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Situation Internationale
Texte proposé par la majorité - Adopté par 97 % des délégués présents au congrès
La « mondialisation », la « globalisation » de l'économie, l'ouverture des frontières devant la circulation des capitaux et, dans une large mesure, des marchandises, l'interpénétration croissante des économies ne se traduisent pas par l'émergence d'un ordre international plus stable. Bien que la division du monde en deux blocs ait disparu avec l'Union soviétique, les foyers de tension ou les conflits ouverts ou latents sont nombreux. À peine une tension semble-t-elle s'atténuer qu'une autre apparaît. Au moment même où un début de réconciliation entre les deux Corées, sous le patronage américain, promet la résorption d'un des plus anciens foyers de tension hérités de la guerre froide, un des plus fidèles alliés des États-Unis, le Pakistan, menace de se transformer en foyer d'agitation islamiste.
L'ordre impérialiste mondial est constamment remis en cause par les soubresauts venant des peuples appauvris et écrasés, soubresauts amplifiés souvent par les jeux des puissances impérialistes concurrentes et rivales.
Jamais la contradiction n'a été aussi aiguë, aussi tangible, entre la nécessité pour les peuples de régler d'un commun accord les problèmes, scientifiques, techniques ou écologiques, qui ne peuvent être réglés qu'à l'échelle de la planète, et l'impossibilité de le faire dans un système basé sur la propriété privée, la concurrence, la course au profit et les rivalités qu'elle engendre. La « mondialisation » impérialiste n'a pas unifié la planète. Elle n'a fait qu'élargir à l'échelle de l'ensemble de la planète l'arène où se heurtent les grands groupes capitalistes, chacun se servant des États, à commencer par celui de l'impérialisme dont ils sont issus, et, à défaut, des bandes armées ethniques, claniques ou religieuses, présentes ou suscitées dans les pays sous-développés.
Sous la domination impérialiste, l'unification de la planète se manifeste sous ses pires formes : la transmission quasi instantanée des soubresauts financiers ou encore les envolées spéculatives du prix des denrées alimentaires sur quelques marchés financiers des pays développés ont pour conséquence la condamnation à mort de millions d'êtres humains supplémentaires.
Signe tangible que la « mondialisation » impérialiste ne prélude pas à un rapprochement entre États, les dépenses militaires, après avoir baissé pendant les années de décomposition de l'ex-Union soviétique, pour atteindre leur montant le plus bas en 1996, ont repris leur ascension pour revenir, en 2005, au niveau qui était le leur à la fin de la guerre froide. Elles ont continué à croître à un rythme rapide. Le budget américain de défense est passé de 318 à 478 milliards de dollars entre 1996 et 2005, soit une augmentation de 50 % en neuf ans.
Ce sont bien sûr les États-Unis qui sont en tête de cette évolution, mais la tendance est la même pour la plupart des grands pays.
Cette course à la fabrication d'armes, qui prend une part croissante dans une production matérielle par ailleurs stagnante, est le reflet des multiples tensions dans les relations internationales, mais constitue aussi une nécessité économique pour la classe capitaliste. Pendant que les dirigeants politiques prêchent le libéralisme économique et font mine de s'élever contre les interventions de l'État, l'économie capitaliste ne survivrait pas sans les industries financées par les États.
Le commerce des armes est un des principaux secteurs du commerce international. L'impérialisme français est, derrière les États-Unis, un des principaux intervenants sur le marché des armes, le marché du discount étant laissé à certains États issus de la dislocation de l'Union soviétique, qui bradent des armements hérités d'une autre époque, ainsi qu'à la Chine.
C'est aussi le terrain d'une concurrence féroce entre grandes puissances, chacune cherchant à protéger sur le marché international ses Northrop Grumman, General Dynamics, Lockheed Martin, côté américain, ses Dassault ou Lagardère, côté français. Avec plus ou moins d'efficacité : ainsi, malgré l'insistance fébrile de son commis-voyageur Sarkozy, Dassault n'aura pas réussi à vendre au roi du Maroc, pourtant généralement bien disposé envers Paris, ses Rafales dernière génération, coiffé au poteau par les F16 de Lockheed Martin. Heureusement pour Dassault, l'État français, qui a déjà largement contribué financièrement à l'élaboration des Rafales, est encore là comme client - le seul pour le moment. L'État n'a pas d'argent pour l'Education nationale ou pour les hôpitaux, mais en a toujours pour Dassault.
Le prétexte politique de cette course à l'armement, principalement du côté des États-Unis, est la lutte contre le terrorisme. Un prétexte plus grossier encore que celui de la possession d'armes de destruction massive que les dirigeants américains avaient attribuée à Saddam Hussein pour justifier l'invasion de l'Irak.
Il faut le cynisme sans limite des dirigeants de l'impérialisme américain pour invoquer le prétexte du terrorisme, s'agissant, par exemple, du système de destruction de missiles nucléaires en vol - le bouclier anti-missiles - et du projet d'en installer sur le sol de la Pologne ou de la République tchèque.
La presse met souvent l'accent sur le fait que la Russie de Poutine, profitant de l'envolée des prix du pétrole et du gaz et donc de l'accroissement des revenus de l'État, se montrerait plus agressive qu'à l'époque d'Eltsine. Mais cette présentation tendancieuse des choses passe sous silence l'installation systématique de bases militaires américaines dans les ex-Démocraties populaires et dans nombre d'États issus de l'Union soviétique. La moitié des quatorze anciennes républiques soviétiques accueillent ou projettent d'accueillir des bases américaines. Sans parler de tous les accords de limitation des armements signés naguère, lors d'un autre rapport des forces, entre l'Union soviétique et les États-Unis et dénoncés unilatéralement par ces derniers (traité START sur la réduction des armements ou traité ABM sur les missiles anti-balistiques). N'en déplaise aux pacifistes et autres chantres du désarmement, ces traités sont faits pour être déchirés dès que le rapport des forces le permet.
Avec la disparition de l'Union soviétique, les États-Unis sont devenus la seule super-puissance du globe et, en tant que telle, le gardien suprême de l'ordre international. Les quelque seize ans qui se sont écoulés depuis qu'ils ont été consacrés dans ce rôle montrent que, s'ils ont les mains plus libres pour intervenir militairement, leurs interventions se sont pour ainsi dire partout traduites par des échecs.
On n'en finirait pas d'énumérer les endroits du globe où les États-Unis sont intervenus, interviennent ou projettent d'intervenir, directement ou indirectement, avec leurs propres forces militaires ou avec celles d'autres pays, ouvertement ou par l'intermédiaire de leurs services secrets. Nous nous limiterons aux plus importants.
L'Irak
Le fiasco le plus manifeste est évidemment l'Irak. Si l'armée américaine n'a pas eu beaucoup de mal à vaincre Saddam Hussein, non seulement les États-Unis n'ont pas réussi à stabiliser le nouveau régime qu'ils ont installé à Bagdad - quant à sa « démocratisation » invoquée, l'expression est tragi-comique tant cette prétention n'était que propagande grossière ! -, mais ils ont contribué à susciter une guerre civile qu'ils tentent de manipuler mais qu'ils sont incapables de contrôler.
L'Irak sous la domination de la « grande démocratie américaine » présente le visage d'un pays déchiré par la rivalité des milices armées et par les conflits communautaires nationaux ou religieux. Ce pays, qui était un des plus prospères du Moyen-Orient, avait été déjà considérablement appauvri par la guerre qu'il avait déclarée à l'Iran, sur l'instigation à l'époque des États-Unis et avec leur appui, puis par la première intervention américaine en 1991 et par le blocus économique qui l'a suivie, avant d'être ruiné par les bombardements américains de la deuxième intervention. L'occupation américaine n'a pas mis fin à cette course à l'abîme, mais l'a accélérée. Les organisations humanitaires estiment à 650 000 le nombre de morts irakiens, pour la plupart des civils. Près de la moitié de la population ne survit que grâce aux rations alimentaires de l'assistance internationale, le système sanitaire est démantelé, deux tiers de la population n'ont pas accès à l'eau potable, l'approvisionnement en électricité est aléatoire et largement inférieur à l'avant-guerre.
Le prix payé par la population irakienne est certainement le cadet des soucis des dirigeants américains. Mais le revirement de l'opinion publique américaine, de plus en plus hostile à une guerre coûteuse en vies pour l'armée américaine aussi et coûteuse sur le plan financier, leur pose des problèmes. En pose sans doute plus encore l'état moral de leur armée. La guerre « fraîche et joyeuse » de l'invasion - en tout cas pour les agresseurs -, menée en bombardant du haut du ciel et sans grand risque les villes irakiennes, s'est transformée en une guerre d'occupation avec des affrontements sanglants, des attentats-suicides, une guerre qui finira par être aussi longue que la guerre du Vietnam.
Etant donné la durée de la guerre, ce sont plus d'un million de soldats de l'armée et plus de 400 000 de la Garde nationale qui ont servi à un moment ou un autre en Irak. Ceux qui en sont revenus ne sont nullement tentés d'y retourner. L'état-major semble avoir de plus en plus de mal à renouveler les effectifs. La durée de présence en Irak a été portée de douze à quinze mois. Pour trouver des « engagés volontaires », l'armée offre des primes de plus en plus élevées ou, encore, elle promet la citoyenneté à des immigrés. Par ailleurs, l'armée fait de plus en plus largement appel, y compris pour les opérations militaires, à des « contractuels » engagés par des compagnies de sécurité privées. Leur nombre est estimé entre 30 000 et 50 000 individus, un tiers environ des effectifs de l'armée régulière.
L'administration Bush est engagée dans une fuite en avant en augmentant le budget consacré à la guerre en Irak, avec la complicité du Parti démocrate désormais majoritaire au Congrès.
Les dirigeants politiques et militaires de l'impérialisme américain doivent jongler avec une contradiction. La présence de l'armée américaine, au lieu de stabiliser la situation, la déstabilise, au contraire. Mais, en même temps, elle ne peut pas quitter l'Irak en laissant derrière elle le chaos.
L'Irak, en lui-même, a une importance majeure pour les États-Unis en raison de sa richesse pétrolière et de sa position stratégique. Il est, de plus, au coeur de ce Moyen-Orient gorgé de pétrole et en même temps globalement explosif.
Il est probablement plus difficile pour les États-Unis de se dégager de l'Irak qu'il ne l'a été de se dégager, à l'époque, du Vietnam : leur importance respective n'est certainement pas la même.
Suivant une stratégie fréquente des puissances impérialistes pour dominer un pays, les États-Unis jouent sur la division des communautés religieuses ou ethniques. Incapables de mettre en place une armée et une police nationales susceptibles de rétablir et de stabiliser l'ordre dans le pays, les États-Unis tentent de miser sur les milices confessionnelles, tribales ou ethniques. Ils en ont fait l'expérience dans la partie nord du pays, avec sa population à majorité kurde. Mais cette stratégie implique la création d'enclaves ethniques ou religieuses plus ou moins homogènes.
En surfant sur les conflits communautaires, les États-Unis les aggravent. Les troupes américaines couvrent les « nettoyages ethniques » - bien que l'expression soit peu appropriée -, voire y participent. Cela préfigure un partage de fait de l'Irak. Une stabilisation sur cette base nécessite cependant un accord avec les États voisins, la Turquie et l'Iran principalement, tous les deux impliqués directement ou indirectement dans la guerre civile en Irak et concernés par ses conséquences possibles.
Les relations avec la Turquie et l'Iran
La Turquie est, certes, l'alliée et la subordonnée des États-Unis. Elle est cependant violemment hostile à l'émergence dans la partie nord de l'Irak d'un État kurde exerçant une attraction sur la fraction kurde de sa population, et susceptible de servir de base arrière aux groupes armés nationalistes kurdes de Turquie. Les incursions actuelles de l'armée turque dans la partie kurde de l'Irak montrent qu'une guerre entre la Turquie, principale alliée des États-Unis dans la région, et le protectorat irakien de ces derniers n'est pas invraisemblable.
Il n'est pas dit que, derrière les rodomontades actuelles contre l'Iran au sujet du nucléaire, ne se dissimulent pas des manoeuvres visant à une réconciliation. Au temps du chah, l'Iran était un des principaux piliers de l'ordre régional sous l'égide des États-Unis.
L'intérêt de la bourgeoisie iranienne est certainement la levée du blocus économique actuel. Que, sous sa pression, le régime iranien soit disposé à renouer des relations avec les puissances occidentales est d'autant plus envisageable que la rupture était venue surtout des États-Unis. Quant à ces derniers, ce n'est certainement pas le caractère théocratique du régime de Téhéran qui les gêne, eux qui s'accommodent si bien de celui de l'Arabie saoudite.
De l'Afghanistan...
Les États-Unis, flanqués de leurs alliés, dont la France, n'ont pas plus réussi à stabiliser la situation en Afghanistan. Là encore, sous le gouvernement Karzaï, présenté comme démocratique, mais dont l'autorité ne dépasse guère les limites de Kaboul, le pays reste dominé par des seigneurs de guerre régnant sur leurs fiefs respectifs.
Non seulement les armées des puissances impérialistes n'ont pas réussi à liquider les talibans, mais l'occupation du pays a permis à ces derniers de se présenter comme des résistants et de mener une guérilla permanente avec des implications déstabilisatrices pour le Pakistan voisin.
... à Haïti
Même en Haïti, l'intervention de l'armée américaine, en février 2004, n'a pas rétabli la paix civile. Rarement, au contraire, le pays a connu autant de violences que pendant les deux ans qui ont suivi cette intervention, de la part des groupes armés se revendiquant du président déposé Aristide ou des bandes criminelles. Les troupes d'occupation de l'ONU qui ont relayé l'armée américaine représentent l'ordre impérialiste, mais n'ont jamais eu pour objectif de protéger la population elle-même. Elles ne font qu'ajouter une bande armée de plus à celles qui sévissent dans le pays. Si, en 2006, l'élection à la présidence de Préval, ancien Premier ministre d'Aristide, a, dans une certaine mesure, atténué l'activisme des « chimères », partisans du président déposé, le pays le plus pauvre de l'hémisphère américain continue à s'enfoncer dans la misère. Il n'a jamais été question pour les États-Unis ou pour la France, deux impérialismes tutélaires, de consacrer ne serait-ce qu'une fraction de l'argent dépensé pour l'occupation militaire à doter le pays d'un minimum d'infrastructures et, à infiniment plus forte raison, à peser sur le patronat, local ou international, qui s'enrichit d'un prolétariat scandaleusement sous-payé.
Les manoeuvres autour de l'ex-Yougoslavie
Plus près d'ici, dans cette Europe dont on dit pourtant qu'elle bénéficie d'une ère de paix, l'intervention de l'OTAN contre la Serbie de Milosevitch en 1999 n'a pas davantage permis la stabilisation de la situation.
Près de dix ans après cette intervention, le Kosovo est toujours occupé par des troupes de l'Eurocorps, en liaison avec l'OTAN. Sa situation juridique internationale elle-même, entre l'indépendance exigée par la majorité albanophone et l'autonomie proposée par la Serbie dont il fait théoriquement partie, est l'enjeu d'un bras de fer entre les pays occidentaux et la Russie. Le pays, soumis aux agissements de mafias et déchiré par l'hostilité entre la majorité albanaise et la minorité serbe, reste un foyer de tensions. Comme l'est la Macédoine voisine, avec sa forte minorité albanaise.
Mais la situation n'est guère plus stabilisée en Bosnie-Herzégovine qui, bien que reconnue comme État indépendant, ne parvient pas à mettre en place un appareil d'État unifié, accepté par les différentes communautés, serbe, croate et bosniaque.
La Yougoslavie de Tito était une dictature. Mais, mise en place dans un combat commun contre l'occupation nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale au nom d'un nationalisme yougoslave transcendant les clivages ethniques ou religieux, elle avait au moins permis aux différents peuples de la Yougoslavie de coexister et aux micro-nationalismes de se résorber progressivement grâce à cette vie en commun. Les vingt ans qui se sont écoulés depuis le début de la décomposition de la Yougoslavie ont montré que le retour complet dans le giron de l'impérialisme n'a fait, sur le plan économique, qu'accentuer la différence entre la partie la moins pauvre de l'ex-Yougoslavie - la Slovénie, désormais intégrée dans l'Union européenne, et la Croatie dont la candidature y est posée - et les parties les plus pauvres. Et la pauvreté constitue d'autant plus un terreau pour l'exacerbation des antagonismes communautaires nationaux ou religieux que des rivalités entre puissances impérialistes se sont greffées sur les rivalités locales.
L'armée française en Côte-d'Ivoire
L'intervention de l'impérialisme français en Côte-d'Ivoire s'est traduite, à son échelle, également par un fiasco. L'accord que le gouvernement français avait imposé, en janvier 2003, à Marcoussis, aux deux camps rivaux qui se partagent le pays depuis la rébellion militaire de 2002 n'a été suivi d'aucun effet. C'est finalement sous l'égide du gouvernement burkinabé que les deux parties ont fini par signer, le 4 mars 2007, les accords de Ouagadougou, mettant fin à la guerre ouverte entre le Nord et le Sud.
Gbagbo, le président en place et gouvernant le sud du pays où se trouve également sa capitale économique, Abidjan, a pris comme Premier ministre Soro, le chef politique des rebelles du Nord. Mais les deux parties du pays ne sont pas pour autant unifiées. Les militaires sécessionnistes du Nord n'ont pas désarmé, pas plus que n'ont désarmé les groupes para-militaires qui, au sud, appuient Gbagbo.
Il ne suffit pas que les chefs politiques des deux entités considèrent qu'il est de leurs intérêts respectifs de s'entendre. Il faut surmonter la coupure de l'appareil d'État lui-même. La montée en grade, par exemple, décidée pour ses membres par la hiérarchie sécessionniste, avec les revenus et les prébendes en conséquence, sera-t-elle acceptée par la hiérarchie restée loyale au pouvoir central ? Fondre dans un appareil d'État réunifié les multiples fiefs qui se sont constitués demande une volonté politique et de l'argent. Pour le moment, il n'y a que les manoeuvres politiques. Il n'est pas dit que les chefs militaires du Nord soient unanimement derrière Soro dans sa tentative de s'entendre avec Gbagbo.
L'élection présidentielle, déjà repoussée par deux fois, l'aura été une fois de plus le 1er novembre de cette année. Si cette situation ne lèse pas vraiment les intérêts des grands capitaux français qui ont mis la main sur les secteurs les plus profitables du sud du pays, ni ceux des bénéficiaires des contrebandes et des trafics en tout genre entre les deux parties du pays et les pays voisins, elle reste dramatique pour la grande majorité de la population. Celle-ci continue à être victime, en plus de la pauvreté qui s'aggrave, des flambées de lynchages ethniques dans les campagnes et du racket des militaires des deux bords.
Le prétendu « processus de paix » lui-même a ouvert un nouveau champ devant les racketteurs en uniforme. Pour préparer l'élection présidentielle, l'accord de Ouagadougou prévoit des « audiences foraines » destinées à fournir une carte d'identité valant carte d'électeur à tous ceux qui n'en ont pas ou qui en ont été volontairement privés sous prétexte de non-ivoirité, pour diminuer le poids électoral de la population issue du nord, réputée plus favorable à Alassane Ouattara, principal rival de Gbagbo, qu'à ce dernier. Mais ces « audiences foraines » n'avancent pas et, de plus, ceux qui s'y rendent se font systématiquement dépouiller par les militaires chargés d'en assurer le bon déroulement.
L'Afrique : des États en décomposition
L'aspect le plus marquant de l'évolution de la situation politique en Afrique est la décomposition de l'appareil d'État dans plusieurs pays. La Somalie, où il n'existe qu'un pouvoir central virtuel, en constitue l'exemple le plus frappant. Les bandes armées tribales se disputent périodiquement jusqu'aux différents quartiers de la capitale, Mogadiscio, le pays étant partagé entre des seigneurs de guerre avec une délimitation fluctuante de leurs « zones de souveraineté ». Ni l'intervention directe de l'armée américaine en 1993 ni son intervention indirecte via l'armée éthiopienne depuis 2006 n'ont mis fin à cet état de choses.
Mais il en est ainsi de bien d'autres pays d'Afrique, y compris un des plus grands et des plus peuplés, le Congo ex-Zaïre, un des plus riches aussi. Il est vrai que l'unité de ce pays issu de découpages coloniaux n'a jamais été complètement assurée. Mais, depuis plusieurs années, des régions entières, comme le Kivu d'une superficie plus étendue que celle de la Grande-Bretagne, échappent complètement au pouvoir central de Kinshasa, et surtout s'y déroulent en permanence des guerres locales entre factions, soutenues et armées ici par les gouvernements de pays voisins, là directement par des trusts miniers ou par les deux à la fois. Ces guerres locales font surgir des pratiques particulièrement barbares comme les enfants-soldats, ou les atrocités envers les femmes, comme méthodes pour terroriser la population et démoraliser l'adversaire du moment.
Dans cette partie du Congo, toute une génération n'a connu qu'une vie de fuites devant les bandes armées, errant de camps de réfugiés en camps de réfugiés. Des paysans dans l'impossibilité de récolter, même lorsqu'ils ont pu semer, réduits à la cueillette, se nourrissent de feuilles. Mais, pendant ce temps, la hausse des prix, sur le marché international, des matières premières extraites du sous-sol du Congo, monopolisées par les grands trusts internationaux, font grimper le PNB dans les statistiques, faisant dire aux commentateurs que, sur le plan économique, l'Afrique est en progrès.
Une partie croissante de la population est condamnée à la même vie d'errance, non seulement au Darfour, dont la presse peut parler d'autant plus aisément que c'est le gouvernement soudanais qui est mis en accusation - et, derrière lui, la Chine, son principal soutien sur le plan international -, mais aussi et de plus en plus au Tchad ou en Centrafrique. L'armée française est présente dans ces deux pays, mais elle ne joue nullement le rôle d'un pacificateur, elle est un des éléments du jeu d'alliances ou d'hostilités entre les différents groupes armés. Ce jeu respecte d'autant moins les frontières entre le Soudan, le Tchad et la Centrafrique que les mêmes ethnies sont souvent présentes de part et d'autre de ces frontières.
Cette décomposition étatique n'est pas nécessairement un problème pour les trusts capitalistes qui pillent les richesses minières ou forestières de l'Afrique (ils se payent les services du seigneur de guerre le plus puissant). Elle en est un cependant, dans une certaine mesure, pour leurs États, pour les puissances impérialistes chargées de veiller sur l'ordre.
« Les plus grandes menaces proviennent désormais davantage de l'intérieur des États que de leurs relations extérieures », aurait déclaré Condoleezza Rice, exprimant par là la nécessité pour les grandes puissances de donner aux appareils d'État nationaux les moyens de se renforcer. Mais, en réalité, c'est un voeu pieux. Pas seulement parce que remettre d'aplomb des appareils d'État pourris, minés par la corruption, cela coûterait de l'argent dont les puissances impérialistes sont chiches, sauf dans les régions où leurs intérêts vitaux l'exigent (il est plus facile de vendre des armes à des régimes corrompus que d'assurer, par exemple, la paie des militaires). Mais, de plus, ce sont souvent les puissances impérialistes elles-mêmes qui financent et arment des groupements oppositionnels, soit pour contrer un régime qui leur déplaît, soit simplement dans le cadre de rivalités entre elles. Que l'on se souvienne seulement du rôle joué par les États-Unis dans l'émergence des talibans en Afghanistan ou dans l'armement de factions opposées en Somalie.
La Palestine
Quant à la situation en Israël et en Palestine, il n'y a malheureusement rien de nouveau, sauf peut-être la reprise d'une certaine agitation diplomatique de la part des États-Unis. Ils continuent de soutenir pleinement l'État d'Israël, leur allié et subordonné le plus sûr au Moyen-Orient. Malgré quelques déclarations contre la poursuite de l'implantation de colonies israéliennes en Palestine, les États-Unis laissent faire. Comme ils laissent faire la politique de répression, le blocus destiné à étouffer le territoire de Gaza contrôlé par le Hamas, et bien entendu toute la stratégie de l'État d'Israël niant le droit des Palestiniens à l'existence nationale.
Si les États-Unis ont cependant des raisons de s'inquiéter de l'affaiblissement relatif de l'État d'Israël, montré par la demi-défaite de l'armée israélienne face au Hezbollah, en 2006, au Liban, toute cette agitation diplomatique est surtout destinée à conforter un peu la position de Mahmoud Abbas dans son conflit avec le Hamas.
Non seulement la perspective d'un État palestinien ne s'est pas rapprochée pendant l'année écoulée, mais sur le morcellement du territoire palestinien s'est greffée la coupure en deux de cette caricature d'État qu'est l'Autorité palestinienne. À l'oppression de l'État d'Israël s'ajoute la violence des milices des deux bords, préoccupées surtout de prendre l'avantage sur l'appareil concurrent. Tout cela sur la base d'une évolution dans un sens réactionnaire qu'expriment non seulement l'influence de l'organisation islamiste qu'est le Hamas, mais aussi l'évolution dans un sens religieux du Fatah - organisation à l'origine non confessionnelle - comme l'illustre la mise en place d'une véritable « police des moeurs » à Ramallah, chargée de faire respecter le ramadan et d'intervenir contre les comportements non conformes à la religion.
La politique de l'impérialisme américain et l'oppression de l'État d'Israël poussent à une évolution fermant la perspective d'une entente entre les deux peuples, israélien et palestinien, non seulement sur le plan matériel mais aussi sur le plan moral, alors qu'ils sont destinés à vivre ensemble.
L'Union Européenne dans tous ses états
Pour ce qui est des institutions de l'Union européenne, les chefs d'État d'Europe, celui de la France en premier lieu, n'ont pas mis beaucoup de temps pour concocter un moyen de fouler aux pieds le refus, au printemps 2005, du traité constitutionnel européen par les électorats français et néerlandais. L'exercice consiste à faire du neuf avec du vieux en raccourcissant le texte rejeté, à élaguer quelques termes qui pouvaient fâcher les électeurs comme le passage sur « la concurrence libre et non faussée », et surtout à ne pas renouveler l'erreur de demander aux électeurs leur avis par voie référendaire. Pour ne pas froisser les souverainistes, on ne parle plus de « Constitution » mais de « traité » ; on écarte le titre « ministre européen des affaires étrangères » au profit d'un autre, ô combien plus simple, « Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » !
À part ce bel exercice d'hypocrisie, le nouveau traité dit simplifié est sensiblement le même que le projet de Constitution rejeté, sur ce qui préoccupait vraiment les dirigeants politiques : comment organiser le fonctionnement des institutions à 27, tout en assurant aux principaux pays capitalistes le contrôle, ou du moins un droit de veto, sur les décisions prises. Car, contrairement aux stupidités véhiculées par bien des altermondialistes ou des gauchistes, ce qui posait problème aux responsables politiques de la bourgeoisie n'était pas le souci de « graver dans le marbre de la Constitution » la course au profit et la concurrence. Le capitalisme n'a pas besoin de Constitution pour imposer ses lois, et il ne suffit pas de biffer quelques paragraphes dans un texte ou d'en modifier d'autres pour faire de l'Union européenne l'Europe des peuples.
Ce nouvel échafaudage réglant le fonctionnement des institutions européennes a été accepté par les 27 chefs d'État ou de gouvernement au sommet européen de Lisbonne le 19 octobre 2007. Pour ce qui est de la France, le Parlement sera invité à le voter au mois de décembre en se passant, donc, d'un nouveau référendum, sous prétexte qu'en élisant Sarkozy, la majorité de l'électorat a voté pour tout ce qu'il dit et fait, et son contraire.
Ministres et commentateurs se sont félicités de cette « élégante » sortie de l'impasse institutionnelle et se sont réjouis du nouveau démarrage, un de plus, de la construction européenne. Mais l'avenir de l'Union européenne dépend moins de ces jongleries sur les textes que de la réalité économique, dont la détérioration risque de porter sur le devant de la scène la concurrence et les rivalités entre les différents pays d'Europe.
Les concessions mutuelles et laborieusement négociées entre les puissances européennes pour ne pas disparaître dans la concurrence internationale face aux États-Unis ou au Japon n'ont mis fin ni aux rivalités entre les États qui composent l'Union ni à la concurrence entre les trusts dont ils représentent les intérêts. Les institutions européennes constituent seulement une arène supplémentaire où les intérêts contradictoires s'affrontent et se marchandent.
Les récents scandales concernant EADS, une des rares entreprises européennes, ont levé un coin du voile sur la sourde lutte qui se déroule à sa tête, entre les intérêts allemands et les intérêts français. Dans le cas d'Airbus, cela s'est traduit par un retard dans la date de commercialisation de l'avion A 380. EADS et plus exactement sa filiale Airbus sont pourtant en concurrence avec l'américain Boeing. Pour ce qui est d'un autre projet européen, le système de localisation par satellite baptisé Galileo, les rivalités nationales risquent de le faire complètement capoter.
Le système Galileo est pourtant destiné à permettre à une dizaine de groupes capitalistes d'Europe de s'associer pour mettre fin à l'hégémonie américaine du GPS. L'opération devait aboutir à ouvrir un nouveau marché, évalué à 300 milliards d'euros, devant de grandes entreprises comme, en France, Alcatel ou Thalès, et à mettre sur orbite une constellation de trente satellites. Mais, en raison de rivalités nationales, de méfiances entre entreprises concurrentes, un seul satellite expérimental a pu être mis sur orbite, et les délais sont repoussés au point de laisser le temps à l'américain GPS d'élaborer un nouveau système plus performant qui risque de couper définitivement les ailes au projet Galileo.
L'euro lui-même, la monnaie pourtant commune, constitue une pomme de discorde. La spéculation sur les monnaies a accentué la hausse du taux de change de l'euro par rapport au dollar. Alors que la France et l'Italie crient à la menace sur leurs exportations et demandent à la Banque centrale européenne une politique visant à faire baisser le taux de change de l'euro, l'Allemagne dont les exportations ne sont pas structurées de la même manière se félicite, au contraire, de l'euro fort.
Quant à la partie pauvre de l'Union européenne, les États baltes issus de la décomposition de l'Union soviétique ou les anciennes Démocraties populaires, elle n'a guère droit à la parole. Le pays le plus peuplé des pays de l'Est européen, la Pologne, qui s'est longtemps opposée d'abord au projet de Constitution européenne puis à son remake raccourci, a dû finir par rentrer dans le rang.
L'Europe de l'Est dans son ensemble, arrière-cour pour les grands groupes industriels et bancaires d'Europe occidentale, est destinée à le demeurer non seulement sur le plan économique mais, aussi, sur le plan politique.
L'évolution politique des pays européens, ceux de l'Union européenne compris, témoigne du fait que la montée des idées réactionnaires ne se limite pas aux pays économiquement et culturellement arriérés. En Pologne, le parti des très réactionnaires frères jumeaux Kaczynski a été, certes, battu par le parti de Donald Tusk. Mais si la nouvelle équipe gouvernementale est plus ouverte sur l'Europe, elle est tout aussi réactionnaire que son concurrent de droite. Elle n'a nullement l'intention de s'en prendre à la toute-puissance de l'Eglise catholique ni de supprimer des lois particulièrement rétrogrades à l'égard des femmes (interdiction de l'IVG, difficulté pour le divorce, etc.). Il est vrai que ce sont les partis considérés comme de gauche, issus pour partie du mouvement Solidarnosc ou de l'ex-parti stalinien, qui ont déblayé le terrain devant la droite et l'extrême droite en imposant, lorsqu'ils étaient au pouvoir, la marche forcée vers les privatisations, le capitalisme sauvage, et en flattant l'Eglise comme les sentiments nationalistes.
En Hongrie également, c'est le parti socialiste actuellement au pouvoir, issu de l'ancien parti stalinien, qui, par l'enrichissement écoeurant de ses principaux dirigeants et par sa politique d'austérité et de démolition des protections sociales pour les classes laborieuses, est en train de déblayer la voie devant l'extrême droite au point que les groupes para-militaires de cette dernière peuvent parader dans la capitale avec l'autorisation de la police.
Mais cette évolution réactionnaire touche également la vieille Europe des démocraties impérialistes. Cela se manifeste en Suisse par la montée du parti de Christoph Blocher, émule local de Le Pen, ou encore en Belgique par la montée de la démagogie séparatiste.
La Russie : les calculs de Poutine
Pour ce qui est de la Russie, le fait politique notable de cette année est la manoeuvre inventée par Poutine pour rester au pouvoir alors que la Constitution ne lui permet pas de se présenter à l'élection présidentielle pour la troisième fois d'affilée.
Plutôt que de modifier la Constitution, il semble avoir choisi de se présenter à la tête de son parti aux élections législatives, prévues pour décembre 2007. Si, comme cela paraît vraisemblable, ce dernier sort victorieux de ces élections, il compte occuper le poste de Premier ministre, laissant la présidence à un homme lige. Il préserverait ainsi la possibilité, à la fin du mandat de son successeur ou en le poussant à une démission anticipée, de se représenter à la présidence.
Ce qui lui permet d'envisager avec une chance de succès ce scénario, c'est que la hausse des prix du pétrole et du gaz naturel assure à l'État russe des revenus nettement accrus. Il a plus ou moins réussi à enrayer la décomposition de l'État russe et a permis le retour de ce dernier sur la scène politique internationale.
Ce calcul peut, bien sûr, se révéler faux, et l'éventuelle marionnette laissée à la présidence refuser de s'effacer. Mais l'ambition de Poutine n'est pas seulement celle d'un homme qui peut être contrecarrée par l'ambition d'un autre. Il est le représentant d'un clan de la bureaucratie qui, pendant les huit ans de pouvoir présidentiel de Poutine, a mis la main sur nombre de rouages de l'appareil d'État et bon nombre de médias, et en particulier les chaînes de télévision nationales, susceptibles de toucher l'ensemble de cet immense pays.
Par ailleurs, alors que son prédécesseur Eltsine avait bradé au privé toute une partie des entreprises industrielles ou minières, le clan Poutine a repris le contrôle des entreprises stratégiques, notamment de Gazprom, pour s'en servir comme d'un instrument politique aussi bien à l'intérieur que sur la scène internationale.
L'Amérique latine
Depuis 1998 et l'élection de Hugo Chavez à la tête du Venezuela, une série d'autres élections, notamment celles qui se sont déroulées entre novembre 2005 et décembre 2006 dans onze pays du continent latino-américain, a confirmé une sorte de basculement à gauche des électorats et l'accession - ou le maintien - à la tête de la plupart de ces États de dirigeants se disant de gauche ou tenant un langage progressiste : Lula au Brésil, Kirchner en Argentine, Bachelet au Chili, Correa en Equateur, Moralès en Bolivie, Ortega au Nicaragua.
L'exemple de Lula, un des plus anciens à son poste de ces dirigeants de gauche, a montré qu'une fois au pouvoir la gauche latino-américaine ne se comporte guère différemment de celle d'Europe occidentale. Lula, élu grâce aux espoirs et aux illusions des masses déshéritées du Brésil, a été tout autant que ses prédécesseurs l'exécutant des volontés du grand capital local ou international.
Les plus radicaux de ces dirigeants comme Moralès, Correa et surtout Chavez, inspirent cependant toute une mythologie dans une partie de l'extrême gauche européenne. Il s'agit généralement de ceux qui sont revenus de leurs anciennes amours vis-à-vis de Castro, pour passer à la fin des années soixante-dix à l'adulation du régime sandiniste du Nicaragua. Hugo Chavez, avec ses discours anti-américains, son nationalisme économique, son amitié pour Castro, ses gestes de solidarité en direction des pays pauvres d'Amérique latine en utilisant le pétrole ou les revenus qui en découlent, ses mesures en faveur des classes populaires de son pays, a tout pour plaire à ce milieu politique.
Si Chavez comme Moralès ou Correa bénéficient manifestement du soutien des classes populaires de leurs pays respectifs, ils ne représentent cependant ni de près ni de loin les intérêts politiques de la classe ouvrière de ces pays, pas plus que des perspectives communistes. Ils ne le prétendent d'ailleurs pas. La « révolution bolivarienne » dont Chavez se fait le chantre tient du péronisme, et pas de la révolution.
Car il est à souligner que Castro, sans être un révolutionnaire au sens prolétarien du terme, a tout de même été porté au pouvoir par un soulèvement paysan qu'il a su diriger et encadrer. Ce soulèvement lui a donné une assise populaire solide qui lui a permis de résister aux pressions, voire à l'agression militaire, de l'impérialisme américain et d'effectuer à l'intérieur du pays des changements sociaux appréciables. Ce n'est le cas ni de Chavez ni de Moralès ou de Correa.
Face aux pressions de l'impérialisme américain ou de la grande bourgeoisie locale qui ne le porte pas dans son coeur, les communistes révolutionnaires sont bien entendu solidaires de Chavez, mais ils n'ont pas à lui attribuer un engagement politique qu'il n'a pas. Et ce n'est pas une simple question de vocabulaire.
Une compréhension juste ou, au contraire, embellie de ce que sont et représentent Chavez ou Moralès, ne change rien pour eux mais cela change beaucoup pour la formation de militants qui se revendiquent du communisme.
L'histoire des soixante dernières années a vu surgir dans les pays pauvres et prendre le pouvoir bien des mouvements qui avaient pour objectif de desserrer l'emprise de l'impérialisme sur leurs pays et de tenter de développer l'économie sur une base nationale. Le plus important, et de loin, a été le mouvement de Mao Tsé-toung en Chine. Le régime maoïste a réussi, certes, à débarrasser la Chine d'une grande partie de son arriération féodale et a procédé à une certaine industrialisation, à l'abri de la pénétration des trusts impérialistes sous la protection de ses frontières et de ses barrières douanières.
Mais la Chine, malgré tous les atouts qu'elle avait par sa taille, sa population et la variété de ses ressources, a fini non seulement par réintégrer l'économie impérialiste mondiale, mais elle en est même devenue un élément important.
Le régime de Mao, malgré son vocabulaire autrement plus radical que celui de ses très pâles copies d'aujourd'hui, malgré la capacité qu'il a montrée pendant longtemps à tenir tête aux États-Unis, non seulement n'a pas mis en cause la domination impérialiste, mais il est devenu aujourd'hui la courroie de transmission de celle-ci contre les classes populaires chinoises. L'immense paysannerie crevant de misère dans les campagnes laissées dans l'arriération ou chassée vers les villes, et la classe ouvrière, soumise à des conditions d'existence dignes du temps de la révolution industrielle en Europe au 19e siècle, sont confrontées à une bourgeoisie qui s'enrichit grâce à un capitalisme débridé.
Quant aux émules de Mao des années soixante et soixante-dix, ils ont disparu ou ils se sont intégrés dans l'ordre mondial. Des régimes qu'ils ont installés, il ne reste que quelques vestiges en voie de disparition en Corée du Nord, au Vietnam et à Cuba. Il y en eut, pourtant, dans ces années, des régimes dont les dirigeants se proclamaient anti-impérialistes !
Mais le seul anti-impérialisme qui en soit réellement un, c'est celui qui a pour objectif la destruction du système capitaliste lui-même par la seule force sociale qui en a la capacité historique, le prolétariat.
La domination de l'impérialisme, c'est-à-dire l'organisation de l'économie et de la société sur une base capitaliste, ne constitue pas seulement un obstacle devant toute possibilité pour l'humanité de prendre en main de façon consciente l'organisation rationnelle de son existence matérielle. Elle est aussi un puissant facteur de régression dans le domaine des idées, de la culture et des comportements tout simplement humains. On assiste à une marche en arrière vers la barbarie.
La montée des idées réactionnaires et religieuses, des nationalismes, du tribalisme, et, plus généralement, la décomposition sociale sont des expressions du caractère sénile d'un ordre économique aussi injuste qu'anachronique. Le plus grave cependant dans cette décomposition sociale, c'est qu'elle affecte aussi la seule classe progressiste de l'avenir, le prolétariat.
Du point de vue de son nombre et de sa force sociale, le prolétariat ne s'est pas affaibli depuis que, sur la fin de la Première Guerre mondiale, il a réellement menacé l'ordre impérialiste. Les millions de paysans chinois transformés en prolétaires en constituent une des preuves.
La conscience politique de classe ne résulte cependant pas de la condition prolétarienne, mais de l'activité de forces politiques militant sur le terrain de classe et dans le sens d'un retour du prolétariat sur la scène politique.
Il est impossible de prévoir comment, dans quel pays et à travers quels processus se développeront des forces politiques militant sur le terrain du communisme révolutionnaire.
Tout ce qu'on peut en dire est que cela est indispensable pour que la classe ouvrière, la seule classe qui a la force et l'intérêt fondamental de renverser le capitalisme, puisse retrouver son rôle.
26 octobre 2007
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