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Le Congo déchiré par les bandes armées... et par des rivalités impérialistes
Quelques repères chronologiques
1884-1885 : La Conférence de Berlin règle le partage de l'Afrique entre les grandes puissances. Reconnaissance de "l'État indépendant du Congo" ; Léopold II est désigné comme son souverain. La région du Rwanda est attribuée à la zone coloniale allemande.
1908 : Léopold II cède le Congo à l'État belge.
1925 : La Belgique, qui avait récupéré le contrôle de l'ex-colonie allemande du Rwanda-Urundi, l'intègre au Congo.
4 janvier 1959 : Emeutes populaires et indépendantistes à Léopoldville.
30 juin 1960 : Indépendance du Congo belge. Kasavubu devient chef du nouvel État, Lumumba, chef du gouvernement.
11 juillet 1960 : La province du Katanga se proclame indépendante.
15 septembre 1960 : Mobutu proclame l'état d'exception et emprisonne Lumumba.
17 janvier 1961 : Tshombe, avec la complicité de Mobutu, fait assassiner Lumumba.
1962 : Indépendance du Rwanda d'une part et du Burundi d'autre part.
24 novembre 1965 : Mobutu s'empare des pleins pouvoirs. L'ex-Congo belge prend le nom de Zaïre.
1973 : Coup d'État au Rwanda du colonel Habyarimana ; début du rapprochement avec la France.
1977-1978 : Interventions de l'armée française au Shaba, ex-Katanga (Kolwezi).
1986 : Coup d'État en Ouganda de Museveni ; soutien des USA et de la Grande-Bretagne
Octobre 1990 : Intervention des troupes françaises et zaïroises au Rwanda, pour repousser l'offensive du Front Patriotique Rwandais (essentiellement d'origine tutsie).
6 avril 1994 : Assassinat d'Habyarimana. Début des massacres contre les Tutsis et les opposants hutus, au Rwanda. Nouvelle offensive du FPR.
Juillet-août 1994 : Victoire du FPR, qui entre à Kigali. Opération"Turquoise" : l'armée française couvre la fuite et le passage de l'armée rwandaise et des cadres de l'ancien régime au Zaïre.
Septembre 1996 : Le soulèvement des Banyamulenge dans le sud-Kivu prend de l'ampleur
Mai 1997 : Renversement de Mobutu ; Kabila s'installe au pouvoir.
Seize mois après l'arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, le Congo (ex-Zaïre) est à nouveau plongé dans les horreurs de la guerre. Partie fin juillet de l'Est du pays, de la région du Kivu, la rébellion des Banyamulenge, peuplade d'origine tutsie vivant au Congo, s'est étendue à tout le pays, ralliant à elle une partie des opposants au nouveau régime ainsi que des pans de l'armée gouvernementale. Mais si cette rébellion, soutenue activement par l'Ouganda et le Rwanda voisins, a semblé un moment capable de renverser Kabila, l'intervention militaire de l'Angola et du Zimbabwe a brusquement modifié le rapport des forces.
Aujourd'hui, Kabila a, au moins provisoirement, sauvé son régime, mais le pays, livré aux bandes armées, alliées ou adversaires momentanés du pouvoir, est soumis à une partition de fait. Parallèlement, en impliquant plus d'une demi-douzaine d'États africains, ce conflit est en train de menacer le fragile équilibre de toute cette région.
En fait, ce qui se passe au Zaïre n'est que le dernier rebondissement d'une crise latente et beaucoup plus ancienne, qui secoue périodiquement l'Afrique des Grands Lacs. Ses phases les plus récentes furent marquées en 1994 par les tragiques événements du Rwanda, puis par le renversement du régime de Mobutu en 1997.
Le lourd héritage du passé colonial
Pour comprendre les ressorts de cette crise, il faut se replacer dans le contexte de l'Afrique centrale, dont les immenses ressources furent très tôt l'enjeu des conquêtes coloniales. Dans cette région qui se trouvait être, à la fin du XIXe siècle, le point de convergence des ambitions contradictoires de la France, de l'Angleterre, du Portugal et de l'Allemagne, la Belgique, ou plus exactement le roi Léopold II, sut profiter du fait qu'aucune des grandes puissances ne voulait permettre à l'autre de prendre l'avantage pour se tailler un gigantesque empire, dont la superficie représentait plus de dix fois celle de la mère patrie et les richesses naturelles, bien plus encore. Déclaré dans un premier temps propriété privée de Léopold II, l'immense Congo est devenu par la suite le fleuron de l'empire colonial de l'impérialisme belge. Au lendemain de la Première Guerre mondiale et de la défaite de l'Allemagne, après le Congo, le Rwanda-Urundi passa également sous contrôle belge, c'est-à-dire sous la mainmise des sociétés et des groupes financiers belges, tels que l'Union minière et la Société Générale.
Le découpage des frontières entre ces pays et leurs voisins sous domination britannique, française ou portugaise ne reflétait que les rapports de forces et les tractations entre les puissances impérialistes concurrentes. De ce passé colonial, fait de pillage et d'oppression, la région a hérité du sous-développement mais aussi de frontières tranchant partout au milieu des peuples et entraînant des déplacements massifs de populations. De plus, pour assurer leur domination, les colonisateurs avaient su s'appuyer sur les clivages tribaux ou ethniques, en renforçant et en exaspérant ces clivages, comme entre les Kasaïs et les Katangais, les Maï-maï et les Banyamulenge au Congo, entre les Tutsis et les Hutus au Rwanda et au Burundi. Il en résulta une véritable poudrière qui se réveilla au moment des indépendances.
L'unité du Congo, forgée artificiellement et maintenue par la force du colonisateur belge, n'est pas un problème nouveau. Ni le passé, ni l'évolution économique n'ont tissé de liens entre les différentes régions du Congo, éloignées en outre des unes des autres autant par la distance que par les difficultés de communication. L'intégration économique dans le système capitaliste mondial s'est faite sans la formation préalable ou concomitante d'une économie nationale unifiée, en laissant les zones pauvres végéter dans l'autarcie susceptibles tout au plus de servir de réservoirs de main-d'oeuvre quasi servile et en orientant la production des zones minières vers la métropole impérialiste.
Contrairement à l'impérialisme français et anglais, l'impérialisme belge ne s'est pas donné la peine de préparer la décolonisation, en sélectionnant dans la population autochtone des serviteurs politiques et militaires susceptibles d'assurer la continuité étatique après le départ de la puissance coloniale. Il n'y eut pas au Congo des Houphouët-Boigny ou des Senghor, formés dans le sérail politique de la métropole impérialiste, liés à sa classe dominante, pour remplacer le jour venu les gouverneurs coloniaux et pour continuer à assurer les intérêts impérialistes dans le cadre d'États devenus indépendants. Il n'y eut même pas des Bokassa, ou plus exactement, il fallut les sélectionner et les former dans le feu des explosions politiques qui ont accompagné l'accession du Congo à l'indépendance, le 30 juin 1960.
Patrice Lumumba, le premier chef de gouvernement du Congo devenu indépendant, tenta de préserver l'unité du pays et de forger une sorte de conscience nationale dépassant l'ethnisme et le régionalisme. Mais il se heurta aux manoeuvres des trusts belges et français, et, en premier lieu, à celles du plus puissant de ces trusts, l'Union minière, qui finança et soutint la sécession de la région la plus riche en minerais, le Katanga. Sécession qui servit de modèle et d'encouragement à d'autres tentatives du même genre.
L'impérialisme américain était certes opposé à ces tentatives de sécession, non pas par souci de l'unité du Congo, mais parce que ses propres trusts n'avaient aucun intérêt à laisser les régions les plus riches sous la mainmise exclusive de leurs rivaux belges ou français, tout en laissant les régions pauvres en proie à une guerre civile endémique qui pouvait favoriser les initiatives soviétiques dans la région. Mais pas plus que les autres puissances impérialistes, les États-Unis ne voulaient d'un régime fort, bénéficiant d'un certain consensus populaire, sur la base des idées nationalistes et tiers-mondistes professées par Lumumba. Le sort de Lumumba fut rapidement scellé. Mais avant même son assassinat, la course au pouvoir était engagée entre un certain nombre de chefs politiques autochtones, dont les ambitions rivales ont disloqué le pays d'autant plus facilement qu'il est immense, regroupant plus de 250 ethnies, et que son sous-sol, regorgeant de richesses minières, était convoité par des trusts également rivaux.
Les ambitions rivales de Moïse Tshombe au Katanga ou d'Albert Kalonji Ditunga au Kasaï oriental, qui rêvaient de se tailler un fief sur des bases ethniques, furent accentuées par les manoeuvres des grandes puissances. Lorgnant sur l'or du Kivu, le cobalt, le zinc et l'uranium du Katanga ou les diamants du Kasaï, chacune d'elles cherchait à fabriquer le leader congolais le plus apte à servir les intérêts de ses propres trusts. Les grandes puissances ne se sont pas contentées de se battre par Congolais interposés : les bandes armées en formation étaient aidées, voire encadrées par des mercenaires, parmi lesquels les"affreux" propulsés par l'impérialisme français ont conquis une triste place de choix.
Le peuple congolais paya chèrement cette politique. Finalement, après cinq années de guerre et de dévastations, les États-Unis qui, dans le contexte de la décolonisation et des tensions nées de la guerre froide, ne pouvaient tolérer ce foyer d'instabilité au coeur de l'Afrique, rétablirent l'ordre impérialiste. Sous couvert de l'ONU, ils s'attachèrent à la construction d'une armée forte autour de Mobutu, ex-sergent de l'armée coloniale, promu colonel et chef d'état-major. Et en novembre 1965, Mobutu s'empara de tous les pouvoirs avec la bénédiction conjointe des Français et des Américains.
Le régime que Mobutu mit en place et qui allait durer plus de trente ans n'était finalement pas différent des régimes mis en place dans les autres pays africains ayant accédé à l'indépendance. Dépourvu de base sociale, il ne pouvait être qu'une dictature militaire qui, en échange de sa complicité dans l'exploitation des richesses du pays, pouvait compter sur les subsides et l'armement des puissances impérialistes.
Profitant de la faiblesse de l'impérialisme belge et de la tolérance des États-Unis à son égard, l'impérialisme français put s'ériger en puissance protectrice des ex-colonies belges du Rwanda et surtout du Zaïre, comme il le faisait déjà sur un tiers du continent africain. Pendant que les groupes capitalistes français, à l'image de Matra, Thomson et quelques autres, profitaient de cette situation pour s'assurer des débouchés privilégiés pour leurs marchandises et leurs capitaux, l'État français, quels que fussent les gouvernements, n'allait pas ménager son aide militaire, ses troupes intervenant directement et à plusieurs reprises pour sauver aussi bien Mobutu que la dictature d'Habyarimana au Rwanda.
La recrudescence des rivalités impérialistes
Mais au début des années quatre-vingt-dix, l'effondrement de l'URSS permit une expression plus ouverte des rivalités inter-impérialistes que la guerre froide avait un temps masquées, d'autant que la stagnation économique entraînait une concurrence accrue entre les groupes capitalistes. L'Afrique n'échappa pas à cette nouvelle donne. Tandis que la France, puissance impérialiste de seconde zone, s'accrochait à ce qu'elle considérait comme son pré carré africain, où l'impérialisme américain lui avait laissé jusque-là jouer le rôle de gendarme, ce dernier commença à lui contester ce leadership.
La rivalité, de plus en plus patente avec l'usure du régime de Mobutu, était appelée à éclater au grand jour avec la succession annoncée du dictateur vieilli.
C'est pourtant à partir du Rwanda que la crise réapparut en 1994. Tandis que la France protégeait jusqu'au bout Habyarimana et les responsables des massacres contre les Tutsis et les opposants hutus modérés, le clan anglo-américain choisit de soutenir la rébellion du Front Patriotique Rwandais. Avec l'appui militaire de l'Ouganda, cette dernière finalement l'emporta, rejetant du même coup l'influence française.
Les événements dramatiques du Rwanda, par-delà leurs racines locales, s'intégraient dans les grandes manoeuvres qui s'étaient engagées entre l'impérialisme français et l'impérialisme américain. Avec la succession de Mobutu, l'enjeu était d'une tout autre importance, et chacun essaya de régler la question à sa manière. Une fois de plus, la France s'accrocha au dictateur en place, tandis que l'impérialisme anglo-américain optait pour une solution de rechange. L'occasion se présenta en 1996 avec un premier soulèvement des Banyamulenge, dans l'est du Congo.
Kabila n'avait pas plus de base sociale que le régime de Mobutu. Opposant de longue date, cet aventurier avait jusque-là profité de la faiblesse du pouvoir central congolais pour se tailler un fief dans le Kivu à partir duquel il menait à bien divers trafics lucratifs, à base d'or, d'ivoire et de pierres précieuses. Mais, en se portant à la tête de la rébellion au nom de"l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo", il put disposer de l'appareil militaire qui lui avait jusque-là fait défaut pour asseoir ses ambitions, d'autant que les rebelles bénéficiaient du soutien américain via l'Ouganda et le Rwanda. En sept mois, Kabila qui se gardait bien alors d'opposer les"patriotes congolais" aux"envahisseurs rwandais" et à la"vermine tutsie" balaya les derniers vestiges du régime de Mobutu et fit son entrée dans la capitale, Kinshasa, en mai 1997.
Quant aux groupes miniers opérant au Congo, ils n'avaient pas attendu la chute de Mobutu pour se placer. A mesure que les armées de Kabila avançaient, l'American Mineral Fields, l'Anglo-American et le groupe De Beers qui contrôle plus de 80 % de la production de diamant soutenaient son effort de guerre, profitant de la situation pour signer des contrats dans les meilleures conditions avec les nouveaux maîtres du pays.
Un renversement des alliances
On ne saura sans doute jamais qui a le premier allumé la mèche quinze mois après l'entrée en fonction de Kabila. A-t-il voulu se débarrasser de ses parrains rwandais devenus encombrants ? A-t-il eu vent d'un complot visant à le débarquer ? Le fait est qu'en décidant, au mois de juillet dernier, de limoger certains responsables militaires comme James Kabarehe, officier rwandais et chef d'État-major des forces armées congolaises, et de renvoyer chez eux des milliers de soldats rwandais encore présents sur le sol congolais, Kabila a précipité les choses. Dès le 2 août, une nouvelle rébellion éclatait dans le Kivu, à l'est du pays et à la frontière avec le Rwanda. Privées de leur encadrement rwandais aguerri, plus habituées au pillage et à des tâches de répression contre la population qu'à de véritables affrontements militaires, les forces armées congolaises furent d'une piètre efficacité. En quelques jours, le gouvernement fut menacé non seulement à l'est, mais également à l'ouest où les rebelles avaient ouvert un second front.
Kabila dut se résoudre à mendier des appuis extérieurs. Après bien des hésitations, l'entrée en lice de l'Angola fut décisive, mais du même coup, le conflit prit une autre dimension. Impliquant désormais la rébellion appuyée par le Rwanda, l'Ouganda, le Burundi d'un côté, les forces gouvernementales renforcées par l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie et depuis peu semble-t-il le Soudan de l'autre, cette guerre menace désormais la stabilité de toute la région.
Les nouveaux gendarmes de l'Occident
On peut se demander ce qui a poussé ces États africains à intervenir directement dans ce conflit.
Il est certain que chacun des protagonistes poursuit ses propres objectifs, apparemment sans afficher la volonté de remettre en cause les frontières héritées de l'impérialisme. Au Rwanda comme au Burundi, les régimes à dominante tutsie, régulièrement menacés par les incursions des ex-forces armées d'Habyarimana et des miliciens hutus repliés dans le Kivu depuis 1994, avec l'aide de la France et de Mobutu, peuvent légitimement invoquer la sécurité de leurs frontières, ainsi que la protection des minorités tutsies congolaises persécutées par le pouvoir et ses alliés, aussi bien du temps de Mobutu qu'aujourd'hui avec Kabila. Mais il n'est pas impossible que Kigali, en occupant militairement la région, veuille également mettre la main sur les ressources minières du Kivu.
L'Ouganda se trouve dans la même situation que son allié rwandais. Depuis longtemps, le régime de Yoweri Museveni est confronté à la rébellion de l'Alliance des Forces Démocratiques (ADF), qui opère à partir du Kivu. L'Ouganda n'a d'ailleurs jamais caché qu'il entretenait depuis longtemps, avec ou sans l'accord de Kinshasa, une présence militaire dans cette région orientale du Congo.
L'Angola, pour sa part, doit faire face, depuis son indépendance en 1975, à la rébellion de l'UNITA, installée au nord du pays et dans la zone frontalière avec le Congo-Kinshasa. En décidant d'intervenir militairement dans l'ouest du Zaïre, le régime de Dos Santos ne veut sans doute pas seulement supprimer les sources d'approvisionnement des maquis de l'UNITA, mais également protéger son enclave pétrolière du Cabinda, où les activités du Front de libération du Cabinda ainsi que d'une partie des anciennes armées mobutistes constituent un foyer de déstabilisation.
Mais au-delà des questions de sécurité frontalière, il est probable que tous ces États africains partagent une même volonté : ne pas abandonner le devant de la scène à un concurrent, pour faire valoir ses services de futur gendarme des intérêts occidentaux en Afrique centrale. De ce point de vue, l'Angola qui n'en est pas à sa première démonstration dans l'ouest africain possède une longueur d'avance. En 1997, ses troupes étaient déjà intervenues pour accélérer la chute de Mobutu, puis, cinq mois plus tard, pour imposer Sassou Nguesso, le candidat du groupe Elf, à la tête du Congo-Brazzaville. Le régime de Kigali peut, quant à lui, se prévaloir du soutien que lui ont apporté les États-Unis depuis 1994, renforcé par la présence de dizaines de conseillers militaires et la visite de Bill Clinton en mars dernier. Quant au Zimbabwe, il n'est sans doute pas mécontent de se démarquer de l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, son concurrent en affaires comme en politique à l'échelle du continent africain.
A l'image des rapports entre Kabila et ses voisins ougandais et rwandais, les alliances entre les États africains peuvent se faire et se défaire. Mais pour discret que puisse apparaître dans bien des cas le jeu des puissances impérialistes, leurs rivalités ou au contraire, leur entente, restent un facteur majeur des rebondissements politiques dans la région.
Par-delà les manoeuvres des puissances impérialistes, les grands trusts eux-mêmes, ceux du pétrole, du diamant ou du cuivre, ont une expérience séculaire dans l'art de manoeuvrer les roitelets, les chefs de clans, les bandes armées locales, achetant les uns, écartant d'autres, intriguant avec tous, pour obtenir les contrats les plus juteux et les possibilités de pillage les plus alléchantes.
La guerre au Congo peut s'arrêter momentanément après l'épreuve de force actuelle comme elle peut s'enliser et conduire à une situation durable. Et si les puissances impérialistes restent spectatrices, c'est qu'elles peuvent tout à fait s'accommoder de ces conflits, pourvu que l'exploitation des mines d'or, de cuivre ou de diamant ne soit pas remise en cause. Les trusts, et pas seulement ceux qui produisent des armes, peuvent même y trouver leur compte. L'impérialisme se fait donc une raison tant qu'il peut"surfer" sur les vagues des affrontements, des émeutes et tant que, pendant les massacres, les affaires continuent.
Pendant ce temps, les populations paient le prix fort pour ces luttes d'intérêts et ces affrontements entre bandes armées rivales.
Et le drame, c'est qu'il ne s'agit même pas seulement des dégâts faits par les bandes armées elles-mêmes. Les chefs des bandes armées celles, officielles, des armées dites nationales, comme les autres ne disposent d'aucune base sociale. Quand ils cherchent à trouver un appui dans la population, c'est pour ainsi dire toujours sur une base ethnique. Souvent même pas en favorisant leur propre ethnie, mais en excitant contre les ethnies adverses toutes les autres. Les scènes de lynchage dans le Kinshasa de Kabila contre les civils tutsis, femmes et enfants compris, ont répété les abjections du Rwanda. Les guerres ethniques, cette forme particulièrement infâme et stérile de la guerre civile, prolongent et aggravent les méfaits des bandes armées. La guerre devient au Congo, comme dans nombre de pays d'Afrique, un état permanent. Conséquence en dernier ressort de la pauvreté et du sous-développement, elle en devient un facteur aggravant.
Le Congo de Kabila, comme en son temps le Zaïre de Mobutu, résume à lui seul ce que la mainmise impérialiste représente pour l'Afrique et, au-delà, pour la majeure partie sous-développée de la planète.