par des tarifs douaniers croissants.

Un autre point est l’armement de l’Ukraine et de l’OTAN. Les véritables dirigeants de l’impérialisme américain, les amiraux et généraux, ont eu l’occasion de vérifier que Trump va respecter leurs volontés, quelles que puissent être ses déclarations isolationnistes provocantes. En se vantant de « négocier la paix avec Poutine en vingt-quatre heures », il annonce une possibilité réelle. Mais déjà lors de la campagne de 2016, il avait promis de quitter l’Afghanistan… avant d’y envoyer des troupes supplémentaires une fois élu. En fait, il appliquera les décisions prises par l’état-major. Les responsables militaires n’expriment aujourd’hui aucune divergence sur la politique ukrainienne des États-Unis : continuer à envoyer des armes en quantité suffisante pour contenir l’armée russe. Cette politique, provoquant une saignée pour les deux peuples, affaiblit la Russie, et n’a qu’un coût modéré pour l’impérialisme américain. Un changement dans la situation militaire pourrait tôt ou tard entraîner une révision de leur position, mais ce ne sera nullement une élection qui en décidera.

Les généraux veulent accroître l’implication militaire américaine en Asie, et cela a un coût qui exigera une révision des priorités. Lorsque Trump menace, en cas d’agression russe, de ne pas protéger les pays européens qui ne paient pas leur part à l’OTAN, il exprime une pression de l’impérialisme américain sur ses vassaux européens, qui peut se renforcer à l’avenir.

Enfin, il y a la guerre au Proche-Orient. Les dirigeants américains ne souhaitent pas une extension de la guerre à toute la région, que leur protégé Netanyahou menace pourtant de provoquer. Depuis des mois, ils le critiquent verbalement, mais continuent à lui fournir des armes sans conditions.

Les deux candidats s’apprêtent à poursuivre cette politique. Harris s’est démarquée de Biden en ayant quelques mots symboliques pour les Palestiniens, tout en défendant sa politique. Trump soutient ouvertement Netanyahou. Ce choix n’est pas, comme on l’entend parfois, le résultat d’une pression électorale d’un lobby pro-israélien. C’est un besoin pour la bourgeoisie américaine. Aucun responsable militaire ou diplomatique de poids, même non élu, ne propose sérieusement de couper les livraisons d’armes à Israël, car l’impérialisme a besoin de son gendarme au Moyen-Orient. Aucun autre régime pro-américain dans la région n’est aussi solide qu’Israël. L’impérialisme engendre un chaos qui peut le gêner demain… peu importe, tant que les profits rentrent aujourd’hui.

Le risque de violences extraparlementaires

La campagne électorale est marquée par une poussée à droite. Parmi les électeurs démocrates, certains craignent une poussée de violences extraparlementaires, par des groupes fascisants. Les deux tentatives d’assassinat de Trump ont renforcé cette crainte. On ne sait pas quels étaient les motifs précis des tireurs, dont le premier était enregistré au Parti républicain. Mais cette évolution est une possibilité réelle, et même inéluctable dans cet ordre social. Les 20 000 manifestants de janvier 2021, dont une partie avait envahi le Capitole, n’ont pas disparu et peuvent se réveiller. Il ne s’agit pas d’une armée fasciste. Encore moins d’un risque de pouvoir fasciste, car la bourgeoisie américaine est aujourd’hui parfaitement satisfaite des institutions en place. C’est pourquoi Trump a selon elle l’avantage, conféré par son autorité sur ces groupes, de pouvoir les canaliser. Le pourra-t-il toujours ? Qu’est-ce qui décidera ces groupes à passer à l’action, à attaquer à plus grande échelle des immigrants, des Noirs, des militants progressistes ? La victoire de Trump, celle de Harris ? Impossible à dire. Mais ce qui est certain, c’est que le vote démocrate ne peut pas protéger contre ce danger ceux qui sont menacés, pas plus qu’ils ne peuvent compter sur les institutions policières (FBI) ou judiciaires de la bourgeoisie.

Encore moins peut-il protéger contre le danger, infiniment plus grand, que ces groupes changent d’échelle, recrutent et encadrent des troupes en masse. Cela sera à l’ordre du jour en cas de crise économique brutale qui poussera des millions de gens à la ruine, en particulier dans la petite bourgeoisie.

Le danger vient aussi du fait que les divisions semées par l’extrême droite, surtout contre les migrants, ont pénétré la classe ouvrière. Elles ont pu le faire d’autant plus facilement que les dirigeants syndicaux réclament plus de protectionnisme pour « sauver les emplois », rendant ainsi les travailleurs d’autres pays responsables du chômage de millions de travailleurs américains, et que les dirigeants démocrates, Biden et Harris, pourchassent ces migrants tout autant que Trump l’avait fait avant eux. Seul un parti ouvrier influent et intraitable sur cette question pourrait combattre l’influence de ces idées dans le prolétariat. Mais un tel parti n’a jamais existé dans l’histoire des États-Unis, et le prolétariat hérite de divisions anciennes, notamment raciales, qui n’ont jamais été surmontées.

Tant que le prolétariat ne se regroupe pas comme une puissance capable de contester l’ordre social, il n’y a pas d’autre évolution possible que ce pourrissement.

Il manque un parti de la classe ouvrière

Le monde court vers un état de guerre générale, chacun le sent à un degré ou à un autre. Les deux candidats vendent, chacun à sa manière, aux électeurs américains l’illusion qu’ils peuvent y échapper. L’un en appelant au sentiment cynique de faire partie de la première puissance mondiale, qui peut user de son gros bâton. L’autre en prétendant apaiser les tensions à l’intérieur même de la société américaine. Les deux sont des menteurs, car ils n’ont aucun pouvoir sur la crise économique et la marche à la guerre.

Il n’y a pas aujourd’hui aux États-Unis de parti ouvrier capable d’influencer à grande échelle ceux qui refusent ce mensonge et veulent combattre l’ordre social responsable de cette catastrophe. Mais il y a des militants qui s’appuient sur la campagne électorale pour défendre cette perspective. C’est la seule chose utile qui peut en sortir. Ils présentent des candidats à l’élection du 5 novembre, au nom du Working Class Party (Parti de la classe ouvrière), dans différents scrutins du Michigan, de l’Illinois et de Californie.

24 septembre 2024

Nous traduisons en annexe la profession de foi du Working Class Party, présent le 5 novembre dans différentes élections du Michigan, de l’Illinois et de Californie.

Profession de foi du Working Class Party

2024 : un programme de la classe ouvrière pour affronter les crises du capitalisme

Nous sommes aux prises avec un système capitaliste mortel régi par la recherche du profit.

Ce système crée de l’inflation, faisant baisser notre niveau de vie, laissant les entreprises, les banques et les groupes financiers s’approprier une part encore plus grande de la richesse de la société. Le capitalisme relègue nombre d’entre nous au chômage, au travail temporaire ou à temps partiel, tout en obligeant d’autres à faire des heures supplémentaires – cela vient aussi de la volonté d’accumuler des profits. Dans un tel système, les travailleurs meurent jeunes, dix voire quinze ans plus tôt que ceux qui profitent de notre travail.

Nous sommes aux prises avec un système qui non seulement prend sur nos écoles, nos routes et nos réseaux d’eau pour dépenser de l’argent dans la guerre ; il se prépare à nous emmener à la guerre.

La guerre est aujourd’hui une entreprise commerciale géante. Les dépenses militaires soutiennent les bénéfices de presque toutes les grandes entreprises du pays, nous privant des écoles et des services dont nous avons besoin. Mais ce n’est pas seulement une question d’argent. Aujourd’hui, les États-Unis sont impliqués dans de véritables guerres en Ukraine et à Gaza, ainsi que dans des guerres de l’ombre au Moyen-Orient et ailleurs. Accepter ces guerres nous prépare à accepter les guerres plus meurtrières de demain. Les travailleurs paieront entièrement le prix de ces guerres, à moins que la classe ouvrière arrache le contrôle aux capitalistes qui nous conduisent à la guerre.

Pour lutter contre l’inflation

Les salaires, les pensions et les allocations d’invalidité devraient être automatiquement et immédiatement augmentés chaque fois que les prix augmentent.

Les capitalistes ne le feront pas. La classe ouvrière devra leur imposer ces augmentations, obliger les grandes entreprises à utiliser l’argent qu’elles donnent aujourd’hui aux riches actionnaires pour garantir tous les salaires.

Se battre pour que tout le monde ait un travail

Répartir le travail disponible entre tous ceux qui veulent travailler. Que tout le monde travaille moins d’heures, mais que chacun conserve une semaine complète de salaire. Un salaire décent. Ralentir le rythme du travail : cela créerait également des emplois pour ceux qui en ont besoin.

Les capitalistes ne voudront pas cela non plus. Mais ils pourraient le payer. Ils ont accumulé des richesses énormes qu’ils ont volées sur notre travail. Nous devons les reprendre.

Pour imposer nos besoins, il faut que la classe ouvrière contrôle la situation

La classe ouvrière se trouve aujourd’hui au cœur même de l’économie. Nous produisons la nourriture, les biens et les services dont la société a besoin ; nous les transportons ; nous assurons leur distribution. Nous travaillons au centre des services financiers.

Nous pouvons contrôler l’économie de la classe capitaliste elle-même, là où se trouve son pouvoir, lorsque nous mobilisons nos forces tous ensemble.

Défendre notre propre classe alors que le capitalisme se dirige vers la guerre :

Pour combattre, nous avons besoin de toutes les forces de notre classe, qui est puissante lorsqu’elle est unie.

Mais pour unir nos forces, nous devons réaliser que des fractions de notre classe sont attaquées violemment de bien des manières, nous laissant divisés. Nous devons nous soutenir mutuellement.

Nous faisons tous partie d’une même classe, Noirs, Blancs, natifs, immigrants, femmes, hommes.

Nous ne changerons pas notre sort par une élection. Mais nous pouvons utiliser cette élection pour prendre la parole, pour montrer qu’il y a des dizaines de milliers de gens qui veulent se battre pour un programme comme celui-ci.



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