Extraits des textes des trois courants de la LCR qui se sont exprimés à ce sujet dans Rouge (n° 1804 - 26 novembre 1998)01/12/19981998Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1998/12/39.png.484x700_q85_box-17%2C0%2C577%2C811_crop_detail.png

Extraits des textes des trois courants de la LCR qui se sont exprimés à ce sujet dans Rouge (n° 1804 - 26 novembre 1998)

(...) Lors du dernier comité central, trois positions étaient en présence. La première (position A) à obtenu 37 voix ; la seconde (position B) a totalisé 12 voix ; enfin la troisième (position C) a recueilli 4 voix. Nous entamons cette semaine le débat.

Position A - Changer la donne.

Les grandes grèves de 1995 ont ouvert une nouvelle période de résistance sociale qui se manifeste par la multiplicité de conflits en général massifs, combatifs et porteurs d'exigences sociales radicales (enseignants du 93, lycéens, SEITA, chauffeurs de bus, cheminots, chantiers navals, etc.). Ces luttes se combinent avec le redéploiement des nouveaux mouvements sociaux comme ceux des sans-papiers ou des chômeurs, dans un climat où une partie du "peuple de gauche" commence à se détourner de la politique du gouvernement. Nous avons déjà constaté que ce nouveau mouvement social était orphelin d'un débouché politique. De plus en plus critique à l'égard de la gauche plurielle, il n'est en revanche pas encore prêt à se donner les moyens de la remplacer. Cette déconnexion partielle entre le politique et le social explique pourquoi sur le terrain électoral, il est impossible de construire, pour le moment, le prolongement politique naturel de cette radicalisation. Et pourtant, avec le score réalisé par LO et partiellement par la LCR lors des régionales, on a pu voir que cette gauche sociale commençait partiellement à se manifester dans les élections par un vote extrême gauche devenu "utile" et crédible (près de 5 %).

L'année qui vient sera une annnée de début de clarification aussi bien pour la droite que pour la gauche. Et c'est dans ce cadre que va s'élargir l'espace décrit plus haut d'une "gauche de gauche", à la gauche du gouvernement. Or il ne reste plus que deux forces politiques à l'échelle nationale capables de servir d'outil d'expression de ce courant : la Ligue et LO.

Les désaccords avec LO sont connus, tant sur le mode de fonctionnement de nos organisations, sur leurs priorités d'intervention que sur la pratique quotidienne. La fusion n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, en ce qui concerne la critique de l'Europe capitaliste, celle de la politique de Jospin et surtout les revendications aternatives portées par les mouvements sociaux, il y a un accord de fond, comme en témoigne le projet de profession de foi. Les centaines de milliers de gens qui s'apprêtent à voter pour cette liste unitaire ne se posent pas le problème de savoir si les militants de LO sont dans Ras l'front ou dans AC !

Par contre, ils savent qu'Arlette Laguiller est dans le camp de ceux qui luttent contre l'extrême droite et le chômage.

En revanche la possibilité pour la première fois d'un score significatif (plus de 5 %) et proche de celui du PCF et des Verts pourra chambouler les rapports de forces au sein de la gauche, aider à clarifier les débats en son sein, redonner confiance au mouvement social. Ce sera l'ouverture d'une étape et de responsabilités nouvelles pour la LCR dans sa volonté toujours partagée d'aider à construire en France un parti de la gauche anticapitaliste, écologiste et féministe. L'autre voie, celle d'une liste LCR seule à 1 %, apparaîtrait comme sectaire à une échelle large et totalement irresponsable. Ce serait une opportunité historique gâchée et donc un recul pour notre projet commun.

Georges Villetin

Position B - Risque de déraillement

(...) Une minorité du comité central représentant le quart des votants, le tiers de la majorité issue du dernier congrès refuse ces faux-semblants. (...)

Pour une raison de fond : les bases politiques pour une campagne politique effective ne sont pas réunies entre LO et la LCR.

La démarche suivie a consisté à escamoter médiatiquement cette réalité politique (...). Si, au lieu de mitonner une profession de foi virtuelle, on avait débattu des axes d'une bataille politique effective, elles seraient immédiatement apparues.

(...) Il n'y a pas accord pour engager une bataille pour une Europe démocratique et pour exiger la rupture avec le pacte de stabilité.

(...) Il n'y a pas accord pour travailler à une mobilisation unitaire pour une autre loi des 35 heures, sans flexibilité ni perte de salaire.

(...) Il n'y a pas accord pour mener une guerre résolue au Front National, dénoncer les évolutions dangereuses d'une droite en voie d'éclatement, défendre la nécessité d'un front unique de toute la gauche face à ces menaces.

Divergences quant au positionnement : non pas l'extrême gauche contre la gauche, mais une extrême gauche qui oeuvre à l'émergence d'une "gauche de la gauche". (...)

Ou l'on prend franchement la mesure de ces désaccords pour s'efforcer de les dépasser, ce qui demande du temps, de la détermination, et l'expérience de l'action commune. Ou on les masque, pour se présenter ensemble aux élections. Cette seconde (mauvaise) manière revient à renvoyer à plus tard les contradictions, et à les rendre explosives.

Imaginons 1) une liste LO-LCR aux européennes ; 2) Un succès électoral de cette liste : des voix, voire des élus... Politiquement, quel après ?

Dans un paysage de gauche chamboulé, quelles réponses proposer aux espoirs ainsi levés. (...)

(...) Mais rien ne permet aujourd'hui de les aborder sérieusement. Car l'accord politique réel avec LO n'existe pas. (...)

Position C - Coalition ou alignement ?

(...) Sur le fond, il ne fallait ni se situer dans la gauche lors du Congrès de janvier 1998, ni aujourd'hui se subordonner de fait à un courant se situant "ailleurs". L'hypothèse selon laquelle la barre des 5 % pourrait être atteinte ne peut à elle seule fonder une politique.

Ce qui nous sépare de LO ne relève pas du "détail" entre des organisations qui disposeraient d'un fond programmatique et politique commun. La recherche commune d'un score électoral ne peut effacer l'histoire y compris récente de trajectoires politiques divergentes, de pratiques qui ne le sont pas moins et de conceptions opposées sur ce à quoi doit servir une intervention politique. (...)

Ainsi la majorité reconnaît le caractère "relativisé ou traité partiellement" de certaines questions (résolution majoritaire). "C'est le cas, par exemple, des questions de construction d'une Europe politique démocratique" (idem). Un tel profil en lieu et place de ce que nous devons développer en matière de construction européenne (processus constituant, subsidiarité démocratique et non pas "démocratisation" des institutions existantes soumises à l'intergouvernementalité) n'est pas sans conséquences.

En ce qui concerne les questions sociales, la profession de foi commune "relativise" pour le moins notre démarche constante visant à dessiner les contours "d'une autre politique", globale et cohérente, faite d'objectifs concrets, perçus comme souhaitables et accessibles par ceux à qui nous nous adressons, dans le but de les mobilier pour l'imposer au moins partiellement, à la gauche gouvernante. (...) Que dire enfin de la lutte contre l'extrême droite que Lutte Ouvrière a déserté en pratique et avec constance dans un contexte où il n'est pas exclu que des élections régionales partielles dans les quatre régions gérées en commun par la droite et le FN se déroulent avant même l'échéance des élections européennes.

Nous aurions dû nous maintenir dans le cadre d'une stricte coalition électorale (profession de foi à deux voix distinctes .(...) On y aurait gagné en clarté du point de vue de notre profil politique et en efficacité tout en préservant les conditions de mobilisation de la LCR pour défendre une politique dans laquelle elle puisse se retrouver.

6 membres du CC et de la CCC.

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