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Élections européennes : intérêt et limites des campagnes électorales pour la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire
À peine nommé Premier ministre, Valls a tenu à montrer, avec rapidité et brutalité, pourquoi il a été désigné. Son plan dit de stabilisation est une déclaration de guerre aux exploités sur le fond et une provocation dans la forme.
Prélever 50 milliards dans les poches des classes populaires pour les mettre à la disposition de la classe capitaliste, voilà à quoi se résume ce plan. Ce n'est pas un tournant, contrairement aux âneries débitées par ceux qui, Parti de gauche et PCF notamment, ont contribué à l'élection de Hollande et ont claironné dans un premier temps leur appartenance à la majorité présidentielle et qui, depuis peu, prennent leurs distances.
Les mesures de Valls s'intègrent tout à fait dans la succession de mesures prises par Hollande et le PS depuis qu'ils assument le pouvoir politique. Mais, en y mettant la forme, Valls a administré la démonstration qu'il exécutera la politique du grand patronat sans état d'âme ni fioritures. Il ne s'est même pas donné la peine de consulter les députés de sa propre majorité qui ont appris par la télévision, comme tout le monde, le contenu de ces mesures décidées en leur nom !
Cela a servi de test pour Valls vis-à-vis du PS, de la gauche à moitié oppositionnelle et aussi des appareils syndicaux. Une démonstration de force qu'il a d'autant plus facilement réussie qu'il ne s'est heurté dans l'immédiat à aucune résistance.
Du côté du PS, la gauche de ce parti, qui au demeurant a des ministres dans le gouvernement, s'est contentée de lamentations, plus sur le fait de n'avoir pas été consultée que sur le fond des mesures. Et même ses états d'âme et la satisfaction affichée par certains députés d'avoir obtenu que le gel des retraites ne soit pas appliqué aux pensions inférieures à 1 200 euros auront servi Valls. La presse et les médias ont plus brodé autour de l'« habileté » de Valls à voler les retraités les plus modestes moins que prévu qu'autour du vol de 50 milliards. La contestation des 41 députés de la gauche du PS a fini par se réduire au geste courageux... de l'abstention. L'expression « godillots » utilisée jadis par la gauche pour moquer les députés gaullistes s'applique particulièrement aujourd'hui aux députés PS.
« La gauche de la gauche », à commencer par le PCF, s'est montrée tout aussi minable dans cette affaire, ne serait-ce que parce qu'en guise de protestation le PC s'est limité, en gros, à mettre en valeur ce qu'a dit ou a fait la gauche du PS. C'est la démonstration du fait que cette gauche de la gauche est infiniment moins préoccupée par ce que le plan Valls représentera pour ses victimes que par sa stratégie de détacher du PS une fraction suffisante pour constituer une gauche alternative « à vocation gouvernementale », comme aiment à le rappeler les dirigeants du PCF.
À peine les 41 députés du PS se sont-ils abstenus que Mélenchon s'est dépêché de s'adresser à eux pour leur proposer de rejoindre cette hypothétique « gauche alternative », quitte à rester au PS. Et Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, de s'exclamer, dans les colonnes de L'Humanité : « Une situation nouvelle à gauche », en annexant à cette gauche nouvelle également les trois députés du Mouvement républicain et citoyen (MRC) et les douze d'Europe écologie-Les Verts (EELV) dont les représentants venaient tout juste de quitter les bancs ministériels.
C'est une lamentable pantalonnade et la démonstration que ce à quoi aspire cette « gauche alternative » encore inexistante, c'est à prendre le relais de la gauche au gouvernement pour poursuivre la même politique.
Les appareils syndicaux et leurs directions ne se sont pas montrés plus agressifs à l'égard de Valls que la gauche politique.
C'est un véritable symbole que même le trajet de cette traditionnelle et innocente manifestation du 1er mai a été raccourci, à Paris, pour se limiter au tronçon Bastille-Nation. D'ici à ce que le cortège se contente de faire le tour de la seule place de la Nation, il n'y a qu'un pas !
Bien sûr, ce n'est pas un cortège de Premier Mai, même dynamique et combatif, qui aurait le pouvoir de faire reculer Valls et, derrière lui, le patronat. Mais les appareils syndicaux tiennent à faire savoir au gouvernement qu'ils ne veulent se livrer à aucune action intempestive. En d'autres termes, qu'ils laissent les mains libres à Valls.
La manifestation du 15 mai, décidée de longue date par les fédérations syndicales de la fonction publique, aurait pu être l'occasion de faire appel aux travailleurs du privé pour que s'exprime au moins une protestation contre le gouvernement. Si certains syndicats du privé, voire des unions locales, ont décidé de rejoindre cette manifestation, les confédérations se sont bien gardées de lancer un appel national dans ce sens.
La CGT, du moins sa direction confédérale, prend le prétexte d'une série d'appels, corporation par corporation, retraités puis cheminots, séparés des fonctionnaires, etc. Quant à la CFDT, son secrétaire général, Laurent Berger, a déclaré en substance que, si le gouvernement expliquait le pourquoi des sacrifices demandés, ce serait déjà beaucoup mieux.
Et ce sont les mêmes directions syndicales, dont l'une organise par avance la division - mieux, ou pire, la dispersion - et l'autre se comporte en porte-voix du grand patronat, qui affirment en même temps que ce sont les travailleurs qui ne sont pas prêts !
Derrière la complicité objective des dirigeants politiques de la gauche avec ceux des confédérations syndicales, il y a cependant une différence importante.
Les députés du PS peuvent se livrer à la comédie de l'opposition, histoire de se démarquer devant leur électorat d'une politique décidément difficile à assumer (un certain nombre de maires de gauche en ont payé le prix aux dernières municipales). La petite comédie oppositionnelle des députés socialistes s'est déroulée dans l'enclos du Parlement, coupé des classes populaires victimes de cette politique.
Il en va différemment pour les organisations syndicales. Si leurs sommets sont liés à la bourgeoisie et à ses intérêts, les militants syndicaux sont, eux, dans les entreprises. Le nombre de ces militants a beaucoup diminué et leur influence s'est réduite, pour des raisons en grande partie liées aux décisions provoquées par les passages au gouvernement des partis de gauche. Ils sont cependant sensibles à l'état d'esprit des travailleurs. Leur mécontentement se limite à une contestation diffuse de la politique du gouvernement et de l'inaction des directions syndicales.
Mais les dirigeants des confédérations savent qu'ils doivent être encore plus responsables vis-à-vis de la bourgeoisie que ne le sont les députés socialistes. Un petit spectacle parlementaire pour la galerie peut se terminer à la buvette de l'Assemblée, où les députés des différents partis qui viennent de s'invectiver dans l'hémicycle se tapent dans le dos !
Il n'en va pas de même pour les dirigeants syndicaux. Ce qu'ils disent et font pourrait avoir de tout autres conséquences que ce que disent et font les députés de gauche. Si les confédérations syndicales avaient une attitude plus combative, si elles prenaient des initiatives susceptibles d'entraîner les travailleurs, elles pourraient être prises au sérieux au-delà ce qu'elles voudraient.
Ce n'est pas pour rien que les dirigeants de telle ou telle catégorie de la petite bourgeoisie peuvent, à l'occasion, se montrer bien plus radicaux dans leur langage et dans leurs actions.
Lutte Ouvrière dans les élections européennes
C'est dans ce contexte qu'auront lieu les élections européennes. Elles n'ont pas d'autre enjeu que de mesurer les rapports de force électoraux entre les formations de la bourgeoisie, essentiellement entre l'UMP, le Parti socialiste et le Front national.
Lutte Ouvrière présentera une liste dans chacune des huit circonscriptions électorales. Elle le fera en commun avec Combat Ouvrier dans la 8e circonscription qui englobe l'ensemble des départements et des territoires d'outre-mer dispersés sur trois océans.
Nous ne reviendrons pas en détail, ici, sur les axes autour desquels nos listes interviendront dans cette campagne. Le dernier numéro de Lutte de Classe a publié la profession de foi des listes Lutte Ouvrière. Nous publions en annexe nos affiches électorales et nos affiches slogans. Disons seulement que, sous la devise « Faire entendre le camp des travailleurs », nous développons dans cette campagne les objectifs qu'il serait nécessaire d'imposer par la force collective afin que les travailleurs ne paient pas la crise de l'économie capitaliste par un recul catastrophique de leurs conditions d'existence. Ces objectifs, les élections européennes qui se déroulent dans l'ensemble du pays nous permettent de les soumettre à l'électorat populaire.
Il ne s'agit évidemment pas d'un programme électoral, mais d'un programme de lutte. L'interdiction des licenciements et la répartition du travail entre tous sans diminution de salaire, l'augmentation générale des salaires et des pensions et leur indexation sur les prix, ne pourront être imposées que par des luttes de grande envergure de la classe ouvrière. À bien plus forte raison encore, le contrôle des travailleurs et des consommateurs sur les entreprises et sur l'économie capitaliste n'est pas imaginable sans la mobilisation du prolétariat parvenant à un fort degré de combativité mais aussi à un haut niveau de conscience politique.
Il est évident que nous ne sommes pas dans cette situation. Alors que la grande bourgeoisie et ses hommes politiques mènent, depuis plusieurs années, la lutte de classe de façon systématique pour favoriser le grand capital malgré la crise, mieux, en profitant de la crise elle-même, la classe ouvrière doit affronter cette offensive sans politique ni préparation. Pire encore, car elle est jugulée par ses propres organisations politiques et syndicales. La classe ouvrière se retrouve désarmée, dispersée, atomisée. Les directions réformistes, au lieu de préparer les travailleurs aux luttes inévitables, les désarment en se faisant, en leur sein, les représentants de la bourgeoisie.
Alors, même si rien n'annonce pour le moment une reprise de combativité dans la classe ouvrière, le rôle d'une organisation communiste révolutionnaire est de propager les objectifs susceptibles de lui servir de programme.
Défendre ce programme de lutte avec l'influence et les moyens d'une petite organisation est une chose. Faire la démonstration que ce programme bénéficie de l'assentiment d'une fraction, même minoritaire, de la classe ouvrière en est une autre. Quand bien même l'assentiment exprimé dans le cadre d'élections n'est qu'une indication, plus il est conséquent, plus cela donne du crédit aux objectifs avancés. C'est un encouragement pour les hésitants.
Pour ce qui est de l'Europe et de son avenir, ces élections européennes ne servent à rien. Leur utilité pour les partis de la bourgeoisie est de mesurer leur influence électorale respective.
Pour les communistes révolutionnaires, l'enjeu de leur présence dans ces élections est de donner à l'électorat populaire un autre choix que celui de se diviser entre les partis de la bourgeoisie.
Même l'abstention, moyen trouvé par l'électorat populaire lors des municipales pour exprimer son écœurement de la politique du gouvernement socialiste, a pu être récupérée par la droite pour s'emparer de mairies. Tant que les exploités ne se retrouvent pas derrière une politique qui représente leurs intérêts, leur silence peut toujours être récupéré par l'une ou l'autre clique des politiciens professionnels de la bourgeoisie. Pour le personnel politique de la bourgeoisie de toutes obédiences, pour qui même leurs propres promesses n'engagent que ceux qui les croient, c'est l'enfance de l'art que d'interpréter les abstentions comme « qui ne dit mot consent ».
Alors, faire en sorte qu'une fraction même très minoritaire de l'électorat ouvrier puisse, en votant pour une liste révolutionnaire, affirmer que, face à la crise et à l'offensive de la bourgeoisie, il y a une politique qui exprime les intérêts des travailleurs, est déjà une raison suffisante de se présenter.
Mais il y en a d'autres. Les élections à venir ayant pour objet d'élire le Parlement européen, c'est aussi l'occasion de montrer qu'il y a une politique ouvrière face à la prétendue unification européenne.
Une politique internationaliste face aux faux débats des partis bourgeois sur l'Europe
Une politique communiste s'oppose également sur ce terrain aux politiques défendues par les différents partis de la bourgeoisie.
Les différences qui opposent les partis de la bourgeoisie sur ce qu'ils appellent la « construction européenne » tiennent pour une large part de la démagogie électorale. Il en est ainsi, en particulier, de l'opposition entre les tenants d'un retour à la « souveraineté nationale » et ceux qui sont pour une intégration européenne plus poussée, chaque parti essayant de toucher son électorat sur le terrain où il le croit sensible, à tort ou à raison.
Tant que les grandes multinationales capitalistes et la grande bourgeoisie trouvent utile à leurs affaires ce marché commun qui est le noyau de l'Union européenne, le débat entre les partis de la bourgeoisie, entre plus d'Europe ou plus de souveraineté nationale, relève surtout du spectacle pour la galerie.
S'il est associé au pouvoir, le Front national, qui ajoute de la démagogie contre l'Europe à ses insanités xénophobes, fera ce que la grande bourgeoisie lui demandera.
Il en va de même pour les tenants d'une Europe unifiée. Il est d'ailleurs significatif que même les plus « proeuropéens » en restent à une fédération d'États et ne vont pas au-delà. L'opposition entre les uns et les autres repose cependant sur une contradiction réelle dans les intérêts de la grande bourgeoisie elle-même. D'un côté, pour les grands groupes capitalistes, même l'Europe est depuis longtemps un terrain d'action insuffisant. Ils déploient leurs activités à l'échelle planétaire.
La tendance générale de l'ensemble de l'économie est à cette mondialisation qui, à en croire les discours en direction de leurs électorats respectifs, donne des boutons à l'extrême droite mais aussi, de Montebourg à Mélenchon, à toute une partie de la gauche.
C'est cette tendance générale qui, en Europe, s'exprime dans la longue et laborieuse « construction européenne », commencée il y a plus d'un demi-siècle par la Communauté européenne du charbon et de l'acier et qui a abouti à l'Union européenne actuelle, avec son décorum politique et cette monnaie pas tout à fait unique qu'est l'euro.
Mais, justement, si cette construction a été si longue, elle s'avère laborieuse entre États qui abandonnent leur souveraineté à la façon de l'âne qui recule. Car chacune des bourgeoisies de pays impérialistes, qui s'est développée dans le cadre de son État national, continue à lui être attachée pour défendre ses intérêts particuliers.
Les partis politiques de la bourgeoisie se contentent d'exprimer, de façon plus ou moins démagogique, tel ou tel aspect de cette réalité contradictoire, sans que le rapport de force électoral entre eux soit décisif en la matière.
L'avenir de l'Union européenne ne dépend certainement pas de la composition du Parlement européen. Mais, en revanche, les faux débats à ce sujet détournent la classe ouvrière de la politique nécessaire pour être armée face à la bourgeoisie.
S'ajoutent à cela les « dégâts collatéraux » d'une campagne européenne où se donnent libre cours les insanités protectionnistes, chauvines ou xénophobes. Cela infecte d'autant plus l'opinion ouvrière que les partis de gauche reprennent à leur compte une plus ou moins grande partie de ces prises de position réactionnaires.
Les élections européennes donnent au moins une occasion de combattre les idées et les valeurs de la bourgeoisie et de rappeler celles du mouvement ouvrier. Cela ne sera qu'une activité de propagande, mais elle est indispensable.
Le mouvement ouvrier, avant d'être étouffé par les réformismes social-démocrate et stalinien, s'est développé autant grâce à son rôle dans les luttes concrètes du prolétariat qu'à son activité de propagande en son sein, autour des idées de la lutte de classe et de l'internationalisme.
Les communistes révolutionnaires et la tactique électorale
Dans la tradition du mouvement ouvrier révolutionnaire, le choix de l'axe politique dans l'intervention, comme les alliances éventuelles, relève de la tactique. Il dépend de la situation politique, de ce que l'organisation révolutionnaire veut mettre en évidence dans la vie politique ou sociale, mais aussi de son implantation et de sa force.
Pour ce qui la concerne, Lutte Ouvrière a fait, dans le passé, bien des choix tactiques variés.
Notre intervention dans les deux élections successives qui marquent l'année, municipales puis européennes, se situe cependant dans le contexte d'une crise économique qui non seulement souligne d'une manière tangible l'incapacité de la bourgeoisie à maîtriser son propre système économique, mais qui rappelle d'autant plus cruellement l'incapacité de la classe ouvrière à opposer à cette organisation capitaliste en faillite la perspective d'un renversement de l'ordre bourgeois.
En l'absence d'un parti ouvrier révolutionnaire implanté dans la classe ouvrière et défendant clairement face à la crise la nécessité de renverser le pouvoir de la bourgeoisie, les masses ouvrières sont de plus en plus désorientées et poussées vers des choix politiques aux antipodes de leurs intérêts de classe. Le fait même que les problèmes politiques du capitalisme en crise soient gérés ici, en France, par un gouvernement de gauche et la déception que provoque la politique de ce gouvernement, entièrement menée en fonction des intérêts du grand patronat, au lieu d'éduquer les masses sur ce que sont les partis réformistes, démoralisent les travailleurs et accentuent leur désorientation.
Dans une période qui nécessite de manière vitale que la classe ouvrière intervienne sur le terrain politique, avec ses perspectives et ses moyens de classe, cette situation pousse, au contraire, les travailleurs à se détourner de toute politique. L'écœurement devant la politique de la gauche au gouvernement devient le dégoût de toute politique.
Lever le drapeau du communisme révolutionnaire
L'augmentation du nombre d'abstentionnistes dans les milieux populaires montre qu'une partie croissante d'entre eux ne « marche » plus dans l'alternance droite-gauche.
Mais cela ne peut se transformer en une étape dans la prise de conscience qu'à la condition d'être dépassée et que le refus de la politique de la bourgeoisie débouche sur le soutien à une politique correspondant aux intérêts et aux perspectives de classe des travailleurs. Encore faut-il qu'existe un parti crédible qui représente cette politique ! Cela ne surgira pas à partir de rien, ni en un jour, ni d'une seule élection.
Mais les élections elles-mêmes peuvent être des étapes dans l'émergence d'un courant politique présent dans la classe ouvrière sur la base de cette perspective.
En particulier, les deux élections de cette année, complémentaires car les unes ont été locales, avec les soutiens locaux que cela implique, les autres se déroulant dans tout le pays, en même temps d'ailleurs que dans les autres pays de l'Union européenne, donnent ainsi à tous les électeurs la possibilité de s'exprimer. Plus important encore, ces deux élections interviennent alors que les conséquences de l'offensive de la bourgeoisie se font de plus en plus sentir par la multiplication des licenciements et des fermetures d'usines, par les attaques répétées et graves contre les services publics. Après deux ans de gouvernement PS, un nombre croissant de travailleurs non seulement ne se font pas d'illusions sur le gouvernement mais sont écœurés par sa politique.
Plus que le résultat des listes Lutte Ouvrière aux municipales puis aux européennes, ce qui compte pour l'avenir, c'est que le courant qui s'affirme dans « le camp des travailleurs » montre sa permanence à travers deux consultations électorales de caractère différent. Pour minoritaire qu'apparaisse le courant qui, en votant Lutte Ouvrière, a approuvé la politique qu'elle a défendue, sa permanence autour de cette politique permettra à l'électorat du monde ouvrier de s'y retrouver. Au fur et à mesure que les événements, que les conséquences de la crise amèneront un nombre croissant de travailleurs à se poser des questions, ils trouveront la réponse des communistes révolutionnaires. C'est la vie elle-même, les coups de la bourgeoisie qui convaincront certains qui hésitent encore aujourd'hui. Mais en tout cas, un drapeau doit être planté.
C'est bien pourquoi, pour une organisation communiste révolutionnaire, la tactique d'alliances à géométrie variable d'une élection à l'autre n'a pas de sens dans le contexte d'aujourd'hui. Les masses ouvrières ne peuvent véritablement être éduquées, prendre conscience de leurs intérêts politiques et aller jusqu'au bout de leurs possibilités, que dans les luttes de classe vivantes. Les luttes politiques à l'occasion d'une campagne électorale n'en constituent qu'un aspect mineur, mais elles en font partie.
Voilà pourquoi il n'était pas question pour Lutte Ouvrière de se fondre dans un magma réformiste constitué autour de Mélenchon et du PCF. Les différentes composantes de cette alliance hétéroclite, bien qu'opposées par des intérêts électoraux particuliers, voire par des ambitions personnelles, se préoccupent aussi peu les unes que les autres des intérêts et de la conscience politique de la classe ouvrière.
Voilà pourquoi il n'était pas non plus question de nous présenter ensemble avec le Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Le simple fait que le NPA se targue d'avoir lancé un appel du pied simultanément en direction de Mélenchon et de Lutte Ouvrière, dont les orientations politiques sont irréconciliables, témoigne du fait que nous avons, décidément, deux démarches très différentes.
Alors, bien sûr, cela amène les journalistes à manifester leur étonnement devant ce qu'ils appellent la « division de la gauche de la gauche ».
Pour notre part, nous ne nous revendiquons pas de cette gauche de la gauche, mais de la nécessité pour la classe ouvrière de se donner un parti à elle.
Lorsque ce sont les tenants du Front de gauche qui brandissent le mot « unité », leur pression est évidemment intéressée. Mélenchon, associé au PC, a déjà attiré derrière son aventure politique un certain nombre d'organisations ou de regroupements qui se revendiquent de la gauche de la gauche.
C'est dans la nature des choses. Ces groupes ne défendent pas autre chose que Mélenchon, c'est-à-dire de préparer une alternative au PS dans le cadre des institutions de la bourgeoisie. C'est le cas, par exemple, des militants regroupés autour de Christian Picquet, un des premiers à avoir quitté le NPA pour rejoindre Mélenchon, qui viennent d'annoncer qu'ils ne participeront plus pour quelque temps aux réunions de direction du Front de gauche pour la seule raison, ô combien politique, que ce dernier ne leur a pas fait la place qu'ils escomptaient sur les listes électorales !
Au-delà cependant des raisons intéressées qu'a le Front de gauche de regrouper, au nom de l'unité, la « gauche de la gauche », c'est tout le milieu politique et médiatique de la bourgeoisie qui exerce une « pression unitaire » pour forcer tout le monde à entrer dans le cadre des institutions. Cela signifie en clair que les petites organisations sont priées d'accepter de s'aligner derrière de plus grandes qui, toutes, aspirent à gouverner pour la bourgeoisie.
Cette pression, ouverte ou diffuse, pour faire taire les petites formations, s'exerce aussi sur celles qui se placent sur le terrain de la classe ouvrière. Elle influence aussi, bien sûr, l'opinion publique ouvrière, à qui les partis de gauche ont toujours présenté l'union de la gauche comme un gage d'efficacité. Mais cela a toujours abouti à mettre les travailleurs à la remorque des partis bourgeois. Les exploités paient cher aujourd'hui les illusions mises sur l'unité pour faire accéder Hollande à la tête de l'État.
Lutte Ouvrière n'a nulle intention de céder à ces pressions, car l'unité dont il est question n'est pas celle de la classe ouvrière en lutte contre la bourgeoisie, mais l'unité des états-majors - dont certains franchement hostiles à l'idée même de parti ouvrier révolutionnaire - pour faire taire ceux qui défendent une politique de classe et pour contenir les travailleurs au rôle de fantassins électoraux de partis bourgeois avec étiquette de gauche.
D'élections municipales en élections européennes, la présence de Lutte Ouvrière ne prend sa véritable signification qu'en fonction de la perspective de la construction d'un parti ouvrier communiste révolutionnaire.
C'est une lapalissade d'affirmer qu'une fois la période électorale terminée, l'activité en direction d'un parti ouvrier communiste révolutionnaire continue.
Le résultat des élections municipales et, plus encore, le fait que Lutte Ouvrière a pu rassembler 9 500 femmes et hommes acceptant de se présenter sur nos listes sont la démonstration que la politique défendue dans ces élections correspond aux aspirations au moins d'une minorité dans le monde du travail. Nous ne pouvons que souhaiter que cela soit confirmé lors des élections européennes. Ce soutien est un gage pour l'avenir.
Nous savons bien qu'en la matière le volontarisme seul ne suffit pas. Il n'y aura un parti que lorsque la classe ouvrière, reprenant confiance en elle, fera surgir de ses rangs des milliers de femmes et d'hommes capables de reprendre cette perspective à leur compte et de gagner la confiance des travailleurs sur cette base. Mais encore faut-il des militants, sûrs de leurs idées, convaincus des perspectives communistes, profondément engagés et ayant la volonté et la capacité de les transmettre à la seule classe susceptible de les réaliser, le prolétariat.
Il leur appartient d'associer à leur activité politique le courant qui s'est affirmé pendant les deux campagnes électorales et de maintenir les liens politiques établis et de faire en sorte que le « camp des travailleurs » continue, une fois les élections terminées, et mène les combats politiques à venir.
9 mai 2014