Meeting du vendredi 6 mars 1998 à Paris, Salle de la Mutualité01/04/19981998Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1998/04/34.png.484x700_q85_box-18%2C0%2C577%2C809_crop_detail.png

Meeting du vendredi 6 mars 1998 à Paris, Salle de la Mutualité

Texte du discours d'Arlette Laguiller

Travailleuses, travailleurs,

Il peut être fier, le gouvernement, de la loi contre l'exclusion dont Martine Aubry vient de présenter l'avant-projet.

Bien sûr qu'il est juste, qu'il est indispensable d'aider ceux que l'on appelle les exclus de ce système économique dément. Mais, d'abord, il vaudrait mieux prendre les mesures indispensables pour arrêter la machine folle qui fabrique des exclus. Ce que le gouvernement ne fait absolument pas.

Et puis, dans cette loi, il y a surtout des effets d'annonce et de gros mensonges. On nous annonce 51 milliards, mais sur trois ans.

Ensuite, on apprend qu'il s'agit seulement de 21 milliards en plus de ce qui existait déjà, c'est-à-dire ce qui était notoirement insuffisant.

21 milliards sur trois ans ! Entre-temps, l'État et les collectivités locales distribuent au patronat, non pas tous les trois ans mais tous les ans, plus de 200 milliards rien qu'au titre des multiples aides à la création d'emplois, alors, pourtant, que les patrons ne créent pas d'emplois mais en suppriment !

L'État n'a pas d'argent pour les chômeurs, mais il en a pour enrichir encore plus ceux qui fabriquent le chômage.

Alors, avec si peu d'argent, que peuvent bien représenter les 148 articles du projet de loi Aubry ?

La législation sera, paraît-il, réaménagée sur le surendettement et sur les expulsions. Martine Aubry tient à préciser qu'il ne s'agit pas de créer des droits nouveaux, mais de mieux appliquer le droit existant.

On ne coupera plus l'eau ou l'électricité à ceux qui ne peuvent pas payer, ce qui est bien. Mais pour l'eau, par exemple, afin de ne pas égratigner ces pauvres malheureux que sont la Générale des Eaux, la Lyonnaise ou Bouygues, ces trois trusts aussi bourrés d'argent que pourris de corruption, le gouvernement va créer un fonds de solidarité, financé par les autres consommateurs. C'est-à-dire que la solidarité ne sera pas exigée de ceux qui amassent des fortunes sur l'eau.

On va assurer la couverture maladie des exclus qui ne peuvent plus cotiser, et c'est la moindre des choses. Mais comment ceux qui sont privés même de logement pourront-ils se soigner convenablement ?

Et, grande innovation, on assurera un suivi de 18 mois pour les jeunes chômeurs. Ils n'auront pas de travail pour autant, mais cela ne fait rien, ils seront contrôlés et ils auront droit à un entretien périodique, voire à quelques stages ou à des emplois bidon sans paie.

La seule retombée de cette décision, c'est que cela obligera l'État à embaucher 600 personnes... dans les ANPE.

Pour le reste des mesures, en dehors des contrats de qualification pour adultes, en dehors d'un nouveau contingent de contrats emploi-solidarité, rien que des déclarations de bonimenteurs de foire. Et encore, ces derniers qui vendent du linge de maison ou de la vaisselle sur les marchés ou encore qui vendent de merveilleux instruments à tout faire qui ne fonctionnent que dans leurs mains, sont infiniment plus honnêtes que nos ministres !

D'ailleurs, la droite n'a pas grand-chose à redire et ses représentants ont du mal à trouver que critiquer dans cette loi. Au point que certains d'entre eux en revendiquent la paternité, pendant que Balladur et d'autres se félicitent des mesures comme celle qui prévoit de maintenir le RMI ou l'allocation-chômage pendant quelque temps après avoir retrouvé du travail. Oh, cela dépannera quelques-uns parmi les travailleurs qui auront retrouvé un petit boulot, un temps partiel, mais c'est surtout un encouragement pour les patrons à proposer des salaires de 3 000 F, en disant aux postulants : "Avec le RMI, cela vous fait le SMIC".

Pour le gouvernement, il n'est pas question d'augmenter le RMI. Il n'est surtout pas question de satisfaire la revendication, pourtant modeste, du mouvement des chômeurs, d'une augmentation de 1500 francs de tous les minima sociaux, il n'est pas question d'étendre le RMI aux jeunes chômeurs de moins de 25 ans.

Jospin a eu le cynisme d'évoquer les nécessités budgétaires.

Mais puisqu'il faut que le budget reste équilibré, pourquoi donc le gouvernement Jospin n'a-t-il même pas relevé l'impôt sur les bénéfices des sociétés ne serait-ce qu'au niveau où il était sous l'homme de droite Giscard ? La rentrée supplémentaire que cela procurerait permettrait pourtant de satisfaire pour l'essentiel les revendications mises en avant par le mouvement des chômeurs.

Et même pour les mesures dérisoires de la loi Aubry, il faudra attendre le mois de juin pour que le gouvernement en présente la première partie au Parlement, la fin de l'année pour qu'il en présente la seconde partie et, de surcroît, il s'agit d'un plan triennal, c'est-à-dire de mesures étalées sur trois ans ! Pendant ce temps-là, au patronat, les cadeaux fiscaux ne s'interrompent pas. Quant aux chômeurs, ils peuvent attendre, sinon crever.

Mais il y a plus cynique encore.

En quoi cette loi pompeusement baptisée "contre l'exclusion" combat-elle l'exclusion elle-même ?

En quoi permettra-t-elle à ceux qui vivent dans la misère d'en sortir ? Ils sont des millions dans ce pays.

Des chômeurs officiellement recensés, il n'y en aurait que trois à trois millions et demi, suivant les statistiques, diverses mais aussi trafiquées les unes que les autres. Evidemment, certains ont des indemnités conséquentes, mais c'est une minorité. Car l'immense majorité est composée de travailleurs qui étaient au bas de l'échelle des salaires et qui doivent vivre avec 60 % de leur ancien salaire, indemnité dégressive pendant deux ans, et après plus rien. Mais, même d'après les chiffres officiels, il y a en plus deux millions qui n'ont que des emplois intermittents. Et, il y a aussi deux autres millions qui, n'ayant du travail qu'à temps partiel, ont des salaires inférieurs au SMIC.

Qu'y a-t-il donc dans la nouvelle loi qui permettra à ces gens-là de sortir la tête de l'eau ? Qu'y a-t-il dans cette loi ou même dans toute l'activité de ce gouvernement, comme de ceux qui l'ont précédé, qui leur permettra simplement d'espérer qu'ils auront un jour prochain un travail et un salaire correct ?

Rien, mille fois rien ! Pendant que c'est le naufrage de toute une partie de la société, le gouvernement joue les dames patronnesses plus disposées aux bonnes paroles qu'à des aides véritables.

Un loi pour aider, un peu, les exclus ? Peut-être. Une loi contre l'exclusion ? Sûrement pas.

Pour lutter contre l'exclusion, il faudrait mettre fin au chômage. Mais, pour lutter contre le chômage, ce gouvernement n'envisage que des mesures dérisoires.

Les emplois jeunes ? Les 700 000 emplois jeunes promis par le Parti Socialiste, à créer moitié dans le secteur public, moitié dans le privé, étaient déjà un chiffre dérisoire par rapport aux cinq millions qui sont au chômage total ou partiel. Mais aujourd'hui, neuf mois après, on en est à moins de 50 000 emplois jeunes créés, et uniquement par l'État. A ce rythme, il faudra attendre 11 ans, jusqu'à la fin de l'an 2008, pour que les 700 000 emplois jeunes soient créés. D'ici là, le gouvernement aura eu le temps d'être relayé par un autre, qui recommencera les mêmes promesses et les mêmes mensonges. Et d'ici là, bien plus d'emplois auront sans doute été supprimés par le patronat, voire par l'État lui-même !

Les 35 heures ? Bien sûr qu'il faut diminuer le temps de travail.

Bien sûr qu'avec le rythme de travail imposé par le patronat, en particulier dans les entreprises de production, mais pas seulement, les travailleurs rentrent épuisés, n'ont pas le temps de vivre et sont usés avant l'âge. Bien sûr que ces parasites qui vivent de l'exploitation des autres, et leurs représentants à la tête du CNPF qui ressassent l'idée que la compétition internationale ne permettrait pas de travailler moins, sont de fieffés menteurs. Bien sûr que ces fainéants, qui s'insurgent contre l'idée même d'une diminution du temps de travail de ceux qui les font vivre, ne méritent que du mépris.

Alors oui, bien sûr qu'il faut réduire le temps de travail, mais sans pour autant donner au patronat la possibilité d'imposer plus encore qu'aujourd'hui la flexibilité des horaires et l'annualisation du temps de travail et sans pour autant lui donner ces nouveaux cadeaux fiscaux que leur offre la loi de Martine Aubry.

Mais, surtout, présenter cette loi comme un moyen de combattre le chômage, c'est une escroquerie. Qui oserait prétendre que cette loi appliquée au mieux pourrait créer les cinq millions d'emplois qui manquent ? Et quand ?

Or, le problème est là. La persistance d'un chômage de cette ampleur crée une situation dramatique tant pour les familles ouvrières qui en sont frappées que pour l'ensemble de la société. Tout en découle : la paupérisation généralisée, les quartiers populaires à l'abandon et qui deviennent lépreux, l'aggravation de l'alcoolisme, ce fléau combattu naguère par le mouvement ouvrier auquel s'ajoute désormais celui de la drogue, la vie qui devient invivable dans les cités. Car c'est pourtant un privilège, par rapport à bien d'autres, d'avoir un logement même dans ces ghettos dans lesquels on enferme la classe laborieuse.

Un rapport d'experts qui vient d'être publié tente de chiffrer ce que le chômage coûte à la société. Ce rapport comptabilise aussi bien les subventions nombreuses versées au patronat pour l'inciter à créer des emplois, qu'il ne crée pas, que les différentes allocations aux chômeurs, ainsi que le manque à gagner que le chômage représente en cotisations sociales. Eh bien, le rapport parvient au chiffre astronomique de mille milliards par an ! Mille milliards volés à toute la société, aux hôpitaux, à l'éducation, aux infrastructures, à la lutte contre le chômage, par ceux qui profitent de cette économie capitaliste en roue libre.

Ce n'est que le coût financier, et le coût humain ne se chiffre pas, ni les vies ruinées. Mais tout de même ! Avec cette somme, il y a largement de quoi financer l'emploi de toutes les femmes et de tous les hommes qui sont condamnés aujourd'hui à l'inactivité forcée.

Mais c'est une économie de fous ! On pousse des millions de familles vers la misère ; on prélève une prébende gigantesque sur l'économie ; on gaspille une formidable capacité de création et de production ; on rend la société de plus en plus inhumaine et tout cela pourquoi ? Pour que, grâce aux réductions d'effectifs, les cours des actions des grandes entreprises augmentent toujours plus, c'est-à-dire pour que quelques dizaines de milliers de gros actionnaires, de propriétaires d'entreprises, de banquiers, déjà riches à ne pas savoir que faire de leur argent, deviennent plus riches encore !

De l'argent, il y en a ! La valeur des actions cotées à la Bourse de Paris a augmenté en moyenne de 60 % en deux ans. Et rien que depuis le 1er janvier de cette année, la progression est de plus de 14 % !

Cela signifie que le capital des gros actionnaires, le capital des familles bourgeoises propriétaires des usines, des chaînes de grands magasins, des banques, s'est valorisé d'autant.

Et notre capital à nous, les travailleurs ? Notre unique capital, notre force de travail, a-t-il augmenté dans les mêmes proportions ? Non ! Au contraire, il se dévalorise d'année en année, et pour plusieurs millions d'entre nous, les chômeurs, il est laissé en friche.

Depuis le début de l'année, l'annonce des résultats des grandes entreprises est une longue litanie de profits en hausse : 30, 50, voire plus de 200 % ! Nombre de ces entreprises pourtant publient, en même temps que des communiqués de victoire en direction de leurs actionnaires, des plans de suppressions d'emplois en direction de leurs travailleurs. Je ne prends, pour l'exemple, que le cas de Renault.

Son PDG, Schweitzer, vient d'annoncer un nouveau plan supprimant 2 700 emplois. D'après des sources syndicales non démenties, l'entreprise a pourtant réalisé 4, 6 milliards de francs de bénéfices en 1997. Un dixième de ces bénéfices suffirait pour assurer la paye pour les 2 700 emplois en question. Eh bien, non, Renault, dont pourtant l'État détient 46 % des actions, refuse de consacrer le dixième seulement de ses profits à maintenir des emplois. Il préfère imposer à ses travailleurs des cadences démentes, rogner sur les minutes de pause, supprimer les temps de repas, imposer des heures supplémentaires ou le travail du samedi.

Folz, le successeur de Calvet à la tête de Peugeot-Citroën, a de son côté annoncé une restructuration qui doit se traduire par la suppression d'au moins 4 000 emplois.

Et on ose nous parler de lutte contre le chômage !

Ce système fou sacrifie l'économie réelle et, surtout, sacrifie les hommes, la vie sociale, pour les profits financiers. Alors, assez de cette situation ! Assez de voir l'argent couler à flots pendant qu'on enfonce la tête des travailleurs sous l'eau !

Et, qu'on ne nous parle pas de la croissance qui serait annoncée et dont on nous rebat les oreilles depuis quelques semaines.

Je laisse aux polémiques électorales oiseuses entre la majorité gouvernementale et l'opposition la question de savoir si cette croissance en est une ou s'il y a juste la recherche d'un effet d'annonce. Mais à quoi servirait donc la croissance si elle n'était que celle des profits des entreprises et des actions en Bourse ? A quoi servirait donc la croissance si c'est toujours à enrichir les mêmes, ceux qui se sont déjà enrichis de la crise et qui continueront à s'enrichir avec l'éventuelle reprise, si nous les laissons faire ?

Jospin, Strauss-Kahn, Martine Aubry et compagnie, tout en se vantant de la croissance les yeux tournés vers la bourgeoisie, adressent aussitôt aux classes populaires l'avertissement qu'il ne faut pas se hâter de répartir les fruits de la croissance. Comme si les rentiers, les boursicoteurs, la bourgeoisie avaient attendu, eux, de répartir tout, en prélevant même et de plus en plus, avec l'aide de l'État, sur les classes populaires !

La solution pour faire disparaître le chômage ne réside pas dans l'attente qu'une période de croissance rapporte 200, 300 milliards de francs supplémentaires aux entreprises capitalistes. Car, à quoi cela nous avancerait-il si cet argent allait encore et toujours à la spéculation financière, aux placements et aux dépenses de luxe de la classe riche ?

L'argent pour financer la suppression complète du chômage par la création d'emplois utiles supplémentaires par l'État ou par répartition du temps de travail entre tous existe depuis plusieurs années. Lors de la campagne électorale présidentielle, j'ai évoqué des chiffres avancés par l'INSEE pour 1994 et qui faisaient état de 1 200 milliards de francs de profits après impôts, réalisés par les grandes entreprises. Dès cette époque-là, la moitié du profit annuellement engrangé pouvait financer immédiatement la création de près de 5 millions d'emplois, charges comprises, avec des salaires de l'ordre de 8 000 F brut. Mais, depuis 1994, la masse globale des profits est devenue au bas mot 1 800 milliards de francs.

Et le seul problème, c'est que le gouvernement n'ose pas prendre les mesures radicales qui s'imposent pour qu'une partie de ce profit soit utilisée à créer des emplois et non à les détruire. Pas plus le gouvernement de la gauche plurielle que ses prédécesseurs. Au contraire, chacun de ces gouvernements s'est efforcé d'accroître encore ces profits en les laissant entièrement à la disposition du patronat et des classes riches.

Eh bien, dans cette situation, il n'y a que deux politiques possibles : ou on gouverne en fonction des intérêts de la bourgeoisie, ou on gouverne en fonction des intérêts des travailleurs et de toutes les classes populaires.

Tous les grands partis, de l'extrême droite et de la droite à la gauche plurielle, ont en commun de ne pas vouloir toucher aux profits patronaux. Ils ont tous en commun d'être à plat ventre devant la bourgeoisie, devant les riches. Ils ont tous en commun d'accepter que la société crève plutôt que de prendre les mesures radicales que la situation exige et de réquisitionner une partie au moins de la masse colossale des profits afin de l'utiliser dans l'intérêt de la population.

Nous, les révolutionnaires, nous ne sommes pas les seuls à constater la misère qui monte et à dire que c'est intolérable. Pour le constater, il suffit de vivre dans un quartier populaire, il suffit de croiser des mendiants à chaque feu rouge, il suffit d'ouvrir les yeux et les oreilles.

Mais nous sommes les seuls à dire que cela peut être arrêté. Pas par des mesures dérisoires, pas par de petites réformes qu'on essaierait de faire prévaloir au moyen de supplications adressées aux seigneurs du monde capitaliste. Non ! Il faut des mesures radicales, c'est-à-dire des mesures susceptibles de résoudre complètement le problème du chômage. Alors, bien sûr, de telles mesures, il ne suffira pas de les demander. Il faudra les imposer au patronat mais aussi au gouvernement par l'action collective des travailleurs, par les armes du mouvement ouvrier, les grèves, les manifestations, les luttes sociales.

Nous ne sommes même plus les seuls, aujourd'hui, à dire que la situation actuelle est intolérable et qu'elle conduira à l'explosion sociale. D'autres le disent comme le constat d'une évolution inévitable.

Mais nous, nous le disons avec espoir. Car ces dernières années ont montré que les travailleurs, que les chômeurs n'ont rien à attendre de la bourgeoisie qui monopolise les moyens de production et les profits, ni de sa valetaille politique, quelle que soit son étiquette. Seul un changement important dans le rapport des forces peut les contraindre à abandonner une partie de leurs profits. Mais à condition que cette explosion sociale ne soit pas seulement une explosion de désespoir, à condition que l'énergie de l'explosion serve à imposer des objectifs vitaux, permettant de supprimer le chômage et de rattraper le niveau de vie perdu pour ceux qui sont au travail.

Si on contraint les travailleurs à recourir à des luttes, il faut à ces luttes des objectifs susceptibles de protéger réellement les classes laborieuses, c'est-à-dire la majorité de la population, de la minorité de parasites qui ruinent la société.

Le premier de ces objectifs est d'imposer plus lourdement ces bénéfices des grandes sociétés, d'imposer plus lourdement les profits boursiers et tous les profits spéculatifs.

Pour cela, il faut, en priorité, rendre possible le contrôle de tous sur les finances publiques et privées, sur tout ce qui joue un rôle important dans l'économie et la société, rendre publique la comptabilité de toutes les grandes entreprises. Qu'on sache ce qu'elles gagnent, ce qu'elles paient et à qui, quelles sont la part des salaires, la part de leurs profits, les relations qu'elles ont les unes avec les autres et avec les banques, voire avec les hommes politiques.

C'est cela la transparence, sans laquelle il ne peut pas y avoir de démocratie. Et il faut que la presse, toute la presse, y compris syndicale puisse librement publier ces comptes et en discuter.

Il faut aussi interdire tous les licenciements collectifs et toutes les suppressions d'emplois.

Il faut imposer à l'État de cesser de faire des cadeaux fiscaux, des réductions de charges, des réductions d'impôts aux entreprises et, individuellement, aux gens qui ont les revenus les plus élevés.

Et avec l'argent ainsi économisé, il faut que l'État crée des emplois dans les services publics, utiles à la collectivité. Qu'on retrouve des distributions de courrier deux fois par jour. Qu'il y ait des infirmières et des médecins dans les hôpitaux et qu'on ne soit pas obligé de les fermer. Qu'il y ait des enseignants, du personnel technique et médical en nombre suffisant et des établissements scolaires adaptés et non dangereux.

Que l'État construise des logements corrects mais bon marché pour que personne ne se retrouve sans toit ou mal logé, comme c'est le cas aujourd'hui pour plusieurs millions de personnes.

Qu'il améliore les transports en commun dans tous les quartiers, en banlieue comme entre banlieues. Qu'on remette en fonctionnement les lignes de chemin de fer secondaires, supprimées pour cause de non rentabilité même lorsqu'elles étaient indispensables pour leurs usagers.

Je pourrais citer à l'infini des exemples de ce qu'il y a à faire. Ce ne sont pas les besoins qui manquent pour employer utilement les cinq millions de cerveaux et de paires de bras qui sont actuellement sans travail.

Ce qui manque, c'est une autre utilisation de la richesse produite par ceux qui travaillent.

Alors, une autre mesure de salut public devrait consister à publier et à rendre accessibles tous les avoirs et les revenus de tous les hommes du grand patronat, leurs propriétés, leurs comptes en banque, ceux de leur famille et de leurs prête-noms. Qu'on sache, là aussi, ce qu'ils gagnent, eux qui ont le pouvoir de décider du sort de milliers de gens.

Ces gens-là peuvent tout savoir du dernier de leurs milliers d'employés, ils n'ont qu'à s'adresser à leur service du personnel. Alors, il n'y a pas de raison pour que les travailleurs d'une entreprise ou d'une banque n'en sachent pas autant sur leurs patrons que ceux-ci en savent sur eux !

Une atteinte à la liberté, cela ?

Quand les patrons licencient, quand ils jettent à la rue des milliers de gens, ruinant des familles, des villes, voire des régions entières, ce ne serait pas une atteinte à la liberté d'exister, de vivre ? Et quand ils exposent des travailleurs à des risques mortels sans les prévenir, sans les en protéger, ce n'est pas une atteinte à la vie ? Ou quand ils polluent les eaux, ce n'est pas aussi une atteinte à la vie ?

Et quand ils usent tout simplement leurs ouvriers au travail ? Mourir à 60 ans de vieillesse et d'usure, ce n'est pas une atteinte à la vie ?

Alors il faut les contrôler, pour les empêcher de nuire.

Voilà ce que les travailleurs, les chômeurs et les exclus devront imposer.

Ce sont des mesures de salut public pour lutter contre une catastrophe nationale.

Quand le pays est en guerre, l'État sait bien imposer des mesures d'urgence pour tout réquisitionner et des plans pour tout réglementer ou rationner.

On doit faire la même chose contre le chômage et l'exclusion.

Et c'est à l'État de le faire sous le contrôle de toute la population. A l'État, on imposera de rendre la chose légale.

C'est cela l'objectif des futures luttes sociales.

On ne peut compter sur le gouvernement de la gauche plurielle pour faire tout cela. Ce gouvernement est au service de la bourgeoisie et du patronat, comme le furent les gouvernements de droite tout comme les précédents gouvernements socialistes.

Dans Le Monde d'hier soir, Edouard Balladur, ancien Premier ministre et candidat de la droite à la présidence de la région Ile-de-France, a exposé ce qu'il appelle ses idées sociales.

Elles sont résumées en une seule de ses phrases : "Il faut consacrer tous les fruits de la croissance aux défauts de la société française caractérisés par trop de chômage", cela commence bien, mais attendez la suite : "dû à trop de réglementation, trop de charges, trop d'impositions, une durée annuelle du travail trop brève, un âge de la retraite trop précoce, des dépenses sociales trop lourdes".

Après cela, comment s'étonner que les travailleurs, les classes populaires, préfèrent, à tout prendre, les mensonges hypocrites des hommes politiques de la gauche, à l'arrogance crue d'un homme de droite qui s'adresse à son électorat, la bourgeoisie grande et petite ? Comment accepter ce colossal mépris envers les travailleurs ?

Mais n'avons-nous que ce choix-là ?

Non ! C'est justement pour pouvoir répondre comme il se doit aux Balladur de toute sorte qu'il ne faut pas nous laisser lier les mains par ceux qui masquent une politique semblable sous un discours de gauche.

Le principal problème, le problème majeur, n'est pas de savoir si la gauche plurielle est un tout petit peu mieux que la droite.

Le problème fondamental est de savoir si le gouvernement de gauche est capable ou pas de résoudre le problème essentiel, le problème du chômage de plusieurs millions de personnes. Et sur cette question, les mesures prises par le gouvernement ne sont qu'emplâtres sur jambe de bois, des mesures destinées à faire patienter les classes laborieuses en maintenant le pouvoir économique et les profits de la bourgeoisie jusqu'aux prochaines législatives.

Mais la gravité de la situation ne laisse pas de place à la patience. Si la gauche est incapable de mettre fin au chômage, elle désespérera inévitablement la population, elle démoralisera les travailleurs, elle déconsidèrera ses propres militants, ceux du Parti Communiste comme du Parti Socialiste ainsi que les militants syndicaux, elle laissera la place à la droite et même au Front National. Après la catastrophe sociale qui est déjà là, c'est la menace d'une catastrophe politique.

On n'a vu que trop souvent dans le passé que, dans des périodes de crise, de convulsions sociales, il est impossible de combattre l'extrême droite avec des mesures dérisoires ou des mièvreries réformistes. L'extrême droite se présente sous le jour du radicalisme. A son radicalisme démagogique, il est indispensable d'opposer le radicalisme social, anti-patronal.

Le patronat, avec l'aide de l'État, a réussi au cours des vingt dernières années à démolir progressivement une grande partie de la législation sociale qui protégeait un tant soit peu les travailleurs. Il a réussi à imposer que la part des salaires dans le revenu national devienne très inférieure à ce qu'elle était il y a vingt ans.

Avec les cinq millions de chômeurs ou de demi-chômeurs qu'il y a en France, plus de vingt ou trente millions à l'échelle de l'Europe occidentale, c'est-à-dire d'une des parties les plus riches de la planète, le patronat avec l'aide de tous les gouvernements d'Europe a réussi à reconstituer ce que Marx appelait au siècle dernier "l'armée industrielle de réserve". En maintenant dans la misère ces millions de travailleurs réduits au chômage, le patronat pèse sur les revenus et les moyens de défense de l'ensemble de la classe ouvrière.

Les représentants du grand capital comme leurs porte-plume de la politique et de la presse répètent "place au marché, place à la concurrence, il faut moins d'État !".

Les hypocrites ! Jamais l'État n'a joué un rôle aussi grand dans leur économie. Les plus grands groupes capitalistes prospèrent grâce à l'État.

Comment donc un Dassault, troisième fortune de ce pays, a-t-il le culot de revendiquer moins d'État ? Mais à qui vendrait-il ses Mirage, ses Rafale et tous ses engins de guerre si ce n'est à l'État français qui les lui achète à des prix de faveur tels que Dassault peut vendre les autres à des prix de dumping aux dictateurs d'Asie ou du Moyen-Orient ?

Moins d'État et de concurrence ? Mais la Générale des Eaux, la Lyonnaise des Eaux, ont fait toute leur fortune non pas grâce à la concurrence mais, au contraire, grâce à leur monopole sur la fourniture de l'eau, grâce aux collectivités locales ! Et c'est en prélevant leurs prébendes sur ce bien indispensable et qui devrait être gratuit pour les usagers que ces trusts de l'eau se sont enrichis au point de pouvoir se "diversifier", comme ils disent, c'est-à-dire acheter des journaux et des chaînes de télévision. Quant à l'achat d'hommes politiques, de députés, de ministres, de maires de grandes villes, c'est un métier que ces trusts de l'eau pratiquent depuis longtemps. Mais ce ne sont pas forcément ceux-là qui leur coûtent le plus cher.

Moins d'État, clament aussi les banquiers. Mais la dette publique est un de leurs meilleurs champs d'investissement, un des plus profitables aussi. Les banquiers et, par leur intermédiaire, les riches bourgeois qui prêtent à l'État prélèvent des intérêts usuraires sur le budget. L'emprunt Giscard, par exemple, cela a été 7 milliards empruntés par l'État et 70 milliards remboursés au fil des ans ! Et il y en a eu d'autres, des emprunts aussi juteux pour les prêteurs, emprunt Pinay, emprunt Balladur... Strauss-Kahn se prépare à lancer les siens, et il vient de faire décider, discrètement, par le Conseil des ministres, que les futurs emprunts pourront être indexés sur les prix. Mais je vous rappelle que, depuis le blocage des salaires, décidé par un autre gouvernement socialiste, les salaires, eux, ne peuvent pas être indexés.

Du coup, l'État est endetté et le service de la dette est un des postes les plus importants du budget.

Et puis, quel est le capitaliste qui ne cherche pas à corriger ces lois du marché dont il se revendique, en empochant des subventions ouvertes ou déguisées, des dégrèvements de cotisations, des exemptions d'impôt, des terrains fournis gratuitement ? Quel est le capitaliste qui, pour exporter, ne réclame pas de crédits bonifiés à l'exportation, l'assurance d'être remboursé en cas de déconvenue, par des officines étatiques créées pour cela ? Quel est le banquier qui ne réclame pas, en ce moment, que l'État compense les milliards perdus dans les placements spéculatifs en Asie du Sud-Est ?

Et qui paie pour les dépenses croissantes de l'État ? Les riches ? Non !

L'impôt sur les bénéfices des sociétés, depuis une première réduction décidée par le socialiste Bérégovoy, n'a pas cessé de diminuer pendant dix ans. Juppé d'abord, Strauss-Kahn ensuite ont certes stoppé la baisse. Mais, je l'ai rappelé tout à l'heure, même le gouvernement socialiste n'a pas ramené l'impôt sur les bénéfices des sociétés ne serait-ce qu'au niveau de 50 % où il était encore il y a dix-huit ans.

Et, pour ce qui est des impôts personnels, la France est un des pays où l'imposition sur le revenu est la moindre dans les recettes fiscales, moins même qu'aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, des pays pourtant qui n'ont vraiment pas la réputation d'être féroces envers les plus riches. Et la gauche gouvernementale actuelle n'a même pas osé rétablir les tranches supérieures de l'impôt sur le revenu !

L'impôt sur la fortune ? Il est dérisoire, et il y a une multitude d'échappatoires comme l'a illustré récemment l'affaire Pinault, ce monsieur qui a une fortune de plus de six milliards de francs et qui ne paie pas d'impôt sur la fortune !

Les riches n'ont même pas besoin de tricher pour que, très légalement, ils puissent déduire de leur impôt ce qu'ils investissent dans les DOM-TOM, ce qu'ils placent dans les sociétés de cinéma, ce qu'ils paient comme salaires à leurs domestiques. Mais, en plus, ils trichent quand même !

Le Syndicat National des Impôts estime la fraude fiscale des bourgeois à quelque 200, peut-être même 300 milliards de francs.

Alors, ce que les riches ne paient pas, on impose aux pauvres de le payer. Et ce sont les pauvres qui paient la majeure partie des impôts sous la forme d'impôts indirects (dont la TVA), de taxe d'habitation.

Et, en plus, le patronat et les banquiers osent se dire encore gênés par les quelques protections sociales qu'ils doivent assurer aux salariés ou les quelques lois sociales qui s'opposent encore à une trop grande mobilité de la main-d'oeuvre, qu'ils voudraient corvéable à merci. Ce qui les gêne dans l'État, ce sont les quelques obstacles qui s'opposent à la libre circulation, au libre placement des capitaux, à la totale mainmise du patronat sur toute l'économie, y compris sur des parcelles du service public qui peuvent rapporter du profit : sur les télécoms, sur Air France, sur les hôpitaux. Ce sont ces obstacles qu'ils veulent balayer, à l'intérieur des frontières comme entre États. Toutes les grandes négociations commerciales internationales, de celles du GATT à celles de l'AMI, sans parler des multitudes de négociations qui ont jalonné l'histoire des tentatives d'unification européenne, visent cela, visent à transformer le monde entier en "arène libre" où les grands trusts peuvent étouffer librement plus petits qu'eux-mêmes et, surtout, tous ensemble, piller "librement" la planète.

Mais ce retour au capitalisme sauvage n'a même pas pour contrepartie le développement de l'économie.

L'organisation actuelle de l'économie représente un gâchis colossal. Un gâchis humain, bien sûr, car le chômage ce n'est pas seulement la pauvreté et le désespoir pour celles et ceux qui le subissent. Ce sont aussi des compétences gâchées, des savoir-faire laissés en friche, des intelligences et des capacités de travail qui pourraient être utiles à toute la société et qui ne le sont pas.

C'est aussi un gâchis matériel parce que les capitaux ne se transforment pas en investissements productifs mais restent de plus en plus dans la finance qui rapporte plus que la production. Alors, on laisse des usines se transformer en décombres et en carcasses. Le capital, pour ce qui est de la part consacrée à la production, préfère tirer le maximum de profit d'installations vieillies ou obsolètes, même si les bureaux sont équipés d'ordinateurs et même si certaines chaînes robotisées sont coordonnées par des moyens informatiques.

Ce que les grandes entreprises appellent investissement, c'est presque toujours l'achat d'autres entreprises. Pour cela, elles ont des milliards de liquidités à mettre sur la table. L'essentiel de leurs profits alimente la spéculation financière à l'échelle planétaire. Cette spéculation, ces placements hasardeux qui dévastent au passage des régions entières du monde, comme on le voit en ce moment avec la déroute des banques d'Asie du Sud-Est qui a des répercussions jusqu'ici, sont pires que les catastrophes naturelles.

Jusqu'ici, le monde capitaliste a évité un effondrement brutal du système financier. Mais ses responsables les plus lucides constatent que, si l'argent coule à flots, les profiteurs dansent sur un volcan. Les ministres des finances des pays les plus riches, réunis à Londres il y a une quinzaine de jours, ont eux-mêmes poussé un cri d'alarme contre l'irresponsabilité des banquiers et les ont implorés pour "que le secteur privé assume sa juste part dans la résolution des crises financières".

Un sénateur américain, pourtant réactionnaire mais alarmé, mène campagne en reprochant au FMI "de permettre aux banquiers imprudents d'être remboursés en cas de crise et de servir les intérêts de régimes corrompus ou incompétents".

Et le spéculateur Soros lui-même affirme : "J'ai fait fortune sur les marchés financiers mondiaux et pourtant je crains à présent que l'intensification effrénée du capitalisme libéral... ne mette en péril l'avenir" !

Oh oui, quelques-uns des plus grands fauves de leur jungle sont aussi lucides que cyniques ! Mais ce n'est pas une question de lucidité. Le système capitaliste est un système fou où règne le chacun pour soi, la société dût-elle en crever.

On ne peut pas réformer ce système, il faut le transformer de fond en comble !

Un certain nombre de militants, y compris des militants de partis dont les dirigeants font partie du gouvernement, sont conscients que le gouvernement de gauche ne prend pas les mesures que la situation imposerait. Mais ils sont désorientés.

Bien sûr, le mouvement ouvrier vit une période difficile. Ses difficultés viennent dans une large mesure de la crise, du poids du chômage et de la pression que cela exerce sur la combativité de tous comme sur le moral des militants. Mais ses difficultés viennent aussi des désillusions du passé, des trahisons de ceux-là mêmes qui dirigent le mouvement ouvrier.

Nous n'avons pas l'intention de revenir ici sur l'historique de ces trahisons. Mais il est important, il est vital que la politique actuelle du gouvernement n'entraîne pas la démoralisation d'un nouveau contingent de militants de la classe ouvrière. Il est important, il est vital qu'ils ne se laissent pas ligoter par la politique de leurs dirigeants. Et j'espère en particulier que, quelles que soient les compromissions des dirigeants du Parti Communiste pour se maintenir au gouvernement, un certain nombre de ses militants continueront à se battre pour défendre auprès des travailleurs des perspectives de lutte et des objectifs qui opposent vraiment les travailleurs à leurs adversaires de classe, la bourgeoisie et le patronat.

Le mouvement ouvrier a connu d'autres périodes de recul. Il s'en remettra. Et la perspective est fondamentalement la même que depuis que le mouvement ouvrier organisé s'est constitué pour combattre le capitalisme.

Parler aujourd'hui de la renaissance d'un parti représentant véritablement les intérêts de la classe ouvrière peut paraître utopique, mais c'est pourtant la seule perspective. Et elle peut redevenir bien plus rapidement à notre portée qu'il n'y paraît aujourd'hui.

Oui, il faudrait que renaisse dans ce pays une force politique qui se fixe comme objectif la transformation de la société par l'expropriation de la bourgeoisie et par la réorganisation rationnelle de l'économie, sans concurrence, sans marché, sans propriété privée des moyens de production et sans profit privé, un parti qui renoue avec le passé communiste et révolutionnaire du mouvement ouvrier.

Un ouvrage récent, consacré à la guerre que se livrent les grands trusts pour la domination du monde, cite un extrait de l'hebdomadaire The Economist, journal patronal anglais, sûrement pas suspect d'être sous influence gauchiste, qui constate : "L'écart qui se creuse aujourd'hui entre riches et pauvres dans toutes les sociétés peut donner naissance à de nouvelles formes de soulèvement social où les idées de Babeuf pourraient trouver un nouvel écho. Marx n'avait peut-être pas tort sur un point : le capitalisme est créateur d'un prolétariat vivant dans la misère la plus abjecte".

Oh oui, ils finiront bien par les susciter, les nouveaux Babeuf, ils finiront par les susciter, les nouveaux Marx ! Ils finiront bien par susciter, et peut-être plus tôt qu'ils ne le craignent, cette renaissance du mouvement prolétarien qui mettra de nouveau et fièrement sur son drapeau sa volonté de transformer le monde !

Alors, c'est cette perspective-là qu'il faut défendre, sans découragement car c'est le système capitaliste lui-même et les parasites qui en vivent qui sont en train de pousser les prolétaires à bout. Et c'est la classe ouvrière en mouvement, et elle seule, qui peut redonner aux perspectives communistes toutes leurs chances de se réaliser.

Alors, travailleuses, travailleurs, peu importe pour les travailleurs qui, de la droite ou de la gauche gouvernementale, dirigera la majorité des Conseils régionaux à l'issue des élections régionales qui viennent. Tous autant qu'ils sont, ils les dirigent dans l'intérêt du patronat.

Mais puisqu'une élection peut être l'occasion de pousser un cri, d'exprimer une colère et de se compter sur une politique et des objectifs à imposer, eh bien, il faut saisir cette occasion. Et ce qu'il y a de plus vital à exprimer du point de vue du monde du travail, c'est que nous ne pouvons plus, nous ne devons plus tolérer les licenciements et le chômage. Nous ne pouvons, nous ne devons plus tolérer que l'aggravation du chômage pousse un nombre croissant d'entre nous vers la misère et le désespoir.

Voilà ce que les électrices et les électeurs exprimeront en votant pour les listes de Lutte Ouvrière.

Alors, je vous appelle à saisir cette occasion pour voter et faire voter Lutte Ouvrière.

Ces élections étant à la proportionnelle, du moins si l'on obtient plus de 5 % des votes, vous avez la possibilité d'envoyer certains d'entre nous dans des Conseils régionaux.

Nous savons bien que les Conseils régionaux n'ont déjà pas beaucoup de pouvoir. Et le peu qu'ils ont est concentré entre les mains du seul président.

Bien sûr, nous ne pourrons constituer dans les Conseils régionaux qu'une petite minorité d'opposition.

Alors, nous ne vous promettons pas une autre gestion régionale car promettre cela ce serait simplement se payer de mots. Nous ne vous demandons pas de toute façon de nous y envoyer pour mieux gérer un Conseil régional qui n'est qu'une des nombreuses institutions du monde de la bourgeoisie.

Dans les Conseils régionaux, les militants de la cause ouvrière que nous sommes seront en terrain ennemi. Mais nous pouvons sur le terrain ennemi conquérir des positions pour mieux mener le combat de notre classe.

Nous nous efforcerons de dénoncer tout ce qui, dans les Conseils régionaux, se fait au détriment du monde du travail et de la population.

Nous rendrons transparentes les affaires, nous pointerons le doigt sur l'argent qu'on dilapide pendant que la misère s'accroît, nous utiliserons ces positions pour aider les travailleurs en lutte, ne serait-ce qu'en essayant d'attirer l'attention sur leurs combats.

Notre courant ne s'est jamais compromis, ni avec le patronat ni avec aucun des grands partis qui ont gouverné le pays à tour de rôle. Nous n'avons aucun fil à la patte, aucun allié à ménager, aucune carrière à protéger, ni à l'échelle du département ni à l'échelle nationale.

Alors, vous pouvez être certains que, dans tous les choix qui concernent la population de la région, nous défendrons systématiquement les intérêts de ceux qui vivent de leur travail, ou qui voudraient bien en vivre, contre les privilégiés. Notre action dans le Conseil régional sera le prolongement de la politique que nous défendons à l'échelle de l'ensemble du pays.

Nous dénoncerons au Conseil régional tous les licenciements collectifs et tous les plans de suppressions d'emplois.

Nous nous élèverons contre toutes les formes de cadeaux, de subventions déguisées, de dégrèvements accordés au patronat.

Nous chercherons à dévoiler la nature des contrats passés. Nous rendrons public tout ce que nous saurons de l'utilisation des fonds publics.

Et toutes les catégories de travailleurs qui veulent faire respecter leurs droits et, à plus forte raison, ceux qui se battent pour les faire respecter auront en nos conseillers régionaux des alliés, des amis.

Votez pour les listes Lutte Ouvrière car c'est le seul moyen de protester contre la politique actuelle du gouvernement qui ne veut pas prendre les mesures radicales nécessaires pour supprimer le chômage.

C'est un vote d'extrême gauche, le seul vote capable de contrebalancer les voix qui se porteront sur Le Pen. Car c'est un vote qui montrera que ceux qui en ont assez de cette situation ne se laissent détourner par aucune démagogie et qu'ils savent que c'est le patronat, et le patronat seul, qui est responsable du chômage et de la misère, et que c'est le patronat qu'il faut combattre.

La démagogie de Le Pen et du Front National prétend avoir, au problème du chômage, des solutions qui, parce qu'elles sont simplistes, paraissent radicales, comme la "préférence nationale".

Autrement dit, ils proposent aux travailleurs de s'en prendre à plus malheureux et plus faibles qu'eux, les immigrés. Mais ni Le Pen ni le Front National ne proposent de s'en prendre au patronat et à ses profits, pourtant les véritables responsables du chômage et de la crise.

Alors, il ne faut pas se tromper d'ennemi.

Et ce que je veux dire aussi, c'est que, pour s'opposer à Le Pen, il ne faut pas craindre les solutions radicales. Si la gauche paraît faible, si elle l'est, si elle trahit, elle est perdue face aux démagogues réactionnaires.

Et, pour ceux de l'électorat communiste qui n'ont pas envie d'apporter leurs voix à des listes de la gauche plurielle, c'est-à-dire, en fait, au gouvernement socialiste, c'est la seule façon de voter communiste.

Et puis, c'est un vote qui indiquera qu'il existe dans le monde du travail un courant qui se fixe pour but de combattre la société actuelle au nom du communisme.

Plus vous serez nombreux à voter pour notre liste, plus on verra que les travailleuses et les travailleurs, au chômage ou en activité, exigent que ce soient les profiteurs de la crise qui payent.

Alors, votez et faites voter pour les listes Lutte Ouvrière !

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