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États-Unis - Couverture médicale à vendre... si on a de l’argent pour l’acheter
Nous publions ci-dessous la traduction de larges extraits d'un article écrit pour Class Struggle (n°64 novembre-décembre 2009), la revue trimestrielle du groupe trotskiste américain Spark. Cet article décrit à quel point la couverture médicale de la population est déficiente aux États-Unis et explique en quoi la « réforme » que le gouvernement Obama s'efforce de faire passer au Congrès est un véritable cadeau à tous ceux qui s'engraissent dans le domaine de la santé publique, un cadeau payé par la population laborieuse sans que sa couverture médicale soit plus efficace.
La loi n'a pas encore été adoptée. L'article analyse le projet de loi adopté par la commission des Finances du Sénat. Depuis que l'article a été écrit, la Chambre des représentants a adopté son propre projet, qui n'est pas fondamentalement différent. Bien que les Démocrates soient très largement majoritaires dans cette assemblée, le projet a été adopté de justesse car trente-neuf Démocrates n'ont pas voté pour, estimant que cela coûterait trop cher à l'État. L'Église catholique a menacé de faire capoter le projet si l'avortement n'était pas précisément exclu des polices d'assurance et cette disposition a été adoptée sans pour autant rallier les Républicains au projet : un seul Républicain a voté pour.
Le Sénat doit lui aussi adopter son propre projet qui est encore l'objet de maintes tractations. Et là il ne suffit pas d'obtenir la majorité mais il faut 60 voix sur 100. C'est dire que lorsqu'il s'agira de présenter au Congrès le projet de loi définitif, synthèse des projets des deux assemblées, les Démocrates auront eu maintes occasions de prétendre être obligés de céder aux Républicains et il y a toute chance que les grandes lignes du projet de la commission des Finances du Sénat, qui est discuté ici, restent valables.
Aujourd'hui, pour bénéficier d'une couverture médicale aux États-Unis, il faut avoir un employeur qui accepte de prendre auprès des assureurs privés une police d'assurance couvrant ses salariés. On peut aussi bénéficier d'une assurance médicale publique : Medicare si on est un retraité de plus de 65 ans, Medicaid si on a un revenu proche du seuil de pauvreté. Quelques programmes gouvernementaux offrent une assurance médicale à des enfants. Enfin, pour beaucoup de gens, la seule solution est de s'assurer eux-mêmes auprès d'une compagnie d'assurances privée. Des millions de personnes ne le font pas parce qu'elles n'en ont tout simplement pas les moyens : les assurances sont chères et ne répondent pas aux besoins. Comme on va le voir, la « réforme » d'Obama est loin de remettre en cause ce système.
Avant même que les Démocrates l'ait désigné comme candidat, Barack Obama s'était engagé à ce que la réforme du système de santé soit l'un des programmes-phares de sa présidence. Sans donner de détails, il semblait s'engager à réussir là où d'autres avaient échoué : établir une couverture médicale quasi universelle, une réforme de grande ampleur en faveur de la population. Et il décrivait l'état actuel du système de santé comme « fini ».
En réalité, cette réforme, qui poursuit actuellement son parcours tortueux au Congrès, est avant tout destinée à dispenser encore plus d'argent à ceux-là mêmes qui ont « achevé » le système : les compagnies d'assurances, les laboratoires pharmaceutiques, les systèmes hospitaliers et autres fournisseurs de soins.
Bien des gens sont inquiets, en particulier les retraités qui bénéficient de l'assurance médicale fédérale pour les personnes âgées (Medicare) ou les salariés dont les employeurs fournissent une couverture médicale à peu près convenable. Ils craignent d'avoir à payer plus cher pour des prestations réduites. Le projet de loi élaboré par la commission des Finances du Sénat prouve bien qu'ils ont de quoi être inquiets. D'autres ont l'espoir que la réforme, même si elle ne règle pas complètement le problème, améliorera au moins la situation présente qui est vraiment désastreuse. D'une façon ou d'une autre, ces façons de voir expriment à quel point le système est « fini » et a grand besoin d'être remplacé.
Un système catastrophique
45 000 personnes sont mortes l'an dernier en grande partie parce qu'elles n'avaient pas d'assurance médicale et ne pouvaient pas se faire soigner correctement : voilà la conclusion d'une étude toute récente faite par des chercheurs de l'École de médecine d'Harvard.
Il n'est pas vrai que seules les personnes en bonne santé n'ont pas de couverture médicale, comme le prétendent les groupes de réflexion de droite. Presque la moitié des personnes qui ne sont pas assurées ont des cancers à leur début ou des maladies chroniques, diabète, hypertension artérielle, problèmes vasculaires. Et près de la moitié d'entre elles n'ont pas vu de médecins au cours de l'année dernière.
46 millions de personnes, 15,4 % de la population, n'ont pas de couverture médicale, ni par leur employeur, ni par l'État au titre d'ancien combattant, de personne âgée prise en charge par Medicare, de personne ayant un très faible revenu prise en charge par Medicaid, ou encore grâce aux différents programmes gouvernementaux mis en place pour les enfants.
Pour la population en âge de travailler, dont la majorité ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'une de ces assurances publiques, les chiffres sont encore pires : une personne sur cinq n'avait pas de couverture médicale en 2008, une sur trois s'est retrouvée sans couverture médicale à un moment ou un autre au cours des deux années 2007 et 2008.
Dans ce pays, il y a d'énormes besoins en soins médicaux qui ne sont pas satisfaits. Lorsque la Fondation médicale pour les régions reculées a installé pendant une semaine au centre de Los Angeles un centre médical gratuit, les médecins, les dentistes et les autres personnels de santé ont été submergés par des milliers de gens qui avaient besoin non seulement de soins élémentaires, mais aussi de soins pour des maladies chroniques, et même des cancers, mais aussi de chirurgie dentaire, etc. On était peut-être au centre de l'une des villes les plus grandes et les plus riches des États-Unis, mais elle offrait l'image d'un pays sous-développé tant les gens sont privés d'accès aux soins.
Les États-Unis dépensent plus mais la population reçoit moins
Les dépenses de santé des États-Unis sont bien supérieures à celles des pays qui fournissent pourtant des soins médicaux à l'ensemble de leur population. Les États-Unis ont dépensé 7 290 dollars par personne en 2007, ce qui représente environ le double de ce que le Canada, les Pays-Bas, l'Autriche ou la France dépensent pour la santé. Les États-Unis y consacrent une bien plus grande part de la richesse produite que les autres pays. Selon l'OCDE, en 2007, les dépenses de santé des États-Unis ont représenté 16,2 % de leur produit intérieur brut, alors que la moyenne pour les pays de l'OCDE n'est que de 8,9 %.
La droite, qui ne peut pas occulter complètement de tels faits, prétend que nous dépensons plus parce que nous recevons plus, c'est-à-dire que nous bénéficions de bien meilleurs soins médicaux.
Certes, pour les riches, ce pays fournit les traitements les plus avancés, les équipements les plus performants et les médecins les plus compétents. Le monde entier nous envie les blocs opératoires des hôpitaux les plus célèbres qui attirent de riches malades de tous les pays.
Mais cela ne se traduit pas par des soins de qualité pour la majorité de la population. Par rapport à la taille de la population, nous avons moins de médecins que n'importe quel autre pays industrialisé, environ un tiers en moins : 2,4 médecins pour 1000 habitants contre 3,5 dans les autres pays développés. Et la situation est pire en ce qui concerne les généralistes. Le nombre de spécialistes augmente d'année en année et ils sont trop nombreux dans certaines spécialités, mais il y a un manque criant de généralistes dont la majorité des gens ont besoin car ce sont eux qui font de la prévention et qui coordonnent l'ensemble des soins.
Sur les treize pays les plus riches du monde, les États-Unis sont douzièmes, avant-derniers, selon une liste de seize critères de santé publique. Ils sont les bons derniers en ce qui concerne le taux de morti-natalité et bons derniers aussi pour le taux de mortalité infantile. Et seuls deux de ces pays arrivent derrière les États-Unis en ce qui concerne l'espérance de vie, avec seulement quelques mois de moins.
Mais il y a pire. Une étude de l'Institute of Medecine of the National Academies montre qu'en 1999, 144 000 personnes sont mortes à cause d'erreurs commises par les médecins et le personnel soignant dans les hôpitaux : infections contractées à l'hôpital, erreurs dans la prise de médicaments, erreurs dans les examens ou dans la collecte des informations et actes chirurgicaux inutiles. 106 000 autres personnes sont mortes à cause d'erreurs de prescription de médicaments pendant qu'elles étaient hospitalisées. Comme l'affirme un des chercheurs : « Parmi les causes de mortalité aux États-Unis, les hôpitaux arrivent à la troisième place ». Là encore, dans les comparaisons internationales, les États-Unis arrivent en queue des pays dits développés. Pour 100 000 personnes, 77 meurent suite à des erreurs médicales au Canada, mais le système américain en tue 110.
La santé hors de prix
La prime annuelle moyenne pour une assurance médicale tourne aujourd'hui autour de 4 824 dollars pour une personne seule et 13 375 dollars pour une famille. En neuf ans, le prix a doublé. C'est presque autant que ce que gagne quelqu'un payé au salaire minimum qui travaille à plein temps toute l'année (15 090 dollars). C'est bien au-dessus des moyens de la plupart des gens qui devraient s'assurer eux-mêmes. Et c'est plus que ce que des petits patrons sont prêts à payer pour leurs salariés.
Ces coûts scandaleux font que la plupart des travailleurs doivent se contenter de polices bon marché payées par leur employeur ou par eux-mêmes. Avec ce type de police, il y a une grosse franchise à payer avant que l'assurance prenne en charge quoi que ce soit. La part de la prime annuelle à la charge de l'assuré n'est peut-être que de 1 000 à 3 500 dollars, selon, entre autres, que l'assuré a une famille, ou que son employeur en paye une partie. Mais la franchise peut atteindre 1 500 à 4 000 dollars pour l'année, là aussi selon le statut familial ou les avantages sociaux existant dans l'entreprise. C'est dire qu'on peut mettre de sa poche chaque année 7 500 dollars avant que l'assurance ne paye une seule facture.
Mais ce n'est pas tout. Une fois passés tous ces obstacles, ceux qui ont une police dont les primes sont dites « petites » doivent ensuite payer une partie de leurs factures, parfois 10 %, 20 % ou même davantage.
Dix pour cent, cela ne semble peut-être pas exorbitant, mais le prix pour un court séjour à l'hôpital après un infarctus se montait à 54 400 dollars en 2007 et c'est sans doute plus aujourd'hui. Une participation de 10 % au paiement de la facture se monte à 5 440 dollars et une participation de 20 % à presque 11 000 dollars. Et il ne s'agit là que d'un prix moyen et non pas les prix astronomiques pratiqués par les super-héros dans le style du docteur House de la fameuse série télé.
Être assuré ne signifie pas qu'on aura de quoi payer les factures. Selon une enquête de l'Union des consommateurs qui vient de paraître, un tiers des personnes pourvues d'une assurance médicale qui ont été interrogées ont dit avoir repoussé, au cours de l'année dernière, une consultation médicale ou un traitement ou un examen qui leur avait été prescrit, ou encore n'avoir pas acheté leurs médicaments, parce qu'elles ne pouvaient en supporter le coût. Le rédacteur en chef de l'International Journal of Health Services, Vicente Navarro, affirme qu'aux États-Unis 168 millions de personnes ont une assurance insuffisante.
Les services médicaux sont si chers que l'on prévoit qu'ils vont mettre, cette année, 900 000 ménages en faillite, c'est-à-dire 2,6 millions de personnes qui pourtant sont loin d'être toutes sans assurance. En 2008, huit personnes sur dix qui se sont déclarées en faillite à cause de leurs frais médicaux avaient une assurance médicale lorsqu'elles sont tombées malades.
Elles se retrouvèrent en faillite tout simplement parce que leur assurance était pourrie.
Produire des profits, le système de santé sait faire
Le profit a fait son chemin dans le système de santé américain plus largement encore que dans les autres pays industrialisés. Cela ne veut pas dire que la recherche du profit n'a pas d'impact sur la médecine dans les autres pays. Après tout, le capitalisme domine toujours le monde ! Dans les pays qui ont un système unifié, un guichet unique de paiement, comme le Canada, bien que l'assurance médicale soit payée et gérée par l'État avec les impôts payés par tous, les intérêts privés jouent un rôle de plus en plus grand dans le système médical, c'est-à-dire dans les hôpitaux, les groupements de médecins, les autres acteurs du système, les compagnies pharmaceutiques... Dans des pays comme l'Angleterre ou la Suède, les deux bouts du système sont « socialisés » c'est-à-dire que non seulement l'État couvre les coûts avec les impôts, mais tous les pourvoyeurs de soins sont intégrés dans un système public unique. Mais, même là, des compagnies privées et l'industrie pharmaceutique existent à côté du système, s'en nourrissent et s'y taillent une place. Malgré tout, nulle part l'emprise du profit sur les services médicaux n'est aussi écrasante qu'aux États-Unis. Le seul pays qui a un système similaire à celui des États-Unis, c'est la Suisse et c'est aussi le pays qui consacre une partie de son PIB presque aussi importante que les États-Unis aux dépenses de santé.
Dans la liste établie par Fortune des cent branches d'activité les plus profitables en 2008, la plupart des différentes branches du système de santé américain sont très bien placées : les établissements médicaux se situent au trente-quatrième rang, les pharmacies au trentième, les assurances médicales au vingtième, les fournitures et équipements médicaux au quatrième rang, la production de médicaments au troisième rang, plus rentable que le pétrole, l'électronique, l'industrie aérospatiale ou les fournitures militaires ! Les compagnies d'assurances médicales auraient dû être bien mieux placées - en 2007 elles étaient au neuvième rang - mais en 2008 elles ont perdu beaucoup d'argent dans toutes les manœuvres financières qui ont marqué l'ensemble du monde de la finance.
De plus, les profits tirés des services médicaux américains grandissent peu à peu. Entre 2000 et 2007, les quatre principales compagnies qui vendent du matériel médical ont connu une augmentation de 140 % de leurs profits, qui ont donc plus que doublé. Pendant la même période, les quatre principaux laboratoires pharmaceutiques ont vu leurs profits croître de 86 % ; ces derniers n'ont donc pas tout à fait doublé, mais l'augmentation s'ajoute à des profits qui furent astronomiques pendant bien plus de dix ans. Les actionnaires avaient de quoi être satisfaits dans les deux cas. Les directeurs ont encaissé de grosses récompenses. Les dirigeants les mieux payés dans l'industrie des fournitures médicales, le PDG de Becton, Dickinson & Co a encaissé 21 millions de dollars en 2007 ; le PDG de la compagnie pharmaceutique Abbott Labs en a empoché 45 millions.
Il y a quarante ans, les dépenses médicales absorbaient une partie beaucoup plus petite du PIB de ce pays : seulement 6 % contre 16 % aujourd'hui. Mais il y a quarante ans, la course au profit ne dominait pas à ce point le système. En général, les hôpitaux, les maisons de convalescence et autres établissements médicaux étaient gérés par des médecins ou des associations sans but lucratif, des Églises, des ordres religieux, ou bien par des municipalités, des comtés ou des États. Les médecins, quoique riches, n'avaient pas encore songé à se regrouper dans des entreprises destinées à produire des profits.
Les quatre dernières décennies ont vu des changements considérables. Les établissements d'État tendent à disparaître. Dans de nombreuses grandes villes, Baltimore, Philadelphie et Detroit par exemple, il n'y a même plus un seul hôpital public, à part un hôpital militaire réservé aux anciens combattants.
Des possesseurs de capitaux, des compagnies privées sont arrivés et l'une de leurs premières cibles furent les HMO (Health Maintenance Organizations) qui au départ étaient des organismes au service d'un assureur unique sans but lucratif qui embauchait des groupes de médecins qui travaillaient ensemble et coordonnaient tous les soins dans un même ensemble. C'est un système que les chercheurs médicaux préconisent encore car, non seulement cela permettrait des économies, mais cela fournirait de meilleurs résultats sur le plan médical. Mis sur pied à l'origine par des médecins ou par des syndicats sous la forme d'entreprises coopératives ou par de gros employeurs qui fournissaient une couverture médicale à leurs salariés, les HMO ont commencé à être absorbés, dans les années quatre-vingt, par des entreprises capitalistes qui se sont mises aussi à en créer d'autres. En 1985, les entreprises de type capitaliste représentaient 26 % de ce secteur ; en 1998, elles en représentaient 62 %. C'est précisément dans cette période que les HMO acquirent une si mauvaise réputation.
La pression pour transformer les services de santé en entreprises produisant des profits vint des grands fonds d'investissements de Wall Street. Selon Mary Tanner, haut cadre dirigeant spécialisée dans les services médicaux chez Lehman Brothers puis chez Bear Stearns : « Au début, de nombreux investisseurs n'étaient pas certains qu'ils devaient tenter de faire de l'argent sur le dos des malades et des mourants », une réticence qu'ils ont apparemment rapidement surmontée !
Les détenteurs de capitaux à la recherche de profits contrôlent aujourd'hui environ les trois quarts des centres de dialyse, des maisons de convalescence, des centres de rééducation et des établissements psychiatriques, ainsi que des HMO. Ils sont en passe de dominer les hôpitaux de jour et sont de plus en plus présents dans les cliniques chirurgicales et plus récemment dans les hôpitaux pour pathologies lourdes.
Dans aucun de ces cas, hôpitaux, maisons de convalescence, HMO, centres de dialyse, les soins n'ont été améliorés. En fait, ils se sont dégradés. Des chercheurs des écoles de médecine les plus prestigieuses, Harvard, Johns Hopkins, Columbia, ont montré, études après études, la qualité inférieure des soins prodigués par des entreprises à but lucratif.
Alors même que la qualité des soins baissait avec l'invasion du secteur hospitalier par les investisseurs, les prix grimpaient. De façon astronomique ! En 1980, les hôpitaux prenaient une marge de 20 % au-dessus de leurs coûts de revient. En 2006, la « marge » se montait à 200 % au-dessus de ces coûts.
Que veut un investisseur ? Des profits... et encore des profits. Comment les établissements médicaux peuvent-ils en produire ? En creusant le fossé entre ce qu'ils facturent et leurs coûts, en particulier leurs coûts salariaux. Les hôpitaux, par exemple, allongent les horaires des infirmières, diminuent le nombre d'infirmières dans une équipe, se reposent sur l'intérim, réduisent le personnel soignant et laborantin, et diminuent les équipes de maintenance. Et tout cela aboutit à des entorses graves aux règles d'hygiène, même aussi élémentaires pour le personnel médical que se laver les mains - sans même parler des erreurs de médication ou d'examens. Les hôpitaux sous-traitent les examens à des entreprises à bas salaires, souvent moins qualifiées, etc. Les médecins programment examens sur examens inutiles ou même des traitements qui ne sont pas nécessaires à des patients qui ont une bonne assurance. Par contre les patients qui n'ont pas une bonne assurance ou qui n'ont pas d'assurance du tout sont le plus souvent poussés hors de l'hôpital, le plus vite possible.
Certains hôpitaux ont été accusés de véritables fraudes, tellement leurs pratiques sont flagrantes. Hospital Corporation of America (HCA), qui est la plus grande compagnie hospitalière du monde et qui possède 160 hôpitaux aux États-Unis et en Grande-Bretagne, est actuellement l'objet d'une enquête judiciaire pour fraude sur les horaires des infirmières. HCA a facturé 120 000 vacations d'infirmières qui n'avaient pas été travaillées ou pour lesquelles les salaires n'avaient pas été payés. Auparavant, en 2003, HCA, déjà accusé de fraude, avait conclu un accord avec Medicare et le gouvernement américain et accepté de payer 1,7 milliard de dollars, sans toutefois admettre sa culpabilité. HCA ne fut pas fermé... il ne fit que s'agrandir encore.
Il est intéressant de noter que HCA appartient à la famille de l'ancien chef de majorité au Sénat, le Républicain Bill Frist, qui en octobre dernier a rompu la solidarité avec le Parti républicain qui ne voulait pas soutenir la réforme du système de santé : Frist a de fait soutenu le projet de loi élaboré par la commission des Finances du Sénat, écrit par les Démocrates. Apparemment Frist sait à qui est la main qui nourrit HCA.
Les assurances : modelées par le profit et la bureaucratie
Le secteur de l'assurance médicale a longtemps été dominé par Blue Cross, une compagnie sans but lucratif, organisée par État. Elle avait été mise sur pied pendant la Grande dépression sous forme de mutuelles par des groupes d'enseignants, rapidement suivis par des associations de médecins. Blue Cross permettait aux gens de payer une petite prime chaque mois et ainsi les médecins pouvaient être payés lorsqu'ils soignaient un patient. Progressivement Blue Cross devint un mammouth fusionnant avec Blue Shield mais elle restait à but non lucratif. Cela n'empêchait pas les dirigeants de Blue Cross d'empocher de gros salaires, de plus en plus gros au fil des années. Les médecins eux-mêmes faisaient de l'argent et pas qu'un peu. Finalement, les Blues à but non lucratif ont créé des filiales à but lucratif pour y placer une partie de leurs réserves.
Puis les entreprises à but lucratif intervinrent et la course au profit au détriment à la fois des assurés et des employés d'assurances s'intensifia. De grandes compagnies nationales comme Cigna, Aetna, United Health et Coventry ont rapidement dominé à l'échelle du pays, éliminant même Blue Cross dans certains États. Dans d'autres États, les compagnies Blue Cross se transformèrent elles-mêmes en entreprises capitalistes, leurs dirigeants devenant parfois les principaux « investisseurs », avec de l'argent emprunté qui devait être remboursé sur les revenus futurs de la compagnie.
L'accroissement rapide des profits des compagnies d'assurances au cours des dix dernières années illustre l'ampleur des changements. De 2000 à 2007, les profits des dix plus grandes compagnies d'assurance maladie ont augmenté de 428 %, selon les rapports de la SEC (Securities and Exchange Commission), le gendarme de la Bourse américaine. Les quatre PDG les mieux payés ont reçu chacun entre 13 et 26 millions de dollars en 2007.
Les profits et les salaires des PDG représentent une part non négligeable des sommes encaissées par les compagnies d'assurances, part estimée au total de 3 % à 3,5 %.
Cependant, ce qui plombe plus encore le système médical américain, c'est le coût de gestion de ce système extrêmement compliqué qui engendre des coûts superposés qui font doublons. Aujourd'hui, il y a 13 000 compagnies d'assurances privées dans le pays, plus Medicare, l'assurance fédérale pour les travailleurs de plus de 65 ans, qui passe des accords avec une multitude de compagnies privées pour gérer les demandes de paiements, et Medicaid, pour les pauvres, qui est éclaté dans des systèmes propres à chaque État, qui passent souvent aussi des accords avec des compagnies privées pour gérer leurs paiements, etc. Et chacune de ces assurances a son propre système de facturation, son propre système de vérification des droits des patients et des demandes de paiements des médecins, son propre système de paiement des médecins, ses propres services commerciaux et de publicité pour attirer des clients. Tous ces systèmes sont dupliqués à l'infini, engendrant des coûts de gestion qui noient le système américain dans un océan de gaspillages. Il suffit de comparer le Canada où le système unique d'assurance géré par l'État n'absorbe que 1 % de la totalité des dépenses de santé en coût de gestion et les États-Unis où cette multitude d'assurances privées engloutissent 11,7 % du total en frais de gestion.
Medicare - le système de base est un système très comparable au système canadien - a un coût de gestion inférieur à 2 %. Le système créé avec Medicare Advantage, lui, offre une meilleure couverture, mais ce sont les compagnies privées qui décident, dans certaines limites assez larges, le montant des primes, quelles seront les prestations offertes, quelle participation financière aux factures restera à la charge de l'assuré, etc. Et les compagnies d'assurances privées offrent aux bénéficiaires de Medicare Advantage, non seulement des polices d'assurances différentes, mais chacune d'elles offre plusieurs polices au choix, et toutes se font concurrence pour attirer le maximum de clients. Du coup les coûts de gestion de Medicare Advantage sont bien plus élevés à cause de ce rôle important joué par les assurances privées. Ils étaient de l'ordre de 11 % en 2007.
Il ne s'agit pas seulement des compagnies d'assurances. Les médecins et leurs équipes consacrent un temps considérable, et donc beaucoup d'argent, à s'y retrouver dans les différents modes de paiement. On estime que cela représente 12 % du coût total des services de santé.
Lorsqu'on travaille dans un cabinet médical, il faut transmettre des factures dans un format donné à telle compagnie d'assurances, dans un autre format à une autre compagnie, puis il faut attendre, téléphoner pour savoir pourquoi le règlement de la facture prend autant de temps, lancer une procédure d'appel lorsque la demande est rejetée, représenter la facture ou, comme c'est bien souvent le cas, laisser tomber. On entend beaucoup parler de ces mauvais payeurs qui ne règlent pas leurs factures de frais médicaux. Mais les rois des mauvais payeurs, ce sont de nombreuses compagnies d'assurances, qui en accumulant les retards et les refus de soins découragent les patients et les médecins de présenter leurs factures.
Les hôpitaux ont leurs propres coûts de gestion, de même que les laboratoires, les agences d'intérim pour infirmières, etc. Quand on ajoute tous ces coûts de gestion, on atteint 31 % des recettes des primes d'assurances.
Voilà ce système médical qui ne fonctionne pas et qu'Obama a promis de « réformer ».
« Réformer » un système détraqué en le détraquant un peu plus
La première remarque à propos de cette réforme, c'est que la population ne sait absolument pas tout ce qui s'y trouve, et elle ne le saura pas.
Le projet de loi émanant de la commission des Finances du Sénat, dont on dit qu'il servira de cadre au projet final, comporte quelque 800 pages en « langage conceptuel » et c'est cela qui a été rendu public. (Le véritable projet, rédigé ensuite, comporte 1 502 pages ainsi que des références à des milliers de pages de l'actuelle législation dans le Code des impôts, Medicare, Medicaid, plusieurs programmes concernant la couverture médicale des enfants, qui tous vont être modifiés par le nouveau projet de loi). Il va encore falloir « fusionner » deux projets émanant du Sénat et « fusionner » de même trois projets émanant de la Chambre des représentants. Ensuite, après que chaque assemblée aura fait étalage de ses débats et amendé son propre projet, les projets définitifs émanant de chacune des assemblées seront à leur tour « fusionnés ». Après avoir été encore amendé, le projet de loi final aura en principe été rendu conforme aux intérêts des gros investisseurs. C'est dire qu'il reste une grande place pour bien des compromis et l'introduction de petits détails qui annulent des dispositions qui avaient l'air avantageuses pour les assurés.
Malgré tout, les grandes lignes visibles du projet de loi de la commission des Finances du Sénat, qui ne vont pas changer sauf sur des détails, montrent l'ampleur de l'attaque contre la population que constitue cette prétendue « réforme ».
L'essentiel de cette réforme, c'est que le système actuel, qui a tellement perverti les services médicaux, non seulement reste en place, mais il est consolidé. Aucun contrôle ni, à plus forte raison, aucune restriction sur les profits tirés des services médicaux ne sont envisagés. Rien pour réduire les coûts de gestion, et en fait ils vont augmenter à cause de la paperasserie supplémentaire engendrée par l'addition de nouvelles dispositions compliquées au système existant. Le surcoût engendré par cet accroissement de la bureaucratie se monterait à 4 ou 5 % selon les estimations publiées dans la presse.
Le changement principal amené par cette « réforme », c'est que toute personne devra soit acheter une assurance médicale, soit en avoir une de son employeur, ou bien payer chaque année une amende (actuellement fixée à 400 dollars pour une personne seule et 1 500 pour une famille ; mais il y a eu beaucoup de marchandages sur le montant et ce n'est sûrement pas fini).
Cela signifie que ceux qui n'ont pas d'assurance médicale vont être obligés de prendre une assurance auprès des compagnies privées alors qu'ils n'en ont pas les moyens et alors même que ce type d'assurance s'est révélé pratiquement inutile. Ou alors il leur faudra payer une amende pour s'offrir le « luxe » de ne pas avoir d'assurance médicale.
Certes, on peut être dispensé de l'amende si on ne trouve pas d'assurance dont les primes ne soient pas supérieures à 8 % de son revenu. Dans ce cas, on a le « droit » de ne pas acheter d'assurance, mais on a toujours le même problème qu'auparavant : on n'a pas de couverture médicale. Si on trouve une police d'assurance dont les primes sont peu élevées, elle est alors assortie d'une franchise importante et laisse en plus à la charge du patient une partie importante de tous les frais médicaux, et bien sûr elle ne couvre pas tout. Si bien qu'on peut rapidement se retrouver à payer deux à trois fois plus que prévu.
Derrière cette obligation de s'assurer, il y a l'idée choquante que les gens ne prennent pas d'assurance parce qu'ils sont « irresponsables » et qu'il faut donc les y contraindre. Non, les travailleurs ne sont pas irresponsables : ils n'ont pas les moyens de payer les services médicaux tels qu'ils sont organisés dans ce système médical orienté vers le profit.
L'option Medicaid est présentée comme une bouée de sauvetage. Ceux qui ont des revenus inférieurs à 133 % du seuil de pauvreté fixé par le gouvernement, c'est-à-dire 29 300 dollars par an pour une famille de quatre personnes (19 500 euros), pourront bénéficier de Medicaid, l'assurance médicale des pauvres. Mais être pris en charge par Medicaid ne veut pas dire qu'on peut se faire soigner. Les médecins, pas plus que les hôpitaux ou les laboratoires, ne sont obligés par cette réforme à accueillir les assurés de Medicaid. Déjà avant les coupes budgétaires de cette année, moins d'un tiers des généralistes et moins d'un tiers des gynécologues obstétriciens acceptaient des patients couverts par Medicaid. Et seulement un quart des dentistes les acceptaient. Cette année, il y a eu encore plus d'économies faites sur Medicaid, par exemple ne plus couvrir les soins dentaires, l'ophtalmologie, les lunettes, les prothèses auditives, la podologie... Certains États avaient des dérogations de l'État fédéral pour imposer aux pauvres le paiement de primes pour Medicaid et la participation des patients au paiement des frais médicaux. Maintenant tous les États vont y être autorisés par la nouvelle loi.
Autre « bouée de sauvetage » : ceux dont les revenus se situent entre 133 % et 400 % du seuil de pauvreté (c'est-à-dire un maximum de 88 000 dollars pour une famille - 58 600 euros) peuvent recevoir des crédits d'impôts dégressifs pour couvrir une partie de leur assurance médicale. Mais ces crédits d'impôts ne permettent même pas de payer les primes les moins chères, sans parler des franchises monstrueuses et de la partie des factures restant à charge. Et pour obtenir le crédit en question, il faut remplir un formulaire de restitution d'impôts et attendre l'année suivante pour toucher la somme due.
Les services du Budget du Congrès, qui évaluent les coûts du projet de loi, estiment que le projet actuel laissera 25 millions de personnes sans couverture médicale. On ne peut mieux illustrer l'inutilité de la réforme.
Le gouvernement est censé créer un nouvel organisme - encore un peu plus de bureaucratie - pour gérer une « Bourse nationale de l'assurance médicale » où les gens pourront, parait-il, acheter des « assurances abordables ».
Mais aucune compagnie d'assurances n'a l'obligation de fournir une « assurance abordable » ou même de s'inscrire dans cette Bourse.
Aucun employeur n'a l'obligation de fournir une assurance médicale, et s'il le fait, il n'a aucune obligation d'offrir plus qu'une couverture médicale très réduite. En fait les services du Budget du Congrès estiment que si la loi passe, plus nombreux seront les employeurs qui en prendront prétexte pour cesser de payer des assurances médicales pour leurs salariés.
Les employeurs auront peut-être à payer une petite taxe - une taxe, pas une amende - s'ils ne fournissent pas d'assurance maladie à leurs salariés. Mais la taxe, qui peut se monter à 150 dollars par salarié, ne s'appliquera pas au nombre total de salariés, mais seulement au nombre de ceux qui recevront des crédits d'impôts pour prendre une assurance. Ceux qui ne s'assurent pas du tout ne comptent pas, pas plus que ceux qui bénéficient d'une assurance familiale. Quant à ceux dont les revenus sont si faibles qu'ils sont pris en charge par Medicaid, ils ne comptent pas non plus, ce qui ne peut que réjouir Wal-Mart, connu pour ses bas salaires. Les patrons qui ont moins de 50 salariés à plein temps sont exemptés. Ainsi un patron qui a 49 salariés à plein temps et 500 à temps partiel - situation de plus en plus fréquente de nos jours - est exempté.
En principe, les compagnies d'assurances n'auront pas droit de se débarrasser d'un assuré lorsqu'il tombe malade ou de refuser d'assurer quelqu'un qui est déjà malade. Mais cette interdiction existe déjà dans certains États et elle n'a pas empêché des compagnies d'assurances de payer avec retard une facture après l'autre et même de refuser de donner leur accord préalable aux soins. Pour se débarrasser d'un assuré, il suffit d'amener le médecin à dire finalement au patient que c'est lui qui devra payer l'intégralité des factures.
Les compagnies d'assurances n'auront en principe pas le droit de majorer les primes en fonction de l'état de santé de l'assuré. Par exemple, elles n'ont pas droit de faire payer plus une personne qui a une maladie chronique comme le diabète, l'hypertension ou des problèmes cardiaques. Mais le projet du Sénat les autorise à faire payer quatre fois plus cher les personnes âgées. Et c'est évidemment parmi les personnes âgées qu'il y a le plus de malades chroniques.
De plus, les employeurs qui fournissent une assurance médicale à leurs salariés peuvent majorer de 50 % la part de la prime qui est à la charge du salarié si celui-ci se s'inscrit pas à un « programme de santé » lui permettant de faire baisser sa pression artérielle, de contrôler son diabète ou de perdre du poids et s'il ne remplit pas les « objectifs » qui lui sont assignés par ce programme.... Cela est présenté comme une incitation à améliorer son état de santé, malgré le fait que des experts médicaux affirment que de telles « incitations », qui sont en réalité des pénalités, n'aident pas à améliorer son état de santé, mais contribuent plutôt à le dégrader. Dans le passé, des organisations comme l'Association américaine de cardiologie, la Société américaine de cancérologie, l'Association américaine de diabétologie ont toutes exprimé leur opposition à de tels programmes. Il s'agit encore d'un cadeau aux patrons leur permettant facilement d'augmenter la part de la prime qu'ils font payer à leurs salariés.
De plus cette disposition doit s'étendre « à titre expérimental » aux compagnies d'assurances elles-mêmes, qui pourront augmenter jusqu'à 50 % la prime moyenne payée par ceux qui ne remplissent pas les objectifs.
Même si une assurance publique finissait par être réintroduite dans le projet de loi - ce qui est possible, ne serait-ce que pour « vendre » le projet - les services du Budget du Congrès ont estimé le nombre de ceux qui pourraient en bénéficier à moins de 5 % de ceux qui n'ont pas actuellement d'assurance maladie.
Les coûts vont augmenter, c'est l'industrie de la santé qui le dit
En ce qui concerne les coûts, aucun contrôle d'aucune sorte n'est prévu dans le système. L'administration Obama a certes annoncé à grand son de trompe pendant l'été qu'un accord avait été conclu avec les différentes industries de la santé pour réduire les coûts. En réalité, les représentants de l'industrie pharmaceutique, des compagnies d'assurances et des hôpitaux ont seulement accepté de « limiter volontairement » les augmentations qu'ils envisageaient pour les dix ans à venir, sans préciser de quelle ampleur devaient être les augmentations en question.
En échange, l'administration Obama s'est engagée à ce que les gouvernements n'imposent aucune limitation à ces industries pendant les dix prochaines années. Cette partie de l'accord n'a été largement connue qu'en septembre, lorsqu'un amendement a été déposé au comité des Finances du Sénat pour abroger cette disposition, amendement qui a été rejeté.
Ainsi, il n'y aura pas de réduction des coûts de la part des industries privées, mais il y aura des augmentations.
Le gouvernement a bien promis d'économiser de l'argent en supprimant le gaspillage, et ces dispositions sont dans le projet du Sénat. Il y a effectivement beaucoup de gaspillage dans le système, jusqu'à 400 milliards de dollars par an à cause des coûts de gestion. Mais la réforme ne vise pas le gaspillage des entreprises privées qui est de loin le plus important. Non, le projet du Sénat propose, pour financer la réforme, d'éliminer des gaspillages de Medicare et Medicaid, qui représentent pourtant la partie du système où il y a le moins de gaspillages. Et dans Medicare et Medicaid, le projet de loi n'envisage pas de réduire les gaspillages constitués par les contrats passés avec les assureurs privés. Ce sont les prestations pour les bénéficiaires de Medicare qui sont visées et ces derniers ont raison d'être inquiets.
Le projet du Sénat propose aussi de taxer les prétendues « polices dorées » fournies par des employeurs. « Dorées » ? AFSCME, le syndicat des salariés d'État et des collectivités locales, a estimé que la moitié de ses membres serait touchée par cette disposition, sans oublier les ouvriers de la grande industrie dont la couverture médicale a souvent été attaquée comme « dorée ».
En conclusion, les dépenses de santé, le coût des assurances vont continuer à grimper. Ceux qui ont déjà une assurance vont payer plus cher. La plupart de ceux qui n'avaient pas d'assurance auront autant de mal à s'en payer une qu'auparavant. Les bénéficiaires de Medicare subiront des économies faites sur leur dos et les bénéficiaires de Medicaid seront victimes d'économies supplémentaires s'ajoutant à celles déjà réalisées. Quant aux nouveaux bénéficiaires de Medicaid, ils vont découvrir que la majorité des médecins ne veulent pas d'eux.
Voilà à quoi se résume la prétendue réforme : une attaque de grande ampleur contre la population.
Pour les industriels de la santé, c'est une aubaine. Les compagnies d'assurances, confrontées à une baisse de la demande, espèrent augmenter le nombre de nouveaux clients et les faire payer davantage. Les industries pharmaceutiques non seulement attendent de nouveaux clients, mais elles ont été choisies pour recevoir de grosses subventions pour les thérapies bio-technologiques. Les chaînes d'hôpitaux privées, qui craignent, avec l'aggravation de la crise, d'avoir de plus en plus de factures impayées et une affluence grandissante dans les services d'urgence, espèrent maintenant pallier ces pertes.
Donner immédiatement à tous une couverture médicale correcte : c'est possible
Le coût du projet de loi actuel, tel qu'il est estimé par les services du Budget du Congrès, est de 829 milliards sur dix ans, c'est-à-dire 83 milliards par an. Ce coût est minime par rapport au surcoût de gestion du système, comparé au système canadien, et ses 400 milliards de dollars ainsi gaspillés chaque année. Il y a plus qu'assez d'argent gaspillé qui pourrait permettre de fournir une couverture médicale adéquate à tous, et renforcer le système de santé publique américain qui en a bien besoin.
Ces faits sont évidents, et largement connus dans les milieux médicaux.
L'administration d'Obama et les grosses têtes du Congrès le savent. Beaucoup d'entre elles, y compris Obama lui-même, ont admis qu'un système unifié avec un guichet unique est la seule façon efficace pour améliorer rapidement le système médical du pays. Si les Démocrates n'ont pas suivi cette voie, s'ils ne l'ont même pas examinée, c'est parce que leur but avec cette réforme n'est pas de rendre le système moins coûteux et plus efficace du point de vue de la santé publique, mais d'offrir un plus gros cadeau aux diverses branches de l'industrie de la santé.
Depuis des années, lors de sondages, une partie non négligeable de la population se dit en faveur d'un système géré par l'État comme Medicare, mais incluant tout le monde, quelque chose de semblable au système canadien. De très nombreuses structures syndicales se sont prononcées en faveur d'un tel système.
En 2007, 42 % des médecins se prononcèrent, lors de sondages, en faveur d'un système unifié à guichet unique, contre 16 % cinq ans plus tôt. Nombreux parmi les principaux chercheurs en matière de santé publique sont ceux qui font pression pour un tel système. Non seulement aucun d'eux ne fut invité à s'expliquer lors des auditions devant le Congrès ni à rencontrer des représentants du gouvernement, mais le 5 mai dernier certains parmi les experts les plus reconnus en matière de santé publique, qui voulaient obliger le comité des Finances du Sénat à les entendre lors d'une audition, furent jetés dehors, menottés et arrêtés.
Le jeu des Républicains ne vaut certainement pas mieux. Dans la mesure où ils font des critiques, en jouant sur la méfiance de la population envers la réforme, ils ne proposent aucune perspective autre que de vils slogans contre les immigrés et pour la défense du système tel qu'il est. Quant aux revendications des Républicains contre l'interruption volontaire de grossesse, Obama et le projet du Sénat les ont devancées avec une disposition qui interdit l'utilisation de l'argent du gouvernement fédéral pour financer des avortements.
Les Républicains se comportent aujourd'hui comme les Démocrates l'ont fait à propos de la guerre en Irak alors qu'ils étaient dans l'opposition, se prononçant contre, tout en étant suffisamment nombreux à voter en sa faveur pour être sûrs qu'elle soit financée. Les Républicains sont prêts à laisser les Démocrates supporter le discrédit lorsque la population va commencer à découvrir l'ampleur de l'attaque contre elle, ce qui n'est pas pour demain puisque la plupart des dispositions du projet de loi ne prendront pas effet avant 2013, après la prochaine élection présidentielle.
La classe ouvrière ne peut pas espérer obtenir que l'accès aux soins médicaux devienne un droit en s'en remettant à l'un ou l'autre parti. Ils défendent tous deux bec et ongles le système capitaliste, et les capitalistes n'ont jamais placé les besoins humains avant le profit, sauf dans des périodes courtes pendant lesquelles de fortes mobilisations populaires les ont obligés à reculer.
Tous, quel que soit l'âge, quelle que soit la nationalité, devraient avoir accès à des soins médicaux gratuits. Toute restriction est non seulement inhumaine, mais favorise la propagation des maladies et fait que l'ensemble de la société non seulement ne se porte pas mieux, mais est moins efficace.
On paye déjà des impôts. Pourquoi ne serviraient-ils pas à fournir à tous une médecine gratuite ?
Pourquoi ? Parce le capitalisme fait la loi aujourd'hui, ce qui est une raison de plus de se débarrasser de tout ce système pourri, de le remplacer par un système qui fera des besoins humains sa priorité, un système socialiste.
21 octobre 2009