Irlande : L'IRA entre la lutte armée et le bulletin de vote01/02/19891989Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1989/02/22_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Irlande : L'IRA entre la lutte armée et le bulletin de vote

Il y a vingt ans, un puissant mouvement pour les droits civiques secouait toute l'Irlande.

D'août 1968 à avril 1969, des dizaines de milliers de personnes, tant en Irlande du Nord qu'en République d'Irlande, prenaient part à ce soulèvement politique. Les étudiants avaient été les premiers à bouger en organisant des manifestations sur toute une série de problèmes : la discrimination politique à l'encontre de la minorité catholique dans une Irlande du Nord sous domination britannique, l'influence d'une Eglise réactionnaire et bornée dans le Sud, ou le rôle de l'impérialisme à travers le monde.

Mais ce mouvement, à cause même de son succès, devait très vite déborder son cadre initial. Le dynamisme, l'enthousiasme et la taille des cortèges étudiants redonnaient une certaine confiance à d'autres secteurs de la population, en particulier au sein de la classe ouvrière.

En même temps que des manifestations de plus en plus importantes se déroulaient dans tout le pays, surgissait une vague d'agitation sociale. La population des secteurs ouvriers les plus défavorisés du Nord se mobilisait, d'abord sur des problèmes tels que le logement et le chômage. Mais parce que ces secteurs étaient en majorité (mais pas exclusivement) des secteurs catholiques, parce que la misère y était en grande partie la conséquence directe d'années de discrimination à l'encontre des travailleurs catholiques, le mouvement se focalisait très vite sur la question des droits civiques. Au même moment, dans le Sud, une vague de grèves sauvages portait le nombre de jours « perdus « pour faits de grève en 1969 à cinq fois le chiffre de 1967.

La situation offrait des possibilités évidentes. Le fer de lance du mouvement, sa partie la plus radicale et la plus déterminée se trouvait sans aucun doute dans les ghettos ouvriers et catholiques d'Irlande du Nord. Mais la mobilisation croissante en République d'Irlande rendait possible, pour la première fois depuis la partition de 1921, une lutte commune des travailleurs des deux côtés de la frontière.

Des deux côtés de la frontière, les différentes fractions de la bourgeoisie concernée ont alors tenté de briser ou de contrôler cette révolte montante, chacune à sa manière et en fonction des circonstances. Dans les secteurs catholiques du Nord, des groupes paramilitaires protestants passaient à l'attaque, répandant la terreur sous la protection ouverte de la police officielle. En réponse à ces attaques, des comités de défense étaient mis sur pied dans la plupart des quartiers catholiques. Mais devant le succès rencontré par ces comités dans l'organisation de la population, la bourgeoisie catholique du Nord, qui ne s'était guère manifestée jusque-là, entreprenait avec l'aide de l'Eglise de reprendre le contrôle de ces comités à la direction radicale du début. Pendant ce temps, le gouvernement de la République, soucieux d'isoler le Sud du soulèvement qui secouait le Nord, s'entendait avec l'aile la plus nationaliste du mouvement pour lui apporter un soutien militaire limité en échange de sa neutralité dans le Sud. Finalement, l'État britannique envoyait ses troupes pour parachever le travail sanglant commencé par les groupes paramilitaires du Nord et pour juguler la mobilisation croissante des couches les plus pauvres de la population catholique.

Le bilan des victimes a été particulièrement lourd au cours des événements eux-mêmes, qui seront suivis de vingt années de répression et de difficultés. Ce mouvement de neuf mois a marqué toute une génération qui venait de s'éveiller aux idées et à l'action politiques. Malgré son radicalisme, la perspective de cette génération était et reste une perspective nationaliste. Mais, dans un court laps de temps, ces militants avaient pu faire toute une série d'expériences, depuis les manifestations pacifiques, l'opposition aux trahisons des politiciens bourgeois et réformistes, jusqu'à l'organisation de la défense militaire de régions entières. Ils étaient tout à fait prêts à faire face à un large éventail de situations difficiles ! Prêts à résister à deux décennies de répression et à continuer malgré tout la lutte jusqu'à aujourd'hui.

Thatcher : une ligne dure, mais guere plus efficace que celle de ses predecesseurs

L'existence de cette génération, formée par les événements de la fin des années 60, explique probablement pourquoi toutes les techniques de répression utilisées par les gouvernements britanniques successifs - travaillistes aussi bien que conservateurs - n'ont pu réussir à briser la résistance de la minorité catholique. De ce point de vue, Thatcher et sa ligne dure n'ont pas mieux réussi que les gouvernements précédents.

Evidemment, le gouvernement Thatcher s'est fait une obligation de paraître inflexible sur la question irlandaise. Plus que ses prédécesseurs, il s'est attaché à tirer un profit politique de toute action militaire revendiquée par l'Armée Républicaine Irlandaise (IRA) - avec un certain succès auprès de l'opinion publique britannique. Et ces derniers mois, une longue série de mesures dirigées contre les organisations nationalistes irlandaises ont été prises ou annoncées.

Certaines sont des mesures légales destinées à faire hésiter les recrues potentielles de l'IRA : limitation des droits des personnes arrêtées, remises de peine rendues plus difficiles pour les prisonniers condamnés pour actes terroristes, peines sévères pour ceux qui acceptent de gérer les fonds d'organisations interdites, etc. D'autres ont un caractère plus politique et visent à restreindre les activités du Sinn Fein, l'organisation politique légale liée à l'IRA : interdiction à la radio et à la télévision de diffuser des interviews de membres du Sinn Fein (une mesure prise il y a des années déjà en République d'Irlande), obligation faite à tout candidat aux élections de signer une déclaration condamnant le terrorisme, etc.

Ces mesures sont dirigées ostensiblement contre l'aspect militaire de la politique de l'IRA. Et la publicité qui les a entourées n'avait rien à envier aux débauches de publicité faites par le même gouvernement autour de sa politique de privatisation. Mais ces mesures peuvent-elles être efficaces ? Ou ne sont-elles qu'un moyen de convaincre l'opinion publique, en Grande-Bretagne et dans le Nord à majorité protestante, de l'intransigeance du gouvernement ?

Au niveau des mesures légales, par exemple, les précédents gouvernements britanniques ont déjà pris des mesures exceptionnelles beaucoup plus sévères, comme l'internement (août 1971) qui permettait à l'armée d'emprisonner quiconque pour une période illimitée. Cette mesure a-t-elle empêché l'IRA de recruter ? Bien au contraire, tout le monde s'accorde pour le dire, du Sinn Fein à l'ancien Premier ministre conservateur, Edward Heath, en passant par le leader travailliste Neil Kinnock !

Quant aux mesures politiques visant le Sinn Fein, elles ne constituent qu'un obstacle mineur. En tout cas, ce n'est rien comparé aux tracasseries permanentes de la police d'Irlande du Nord à l'encontre des candidats du Sinn Fein pendant les campagnes électorales. Certains conseillers municipaux du Sinn Fein ont d'autre part fait savoir publiquement qu'ils ne reconnaissaient pas l'autorité de l'État britannique et ne se sentaient donc pas liés par une déclaration qu'on leur imposait.

Autrement dit, la ligne dure de Thatcher n'est rien d'autre qu'un écran de fumée destiné à cacher son impuissance à faire mieux que ses prédécesseurs face aux organisations nationalistes et, surtout, son impuissance à avancer sur la voie d'une solution au problème irlandais.

Les obstacles a un reglement politique

Il reste que, depuis des décennies, la question irlandaise ne cesse de se poser avec insistance à l'État britannique : elle est un facteur d'instabilité en Europe de l'Ouest et, pour la Grande-Bretagne, une source de problèmes à l'intérieur et une gêne constante sur la scène internationale.

Il y a aussi le fait que l'Irlande du Nord ne représente plus depuis longtemps un enjeu économique majeur pour la bourgeoisie britannique. La crise mondiale aidant, peu de capitalistes ont pris le risque d'investir en Irlande du Nord ces vingt dernières années, avec le résultat que la production de marchandises par tête d'habitant ne représente plus que 60% de celle du Portugal ! Aujourd'hui, l'économie de l'Irlande n'est qu'un parasite au flanc de l'État britannique qui lui verse annuellement 1,8 milliards de livres de subventions (chiffre qui ne prend en compte que les subventions officielles, et non les subventions indirectes que sont les commandes d'État aux sociétés nord-irlandaises ou les dépenses de l'armée britannique sur place). Les revenus de plus de 56% de la population laborieuse viennent de l'État - de loin la proportion la plus élevée de Grande-Bretagne.

Aussi, l'idée d'un retrait total est-elle régulièrement et plus ou moins ouvertement discutée dans la presse bourgeoise. Bien sûr, cela ne veut pas dire que les politiciens britanniques soient tous d'accord sur ce qu'il convient de faire. Et peu d'entre eux sont prêts à apparaître publiquement comme des partisans du retrait total de la Grande-Bretagne d'Irlande du Nord, ne serait-ce que pour des raisons électorales. Car si dans le passé des sondages ont montré qu'une majorité de Britanniques souhaitaient le retrait des troupes, un retrait total déplairait certainement à la petite bourgeoisie, sans parler des communautés d'origine protestante irlandaise qui continuent d'exister dans quelques grandes villes comme Liverpool et Glasgow.

En Irlande du Nord elle-même, le fossé créé entre les communautés par la politique britannique du diviser pour régner se retrouve plus ou moins sur le problème du retrait - pour l'instant en tout cas - c'est-à-dire tant que le retrait ne reste qu'une lointaine possibilité sans conséquence immédiate. Mais si la situation devait s'aggraver, en particulier sur le plan économique, les attitudes des uns et des autres pourraient être différentes. Car même s'il n'y a qu'une petite minorité de gens à être directement intéressée au maintien du statu quo, presque tous ont quelque chose à perdre en cas de retrait total.

Si l'État britannique devait supprimer ses subventions, ceux qui perdraient le plus sont bien sûr les bourgeois, protestants et catholiques, dont le parasitisme repose en grande partie sur l'existence de ces subventions.

Mais la classe ouvrière elle-même aurait quelque chose à y perdre, même si elle devait moins y perdre. Les travailleurs qui ont aujourd'hui un emploi se retrouveraient au chômage, en particulier - mais pas seulement - la couche relativement privilégiée et à majorité protestante de la classe ouvrière qui est employée dans les industries fortement subventionnées. Un seul exemple suffira : les subventions directes au plus important employeur de l'industrie d'Irlande du Nord, les chantiers navals Harland and Wolff à Belfast, correspondent en gros à la masse salariale ! Et sans subventions, le système de protection sociale ne pourrait plus fournir les prestations actuelles, tant à ceux qui ont un emploi qu'aux chômeurs. Bref, le niveau de vie de la classe ouvrière ne pourrait que diminuer. Au mieux, la situation dans le Nord se rapprocherait de ce qu'elle est dans le Sud. Les travailleurs d'Irlande du Nord savent ce que cela veut dire : tous les week-ends le Nord est envahi par des consommateurs venus du Sud faire leurs courses, car dans le Nord les taxes sur les produits de base sont moins importantes !

La bonne vieille strategie britannique

Il est évident que l'Irlande du Nord n'est pas viable en tant qu'entité économique indépendante, sauf à imaginer d'énormes investissements que la bourgeoisie britannique n'est certainement pas prête à faire. C'est pourquoi la seule possibilité de solution politique réside dans une forme ou une autre de réunification entre le Nord et le Sud.

Aujourd'hui, l'opposition de la bourgeoisie protestante à toute solution politique de cette nature représente un obstacle certain, mais pas vraiment insurmontable. Cette petite minorité s'inquiète en fait des garanties politiques et surtout économiques qu'on pourrait lui donner quant à son avenir. Même des jusqu'auboutistes protestants comme Ian Paisley, leader du réactionnaire Democratic Unionist Party, ont envisagé la séparation d'avec la Grande-Bretagne : ce qui compte avant tout pour lui et les couches qu'il représente ce ne sont pas les principes, mais l'argent !

Le véritable, le principal problème pour l'État britannique c'est bien sûr la classe ouvrière, tant protestante que catholique. L'augmentation rapide du chômage et la diminution importante du niveau de vie qu'entraînerait un règlement politique pourraient susciter des réactions violentes parmi les travailleurs.

Contrairement aux Paisley et aux Robinson, les travailleurs protestants - en particulier ceux de l'UDA ou d'autres groupes paramilitaires, utilisés comme chair à canon par les politiciens protestants - sont peu susceptibles d'accepter des sacrifices au nom d'un compromis quel qu'il soit. Quant aux mesures prises récemment par Thatcher et qui vont dans le sens d'une réduction des subventions aux bastions protestants (Harland and Wolff, l'usine d'avions Shorts), elles s'inscrivent dans la logique de la politique qu'elle mène depuis longtemps déjà en Grande-Bretagne. Mais elles montrent aussi à la classe ouvrière protestante ce à quoi elle peut s'attendre.

Pour ce qui est des travailleurs catholiques, ils pourraient non seulement se soulever contre une aggravation de leurs conditions de vie, mais leur confiance en eux et leur mobilisation pourraient se trouver décuplées par le départ des troupes britanniques, après toutes ces années d'occupation des secteurs catholiques.

Voilà quel est le vrai danger pour l'État britannique. Les secteurs ouvriers d'Irlande du Nord regorgent d'armes, et il ne manque pas de gens qui s'en sont servis un jour ou l'autre et seraient prêts à s'en servir à nouveau. La dernière chose que l'État britannique souhaite, c'est un soulèvement d'ouvriers armés si près de son territoire !

Mais la bourgeoisie britannique a une longue expérience de ce genre de problèmes. De l'Inde à la Jordanie, sans oublier le Zimbabwe, les exemples ne manquent pas : les colonialistes ont appris à se retirer sans laisser aux masses la possibilité de bousculer leurs plans. La stratégie britannique, à chaque fois, a consisté à remettre le pouvoir à un appareil d'État ayant à la fois la volonté, la force et le poids politique nécessaires pour prévenir, et éventuellement réprimer, tout soulèvement des masses pauvres. Cet appareil d'État n'était parfois que l'ancien appareil remis à neuf pour l'occasion ; quelquefois il surgissait des circonstances ; ou alors il était créé de toutes pièces pour les besoins de l'impérialisme britannique.

Bien sûr, la situation en Irlande n'a pas grand-chose à voir avec celle des anciennes colonies britanniques. Mais le problème de l'État britannique est, lui, fondamentalement le même. Il est à la recherche d'un appareil d'État qui soit capable de faire face aux conséquences d'un retrait britannique.

La politique qui consiste à se servir de la République d'Irlande à ses propres fins n'est pas nouvelle pour la Grande-Bretagne. Après tout, c'est le nouvel État irlandais créé lors de la partition de 1921 qui s'est chargé de désarmer puis de liquider l'aile radicale du soulèvement nationaliste. Depuis, l'État britannique a à de nombreuses reprises tenté d'obtenir, d'une manière ou d'une autre, le soutien de la République d'Irlande à la politique qu'il menait en Irlande du Nord. Le dernier exemple notable en est l'accord anglo-irlandais de 1985, créant un organisme permanent de consultation entre les deux gouvernements. Pour l'heure, son principal objectif reste la collaboration et le partage des responsabilités dans la répression contre l'IRA. Mais si jamais des politiciens protestants doivent un jour collaborer avec l'État républicain, ce pourrait être un moyen de leur frayer la voie.

La stratégie britannique comporte cependant une inconnue de taille : où trouver une force politique ayant dans la classe ouvrière catholique du Nord un poids comparable à celui que semblent avoir les politiciens unionistes au sein de la classe ouvrière protestante ?

Les seules forces véritables au sein des communautés catholiques sont pour l'instant les Républicains (le Sinn Fein et l'IRA) et le Socialist and Democratic Labour Party (SDLP), proche de l'Eglise catholique et surtout implanté dans la petite bourgeoisie. Malgré les meilleurs résultats électoraux du SDLP, qui recueille environ les deux tiers des voix contre un tiers au Sinn Fein, c'est le Sinn Fein qui a vraiment de l'influence sur le terrain, dans les quartiers catholiques, c'est-à-dire dans les bastions ouvriers.

Tant que le Sinn Fein maintient son influence, il est évident qu'aucun réglement politique ne peut avoir lieu sans sa participation. Cette possibilité n'est certainement pas à exclure, du côté de l'État britannique. Après tout, dans le passé, il y a déjà eu de nombreuses négociations secrètes entre l'IRA et l'État britannique.

Aujourd'hui donc, l'État britannique en est réduit à des manoeuvres à long terme, comme de tenter de rendre l'État républicain plus acceptable aux yeux des politiciens protestants et d'établir des liens permanents entre les appareils répressifs du Nord et du Sud. Pour le reste, la face visible de sa politique consiste à gagner du temps pour mettre en place sa stratégie, plutôt que d'essayer d'éliminer le Sinn Fein. Après tout, s'il faut un jour contraindre la classe ouvrière catholique à accepter un réglement politique et ses conséquences, seul le Sinn Fein est capable de le faire !

Les republicains a la recherche d'un compromis

Les Républicains sont-ils hostiles à la recherche d'un compromis avec l'État britannique ? Le fait est qu'au cours des dernières années le Sinn Fein a montré de plus en plus ouvertement qu'il recherchait un tel compromis.

Parmi d'autres témoignages publiés à l'occasion du vingtième anniversaire du mouvement des droits civiques, voici celui de Gerry Adams, président du Sinn Fein, qui parle de cette perspective : « Ce qu'il faut, c'est que le gouvernement britannique abandonne sa politique actuelle (...). Cela implique son retrait d'Irlande et la reconnaissance de la souveraineté d'un gouvernement de toute l'Irlande ». Adams donne ensuite le judicieux conseil suivant au gouvernement britannique : « Le gouvernement britannique peut jouer un rôle important en persuadant ceux qui se réclament de la tradition unioniste qu'il est de leur intérêt de construire, avec l'ensemble du peuple irlandais, une nouvelle société de toute l'Irlande. On pourrait par exemple commencer par supprimer le droit de veto unioniste (qui donne le contrôle des institutions de l'État aux politiciens protestants, NDLR). Tant que ce droit existe, les Unionistes n'ont aucune raison d'envisager d'autres solutions ».

Dans ce processus, un rôle est dévolu à la bourgeoisie catholique et au gouvernement de la République car, comme le dit Adams, le gouvernement britannique abandonnera sa politique actuelle plus rapidement « s'il ne peut plus compter sur le soutien de Dublin et du SDLP et s'il est confronté à la pression de Dublin, qui bénéficie d'un préjugé favorable sur la scène internationale ». ( Twenty Years On, Brandon, 1988).

On trouve tous les ingrédients d'un compromis possible dans ces trois citations : le gouvernement de Dublin et les politiciens catholiques doivent faire pression sur le gouvernement britannique ; celui-ci doit à son tour faire pression sur les politiciens protestants pour les faire asseoir à la table des négociations avec tous les partis existant en Irlande (y compris, bien sûr, le Sinn Fein) ; un gouvernement de toute l'Irlande pourrait alors sortir des négociations et le gouvernement britannique n'aurait plus qu'à lui remettre tranquillement le pouvoir.

La stratégie d'Adams s'adresse évidemment d'abord aux gouvernements et aux politiciens bourgeois. Le compromis qu'il évoque ferait appel à tous les politiciens réactionnaires des deux côtés de la frontière et ne prendrait donc pas en compte les intérêts des couches pauvres de la population, sans parler de ceux de la classe ouvrière. Il ne vise pas obtenir le soutien de quiconque en Grande-Bretagne, contre le gouvernement actuel. Il ne fait aucune place à la classe ouvrière du Nord (ou même du Sud !), pas même aux ouvriers catholiques dont les Républicains se prétendent les défenseurs ! Voilà pourquoi l'influence des Républicains dans les secteurs catholiques et ouvriers du Nord n'est pas, ne peut pas être fondée sur un rapport démocratique avec la population. Elle est fondée sur un appareil qui a souvent prouvé dans le passé son aptitude à se défaire rapidement de toute opposition.

Le role de la lutte armee

Un des principaux éléments de l'arsenal politique des Républicains a toujours été, et continue d'être, la lutte armée.

Cependant, il faut noter que ce choix a déjà été remis en cause dans le passé. A la fin des années soixante, après des années d'isolement et de recul du mouvement républicain, la direction de l'IRA avait commencé à remettre en cause la possibilité d'un changement sur la base de sa stratégie traditionnelle de lutte armée. L'alternative qui était envisagée était celle d'une stratégie électorale, d'une « voie irlandaise vers le socialisme », proche de celle de l'Irish Workers' Party (IWP - nom du Parti communiste de la République d'Irlande à l'époque). Au même moment, les quartiers ouvriers catholiques du Nord étaient la scène de véritables batailles, mais l'IRA y était si peu présente qu'à Belfast-Ouest on vit apparaître des inscriptions disant « IRA = I Ran Away » ( IRA = j'ai fui).

A la fin de 1969, le congrès de l'IRA décidait de mettre fin à sa politique d'abstention (c'est-à-dire à son refus traditionnel d'envoyer des députés siéger au parlement de la République). Le parti s'est alors divisé. Au cours des années qui ont suivi, la majorité du parti abandonnait la lutte armée et changeait son nom en celui de Workers' Party (entre temps l'IWP était devenu le Parti communiste d'Irlande après fusion avec le Parti Communiste du Nord). Aujourd'hui il est difficile de distinguer le Workers' Party (WP) du Parti Communiste. Ils partagent tous deux le même réformisme électoral, les mêmes liens puissants avec la bureaucratie syndicale, la même méfiance de la mobilisation incontrôlée de la classe ouvrière. On peut seulement dire que le WP est un peu plus euro-communiste que le PC irlandais et qu'il a un peu plus de succès.

Quant à ceux qui avaient quitté le congrès de 1969 pour former l'IRA provisoire, ils avaient à leur tête les éléments les plus réactionnaires de l'ancienne direction, mais comptaient aussi dans leurs rangs les militants les plus actifs de la nouvelle génération trempée au feu des événements dans le Nord et qui désapprouvaient la passivité dont venait justement de faire preuve la vieille direction. Leur point commun était le refus de renoncer à la lutte armée. C'est ce groupe qui devait donner naissance au Sinn Fein et à l'IRA d'aujourd'hui.

Comme l'écrivait Gerry Adams dans Politics of Irish Freedom (Brandon, 1986) : « La tactique de la lutte armée est d'une importance vitale, c'est elle qui apporte tout son tranchant à notre lutte. Sans elle, il n'y aurait même pas de problème irlandais. La lutte armée devient ainsi, dans les faits, de la propagande armée ».

Plus récemment, Adams a encore précisé cette idée au cours de la conférence de presse qu'il a donnée après l'attentat de Ballygawley où huit soldats britanniques avaient trouvé la mort au retour d'une permission. A un moment où beaucoup de Britanniques, y compris parmi ceux qui sont opposés à la présence de troupes britanniques en Irlande, étaient bouleversés d'apprendre que la plupart des victimes n'avaient même pas 20 ans, à Belfast, Adams expliquait à la presse que « la lutte armée vient encore de montrer sa nature essentiellement politique, en attirant l'attention de tous sur l'urgence de la situation. Les nationalistes d'Irlande du Nord, grâce à l'action de l'IRA, viennent de retrouver le sentiment de leur force ». (Cité par Ann Phoblacht, Sin Fein's Weekly, 25 août 1988).

Gerry Adams faisait sans aucun doute allusion aux gros titres de la presse britannique et irlandaise. Et il y avait probablement, en Irlande du Nord, des gens qui se sentaient vengés par ces morts. Mais pouvaient-ils vraiment « retrouver le sentiment de leur force » , alors même qu'ils étaient réduits au rôle de spectateurs passifs ? Pire, de spectateurs qui auraient à payer encore et encore le prix de ce coup d'éclat, par une répression accrue des troupes britanniques dans les secteurs catholiques, par les meurtres décidés en représailles par les paramilitaires protestants, et par l'exécution délibérée, quelques jours plus tard près de Ballygawley, de trois membres de l'IRA par le SAS. Fallait-il donner de nouvelles armes au gouvernement Thatcher en s'aliénant encore plus l'opinion publique britannique, y compris dans la classe ouvrière, une opinion déjà mal disposée suite à la série d'attentats meurtriers qui avaient commencé fin 1987 par une « erreur » qui avait coûté la vie à treize civils protestants à Enniskillen, le Jour du Souvenir ?

Comme tous les nationalistes, les Républicains visent avant tout à être reconnus - par leur ennemi, par tel gouvernement, par l'opinion publique - quelles qu'en soient les conséquences pour ceux qu'ils prétendent défendre. Ils n'utilisent pas la lutte armée pour renforcer la situation morale et matérielle de la population catholique. Pas plus qu'ils ne tiennent compte des intérêts des centaines de milliers d'Irlandais qui travaillent en Grande-Bretagne et qui auraient besoin d'une perspective, d'un langage qui leur permettent de rompre leur isolement par rapport aux travailleurs britanniques, plutôt que de le voir renforcé comme cela a été le cas après ces actions de l'IRA !

D'autre part, les contraintes de la lutte armée, la répression toujours menaçante, le besoin de clandestinité et d'une discipline de fer ont souvent été mis à profit par les mouvements nationalistes pour justifier la suppression de toute démocratie dans leurs rangs. Il est si facile de voir une trahison là où il y a désaccord ! De ce point de vue, les Républicains ne font pas exception à la règle.

De la bombe au bulletin de vote : une voie logique

Le début des années 80 a pourtant vu le retour de cet autre élément de l'arsenal des Républicains, le bulletin de vote.

En mars 1981, Bobby Sands, bientôt suivi d'une douzaine d'autres prisonniers, commençait une grève de la faim. Leur revendication était le rétablissement du statut de prisonnier politique aboli par le gouvernement Wilson en 1976. En avril, Bobby Sands toujours emprisonné était élu au parlement britannique dans la circonscription frontalière à majorité catholique de Fermanagh and South Tyrone. En juin, après la mort de Bobby Sands et de trois de ses compagnons, deux autres grévistes de la faim étaient élus au Dail, le parlement de la République d'Irlande. Puis en août, Owen Carron, membre connu du Sinn Fein, succédait à Bobby Sands comme député de Fermanagh avec une majorité accrue. Pendant ce temps, des milliers de personnes manifestaient dans toute l'Irlande contre l'inflexibilité criminelle du gouvernement britannique et, dans le Nord, chaque enterrement était l'occasion de mobilisations massives.

En octobre, après la mort de dix prisonniers républicains, la grève de la faim était suspendue. C'était une défaite. Au moment où il éprouvait de sérieux revers économiques en Grande-Bretagne, le gouvernement Thatcher avait résolu de ne pas céder face aux grévistes de la faim. Et les prisonniers n'y pouvaient malheureusement pas grand-chose.

Mais les chefs républicains ne pensaient pas que la grève de la faim avait été une défaite. Voici comment Gerry Adams décrit, rétrospectivement, la situation nouvelle créée par la grève de la faim : « Quand notre seule forme de lutte était la lutte armée, il nous suffisait d'un petit nombre de combattants. Mais avec la grève de la faim, les gens cessaient d'être les spectateurs de tel ou tel aspect de notre lutte. Ils avaient un rôle actif à jouer, qui pouvait être aussi limité ou aussi important que la participation au collage d'affiches, à la rédaction de lettres, aux nombreuses formes de protestations ». ( The politics of Irish freedom).

Le fait que ces protestations avaient lieu à l'enterrement de militants morts sans avoir pu combattre - la forme la plus démoralisante de protestation qu'on puisse imaginer - et qu'elles ne servaient à rien ne trouble pas du tout Adams ! En fait, pour lui, la grève de la faim a surtout servi à ouvrir aux Républicains la route des succès électoraux, pour la première fois depuis leur cuisant échec de 1961 : « Avant la grève de la faim, nous envisagions un lent développement de notre intervention électorale : nous avons dû brusquement et sans préparation suffisante adopter une stratégie électorale ».

A partir de ce moment-là, le Sinn Fein s'est attaché à consolider les succès électoraux des grévistes de la faim. Des centres communautaires dirigés par le Sinn Fein ont été organisés dans les secteurs catholiques du Nord et la même politique a été appliquée, mais moins systématiquement, dans les cités et les quartiers populaires du Sud. Leur but aurait pu être d'organiser les travailleurs d'un quartier pour lutter contre la pauvreté. Mais non, il s'agissait essentiellement d'un appareil électoral. Dans le Sud en particulier, le Sinn Fein a déployé beaucoup d'efforts pour apparaître comme un parti responsable. Ce n'est pas par hasard que Gerry Adams cite souvent la contribution de membres du Sinn Fein aux associations de « Parents Inquiets » mises sur pied dans les cités de la périphérie de Dublin pour faire la chasse aux revendeurs de drogue - il s'agit très souvent de groupes très réactionnaires qui véhiculent des idées fumeuses sur l'auto-défense.

Finalement, ce tournant électoral ramenait les Républicains à la case départ : à son congrès de 1986, le Sinn Fein approuvait - quelle ironie - la décision même qui avait amené ses membres fondateurs à quitter le congrès de 1969 de l'IRA, la décision de mettre fin à leur abstentionnisme ! Mais cette fois, tout en s'avançant sur le terrain électoral, la majorité ne renonçait pas à la lutte armée. Et ceux qui partaient pour créer un nouveau groupe anti-électoraliste, le « Sinn Fein Républicain », ne représentaient qu'une petite minorité.

L'enjeu de cette décision était, selon un éditorial d'Ann Phoblacht (6 novembre 1986), « aussi important que le succès de la lutte républicaine : sortir de l'isolement et devenir une force politique, mêler la lutte nationale à la réalité contemporaine telle qu'elle est perçue par la majorité des gens des 26 comtés (de la République) ».

Il y a un lien évident entre la bombe et le bulletin de vote. Tous deux impliquent la passivité de la population que les Républicains prétendent représenter, plutôt que la participation active et consciente de cette population. La bombe peut être utilisée si nécessaire pour calmer les couches les plus pauvres de la population dans le Nord, alors que le bulletin de vote peut être utilisé, lui, dans le Sud, pour accroître la crédibilité et la respectabilité du Sinn Fein et le transformer en parti crédible de toute l'Irlande. La conjonction des deux pourrait faire du Sinn Fein le partenaire tout désigné des gouvernements de Londres et de Dublin lors d'un éventuel réglement politique.

Le radicalisme des republicains : les mots, sans les actes

Comme la plupart des nationalistes, surtout depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Sinn Fein doit se garder contre toute compétition sur sa gauche. C'est d'autant plus vrai en Irlande où la classe ouvrière est concentrée et où les traditions héritées des luttes des années 60-70 pourraient facilement en amener certains à remettre en question la stratégie nationaliste éculée du Sinn Fein.

Ainsi, le langage du Sinn Fein ne manque pas de références au « socialisme ». Voici par exemple un extrait de l'éditorial d'Ann Phoblacht du 12 février 1987 : « Bien sûr, nous devons rester fidèles à une perspective révolutionnaire pour l'Irlande, et cette perspective implique un certain nombre de structures économiques et sociales qui ne peuvent tout simplement pas coexister avec le système actuel. Des structures comme une industrie, des finances et une agriculture socialisées et fondées sur la coopération ; le contrôle ouvrier des usines et des exploitations agricoles ; l'égalité d'accès à l'éducation, à la culture et aux « bonnes choses de la vie ». Voilà quelle est notre perspective à long terme ».

Bien sûr, la clé de ce long développement réside dans l'expression « à long terme » . Comme le dit Gerry Adams : « A cette étape de son développement, la lutte républicaine ne doit pas adopter le style « républicain-socialiste ». Cela pourrait faire croire qu'il n'y a pas place chez nous pour les non-socialistes ». ( Politics of Irish Freedom). Au contraire, dit encore Adams, tous les mécontentements doivent pouvoir fusionner et se subordonner à la lutte nationale : la lutte républicaine doit « rassembler les victimes disparates de la partition dans les deux parties de l'Irlande. Il faut une lutte nationale qui unisse le mécontentement social, économique et culturel dans une campagne pour le droit du peuple à l'auto-détermination ». ( Twenty Years On)

Mais le Sinn Fein ne respecte même pas ses propres engagements quand il s'agit du mécontentement existant dans la classe ouvrière protestante. Il est vrai que depuis des années maintenant, le Sinn Fein refuse d'être considéré comme une organisation catholique. C'est juste, car les différences de religion ne jouent en elles-mêmes aucun rôle dans la division qui existe dans le Nord. Elles ne sont qu'une des formes d'expression de cette division et l'excuse la plus souvent invoquée. Elles n'en sont pas la cause. Après tout, certains des nationalistes les plus célèbres du passé étaient des protestants. Aussi, le Sinn Fein est-il très attentif à utiliser le terme de nationaliste plutôt que celui de catholique. C'est un vocabulaire qui cadre bien avec la stratégie du Sinn Fein, mais qui n'est finalement qu'un masque pour son mépris complet et absolu de la population protestante, y compris ses secteurs les plus défavorisés.

Bien sûr, depuis la partition, l'État britannique et la bourgeoisie protestante se sont acharnés àcreuser un fossé divisant la classe ouvrière. C'est vrai que la classe ouvrière protestante a toujours eu les meilleurs emplois, amenant une partie des travailleurs protestants à s'allier à leurs patrons contre les travailleurs catholiques. Mais y compris dans les périodes de prospérité, les privilèges des travailleurs protestants ne sont rien comparés à ceux de la bourgeoisie, tant catholique que protestante. Et aujourd'hui, dans un contexte de crise économique, continuer à parler des privilèges des travailleurs protestants n'est qu'une sinistre blague, surtout pour les 20% qui sont au chômage !

Quels efforts le Sinn Fein a-t-il jamais faits pour tenter de combler le fossé entre travailleurs protestants et catholiques ? Ce n'est sans doute pas une tâche facile. Mais ce n'est pas une mince tâche non plus que de tenter de desserrer l'étreinte de l'État britannique et de ses alliés bourgeois. Dans cette lutte, toutes les contributions devraient être les bienvenues ! Mais le pseudo-socialisme du Sinn Fein ne va pas si loin. Il ne va pas jusqu'à enlever aux politiciens protestants leur principal argument auprès des travailleurs protestants, en ôtant à ces derniers toute raison de se sentir menacés par des actions de type militaire. Surtout, le Sinn Fein ne va pas jusqu'à adopter un langage et une attitude qui expriment les aspirations et la révolte des couches les plus pauvres de la population, y compris parmi la classe ouvrière protestante. Cela n'aiderait sans doute pas le Sinn Fein à consolider son image de parti respectable, mais cela serait la seule manière de guérir au moins une partie des travailleurs protestants de leurs vieilles terreurs.

De même, quelle tentative le Sinn Fein a-t-il jamais faite pour gagner le soutien actif de la classe ouvrière britannique ? Quels intérêts directs les travailleurs britanniques peuvent-ils avoir au maintien de la Grande-Bretagne en Irlande du Nord ? Les usines britanniques sont pleines d'anciens « troufions » dont beaucoup ne sont pas spécialement fiers du rôle qu'on leur a fait jouer en Irlande du Nord. Il ne serait peut-être pas très difficile de gagner leur sympathie active et celle de leurs collègues de travail, contre la politique irlandaise de l'État britannique. Mais il leur faudrait plus que des arguments moraux. Il leur faudrait la conviction qu'ils ont quelque chose à y gagner. Mais que peuvent-ils avoir à gagner à soutenir une IRA qui s'en prend à de jeunes recrues qui rentrent, sans armes, d'une permission au pays (par comparaison, l'attentat de l'IRA lors du congrès conservateur de 1984 a suscité des réactions toutes différentes parmi les travailleurs britanniques qui n'étaient pas complètement hostiles, bien loin de là) ? En fait, le Sinn Fein n'a rien à dire aux travailleurs britanniques. Il n'a pas de politique visant à obtenir leur soutien et à transformer les nombreux travailleurs irlandais vivant en Grande-Bretagne en liens actifs et vivants entre les classes ouvrières d'Irlande et de Grande-Bretagne. La seule chose qui vienne à l'esprit du Sinn Fein sur ce sujet, c'est d'essayer d'obtenir le soutien de politiciens du Parti travailliste - en demandant à ses partisans en Grande-Bretagne de soutenir la lutte « à l'intérieur du Parti travailliste pour une position véritablement socialiste » sur la question irlandaise (Ann Phoblacht, 2 octobre 1988).

Finalement, qu'est-ce que le Sinn Fein a à offrir aux travailleurs irlandais, du Nord comme du Sud ? Une Irlande indépendante et unie ? Unie avec la réactionnaire Eglise catholique qui contrôle encore aujourd'hui étroitement l'État républicain ? Indépendante, mais avec encore moins de ressources qu'aujourd'hui et donc avec un niveau de vie plus bas ? Indépendante, mais avec la perspective d'avoir à suer sang et eau pour compenser l'absence d'infrastructure industrielle ? Quelle sorte de socialisme peut-on bâtir sur de telles bases, sinon une caricature de socialisme avec plus d'exploitation et de pauvreté pour la classe ouvrière ?

Pour une politique proletarienne independante en irlande

L'impasse irlandaise existe depuis des siècles. La bourgeoisie britannique n'a pas réglé le problème avec la partition de 1921 et, malgré sa plus grande puissance que par le passé, le mouvement nationaliste s'est montré tout aussi incapable de le régler.

Les intérêts de la classe ouvrière au Nord et au Sud, catholique et protestante, diffèrent des intérêts des politiciens bourgeois de la République comme d'Irlande du Nord. Ils diffèrent tout autant de ceux de la direction petite-bourgeoise du mouvement républicain dont la seule perspective est celle d'une société de plus en plus étroite où les privilégiés continueraient à recevoir leur part du gâteau grâce à l'exploitation accrue de la classe ouvrière.

Mais les intérêts de la classe ouvrière irlandaise sont les mêmes que ceux de la classe ouvrière britannique. Y a-t-il une telle différence entre les ghettos ouvriers de Dublin, ceux de Belfast - Anderstown la catholique et Shankill Road la protestante - , et ceux de Toxteth à Liverpool ou de Broadwater Farm à Londres ?

Une organisation prolétarienne implantée dans les secteurs militants et radicaux du Nord catholique tenterait d'exprimer la haine qui existe dans les deux pays chez des centaines de milliers de travailleurs privés d'un accès à une vie décente pour que les riches continuent à s'enrichir. Une telle organisation pourrait s'opposer audacieusement aux mensonges et aux pièges de la division, sans risque de perdre ses alliés, en resserrant les rangs des ouvriers catholiques et protestants face aux patrons, face à l'État britannique qui s'en prend aux avantages acquis et face aux aspects les plus inacceptables et les plus flagrants de l'occupation britannique. Une telle organisation prolétarienne devrait affirmer clairement que son but est la prise du pouvoir par la classe ouvrière, non seulement en Irlande mais aussi en Grande-Bretagne, car c'est le seul moyen de mettre un terme à l'impasse mortelle où la bourgeoisie britannique et ses alliés irlandais ont conduit le pays.

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