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- Lutte de Classe n°94
- Louis GUILBERT - de la minorité
Louis GUILBERT - de la minorité
J'ai hésité à prendre la parole à cette tribune. Je ne le fais pas pour traiter d'imbéciles ceux qui ne pensent pas comme moi. Je ne le fais pas pour déformer ce qu'ils disent quand je ne suis pas d'accord avec eux, mais je mets au défi qui que ce soit de trouver dans aucun des écrits de la minorité sur les banlieues un seul texte qui ne se soit pas démarqué des actes de vandalisme, des voitures brûlées ou des bus caillassés ou des pompiers attaqués(6). Mais dans tous ces textes, nous avons voulu marquer que c'est une fraction de la jeunesse ouvrière qui est en révolte contre les exactions de la bourgeoisie, contre celles du patronat, du gouvernement et de la police. Et nous avons voulu affirmer notre solidarité de classe avec eux tout en nous démarquant de leurs méthodes.
Et c'est ça qui nous semble essentiel pour une organisation communiste révolutionnaire, surtout au moment où tous les autres, ou presque, les traitaient de voyous manipulés par les caïds, voire les islamistes et appelaient à la répression. Je ne pense pas, contrairement au camarade qui m'a précédé que seuls les idiots se font arrêter. Il y en a eu quand même 4700, il y en a des centaines qui sont en prison pour des mois.
Quant à l'importance des maternelles sur laquelle Girardot s'est longuement attardé, ça me laisse pantois. Quand j'étais à l'usine fin des années cinquante, début des années soixante, début des années soixante-dix, la plupart des ouvriers n'avaient jamais mis le pied dans une maternelle. Il y avait d'abord les travailleurs immigrés qui, non seulement n'avaient jamais mis le pied dans une maternelle, mais qui, pour beaucoup, n'avaient même jamais mis les pieds dans une école primaire. Et puis il y avait les ouvriers qui venaient de province, les anciens paysans, et ceux-là, jusque dans les années soixante, il n'y avait pas de maternelles pour eux, il n'y en avait que dans les grandes villes.
Et tous ces gens-là étaient bien souvent bien moins cultivés que ne le sont les jeunes d'aujourd'hui, ils sont largement au-dessus du point de vue de la culture. Le problème des banlieues, ce n'est pas un problème d'éducation. Ce n'est même pas un problème de banlieue, c'est un problème social, celui de la pauvreté de la classe ouvrière, celui du chômage d'abord.(7)
Thibault et la confédération CGT l'ont fort bien dit, même si c'était pour en conclure qu'il faut négocier avec eux. Le PC le dit très bien et, comme la plupart des travailleurs, ils ont marqué eux aussi leur solidarité avec les jeunes.
Même si le PC dit cela pour conclure qu'il faut l'alternance en 2007.
Girardot dit qu'il y aura un mouvement s'il y a la vapeur, on est d'accord. Mais, dit-il, si les autres l'organisent et qu'alors on sera entraînés, prêts à faire ce qu'ils feront, ironise-t-il, ou encore que ça sert à rien de l'avoir dit avant. Nous n'avons aucune raison de nous résigner à ce rôle, pas plus à l'échelle nationale qu'à l'échelle d'une entreprise. Je vous rappelle que lorsque nous avons joué un rôle décisif ou un rôle vraiment influent dans certaines luttes, le rapport des forces entre les appareils et nous était démesuré. Mais nous avons pu le faire lorsque nous nous y étions préparés à l'avance et que nous avons alors rencontré l'appui des travailleurs et des militants contre leur appareil(8).
Notes
(6) Oui, la minorité a cité ces actes de vandalisme avec quelques qualificatifs négatifs mais se corrigeant tout de suite en affirmant que c'était des jeunes prolétaires "que cela nous plaise ou non", et elle ne les a pas explicitement critiqués, ce qui fait une grosse différence. D'ailleurs, si ces qualificatifs étaient sincères, on ne voit pas pourquoi elle nous ferait de tels reproches.
(7) Le chômage, nous l'avons toujours cité comme étant le fond du problème. Et Guilbert dit "les ouvriers que j'ai connus en 1960 n'étaient pas allés à l'école maternelle, ni même à l'école du tout".Or, les ouvriers qu'il a connus en 1960 et les jeunes d'aujourd'hui, ne sont pas les mêmes. Depuis, il y a eu le regroupement familial, des enfants et des petits-enfants sont nés. Avant 1960, les immigrés habitaient des bidonvilles et ils n'étaient pas avec leurs familles dans les cités.Quant aux ouvriers français, même ceux qui venaient de la campagne étaient allés à l'école primaire. Les immigrés maghrébins et africains venaient de leur pays, de leur village. Les seuls enfants étaient ceux d'immigrés européens qui les avaient précédés, Polonais, Espagnols, Italiens, Portugais, etc. Guilbert mélange les choses et les époques.Aujourd'hui, la population scolaire des maternelles et des écoles primaires des quartiers très défavorisés a changé. Avec des classes où les enseignants sont submergés. C'est là que l'État aurait dû évoluer ce qu'il n'a pas fait.Et Guilbert se trompe aussi de sujet de discussion.Les ouvriers avec lesquels il travaillait en 1960-1970,ne brûlaient pas les voitures de leurs voisins, ne brûlaient pas les écoles ou les bus, car c'est de cela qu'on parle. Pour le respect du travail humain et le respect des autres, ils étaient certes plus cultivés que les jeunes émeutiers d'aujourd'hui. Bien sûr, sur le fond, il y a le chômage, on le sait et on l'écrit. Mais c'est des actions que nous parlons.Évidemment s'il y avait un mouvement ouvrier digne de ce nom, ça leur offrirait d'autres perspectives, mais ce n'est pas une raison pour ne pas dénoncer la responsabilité de l'État.
(8) Pas seulement préparés, mais surtout parce que nous avons, avant même le départ d'un mouvement, l'appui des travailleurs (plus que des militants en fait). C'est cet appui qui manque aujourd'hui pour faire ce que voudrait la minorité en dehors de tout contexte social.