- Accueil
- Lutte de Classe n°109
- Situation Economique
Situation Economique
Texte proposé par la majorité - Adopté par 97 % des délégués présents au congrès
La crise financière qui, pendant l'été, s'est propagée à l'échelle du monde et dont on ne voit toujours pas la fin, a eu pour point de départ l'éclatement de la bulle spéculative dans l'immobilier aux États-Unis.
La crise immobilière américaine, survenue brutalement en 2006, était l'aboutissement de quatre années d'une intense spéculation, facilitée par les bas taux d'intérêt de la Banque centrale américaine, permettant aux banques et aux officines hypothécaires de proposer des offres alléchantes à leurs clients.
Après la période au cours de laquelle la demande réelle, multipliée par la demande spéculative, avait fait grimper les prix des logements et accéléré les programmes de construction, le brusque retournement est intervenu lorsque la saturation du marché est devenue tangible (quatre millions de maisons invendues). Cette saturation a coïncidé avec la remontée des taux d'intérêt de la Banque centrale américaine, renchérissant le coût du crédit et rendant les remboursements plus difficiles. L'incapacité d'un nombre croissant d'emprunteurs à payer le service de leur dette, les contraignant à vendre leur maison quand ce n'était pas la banque prêteuse qui la saisissait, a encore aggravé la crise dite de surproduction dans l'immobilier américain.
Rien qu'en tant que telle, la crise immobilière a déjà fait des dégâts importants dans les classes populaires aux États-Unis. Les taux de crédit, alléchants, qu'on leur proposait étant à taux variable, ils se sont révélés un piège pour nombre d'entre eux lorsque le taux directeur de la Banque centrale américaine est passé de 1 % à 5 %.
D'ores et déjà, environ un million d'acquéreurs ont perdu leur logement nouvellement acquis. On considère que ce nombre risque d'atteindre, voire dépasser, les trois millions en 2008, sans parler de ceux, dans les classes populaires, qui ne sont parvenus à conserver leur logement qu'au prix de sacrifices dans d'autres domaines ou d'une réduction de leur consommation. Ce qui signifie que le seul aspect immobilier de la crise a poussé plusieurs millions de familles vers la pauvreté.
Aux États-Unis mêmes, la crise de l'immobilier et de la construction n'est pas terminée. On estime qu'elle atteindra sa gravité maximum au début de 2008.
Mais l'emballement spéculatif dans l'immobilier ne s'est pas cantonné aux seuls États-Unis. À des degrés divers, tous les pays impérialistes ont connu le même phénomène et pour les mêmes raisons : au départ l'insuffisance réelle de logements pour les classes populaires tire les prix à la hausse ; hausse qui, à son tour, suscite des achats spéculatifs entraînant l'euphorie sur le marché immobilier. Les crédits bancaires facilement accordés amplifient le phénomène.
Pour le moment, il n'y a pas eu d'effondrement brutal des prix dans les pays européens, mais en France par exemple, les statistiques trimestrielles indiquent un léger recul du prix des logements pour la première fois depuis 2000.
C'est bien la crise de l'immobilier américain qui s'est généralisée, durant l'été 2007, en se transformant en crise financière. L'immobilier n'a été que le facteur déclenchant. La crise financière est dans la continuité des crises qui, tous les trois ou quatre ans, secouent l'ensemble du système financier mondial.
La forme prise pour l'instant par la crise financière est une crise de confiance des banques les unes envers les autres. Chacune des banques détient une certaine quantité de titres basés, directement ou indirectement, sur les crédits hypothécaires émis par les banques américaines, mélangés, transformés et revendus en nouveaux titres par des fonds spéculatifs.
Ces titres, qui rapportaient gros, sont présents dans le portefeuille, non seulement de toutes les grandes banques, mais également dans la trésorerie d'un certain nombre de grandes entreprises, sans que l'on connaisse pour autant, tant les opérations financières sont opaques, la part des crédits risqués, c'est-à-dire ceux qui n'ont que peu de chances d'être remboursés un jour, voire pas du tout. Etant donné que les titres divers détenus par les banques servent de supports à de multiples transactions quotidiennes entre banques, la crise de confiance a brutalement freiné cette circulation financière quotidienne, et rendu le crédit plus cher.
Pour venir au secours des banques en difficulté et pour atténuer les tensions sur le crédit, les banques centrales sont intervenues massivement.
L'intervention des banques centrales, celles principalement de la Réserve fédérale (FED) pour les États-Unis, de la Banque centrale européenne (BCE) pour les pays de la zone euro, ou encore des banques centrales britannique ou japonaise, sans parler des autres, a pris principalement deux formes. D'une part, sauver les banques incapables de rembourser leurs déposants et menacées de faillite, en accordant des crédits exceptionnels et pratiquement illimités. D'autre part, faciliter le crédit en jouant sur leurs taux d'intérêt qui servent de référence aux taux pratiqués par les banques.
La Banque centrale européenne a abandonné son projet d'augmenter son taux d'intérêt. Quant à la FED, elle a franchement fait baisser le sien.
Cette générosité des banques centrales a peut-être sauvé le système financier - en tout cas pour l'immédiat -, lui évitant d'être étouffé par manque de crédits. Elle a en tout cas sauvé la mise aux spéculateurs. Ils ont ainsi l'assurance qu'ils peuvent spéculer sans risque puisque, s'ils gagnent, ce sont eux qui empochent le profit de la spéculation et s'ils perdent, ce sont les banques centrales qui paient leurs pertes.
Sous une forme ou sous une autre, l'argent accordé aux banques et aux entreprises spéculatrices sera payé par les classes populaires. Bien que les centaines de milliards déboursées par les banques centrales aient été accordées à titre de prêts, rien ne garantit que ces prêts seront remboursés. Dans ce cas, il faudra bien que le trou creusé soit, d'une manière ou d'une autre, comblé. Et de toute façon ces crédits accordés représentent des créations monétaires supplémentaires, c'est-à-dire de l'inflation, avec les hausses de prix que cela implique et la baisse du pouvoir d'achat que cela entraîne pour tous ceux, principalement les salariés, dont les revenus sont déjà freinés depuis longtemps.
La crise financière actuelle est le dernier en date des accès de fièvre de la sphère financière qui étouffent de plus en plus la production. Cette financiarisation elle-même est l'aspect marquant de l'évolution de l'économie capitaliste mondiale depuis qu'elle est entrée, au tournant des années soixante et soixante-dix, dans une période de stagnation ou de croissance lente, entrecoupée de périodes de récession.
La baisse du taux de profit des entreprises a été une des composantes de la crise de l'économie capitaliste, succédant aux années d'expansion, laquelle avait été portée d'abord par les nécessités de la reconstruction après la guerre, puis par un élargissement des marchés mondiaux.
La crise du système monétaire international de 1969 à 1971, puis le premier choc pétrolier, en ont été les premières manifestations visibles.
La hausse brutale du prix du pétrole de 1973 résultait de la volonté des trusts du pétrole de préserver leurs profits malgré la stagnation du marché, en augmentant leurs prix puisqu'ils ne pouvaient pas augmenter leurs ventes. Ce remède n'était à la portée que de trusts pratiquement en situation de monopole à l'échelle de la planète, ce qui était le cas des trusts du pétrole. En anticipant cependant sur les conséquences de la crise et en cherchant à se prémunir contre ses effets, les trusts du pétrole l'ont aggravée.
Le renchérissement du prix du pétrole - une multiplication par 14 entre 1970 et 1981 - a lourdement frappé le secteur productif en abaissant encore plus le taux de profit dans la plupart des entreprises. Ce n'est pas une nouveauté dans les crises capitalistes : les périodes de crise sont en général celles où les grands trusts préservent leurs profits au détriment de l'ensemble de la société, y compris de leurs compères capitalistes, et accentuent leur mainmise sur l'économie quitte à étouffer les entreprises de taille moindre.
Pour sauver les entreprises capitalistes, les États sont intervenus massivement partout en faveur de leur classe capitaliste, par des aides et subventions de toute sorte. Pour ce faire, ils ont augmenté la masse monétaire en faisant marcher les planches à billets et en empruntant massivement. L'endettement des États s'est accru brutalement. Il n'a cessé de s'aggraver depuis. Tout cela s'est traduit par une forte poussée de l'inflation à l'échelle du monde. Le simple fait de cette inflation constituait une attaque contre les classes sociales aux revenus fixes, les salariés en premier lieu.
La médication apportée à une de ces phases se révélera un poison à l'origine des difficultés de la phase suivante. L'inflation, au rythme différent selon les pays, s'est révélée un facteur de perturbation du commerce international, accentué encore par la disparition du système monétaire international plus ou moins stable mis en place au lendemain de la guerre, à Bretton Woods.
La financiarisation de l'économie avait commencé avant même que la crise du système monétaire international de 1971 ait éclaté au grand jour. La fin des années soixante était marquée par la multiplication de ce qu'on appelait à l'époque les « euro-dollars » qui étaient, en substance, des crédits émis en dollars par les banques extérieures aux États-Unis et non contrôlés par l'État américain.
C'est cependant avec la crise, en particulier à partir de la crise du pétrole, que cette évolution vers la financiarisation de l'économie a reçu une impulsion puissante. Ce qu'on appelait alors les « pétro-dollars » - c'est-à-dire de l'argent accumulé d'un côté par les émirs du pétrole et de l'autre côté par les grandes compagnies pétrolières, mais non investi de manière productive - allaient inonder le système financier mondial à la recherche de placements intéressants. À ces sommes considérables s'ajoutaient les titres représentant les dettes des États.
Pour sauver la mise à l'ensemble de la classe capitaliste, c'est-à-dire pour lui permettre de stopper la baisse du taux de profit, les groupes industriels et financiers et les États qui les représentent ont pris, au fil des ans, un ensemble de mesures qui constituent une vaste offensive visant à diminuer la part de la classe ouvrière dans les revenus nationaux, pour augmenter la part du profit.
Cette offensive a pris une infinité de formes, suivant les pays et les possibilités politiques et sociales des dirigeants des États. Elle a abouti à inverser la tendance, au début des années quatre-vingt. À partir de là, le taux de profit était partout en croissance. Dans les années quatre-vingt-dix, il a atteint et dépassé son niveau d'avant la crise.
Dans les crises de surproduction classiques du capitalisme du siècle précédent, la hausse du taux de profit était en général le début de la reprise, incitant les capitalistes à investir dans la production, à augmenter celle-ci et à embaucher. Cette fois-ci, rien de tel : les profits croissants dégagés par l'exploitation renforcée de la classe ouvrière n'ont servi que très peu aux investissements productifs. Ils ont irrigué le système financier mondial en accroissant sans cesse le volume global de monnaie et de crédits en circulation. Les groupes capitalistes, au lieu d'investir, de créer de nouveaux moyens de production et d'ouvrir de nouveaux marchés, se sont contentés d'élargir chacun son propre marché en achetant les parts de marché d'autres, en rachetant des entreprises dans des opérations de fusions-acquisitions qui ont marqué la dernière décennie. Et surtout, au lieu d'investir, ils ont placé leur argent dans des opérations financières plus ou moins spéculatives.
La spéculation est inséparable du capitalisme. Celle sur des actions ou des obligations est aussi ancienne que le sont les Bourses. Cette institution qui, en tant que marché du capital, est absolument indispensable au fonctionnement de l'économie capitaliste, a en même temps toujours été un haut lieu de la spéculation. Mais avec le gonflement des masses d'argent à la recherche de placements rentables, conjointement aux progrès de l'informatique, le système financier a inventé des « produits » de plus en plus spéculatifs. Il a créé de nouveaux organes spécialisés, vendant les uns aux autres des titres basés sur d'autres titres, aux deuxième, troisième ou énième degré, transformant le monde financier en un gigantesque casino. Les critiques du système capitaliste ne sont pas les seuls à constater que la « logique financière » comme ils disent, impose sa loi y compris aux entreprises productives. Elle le fait par deux biais : d'une part, les entreprises productives qui utilisent de plus en plus massivement leurs profits, voire leur trésorerie au jour le jour à des opérations financières et d'autre part, parce que les fonds de placement qui rachètent des actions ne cherchent pas à investir à long terme mais visent la rentabilité à très court terme. Bien des économistes bourgeois eux-mêmes déplorent cette course au précipice, tant ils savent que la plus-value que se dispute la classe capitaliste vient, en dernier ressort, de la seule production.
Dénoncer la « mondialisation capitaliste » pour expliquer tout à la fois la financiarisation de l'économie et les crises financières comme le font certains altermondialistes, est stupide. La crise actuelle a été « mondialisée » comme l'a été en son temps la crise de 1929. Comme l'avaient été, déjà, les crises périodiques du 19e siècle, même si elles ne concernaient qu'un nombre plus restreint de branches - chemins de fer, sidérurgie, textile ou bâtiment - et même si la « mondialisation capitaliste » ne concernait pas encore vraiment le monde entier.
Cela dit, les mesures prises pour faciliter encore la circulation et le placement des capitaux, la dérégulation, la déréglementation, la démolition de tout cloisonnement mis en place dans la période antérieure entre les entreprises productives, entre les banques et les compagnies d'assurances, voire, à l'intérieur même du secteur bancaire, entre banques commerciales et banques d'investissement, ont contribué à ce que les fluctuations de l'économie capitaliste se transmettent pour ainsi dire instantanément.
Il faut y ajouter également la suppression des barrières protectionnistes devant la circulation des capitaux entre pays capitalistes eux-mêmes, et plus encore la pleine intégration, dans l'économie capitaliste et dans les circuits financiers, de cette partie de la planète qui leur échappait plus ou moins antérieurement : le bloc des pays de l'Est autour de l'URSS, ou encore les quelques rares pays sous-développés qui avaient cherché à desserrer l'emprise impérialiste pour tenter de se développer en fermant leurs frontières devant la circulation des capitaux.
Même les Bourses, ces hauts lieux de la spéculation, ne sont plus représentées par des bâtiments avec des courtiers, s'étendant autour d'une corbeille. La Bourse devient un lieu immatériel, la connexion en réseau d'un ensemble d'ordinateurs couvrant toute la planète. Même compte tenu de la fermeture quotidienne, on peut spéculer 24 heures sur 24, en suivant pour ainsi dire le déplacement du soleil passant de Tokyo ou de Hong Kong à Moscou, de Paris ou de Francfort à Londres puis à New York. Il est d'ailleurs des spécialistes qui gagnent des fortunes sur les minuscules variations entre les valeurs des titres d'une place à l'autre et tout au long des 24 heures.
Si la première phase de la crise a été marquée par l'inflation résultant des interventions des États en faveur de leur classe capitaliste et le fait de financer des interventions en faisant marcher la planche à billets, la deuxième phase, à partir des années quatre-vingt, a été marquée au contraire par des mesures destinées à freiner cette inflation devenue gênante pour la classe capitaliste elle-même.
La planche à billets, c'est-à-dire la création monétaire, a été partout remplacée par le recours aux emprunts d'État. L'inflation a été en effet freinée, mais au prix d'un endettement encore plus grand des États.
En France par exemple, la dette de l'État vient de dépasser les 1 200 milliards d'euros. En euros constants, c'est-à-dire en décomptant les effets de l'inflation, la dette publique, en croissance ininterrompue, a été multipliée par cinq en vingt-cinq ans. Rien que le service de la dette, 39 milliards d'euros pour le budget 2007, occupe le deuxième poste de dépenses de l'État français.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que les emprunts d'État alimentent les circuits financiers. Cependant, l'économie financiarisée, aujourd'hui, a porté cette tendance de l'économie impérialiste à un degré sans précédent. Ces emprunts d'État, parmi lesquels les bons du Trésor américain occupent une place particulière, sont devenus un des aliments du système financier international, un des vecteurs aussi des spéculations sur les monnaies. Dans des périodes de krach boursier ou bancaire, ils servent aussi de refuge aux capitaux affolés cherchant un placement sûr car les États font plus rarement faillite que les entreprises - encore qu'il y a État et État, et les bons du Trésor américain ont évidemment une autre solidité que les papiers similaires émis par le Mexique, la Thaïlande... ou par le Mali, si tant est que celui-ci s'avise d'en émettre.
Que des économistes bourgeois et qui s'expriment comme tels, affolés par les soubresauts financiers qui menacent sans cesse la production, cherchent une voie de sortie est dans l'ordre des choses. Mais dans l'état actuel de décrépitude politique et de perte de références, les altermondialistes passent aujourd'hui, non seulement pour des représentants de la gauche, mais de la gauche radicale. Leur démarche fondamentale est pourtant la même que celle des économistes bourgeois cherchant à rendre le système économique capitaliste moins malade. Si le diagnostic des altermondialistes est juste lorsqu'ils dénoncent les conséquences catastrophiques de la financiarisation de l'économie, toutes leurs propositions tournent autour d'idées qui, soit sont, au mieux, des emplâtres sur une jambe de bois - la taxe Tobin sur les déplacements de capitaux ou la suppression des paradis fiscaux - soit représentent un retour à la réglementation et aux protectionnismes.
Il n'est pas impossible, loin de là, que les idées protectionnistes trouvent des échos du côté des grandes puissances impérialistes et de leurs groupes financiers. Si la globalisation financière leur permet de piller sans obstacle toute la planète, certaines de ses conséquences peuvent leur être préjudiciables. Tout en prêchant l'ouverture des frontières devant la pénétration de leurs capitaux, les grandes puissances impérialistes n'ont jamais complètement cessé d'être protectionnistes les unes vis-à-vis des autres et toutes vis-à-vis des pays qu'il est à la mode de qualifier d'émergents.
Cela fait plusieurs années par exemple qu'aussi bien les États-Unis que l'Union européenne s'ingénient à se protéger des marchandises à bas prix venant de la Chine et, accessoirement, d'autres pays sous-développés. L'affaire est d'autant plus compliquée que ces marchandises à bas prix sont bien souvent soit fabriquées avec des capitaux venant de pays développés - dans les secteurs les plus modernes de l'industrie chinoise, électronique, électroménager, la Chine n'est qu'un vaste atelier de sous-traitance pour le Japon -, soit sont fabriquées sur commande des entreprises commerciales ou industrielles des pays impérialistes - la plus grande chaîne commerciale du monde, l'américaine Wal-Mart, ou le fabricant de jouets Mattel... La préoccupation des États impérialistes est de trouver des mesures qui, tout en laissant ouvert le marché chinois à leurs capitaux et à leurs produits, fermeraient au moins partiellement leur propre marché aux produits chinois.
Un autre domaine encore où le protectionnisme pointe, est le domaine financier lui-même. Quelques émirats du pétrole qui engrangent des revenus financiers importants non utilisés sur place par leurs dirigeants, ont l'habitude, de longue date, de placer leur argent en bons du Trésor américain et, très occasionnellement, dans l'achat d'actions de grandes entreprises.
Pour des raisons tout à fait différentes, la Chine se retrouve dans une situation analogue. La surexploitation des travailleurs chinois a permis, au cours des dernières années, à la Chine d'exporter massivement. La valeur de ses exportations dépasse largement celle de ses importations, destinées principalement à la consommation de sa classe riche, rendant ainsi son commerce extérieur largement bénéficiaire. Ce surplus d'argent est placé aux États-Unis, sous forme de titres d'État ou autres bons du Trésor.
Tant qu'il ne s'agissait que de sommes déposées en titres de l'État américain, cela ne gênait pas les États-Unis, bien au contraire. C'est grâce aux sommes considérables déposées par les pays pauvres que les États-Unis équilibrent leur balance des paiements. C'est une façon de drainer l'argent prélevé sur les ouvriers et les paysans chinois vers les circuits financiers de l'impérialisme. Mais voilà que certains des États, agissant par l'intermédiaire de fonds financiers appelés « fonds souverains » (c'est le cas des émirats du pétrole) ou par l'intermédiaire de trusts d'État (c'est le cas du trust pétrolier chinois Cnooc ou du russe Gazprom) s'avisent de vouloir placer leur argent de façon plus profitable en rachetant des actions d'entreprises occidentales.
Il ne s'agit pour le moment que d'un mouvement marginal, mais qui a fait pousser des hurlements protectionnistes au nom des « intérêts stratégiques » de la nation ou au nom du « patriotisme économique ». C'est ainsi que les États-Unis ont empêché le rachat par la société d'État chinoise Cnooc du pétrolier américain Unocal et refusé à la société publique Dubaï-Portsworld le rachat de ports américains.
La même attitude protectionniste a été à la base de la réaction de l'État français contre le rachat de Suez par la société italienne ENEL alors pourtant que la France et l'Italie font toutes deux partie de l'Union européenne.
Pour le moment, ces réactions protectionnistes sont ponctuelles et limitées, tant les avantages de la circulation des capitaux prévalent sur toute autre considération. Mais en cas d'aggravation de la situation économique mondiale, il y a une forte probabilité que les mesures et les attitudes protectionnistes se multiplient et que les pays pauvres qui exportent en soient les principales victimes.
Les altermondialistes qui, par ailleurs, dénoncent à juste titre les méfaits de la « mondialisation capitaliste » pour les pays pauvres auront alors été suivis. Mais la remontée des protectionnismes jouera au profit des pays impérialistes, de la même manière que la globalisation joue en leur faveur. Il n'y a, dans un monde dominé par l'impérialisme, pas plus une politique « équitable » qu'il n'y a de « commerce équitable ».
Prôner le retour au protectionnisme est une politique réactionnaire : fondamentalement parce que cela vise à sauver la mise au grand capital et au fonctionnement capitaliste de l'économie ; plus encore parce qu'un retour aux protectionnismes nationaux, s'il advenait qu'ils soient imposés par une aggravation importante de la crise, serait une régression considérable. Que l'on se souvienne seulement que ce fut le remède du capitalisme lors de la grande crise de 1929 et de la dépression qui s'ensuivit, avec d'un côté aux États-Unis l'étatisme du New Deal, certes, et ses grands travaux, mais aussi de l'autre côté, l'économie allemande sous le nazisme.
Notre raisonnement en tant que communistes révolutionnaires est à l'inverse. La crise actuelle n'est pas l'expression d'une phase de l'économie capitaliste, et d'une phase contournable de surcroît, c'est l'expression du fait que l'organisation et le fonctionnement capitalistes mènent la collectivité humaine à l'abîme.
La présente crise est une nouvelle démonstration, chèrement payée, de ce que coûtent à la société l'opacité du système bancaire (y compris pour les spécialistes) et la concurrence que se livrent entre eux les établissements bancaires et financiers pour inventer et placer des produits financiers de plus en plus complexes et qui ont de moins en moins de rapport avec l'économie productive.
Tout cela multiplie, amplifie et aggrave les soubresauts anarchiques propres au fonctionnement de l'économie capitaliste et entraîne d'immenses gaspillages.
Le contrôle populaire du système financier devient une nécessité vitale pour l'économie. Contrairement aux propositions des réformistes de toute sorte, une réglementation plus stricte et de l'étatisme renforcé ne constituent pas en eux-mêmes une solution car la question est aussi : qui contrôle l'État ?
Seule la fusion de toutes les banques en une seule mettrait fin à leur concurrence mortelle et seul le contrôle de toute la population rendu possible par la levée du secret bancaire représente une perspective pour la société.
La financiarisation a poussé le caractère usuraire de l'économie sous l'impérialisme à un point tel que cela étouffe complètement la vie économique. La globalisation financière a poussé la mondialisation capitaliste jusqu'à son extrême limite.
Les deux évolutions, conjointes, ont en même temps ôté toute signification véritable aussi bien à l'« économie nationale » qu'à la propriété privée elle-même. C'est l'évolution du capitalisme qui démolit les bases mêmes sur lesquelles il a été édifié. Ce n'est pas en retournant en arrière que la société peut sortir de cette contradiction.
Car tout retour en arrière serait catastrophique. L'avenir est, au contraire, de mettre fin à la propriété privée des moyens de production et des organismes financiers, c'est-à-dire à l'économie capitaliste sur laquelle elle repose.
4 octobre 2007