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Chili : le Parti Communiste et la lutte armée
Le 7 septembre dernier, la tentative d'assassinat, qui n'échoua que de justesse, d'Augusto Pinochet, porta au premier plan de l'actualité l'organisation qui en fut l'auteur, le Front Patriotique Manuel Rodriguez, principalement animé par le Parti Communiste Chilien.
Depuis 1984, le Front Patriotique Manuel Rodriguez s'était acquis une notoriété certaine dans tout le Chili en accompagnant (en « appuyant », disait-il) par des attentats les manifestations de protestation (les « protestas » ) organisées par le PCC ou le plus souvent par les partis de l'opposition, essentiellement par la Démocratie Chrétienne et les organisations syndicales qui lui sont liées.
En mars 1984, pour ne donner qu'un exemple, le Front réussissait 40 attentats à l'explosif la même nuit, dans les différentes grandes villes du pays. Le même mois, un de ses commandos attaquait une patrouille de carabiniers après le couvre-feu. Une bombe détruisait un car de police au centre de Santiago, faisant un mort et onze blessés parmi les policiers. Au même moment avait lieu une série d'attentats à l'explosif contre les pylônes à haute tension. En 1984 et 1985, le Front a revendiqué pratiquement tous les attentats à la bombe qui ont eu lieu près des casernes ou des postes de police, ainsi que les explosions contre les installations électriques alimentant le pays. Par ailleurs, le Front a ses services de renseignements, et mène une sorte de guerre de l'ombre avec les services secrets de l'armée. L'un de ses exploits a consisté à kidnapper, puis à retourner un tortionnaire qui fit beaucoup de révélations sur les pratiques des différentes polices politiques du régime.
Cette année dans les mois qui ont précédé l'attentat de septembre contre Pinochet, les actions sont devenues plus audacieuses. Les combattants du Front ont pris d'assaut des postes de police, mitraillé l'école d'officiers de Santiago, pour aboutir à l'attentat spectaculaire, même s'il a été manqué, contre Pinochet lui-même. A ce propos, un porte-parole du Front a déclaré lors d'une conférence de presse clandestine que des militaires avaient participé à cet attentat, tenant à souligner par là les appuis dont le Front disposerait au sein même de l'armée. Depuis l'instauration de l'état de siège qui a suivi l'attentat manqué, le Front continue de se manifester. Le 16 octobre dernier, une grande partie du centre du Chili a été privée d'électricité par une panne qu'un groupe du Front a provoquée et revendiquée comme « contribution à la journée de protestation » organisée par la coalition politique patronnée par le PCC : le MDP (Mouvement Démocratique et Populaire).
Le PC chilien, au travers de ce Front Patriotique, apparaît aujourd'hui comme la principale organisation combattante contre la dictature.
Mais si le Parti Communiste chilien n'a pas hésité à reprendre totalement à son compte les méthodes de la guérilla urbaine, ce virage « tactique » n'a pas signifié une remise en cause de sa politique réformiste, bien au contraire. Le PC chilien d'aujourd'hui, qui préconise le terrorisme, est bien le même PC qui, avant 1973, soutenait Allende et avait délibérément laissé la classe ouvrière désarmée face à l'armée préparant son coup de force.
Le radicalisme des moyens de lutte utilisés par son appareil militaire s'accommode parfaitement de la modération de ses objectifs politiques.
Le tournant hésitant du PC chilien vers la guérilla
Ce n'est que pour un regard superficiel que, cette « stratégie de lutte armée » pourrait indiquer un profond changement du PC chilien, qui était l'architecte de la « voie pacifique au socialisme » pendant la période d'unité populaire sous Salvador Allende. Bien sûr, c'est le même parti qui conseillait à la classe ouvrière, en 1973, devant la menace d'un coup d'État par l'armée, de ne pas prendre les armes, en disant que cet ne ferait qu'isoler la classe ouvrière des classes moyennes et des militaires démocrates. Et même après le coup d'État, alors que des milliers de travailleurs étaient massacrés, y compris ses propres militants, c'est Luis Corvalan, le secrétaire général du parti, lui-même en prison à l'époque, qui insistait sur le fait que « les Communistes chiliens ont toujours soutenu la thèse de la transformation sociale du pays sans lutte armée » (interview à L'Unita en octobre 1973).
Le Parti Communiste Chilien explique son tournant par la nouvelle constitution qui a été mise en place en 1980 par les militaires. Dans cette constitution, Pinochet a donné sa version d'une prétendue transition à la démocratie : en 1989, il doit y avoir un plébiscite dans lequel on demandera à la population de voter, par oui ou par non, pour ou contre un candidat désigné par les militaires. Après 1989, de nouvelles élections pour une sorte de Parlement sont censées avoir lieu. Cependant, tous les partis marxistes, ceux qui parlent de lutte de classe, demeureraient hors-la-loi.
Voilà ce que dans une interview au journal argentin Qué Pasa en décembre 1985, un « dirigeant du Parti Communiste Chilien dont le nom n'est pas divulgué » répondait quand on lui demandait les raisons de la nouvelle stratégie du PC au Chili :
« La dictature veut se perpétuer avec l'aide de la constitution de 1980, qui abolit le principe de la souveraineté nationale. S'efforçant d'éviter la répétition de ce qui s'est passé en Espagne après la mort de Franco, Pinochet et les forces qui l'appuient ont créé une base « légale » pour la continuité, c'est-à-dire pour la préservation du système fasciste, même sans Pinochet. Toute possibilité pour un changement graduel a été écartée. Le résultat, c'est qu'il est tout simplement impossible d'abolir le système actuel sans abattre l'édifice institutionnel du fascisme. C'est pourquoi nous avons décidé une politique de soulèvement populaire pour détruire le présent système avec l'aide des masses. « (cité par Bulletin d'information, une revue publiée en Tchécoslovaquie au nom de différents partis communistes).
Nous discuterons plus loin de ce que le Parti Communiste chilien entend par « politique de soulèvement populaire » et « aide des masses ». Pour le moment, notons que, pour la direction du Parti Communiste, ce serait la découverte - tardive - que Pinochet n'avait pas l'intention de quitter son poste et d'ouvrir pacifiquement la voie à un régime plus démocratique qui l'a amenée à recourir à la guérilla. Si nous nous en tenons à ce qui est dit là, cela signifierait que jusqu'en 1980 au moins - malgré le fait que le coup d'État de 1973 avait déclenché une des plus sanglantes répressions jamais vues, malgré le fait qu'en 1977, les militaires renforcèrent l'interdiction de toute activité politique en dissolvant même les partis de droite - , le Parti Communiste Chilien attendait et espérait une évolution pacifique du régime, sans intervention ni lutte des masses, peut-être par une pression au sommet c'est-à-dire de l'état-major, de a bourgeoisie ou des États-Unis, ou des trois à la fois. Par cette déclaration, le Parti Communiste Chilien indique aussi implicitement les limites de la transformation politique pour laquelle il combat : le régime politique de l'Espagne d'aujourd'hui.
En fait une déclaration de la sorte par le Parti Communiste Chilien, en 1985, vise plus à justifier pourquoi il s'opposait à la lutte armée dans le passé qu'à donner les raisons qui l'y ont amené aujourd'hui.
En réalité, le PCC n'a pas changé aussi clairement de position en 1980. Aucun document officiel ne parla alors de « soulèvement » ou même de « lutte armée ». Il n'y avait en 1980 que des références ambiguës au droit du peuple à se rebeller et à la nécessité d'envisager toutes les formes de lutte. Et cette ambiguïté remonte en fait à 1977 quand il modifia quelque peu ses positions. Jusque là, en effet, le PCC s'était opposé à maintes reprises à la lutte armée et critiquait durement ceux qui la proposaient, comme le MIR (le Mouvement de la Gauche Révolutionnaire) En fait, même si le blâme était mis d'abord sur les USA, le PCC continuait à faire porter une part de la responsabilité de la situation, qui avait conduit au coup d'État de 1973, à une certaine gauche, comme le MIR, à cause de l'attitude provocatrice qu'elle aurait eue envers l'armée. Cependant ces critiques s'estompèrent après 1977, même s'il n'y eut aucune réévaluation des événements de 1973.
Ce changement répondait sans doute aux sentiments d'une partie des militants du PCC, à la recherche d'une voie qui pourrait leur ouvrir une perspective, et soumis à des pressions venant d'autres secteurs de la gauche. On doit en effet noter que des changements similaires eurent lieu dans le Parti Socialiste. A partir de 1977, des militants du PS, regroupés autour de Almeyda, adoptèrent aussi une stratégie voisine (même des gens issus de la Démocratie Chrétienne, comme le MAPU, se livrèrent aussi à des actions armées).
Selon Carmelo Furci, du Parti Communiste Italien, qui a écrit un livre intitulé « Le Parti Communiste chilien et la voie au socialisme », il y avait à l'époque une opposition, ou au moins l'expression d'une insatisfaction dans le Parti Communiste Chilien envers la ligne modérée. Peut-être les événements de 1979 au Nicaragua, le renversement de la dictature de Somoza et la prise du pouvoir par les Sandinistes ont-ils renforcé ces sentiments. En tous cas, certains notèrent, et en particulier le MIR, qu'en 1980 le Parti Communiste chilien accepta sans le dire que certains de ses militants se joignent à d'autres dans des actions de guérilla.
Mais ce n'est pas parce que leurs militants subissent ou sont sensibles à des pressions que les dirigeants du PCC (comme bien d'autres PC) changent de politique pour autant. De fait, en même temps, le PCC évitait soigneusement d'aller trop loin, probablement de peur des conséquences que cela pouvait entraîner sur ce qui était un but essentiel à l'époque, l'éventuelle constitution d'un large front anti-fasciste avec d'autres forces, en particulier le PDC (Parti de la Démocratie Chrétienne) mais aussi, à droite, le Parti National. Probablement le fait que ces partis, qui avaient été « suspendus » après 1973, aient été déclarés « dissous » par les militaires en 1977, donnait au PCC l'espoir accru de faire alliance avec eux.
Ce ne fut pas avant 1983 que le PCC commença à parler ouvertement de son actuelle « stratégie de lutte armée ». Cette année-là, à partir de mai, dans les « protestas' », ces journées d'action publiques, l'opposition au régime de Pinochet déborda dans la rue. Bien des secteurs différents de la population y furent impliqués. Une fraction de la bourgeoisie même se joignit à de larges fractions de la petite bourgeoisie, influencées le plus souvent par les Démocrates Chrétiens. La crise économique, qui s'approfondissait a l'époque, aval poussé ces classes dans l'opposition. Avec d'autres, elles prirent part à des manifestations de protestation massives.
D'autres menèrent même des actions plus radicales. On vit souvent, les soirs de « protestas », les étudiants se joindre aux jeunes des bidonvilles, « los pobladores », qui s'opposaient aux forces armées à coups de pierres et de bouteilles, élevant des barricades, lorsque leurs quartiers étaient attaqués par l'armée se livrant à des représailles.
Le PCC commença alors, semble-t-il, à céder à la pression qui s'exerçait sue ses militants en concurrence avec d'autres groupes de gauche qui pouvaient apparaître plus radicaux. Il y avait une montée dans l'opposition avec au moins les étudiants et une partie de la classe ouvrière des bidonvilles prêts pour des actions plus radicales C'était souvent dans ces fractions de la population que des groupes comme le MIR s'activaient gagnant apparemment une certaine sympathie sinon des nouveaux adhérents, à leurs brigades combattantes.
Dans le même temps, les autres forces politiques avec lesquelles le PCC avait toujours cherché à constituer une large opposition unifiée, continuaient à le repousser, même si tous se retrouvaient ensemble dans la rue lors des « protestas ». Le PDC (Parti de la Démocratie Chrétienne) avait très clairement répété qu'il regardait vers le parti de droite, le Parti National (PN), vers une fraction de l'armée et vers le Département d'État américain pour assurer son avenir.
En mai 1983, le Parti de la Démocratie Chrétienne organisa un regroupement de l'opposition, appelé l'Alliance Démocratique, qui excluait explicitement le Parti Communiste Chilien et d'autres partis de gauche.
C'est pour tenter de répondre à cela que le PCC forma avec le PS-Almeyda et le MIR, le « Mouvement Démocratique du Peuple » en septembre 1983, un rassemblement qui ne rassemblait politiquement pas grand monde. Finalement, en décembre 1983, le PCC fonda officiellement le Front Patriotique Manuel Rodriguez qui devint son bras armé, mais pas sous son nom, quoiqu'il en constitue l'essentiel.
Ce qui a donc rendu le Parti Communiste Chilien apparemment sensible aux pressions des groupes les plus radicaux, plus faibles que lui, c'est donc essentiellement le fait qu'il n'avait aucune autre perspective à offrir à ses militants, l'ensemble des partis opposés à Pinochet ne voulant ni avant ni après l'éventuel départ de ce dernier, avoir affaire au PCC.
Mais cela ne modifia que la forme de sa politique, mais pas ses objectifs, et ce ne fut pas là un grand changement.
Comment participer au gouvernement d'après-Pinochet
Hugo Fazio, un membre de la commission politique du PCC, déclarait dans World Marxist Review en octobre 1984, c'est-à-dire un an après la création du Front Manuel Rodriguez : « Tout en appuyant Pinochet, il (l'impérialisme) est en même temps à la recherche fiévreuse d'une porte de sortie. Ses efforts visent à provoquer un processus de transition qui préserverait les formes de la domination imposée et aiderait à atteindre le but principal qui est de paralyser les actions populaires, empêcher une compréhension mutuelle au sein de l'opposition et isoler les Communistes et le Mouvement Démocratique du Peuple de façon à empêcher leur participation active aux efforts pour mettre fin à la crise ».
Le PCC, comme tout le monde, a noté que les États-Unis ont essayé de trouver un moyen de se débarrasser de Pinochet - à condition, bien sûr, qu'il y ait des garanties que la transition soit contrôlée - malgré le refus, jusqu'ici, de Pinochet de céder la place, et à condition que le régime qui lui succède offre aux USA toutes garanties d'honorabilité.
Le PCC n'offre pas aux travailleurs d'autre perspective que l'établissement d'un tel régime, il ne propose pas de lutter pour autre chose. Ses propos sont concluants. Il ne parle que de « compréhension mutuelle au sein de l'opposition » (qui va rappelons-le du Parti de la Démocratie Chrétienne à la droite la plus représentative, sans oublier une fraction de l'état-major).
Ce à quoi aspirent les dirigeants du PCC, c'est à participer à un éventuel gouvernement post-Pinochet, et cela tout en pratiquant depuis un an la « lutte armée ». Le PCC ne parle pudiquement que de sa « participation aux efforts pour mettre fin à la crise ». Si c'est à la crise politique, on ne veut pas de lui. Si c'est à la crise économique, certains Partis Communistes de par le monde ont des références en ce qui concerne leur savoir-faire pour mettre la classe ouvrière à contribution.
Répétons-le, le radicalisme des moyens n'entraîne pas automatiquement le radicalisme des buts politiques. On peut recourir à la lutte militaire sans être partisans d'une révolution.
Le Parti Communiste Chilien répète cette idée très clairement dans la même interview : « Le Parti Communiste propose de former - après la chute de la dictature - un gouvernement dynamique et efficace par accord entre toutes les forces démocratiques et avec leur soutien » .
Il est donc clair que le PCC n'a pas changé. Dans le passé, il a essayé maintes fois non seulement de trouver des alliés sur sa droite, ce qui, après tout, peut se discuter ; mais il a aussi donné des assurances aux différentes forces politiques et sociales avec lesquelles il cherchait à s'allier : les Démocrates Chrétiens, la bourgeoisie et même l'Armée.
Ainsi, Luis Corvalan déclarait dans le programme officiel du Parti, appelé « Notre projet démocratique », écrit en 1974 mais toujours en vigueur aujourd'hui :
« Nous croyons sincèrement que les soldats, les sous-officiers et les officiers subalternes peuvent et doivent prêter leur expérience et leurs connaissances aux institutions de la défense nationale à l'avenir sous un nouveau régime démocratique. Seuls les éléments fascistes doivent être séparés des Forces Armées parce que nous ne pouvons laisser des armes entre leurs mains avec le risque qu'ils les utilisent à nouveau contre le peuple, la démocratie et la sécurité du pays lui-même.
Nous ne sommes pas pour un simple retour dans les casernes. Nous avons une conception des Forces Armées dévouées à leur travail qui est de sauvegarder la souveraineté nationale et liées au peuple et aux grandes tâches qu'implique le progrès du Chili. »
Mais en dépit de toutes les assurances du PCC, ni l'armée, ni l'impérialisme, ni même les Démocrates Chrétiens ne sont prêts jusqu'ici à lui faire jouer un rôle dans leur jeu. Les États-Unis préfèrent dans toute la mesure du possible tenir en dehors de la scène les partis de gauche, en particulier ceux qui, même involontairement, pourraient donner des idées à la classe ouvrière. Et les militaires chiliens et les politiciens bourgeois ne voient aucune raison d'agir différemment.
La politique de soulèvement populaire : le choix des mots et des moyens
Le nom même choisi pour l'organisation militaire du PCC : « Front Patriotique Manuel Rodriguez » (du nom d'un guerillero nationaliste chilien du XIXe siècle) marque les limites du combat engagé. Ce Front est une organisation militaire de la « patrie ». Pas une organisation de combat pour les travailleurs. Il ne s'agit pas de mener un combat de classe, mais un combat au nom de toutes les classes. C'est le combat pour la « patrie » et la « démocratie », au nom du renoncement à la lutte de classe. L'aboutissement de ce combat n'est pas l'insurrection prolétarienne des travailleurs en armes, mais, le PCC pèse ses mots, d'un « soulèvement national ». Ce n'est pas la même chose. Le soulèvement « national » est à l'insurrection prolétarienne ce que le « front patriotique » est à l'organisation armée du prolétariat. Un tel soulèvement national pourrait très bien se passer d'une insurrection populaire, c'est-à-dire du concours des masses en armes, en se contentant, par exemple, de trouver un appui au sein de l'armée « nationale » elle-même, l'armée chilienne dûment infiltrée par l'appareil militaire du Front. Le soulèvement se résumant alors à un coup de force au sein de l'armée, mais contre Pinochet cette fois.
Il ne s'agit pas d'une hypothèse fantaisiste, mais du scénario envisagé par les- dirigeants du Front patriotique eux-mêmes, du moins dans la propagande.
Au mois d'août dernier, un mois avant l'attentat contre Pinochet, le FPMR a tenu une conférence de presse clandestine où il a présenté deux jeunes déserteurs de l'armée recrutés par la Front, à visage découvert, et un militaire de carrière masqué qui s'est présenté comme le « chef des unités que le Front maintient à l'intérieur de la majorité des régiments de la garni . son militaire de Santiago » . D'après les journalistes présents, sa façon de s'exprimer laissait penser qu'il devait s'agir au moins d'un sous-officier sinon d'un officier. Voici quelques passages de la déclaration qu'il fit aux journalistes :
« Je suis un militaire professionnel qui appartient à l'institution depuis 18 ans... J'aime mon institution. Mais je suis mécontent de la situation... Nous n'avons rien à perdre, parce que ce que nous avons de plus important, c'est l'honneur militaire, et Pinochet, en nous faisa=ant réprimer notre propre peuple, le Chili, nous a fait perdre cet honneur militaire... Nous, les militaires du Front, mettons avant toute chose notre institution et l'honneur militaire. Ce qui nous intéresse, c'est l'armée du Chili et la Patrie, non le général Pinochet ni le haut commandement.. En tant que militaires, nous sommes prêts à faire tout le nécessaire pour libérer le Chili de la dictature et de ceux qui sont responsables de la perte de prestige, de la détérioration de notre institution et du Chili... » Et un commandant du Front ajoutait pour sa part, lors de la même conférence de presse : « Qu'il soit clair que l'Armée du Chili n'est pas notre ennemi, ni son personnel : seulement Pinochet et ses inconditionnels, et c'est pourquoi nous croyons que les militaires professionnels et patriotes doivent assumer le rôle qui correspond à l'alternative actuelle : soit réprimer le peuple et appuyer la dictature, soit passer dans nos rangs » .
Les propos de cette conférence de presse ont été rapportés dans une revue de Opposition, « Cause », en août dernier, avec à la Une la photo des trois militaires et comme titre : « FPMR : l'armée infiltrée ? »
Le Front Patriotique veut donc libérer le pays au nom de la patrie, de son armée, et du prestige de l'armée. L'ennemi à abattre, ce n'est pas l'institution de l'armée chilienne elle-même, ni bien sûr le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie, c'est uniquement Pinochet et la poignée de militaires du haut commandement qui le soutiennent, c'est tout. Que le reste de « l'institution », après 13 ans d'une dictature, c'est-à-dire la caste des officiers, se décide à lâcher Pinochet, veuille redonner son « prestige à l'armée » (c'est-à-dire retrouver le leur par la même occasion), et Objectif du Front Patriotique sera réalisé.
Le PCC, le Front Patriotique, plutôt, affirme à qui veut l'entendre (mais le problème est qu'il n'y a que les travailleurs qui le croiront et qui seront les seuls à être trompés) que c'est sur cette base politique qu'il « infiltre » l'armée, et qu'il y recrute ses chefs d'unités.
Ce « soulèvement national » vise à rallier « l'institution », sa hiérarchie et tous ceux qui sont intéressés à rétablir le prestige de l'armée chilienne, et le PCC affirme, s'engage à ce que ce prestige ne sera pas menacé de voler en éclats au contact des travailleurs en armes, par exemple. Ceux-ci fraterniseraient plus facilement avec les simples soldats et conscrits, qu'avec les « militaires de carrière patriotes » ; car le premier geste des travailleurs, s'ils étaient appelés à s'armer eux-mêmes, ce qui n'est pas le cas, serait de mettre en garde les soldats contre tous ceux qui prétendent réhabiliter le « prestige » de l'armée, c'est-à-dire son autorité sur le peuple, de les mettre en garde contre la caste des officiers et tous les rouages de cette institution chilienne qui a perpétré le sanglant coup de force de 1973, au temps où son prestige, précisément, était intact !
Et tous ces militaires de carrière qui sont appelés à rejoindre les rangs du Front Patriotique (à moins que ce soit le Front Patriotique qui rallie les rangs de l'armée ... ) se garderont bien, eux, de rechercher l'appui d'une intervention populaire, et se garderont encore plus d'armer les travailleurs qui voudraient les soutenir. C'est pourquoi le scénario de la chute de Pinochet tel que le souhaiteraient les chefs du Front, suppose bien plutôt la passivité des masses qui, tout au plus, devraient approuver en spectateurs le changement de pouvoir au sein de l'armée.
Bien sûr, l'armée chilienne n'est sûrement pas autant infiltrée, noyautée par le Front Patriotique que ses chefs voudraient le faire accroire.
Le PCC, au travers du Front Patriotique Manuel Rodriguez, cherche, aujourd'hui, à faire la démonstration qu'il dispose de soutiens au sein même de l'armée. Il doit probablement considérer qu'il s'agit là d'un argument susceptible d'ébranler les partis bourgeois en sa faveur, plus convaincant et rassurant, en tous cas, que ce qu'il appelle par ailleurs la mobilisation armée des masses populaires ellesmêmes !
Son implantation dans l'armée, c'est ce que le Front a essayé de rendre public lors de cette conférence de presse du mois d'août. L'organisation de l'attentat contre Pinochet, un mois après, ne peut guère être détachée de ce contexte. La plupart des commentateurs politiques au Chili ont paraît-il souligné qu'un tel attentat ne pouvait pas être organisé sans des complicités, à des échelons suffisamment élevés, au sein de l'armée. Le Front lui-même a tenu à déclarer que des militaires avaient participé à l'attentat. Tout se passe comme si le PCC, victime de l'ostracisme des autres organisations politiques, tenait à faire pression sur elles en arguant de son implantation dans l'armée. L'organisation de l'attentat manqué contre Pinochet étant elle-même destinée à en apporter une preuve tangible. On voit dans ces conditions à quel point l'objectif politique visé par un tel attentat est éloigné des intérêts des masses elles-mêmes.
La stratégie du Parti communiste et les masses chiliennes
Il n'y a pas de miracle. Il n'y a pas de moyens « révolutionnaires » au service d'une politique qui ne l'est pas. Le PCC n'a pas adopté une tactique militaire en contradiction avec ses objectifs politiques. Tout au contraire. La façon dont il a engagé l'épreuve de force avec le pouvoir en place sert fidèlement ses objectifs politiques, et ferme la voie à un combat authentiquement prolétarien, susceptible d'assurer la victoire à la classe ouvrière.
Cette politique militaire du PCC n'est pas sans conséquences négatives pour les travailleurs chiliens. Pendant que le Front Patriotique mène son combat singulier contre la dictature, il y a une détermination, un héroïsme, des possibilités d'organisation et d'action, criminellement inemployés chez les prolétaires chiliens.
Depuis 1983, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de travailleurs, des bidonvilles et des centres miniers, sont sortis de la décennie de prostration qui a suivi le coup d'État du 11 septembre 1973. Malgré les rafles, la répression toujours aussi violente, les morts, c'est, avec les étudiants, surtout les travailleurs des quartiers pauvres qui viennent et reviennent encore, en première ligne des « protestas ».
La situation est la suivante : d'un côté, les partis de l'opposition bourgeoise prennent l'initiative de « protestas » pacifiques, enfin pacifiques du côté des manifestants (et elles le restent depuis ces trois années d'affrontements avec le régime), en laissant tout au plus les jeunes des bidonvilles confectionner des barricades défensives à l'aide de pneus enflammés, bien incapables d'arrêter l'armée.
De l'autre, parallèlement à ces actions de masse qui, elles, restent pacifiques, le Parti Communiste Chilien mène son propre terrorisme offensif à l'aide d'un appareil militaire spécialisé, avec ses armes, ses clandestins, ses services secrets et ses centres d'entraînement. Ce ne sont ni les compétences, ni les moyens, ni les idées qui lui manquent dans ce domaine.
Mais aux masses, le PCC ne propose rien d'autre que ces « protestas » dont les organisations chiliennes ont pris l'initiative en 1983. Tout au plus lui arrive-t-il d'en organiser lui-même, de la même façon. Depuis trois ans, ces épreuves de force avec le pouvoir ont pris un aspect répétitif, quasi rituel, toujours pacifique mais dangereux pour les masses. Un responsable de « poblaciones », avec une certaine amertume, déclarait en 1984 à un envoyé du journal Le Monde : « Les dirigeants fixent les dates des « protestas » et nous, nous apportons les morts ».
Pourquoi donc réserver la lutte physique à un appareil minoritaire, uniquement clandestin, et laisser les démonstrations à visage découvert, pacifiques et aussi coûteuses en vies aux masses qui font chaque jour la preuve qu'elles ont de l'héroïsme à revendre ? Pourquoi le Parti Communiste Chilien n'appelle-t-il pas l'ensemble du prolétariat à s'organiser pour la lutte, à s'armer de façon autonome ? Pourquoi ne travaille-t-il pas à préparer des formes de « lutte violente », comme il en reconnaît lui-même la nécessité, incluant la participation des masses et assurant cette participation ? Pas parce qu'il ne le peut pas. Tout montre qu'il le pourrait : sa propre influence, le nombre de ses militants, comme la situation et les sentiments des travailleurs qui ne chipotent pas leurs morts à ceux qui les appellent à protester.
L'organisation militaire, l'art de la clandestinité, en un mot, l'apprentissage de la guerre civile, c'est-à-dire de l'engagement d'épreuves de force où les masses apprennent non seulement à encaisser les coups, mais aussi à les porter, en se mettant le moins possible à découvert, en choisissant les moments favorables, seraient-ils inaccessibles aux masses ?
Pourquoi ceux qui savent mourir, ne sauraient-ils pas combattre ? Pourquoi ceux qui régulièrement s'apprêtent à sacrifier leur vie ne seraient-ils pas capables aussi de s'organiser militairement ?
Que le PCC ait son propre appareil militaire clandestin et, grâce à cet appareil, conquière la sympathie et la reconnaissance des masses, c'est une chose. Mais dans quel but ? Pourquoi les masses ne se saisiraient-elles pas, elles aussi, de la possibilité de créer leur propre armée clandestine ? Elles n'auraient pas le niveau de conscience suffisant pour cela ? Elles n'en verraient pas la nécessité ? Ce serait au PCC à utiliser son crédit à les en convaincre et son intelligence à leur en montrer les moyens.
Chez les jeunes des quartiers pauvres, le Front Patriotique est populaire. Pour eux, le Front, c'est le symbole de la résistance armée à la dictature. Les plus révoltés, et ils sont nombreux, voudraient bien en être. Ils aimeraient bien dire partie du Front. Seulement, le Front Patriotique ne peut accepter tous les candidats. C'est vrai. Mais c'est aussi un choix politique. Le Front a beau être incontestablement populaire, il est une organisation de combat séparée des masses, inaccessible aux masses, c'est-à-dire absolument pas sous leur contrôle direct. Pourquoi ? Pour que le jour où le PCC décidera que la lutte est terminée et qu'il ne faut pas chercher le matador derrière la cape, le véritable adversaire derrière le leurre, les travailleurs n'aient absolument pas entre leurs mains l'instrument pour continuer la lutte.
L'existence même de ce Front Patriotique, au lieu de favoriser Organisation militaire et l'armement des masses, Avorise au contraire en leur sein le sentiment qu'elles ne peuvent rien faire, si elles ne sont pas dans le Front. Et si elles sont convaincues que la lutte armée, en effet, est le seul moyen d'en finir avec la dictature, elles ne peuvent que conclure que cela ne dépend pas d'elles, mais d'une organisation spécialisée, coupée d'elles, qui, au mieux, se bat pour elles. Cela veut dire que non seulement le Front Patriotique ne répond pas du tout aux possibilités réelles d'organisation militaire des travailleurs eux-mêmes, mais que son existence contribue à les faire retomber dans la passivité au moment même où elles s'apprêtaient à en sortir. Et c'est bien de cela qu'il s'agit.
La situation est explosive dans les quartiers pauvres, ces bidonvilles qu'on appelle là-bas les « poblaciones ». Chaque « protesta », dans les quartiers les plus pauvres, a tendance désormais à se transformer en émeute de la faim. Les magasins d'alimentation sont pillés, et ensuite, l'armée vient « rétablir l'ordre » avec la sauvagerie qu'on sait. Ce n'est pas le sens de l'organisation qui manque dans ces quartiers le plus pauvres. Ce sont des quartiers entiers avec leurs responsables municipaux, leurs associations d'habitants (tous ceux qui habituellement organisent les secours alimentaires, les distributions de vivres, les soins de santé ... ) qui viennent manifester ensemble. Chacun se connaît et se sent solidaire dans la misère de la vie quotidienne, comme dans les manifestations contre l'oppression politique. Mais si cette organisation civile est possible, l'organisation armée pourrait l'être tout autant.
Cela ben sûr supposerait une véritable organisation, à la fois démocratique et militaire de la population. Ce ne serait sans doute pas les mêmes qui exerceraient les responsabilités, mais on n'y perdrait sans doute pas au change. Ce ne serait plus la foule qui irait régulièrement s'offrir aux coups de la répression, à l'occasion d'exutoires périodiques. Ce serait la population organisée qui avec ses réseaux de liaison, d'alerte, de mobilisation, ses responsables élus, son état-major, ses propres organisations clandestines, ses détachements armés, serait en mesure de décider où, comment, quand et avec qui s'opposer à la dictature.
Une telle organisation de la population signifierait qu'elle pourrait enfin choisir la façon d'engager ses épreuves de force contre le régime. Les « protestas » s'avéreraient sans doute bien vite comme la forme la moins adaptée, comme la moins efficace. On trouverait vite d'autres moyens de s'opposer au régime, que celui qui consiste à servir de troupes, dangereusement exposées, aux démonstrations politiques de l'opposition bourgeoise. L'initiative des formes d'action pourrait venir des quartiers ouvriers eux-mêmes, et ce sont les partis politiques bourgeois qui seraient en position de devoir se rallier à ces actions de masse, au lieu, comme aujourd'hui, d'être en situation de demander aux masses de se « mobiliser » pour eux.
La politique du PCC instaure, au Chili, ce même cercle vicieux dont parlait Lénine pour la Russie de 1902 : d'une part, l'élan révolutionnaire dune foule insuffisamment éclairée et inorganisée, et d'autre part, les actions d'éclat d'un appareil clandestin, ici le Front Manuel Rodriguez, dont les chefs et les militants ne veulent pas proposer aux masses une politique et des moyens qui puissent leur servir à elles-mêmes.
A supposer que la dictature finisse par tomber, les travailleurs n'auront appris qu'à applaudir les exploits des héros du Front, pendant que leur propre héroïsme obscur n'aura servi qu'à faire des martyrs anonymes après chaque raid punitif dans les « poblaciones », tout en finissant par êtree convaincus de leur propre impuissance !
Tout cela pour se retrouver sans défense devant le gouvernement qui succédera à Pinochet et qui, bien sûr, s'appuiera sur la même armée et la même police que ce dernier, même si celles-ci sont un peu « épurées » pour la forme.
Car le Parti Communiste Chilien ne veut surtout pas « unir en un tout, sa propre organisation de combat et l'héroïsme de masse des prolétaires » chiliens, pour reprendre la façon de s'exprimer de Lénine.
Le PCC est capable d'organiser un attentat (manqué) contre Pinochet, et bien d'autres choses de ce genre pour imposer son nom, sa notoriété, sa représentativité et sa future respectabilité dans les tractations gouvernementales qui suivront la chute de Pinochet, s'il tombe Mais ce qu'il ne veut à aucun prix, c'est donner à la population elle-même les moyens de combattre et de mener sa propre politique indépendante. Il ne veut surtout pas que les pauvres deviennent véritablement forts, qu'ils sachent s'armer eux-mêmes, s'organiser militairement eux-mêmes, se défendre vraiment, tout en sachant eux-mêmes choisir leurs cibles. Car les ouvriers qui seraient organisés et armés sauraient aussi se servir de leurs armes après la chute de la dictature. Ils sauraient s'en servir pour se défendre contre leurs futurs oppresseurs et pour défendre leurs véritables intérêts.
En s'engageant dans la lutte armée, le Parti Communiste Chilien a repris la stratégie que de nombreuses organisations nationalistes-bourgeoises ont utilisée ou utilisent dans des pays sous-développés soumis à la dictature ou à l'oppression politique de l'impérialisme. Cette stratégie a permis à certaines de ces organisations de partir à la conquête du pouvoir - voire de le conquérir - sans que les masses puissent se saisir de cette révolution pour la continuer à leur propre compte.
Le Parti Communiste Chilien se sert de cette stratégie non seulement parce qu'elle est apte à écarter les masses du processus révolutionnaire luimême (sauf pour en être les agents, voire les victimes) mai en plus il ne cherche même pas la conquête du pouvoir. Il affirme haut et fort qu'il n'est que prêt à gagner la place qu'il juge devoir lui revenir au sein d'un futur gouvernement sans Pinochet.
Ce qu'on peut se demander, c'est quelle peut être l'efficacité de cette politique du PCC pour convaincre les Chrétiens Démocrates, la droite, voire les sociauxdémocrates d'envisager une participation gouvernementale avec lui.
Pour cela, et surtout pour convaincre la droite, il faudrait que le changement de régime se fasse dans une situation où l'armée soit tellement ébranlée, ou déconsidérée, ou divisée, que les forces armées constituées par le PCC puissent être, aux yeux de ces partis comme de la bourgeoisie, un facteur de maintien de l'ordre indispensable soit par leur intervention active, soit par la caution qu'elles pourraient apporter à une armée repeinte aux couleurs républicaines (en se dissolvant ou en s'y intégrant, par exemple).
Il s'agit là d'une situation qui n'est pas impossible mais qui n'a (il y a eu maints exemples de l'lndonésie à Haïti) que peu de chances de se produire tant que les luttes populaires pourront être détournées et canalisées par d'autres partis, la Démocratie-Chrétienne par exemple.
Bien sûr, le PCC a d'autres cartes à jouer dans cette voie, et en particulier, si la politique - armée justement - d'organisations populistes comme le MIR, qui se réclame du castrisme, trouve un écho grandissant dans les masses. C'est peut-être ce qui a inspiré les dirigeants du PCC plus que la pression sur leur base : court-circuiter le MIR afin d'apparaître aux yeux des partis de droite et du centre comme un rempart contre un débordement par les extrémistes au travers de la période précédant et suivant la chute de Pinochet. Disons en passant que le MIR est certainement plus révolutionnaire que le PCC (comme les castristes) et comme tel, plus près des masses, mais certainement pas prolétarien. Il pourrait représenter cependant un réel danger pour les partis conservateurs et de droite (en tout cas, ceux qui sont pro-US), d'autant plus qu'il est certainement plus à même d'évoluer sous la pression des événements que les dirigeants du PCC. Mais ceci serait une autre histoire...
Bien sûr il n'est pas absolument exclu que le PCC évolue lui aussi de cette façon (Tito et Mao l'ont fait dans des circonstances où les pressions et les enjeux étaient bien autres), mais les déclarations de ses dirigeants n'en donnent pas l'impression. Et pour le moment, le PCC reste un facteur politique conservateur bien qu'il soit capable de mener des actions militaires.
Tout comme les organisations staliniennes, dans l'Europe occupée de la Seconde Guerre Mondiale, ont été capables, avec l'accord de Staline, de mener des actions combattantes, dans le cadre tracé par Roosevelt, Churchill, De Gaulle et quelques autres (ce ne sont que ceux qui ont rompu avec Staline, c'est-à-dire Tito et Mao, qui ont mené une politique révolutionnaire... mais nationaliste et non prolétarienne).
Et malheureusement, beaucoup de trotskystes ont bien souvent ce fétichisme de la lutte armée, qu'ils parent de toutes les vertus, au point de considérer comme révolutionnaires et prolétariens les maquis européens de la Seconde Guerre mondiale, même lorsqu'ils étaient dirigés par des officiers réactionnaires, et au point de s'interroger, aujourd'hui, sur ce qu'ils croient, ou affirment, être un tournant à gauche du PCC.
Le stalinisme a apporté aux nationalistes, dans le passé, une idéologie, un savoir-faire organisationnel, des méthodes de combat qui leur ont permis d'être révolutionnaires sans pour autant avoir à craindre le prolétariat.
Le Parti Communiste Chilien a repris aux nationalistes une politique qui lui permet d'apparaître comme combattant, non seulement sans avoir à craindre le prolétariat, mais, en plus, sans même apparaître comme révolutionnaire...
Nous l'avons vu, il a eu des prédécesseurs.
C'est là où il y a une frontière de classe entre le stalinisme et le nationalisme d'une part, et le trotskysme de l'autre, entre les différentes formes de lutte armée, de guérilla et de terrorisme pratiquées systématiquement par les différents mouvements nationalistes et staliniens qui cherchent à se servir des masses de parle monde, et la lutte authentiquement prolétarienne, armée ou pas.