Grande-Bretagne : les syndicats dans la crise01/10/19871987Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1987/10/12_0.jpg.484x700_q85_box-27%2C0%2C2451%2C3504_crop_detail.jpg

Grande-Bretagne : les syndicats dans la crise

 

Depuis le début des années 80, le mouvement syndical britannique a vu ses effectifs régresser régulièrement, en valeur absolue comme en valeur relative. Globalement la proportion de travailleurs syndiqués est tombée de 55 % - valeur record atteinte en 1979 - à à peine plus de 40 % aujourd'hui. Qui plus est, comme chaque syndicat a tout intérêt à surévaluer ses effectifs - du fait de règles bureaucratiques internes au TUC (l'organisme qui rassemble la plupart des syndicats britanniques) - la réalité est probablement encore pire.

Au cours de ces quelques dernières années, surtout depuis la défaite des mineurs de 1985, le déclin des effectifs a été au premier plan des congrès syndicaux. Bien que soulevé à maintes reprises, ce problème reste entier : les effectifs continuent à diminuer régulièrement, bien que plus lentement maintenant.

Pour toute une partie de la gauche - qui va de l'aile droite du Parti Travailliste jusqu'à la majorité euro-communiste du Parti Communiste -c'est évidemment un lieu commun de dire une fois de plus que ce déclin, au même titre que les défaites subies par la classe ouvrière ces dernières années, constitue la preuve que le temps de la classe ouvrière est révolue, que son poids social et politique est aujourd'hui insuffisant pour lui permettre de jouer un rôle dirigeant dans la transformation de la société.

Une telle analyse ne sert bien sûr qu'à justifier leur propre rupture avec toute perspective de classe ainsi que toutes sortes de politiques opportunistes et de concessions à divers milieux petit-bourgeois.

 

Les annees 70 : une montée syndicale à double tranchant

 

En valeur relative, le taux de syndicalisation actuel est du même ordre que celui de la période de 1946 à 1968.

Pourtant, au cours des années 70, il y a eu une augmentation importante des effectifs syndicaux en Grande-Bretagne, de l'ordre de 30 %. En 1975, pour la première fois dans l'histoire du pays, les travailleurs syndiqués devinrent majoritaires dans la classe ouvrière.

Cette croissance syndicale fut-elle le résultat de la vague de combativité du début des années 70 ? Oui, dans une certaine mesure, mais cela n'explique pas tout.

40 % seulement de la croissance syndicale globale des années 70 eut lieu pendant cette vague de combativité. Qui plus est, une partie importante de cette croissance globale fut la conséquence d'une série de mesures prises par les gouvernements successifs.

La reconnaissance officielle des délégués du personnel, d'abord dans les services municipaux en 1969, puis dans la santé publique en 1971, ouvrit un vaste champ de recrutement aux syndicats. Puis en 1975, la loi sur la protection du travail qui donna une base légale aux accords dits de « closed-shop » (accords suivant lesquels tous les travailleurs doivent adhérer aux syndicats signataires dans l'entreprise), conduisit à la multiplication de tels accords. En 1969, environ 25 % des travailleurs étaient couverts par un accord de « closed-shop ».

Ces deux types de mesures conduisirent à une croissance syndicale beaucoup plus rapide dans les services municipaux et dans la santé publique. Trois des principaux syndicats actifs dans ces deux secteurs - NUPE (cols bleus et travailleurs de la santé), NALGO (cols blancs) et COHSE (travailleurs de la santé) - virent la somme de leurs effectifs augmenter de 95 % entre 1969 et 1979. Et alors que ces trois syndicats ne représentaient que 8 % des syndiqués en 1969, leur croissance au cours de cette période a constitué le quart de la croissance de l'ensemble des syndicats.

En dehors des services publics, le développement du système de « closed-shop » donna une impulsion au taux de syndicalisation. L'introduction d'un accord de « closed-shop » dans une usine amenait en général de nouveaux syndiqués. Le syndicat de la construction mécanique AEU fournit un bon exemple des conséquences de ce phénomène. Si, durant la vague militante de 1969 à 1974, les effectifs de l'AEU augmentèrent de 17 %, au cours de la période suivante, jusqu'en 1979, l'augmentation fut de 26 %, alors que des réductions d'emplois commençaient déjà à se produire dans cette branche d'activité.

Bien sûr, cela ne veut pas dire que les mesures légales qui furent prises n'avaient aucun rapport avec la vague militante du début des années 70. De toute évidence, ces mesures constituèrent une tentative de la part de la bourgeoisie britannique pour à paralyser la combativité de la classe ouvière en donnant à la bureaucratie syndicale un contrôle plus étroit sur la base.

Mais ces mesures ne furent en rien des victoires remportées par les travailleurs en lutte. Elles furent mises en place par en haut et conduisirent à une croissance des effectifs syndicaux qui n'avait rien à voir avec un afflux des travailleurs rejoignant les syndicats pour se battre.

En réalité, les concessions que le gouvernement et le patronat firent aux syndicats furent faites aux dépens de l'organisation syndicale au niveau de l'atelier et du bureau.

C'est ainsi par exemple que dans les entreprises de production, la plupart des accords de « closed-shop » eurent pour contrepartie des accords de productivité et des changements dans les relations entre patrons et syndicats. Ces changements furent conçus de façon à retirer aux délégués tout contrôle sur les conditions de travail. Traditionnellement, le salaire de chaque ouvrier dépendait du type et de la quantité de travail qu'on lui demandait, et il était négocié directement dans chaque cas par le délégué concerné. A la place, tout un système de procédures fut mis en place afin d'en finir avec ces négociations à la base et de les remplacer complètement par des structures de négociations à l'échelle de l'usine ou de la société, structures sur lesquelles les délégués n'avaient guère de contrôle, sans parler des travailleurs du rang. Des organismes paritaires patrons-syndicats se multiplièrent, éloignant un peu plus les militants des ateliers. Dans les secteurs nouvellement organisés, essentiellement dans les services publics, le système des délégués fut conçu dès le départ dans cette perspective.

Dans le même temps, le système du « check-off » - par lequel la direction retient les cotisations syndicales sur la paye des syndiqués - était généralisé. En 1978, 80 % des entreprises de 1 000 salariés et plus appliquaient un tel système. Dans le passé, le seul lien réel entre les militants syndicaux et les syndiqués du rang s'établissait au travers de la collecte des cotisations. Ce lien fut supprimé par le « check-off ». Aujourd'hui, il arrive souvent que la direction sache mieux que les militants quels sont les syndiqués à jour de leurs cotisations. C'est dire la faiblesse de l'organisation syndicale dans les ateliers !

Du fait de ces transformations et malgré la croissance de leurs effectifs, les syndicats se sont retrouvés à la fin des années 70 plus dépendants du bon vouloir du gouvernement et du patronat qu'ils ne l'avaient jamais été.

 

La situation des syndicats aujourd'hui

 

Au cours des huit dernières années, les licenciements massifs ont principalement touché les travailleurs manuels. Comme ce secteur constitue le bastion traditionnel du syndicalisme britannique, ces licenciements ont été le facteur le plus lourd de conséquences pour les effectifs syndicaux.

Cela a été particulièrement vrai des vieux syndicats de métiers et de ceux basés sur une seule industrie, tel le syndicat des mineurs qui a perdu plus de 60 % de ses membres depuis 1979. Mais cela a été également vrai des syndicats ayant une base plus large tels que le T&GWU - le syndicat des transports - qui a perdu un tiers de ses membres -ou l'AEU - le syndicat de la construction mécanique - qui en a perdu près de 20 %.

Dans le cas des syndicats diversifiés comme le T&GWU, ce déclin impressionnant a d'autres causes que les seuls licenciements et fermetures d'entreprises.

Une de ces causes, devenue très importante aujourd'hui, est le développement de ce que les patrons appellent les « travailleurs périphériques », une catégorie floue comprenant les travailleurs à temps partiel, les travailleurs sous contrat temporaire, les travailleurs « indépendants » et les travailleurs à domicile. Une évaluation récente - car il n'y a aucune statistique disponible à leur sujet - situe le nombre de ces travailleurs « périphériques » entre huit et dix millions, soit entre 33 et 42 % de tous les travailleurs qui ne sont pas chômeurs.

Tous ces travailleurs « périphériques » ont en commun la précarité de leur statut. A l'exception des travailleurs à temps partiel faisant plus de 16 heures par semaine, aucun d'eux ne bénéficie des protections légales contre les licenciements abusifs. Les travailleurs « indépendants » ne sont même pas considérés comme ayant un emploi, même s'ils peuvent très bien se retrouver à faire le même travail dans la même usine qui les employait lorsqu'ils étaient des travailleurs comme les autres : la différence étant en général que leur taux horaire a été réduit, qu'ils n'ont ni congés payés ni couverture sociale et qu'ils sont astreints à une flexibilité horaire totale sans aucune bonification pour heures supplémentaires.

Il n'y a pas que chez les petits patrons de combat que l'on trouve des travailleurs « périphériques ». On en trouve aujourd'hui dans des grandes sociétés et des services publics ayant de solides traditions syndicales. Ford, par exemple, emploie à la maintenance des centaines de travailleurs sous contrat. Leur salaire horaire est bien plus bas que celui des ouvriers de chez Ford, et ils peuvent travailler jusqu'à 70 heures par semaine, quand ce n'est pas plus.

Seule une minorité de ces travailleurs « périphériques » est syndiquée. En partie à cause de leur situation précaire, en partie parce qu'en général ils ne restent jamais très longtemps dans le même emploi. Et bien que certains syndicats, comme le T&GWU, aient lancé récemment des campagnes de recrutement en direction des travailleurs à temps partiel, ils ne semblent pas avoir eu grand succès.

Comme on pouvait s'y attendre, le patronat et le gouvernement ont cherché à tirer parti de la menace que fait peser le chômage en usant de chantage pour faire accepter des sacrifices aux travailleurs. Et dans la mesure où les syndicats pouvaient paraître un obstacle à cette politique, ne serait-ce que de façon purement passive, ils ont eu parfois eux aussi à souffrir de ces attaques.

C'est ainsi par exemple que certaines compagnies - peu nombreuses jusqu'à présent et en général de petite taille - ont eu pour politique de déplacer leurs entreprises existantes - avec des effectifs réduits - ou d'en créer de nouvelles, dans des régions dépourvues de traditions industrielles et donc aussi de traditions syndicales. Ceci, allié à une sélection relativement efficace à l'embauche visant à écarter les militants, a rendu plus difficile aux syndicats la tâche de s'implanter dans ces nouvelles entreprises.

Du côté gouvernemental, Thatcher a fourni les moyens de mettre fin aux accords de « closed-shop ». La législation du travail de 1980 à 1982 a rendu obligatoire l'organisation de votes à bulletins secrets tous les cinq ans afin de confirmer le maintien du « closed-shop », la majorité requise étant de 85 % des votants. En même temps, des lois ont institué des indemnités en faveur des travailleurs licenciés pour avoir refusé de se syndiquer.

Mais malgré la démagogie anti-syndicale de Thatcher, très peu de sociétés publiques ou privées ont changé de position au cours des dix dernières années pour adopter une attitude résolument anti-syndicale. Même des patrons réputés « anti-syndicaux », tel le magnat de la presse Rupert Murdoch, ont cherché à modifier le rapport de forces avec la bureaucratie syndicale plutôt qu'à rompre avec elle. Quant aux mesures de Thatcher contre le « closed-shop », elles n'ont pas suscité grand enthousiasme dans le patronat. En fait, elles ont même été sévèrement critiquées par la Fédération du Patronat de la Construction Mécanique.

Si le gouvernement et le patronat étaient revenus sur tous les accords passés avec les syndicats dans les années 70, la chute des effectifs serait aujourd'hui bien plus catastrophique. Mais dans l'ensemble les patrons n'ont guère fait d'efforts pour mettre fin aux accords de « closed-shop » ou au check-off, même dans les entreprises étatisées.

Jusqu'à présent, les entreprises semblent préférer conserver d'assez bonnes relations avec la bureaucratie syndicale. Mais elles attendent des dirigeants syndicaux qu'ils en payent le prix.

D'un côté, les dirigeants syndicaux doivent être prêts à accepter une discipline plus stricte à la base et des mesures disciplinaires à l'encontre des délégués combatifs. Cela s'est traduit par un nouvel affaiblissement de l'organisation syndicale au niveau des ateliers.

D'un autre côté, la bureaucratie syndicale doit aider le patronat à imposer aux travailleurs des mesures telles que les licenciements et l'aggravation des conditions de travail. Cela s'est fait de bien des façons, allant de la passivité pure et simple des dirigeants syndicaux devant ces mesures jusqu'à leur soutien ouvert.

Le fait est que la bureaucratie syndicale n'a pratiquement pris aucune initiative pour lutter contre les attaques sévères qu'a subies la classe ouvrière depuis dix ans. Quand des luttes ont effectivement eu lieu - que ce soit dans l'acier, les mines de charbon, l'imprimerie ou les télécommunications - elles se sont terminées dans l'isolement et la défaite malgré une combativité manifeste chez les travailleurs en lutte. Au cours de ces luttes, la bureaucratie syndicale a surtout montré ses réticences et ses querelles internes, mais aucune réelle détermination au combat.

Ces défaites ont créé une certaine démoralisation aussi bien parmi les travailleurs du rang que parmi les militants. Dans l'ensemble de la classe ouvrière, le manque évident de détermination des dirigeants syndicaux a miné la crédibilité des syndicats en tant qu'instrument de défense contre les attaques du patronat. Particulièrement parmi les ouvriers dont les salaires horaires réels ont baissé de plus de 9 % depuis 1979 tandis que les heures supplémentaires étaient multipliées par cinq. Pourquoi alors adhérer à un syndicat si on n'y gagne rien ? Beaucoup d'ouvriers dont certains étaient d'anciens syndiqués se sont sans aucun doute posé cette question. Et pour l'instant ils y ont répondu par la négative.

 

La crise ne laisse aucune marge de manoeuvre

 

Pour l'instant, les capitalistes n'ont pas choisi de s'attaquer aux syndicats en tant que tels. Mais la marge de manoeuvre qu'ils sont prêts à leur accorder est aujourd'hui bien plus limitée. Désormais les patrons et le gouvernement ne lâchent plus le O,5 % de rallonge supplémentaire ou les primes symboliques qui auparavant facilitaient les choses aux bureaucrates et leur permettaient de se prévaloir de prétendues victoires face aux ouvriers. Les augmentations de salaires et les changements dans les méthodes de travail sont aujourd'hui plus fréquemment imposées par dessus la tête des négociateurs syndicaux. En d'autres termes, la bureaucratie a moins de choses à offrir aux travailleurs par le biais des négociations et du syndicalisme traditionnel. Et le prix en est une perte de crédibilité auprès de l'ensemble de la classe ouvière.

Mais les dirigeants syndicaux n'ont rien appris de la période écoulée. Ou plutôt il y a des leçons qu'ils ne veulent pas apprendre. Leur loyauté envers le système capitaliste, leur respect des intérêts de la bourgeoisie sont bien trop enracinés. Ils sont partisans de faire plus de concessions au patronat. Ils défendent de façon encore plus flagrante une collaboration de classes étroite qui, espèrent-ils, leur permettra de conserver leurs positions ou au moins de ne pas en perdre d'autres.

 

Comment « vendre » des accords syndicaux ?

 

Parmi les différents syndicats ouvriers, l'EETPU (le syndicat des électriciens) a fait preuve de moins d'hypocrisie que les autres en disant ouvertement quels étaient ses objectifs en ce domaine. Les dirigeants de l'EETPU se sont efforcés de se donner l'image d'un syndicat ferme sur les revendications - et qui se situe lui-même à droite du mouvement syndical - mais qui garantit la paix sociale au patronat. Ils se sont adressés systématiquement aux dirigeants d'entreprises, usant de montages vidéos professionnels et proposant des accords modèles destinés à montrer que l'EETPU sait être efficace quand il s'agit d'éviter les grèves et d'améliorer les profits, par exemple par l'introduction d'une totale flexibilité dans les méthodes de travail. S'inspirant de l'exemple du syndicalisme américain, l'EETPU s'est fait le champion de deux idées : l'une relativement nouvelle dans les grandes entreprises anglaises est celle du syndicat unique, seul reconnu dans l'entreprise et ayant le pouvoir de négocier au nom de tous les salariés ; l'autre idée, moins nouvelle mais peu répandue à ce jour, est celle des accords comportant une clause anti-grève. Pour être sûr de se faire entendre des « preneurs » potentiels, l'EETPU envoya même une mission promotionnelle au Japon en 1984, pour faire le tour des sociétés japonaises envisageant d'investir en Grande-Bretagne.

La campagne de « recrutement » de l'EETPU a porté ses fruits. La liste des accords comportant une clause de syndicat unique et une clause anti-grève, qu'il a passés depuis 1984, est déjà impressionnante, avec entre autres Hitachi, Toshiba, Sanyo, Inmos, Control Data et le quotidien national « Today ».

Pour conclure certains de ces accords, l'EETPU a eu recours à une forme de piraterie, évinçant les syndicats existants avec l'aide de la direction, comme par exemple à l'usine Hitachi au Sud du Pays de Galles où, à la suite de l'accord signé avec l'EETPU, cinq syndicats ont perdu les droits de représentation qu'ils avaient auparavant.

L'exemple le plus extrême de cette piraterie s'est sans doute produit à Wapping, la nouvelle usine du groupe de presse News International. Lorsque Rupert Murdoch, le propriétaire du groupe, décida de transférer la production de ses journaux des vieilles imprimeries londoniennes à Wapping, au prix du licenciement de plus de la moitié du personnel, l'EETPU le contacta, proposant de prendre la relève des syndicats de l'imprimerie sur la base de l'un de ses accords modèles. Lorsque la grève de News International éclata, suivie par la décision de Murdoch de licencier la totalité des 5 500 grévistes, l'EETPU prit en charge le recrutement d'ouvriers prêts à briser la grève, en nombre suffisant pour faire tourner l'usine de Wapping. Sans l'EETPU, il est probable que Murdoch aurait eu bien plus de mal à venir à bout des grévistes.

 

La bureaucratie syndicale choisit de mendier l'aide du patronat

 

La politique agressive de l'EETPU a soulevé une vague d'amères critiques de la part des autres syndicats. Ces critiques portent cependant bien plus sur les méthodes utilisées et surtout sur les succès obtenus que sur l'orientation fondamentale qui y préside.

En fait les quatre autres principaux syndicats se sont également engagés dans ce genre de marketing, proposant des accords anti-grève avec syndicat unique, avec des résultats similaires, bien que plus limités pour l'instant : l'AEU avec des accords chez Eatons, Nissan et Komatsu ; le GMB (syndicat général surtout implanté parmi les travailleurs municipaux et dans la construction navale) avec des accords chez Elac, NEK Cable et Panasonic ; et comble d'ironie, l'un des accusateurs les plus virulents de la politique de l'EETPU, le T&GWU, avec un accord national chez Norsk-Hydro.

Pendant ce temps les dirigeants du TUC ont adopté le mot d'ordre du « syndicalisme de marché ». Les syndicats, disent-ils, devraient rénover leur image. Comme le syndicat des services publics NUPE, ils devraient recourir aux services d'agences publicitaires pour se doter de nouveaux sigles et slogans. Ils devraient accompagner la carte syndicale de toutes sortes d'avantages, allant de prêts hypothécaires à taux préférentiel, à des tarifs réduits pour les vacances. Norman Willis, le secrétaire général du TUC, a même annoncé une carte de crédit flambant neuve, sur la banque syndicale Unity House, réservée aux seuls syndiqués.

Tous ces gadgets vont-ils attirer de nouveaux syndiqués ? Peut-être quelques uns. Mais sûrement pas parmi les ouvriers touchés par la crise. Et les dirigeants du TUC en ont bien conscience.

Mais les dirigeants syndicaux n'ont guère d'autre politique à proposer.

La seule politique qui pourrait ramener la classe ouvrière vers les syndicats est une politique offensive. Une politique qui s'efforcerait d'unifier les travailleurs, par-delà les divisions corporatistes, afin de préparer une riposte d'ensemble de la classe ouvière. Justement le genre de politique que même les plus radicaux des dirigeants syndicaux - comme Scargill - ont choisi de ne pas mettre en avant pendant la grève des mineurs. Car la bureaucratie syndicale ne veut pas d'une telle politique. D'abord et avant tout, ce sont des dirigeants responsables, c'est-à-dire responsables vis-à-vis du système capitaliste et de son accumulation continuelle de profits.

Même l'an dernier, lors du congrès du TUC, alors que les dirigeants syndicaux faisaient des plans en prévision d'un possible gouvernement travailliste, annonçant le retour d'un nouvel âge d'or pour la bureaucratie - comme celui des années 70 -, ils insistaient par avance sur la nécessité de consentir à encore plus de concessions. Cette bouée de sauvetage est maintenant hors de vue. Tout ce qui reste à la bureaucratie, en dehors de gadgets illusoires, c'est la voie adoptée par l'EETPU, c'est-à-dire celle qui consiste à demander au patronat d'avoir la bienveillance de laisser les syndicats organiser leurs salariés.

Cette politique n'est que la suite logique de ce qu'a fait la bureaucratie dans les années 70. Avec néanmoins une différence de taille : face à la faiblesse actuelle des syndicats, le patronat peut exiger d'eux bien plus de sacrifices, c'est-à-dire exiger bien plus de sacrifices aux frais des travailleurs. Au bout du compte, la servilité de la bureaucratie ne lui ramènera pas les syndiqués qu'elle a perdus. Elle ne fera qu'aider la classe dominante à tirer encore plus de profits des travailleurs.

 

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