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Avertissement

Ce numéro est entièrement consacré à deux événements qui ont marqué la situation politique française de ces dernières semaines : les manifestations de la jeunesse scolarisée qui ont fait plier l'actuel gouvernement de droite, et la grève des cheminots qui est peut-être en voie de le faire plier aussi.

Bien sûr, il y a d'autres crises de par le monde et d'autres situations bien plus cruciales que celles-ci. Mais nos lecteurs seront peut-être intéressés par le déroulement de ces mouvements et leur caractère relativement original dans la situation française de ces dernières années.

La France a été gouvernée depuis 1981 jusqu'en mars 1986 par un gouvernement social-démocrate avec, pendant trois ans, participation du Parti Communiste. La gauche a perdu les élections en mars dernier et un gouvernement de droite est revenu au pouvoir. Le gouvernement de gauche n'aura été qu'un intermède dans trente ans de gouvernement ininterrompu de la droite, mais il a réussi à démoraliser la classe ouvrière en utilisant son crédit pour convaincre les travailleurs qu'ils devaient accepter des sacrifices sur l'autel des entreprises françaises pour que le chômage n'augmente pas. Total : le cours des actions à la Bourse de Paris a augmenté de plus de 400 % en cinq ans, et le chômage... a augmenté de 50 %.

Aussi, lorsque le gouvernement de droite a remporté les élections sur la base de la déception de l'électorat de gauche et d'une perte de voix sans précédent pour le Parti Communiste, la classe ouvrière, aidée en cela par les médias et les partis de gauche eux-mêmes, a été tentée d'assimiler un gouvernement réactionnaire à un gouvernement fort, tandis qu'en réalité le gouvernement n'était fort que de la résignation des travailleurs. Le mouvement des jeunes et celui des cheminots n'ont peut-être pas changé du tout au tout cette situation - cela, l'avenir nous le dira - mais ils ont révélé publiquement la faiblesse du gouvernement devant les mouvements sociaux quand ils sont d'envergure.

En effet, les travailleurs ne s'étaient battus, depuis cinq ans que dans des combats défensifs, face à des licenciements, des fermetures d'entreprises, le dos au mur, et jamais dans les entreprises qui marchaient - car il y en a. Les syndicats bien sûr généralisaient moins que jamais les grèves, car la généralisation d'un mouvement le rend immédiatement politique dans le contexte actuel.

Aujourd'hui la principale leçon des deux mouvements des jeunes et des cheminots, c'est que lorsqu'un mouvement s'élargit, quelles que soient ses revendications de départ, et devient un mouvement de masse, la faiblesse du gouvernement devient flagrante.

La bourgeoisie française, comme toutes les bourgeoisies des pays impérialistes, connaît en fait une période d'enrichissement accéléré, basé sur la résignation des travailleurs devant la crainte du chômage. Des fortunes s'accumulent sur la base d'entreprises finalement florissantes. Car les entreprises accroissent leurs bénéfices, tout en vendant moins à cause du rétrécissement du marché, car elles n'ont plus à consacrer la majeure partie du profit à ré-investir pour élargir la production. D'où la flambée des actions dans toutes les places financières du monde, y compris à Paris.

Des conflits sociaux qui se généralisent, et c'est la Bourse qui risque d'être en chute libre. Les financiers risquent de perdre, en quelques jours, le profit des cinq dernières années. Pour leurs affaires il leur faut la paix sociale. Et le gouvernement, sous peine d'être rejeté par ses mandants eux-mêmes doit maintenir à tout prix cette paix sociale.

Devant des petits mouvements, il peut être ferme, voire répressif. Devant des mouvements larges, il ne peut que céder. Tout dépend en fait de l'extension du mouvement et de la détermination de ceux qui sont en lutte.

Nous nous étendrons donc longuement dans ce numéro sur le mouvement de la jeunesse étudiante et lycéenne et moins longuement sur le mouvement des cheminots qui, à l'heure où nous écrivons, est encore en cours. Si nécessaire nous y reviendrons dans un prochain numéro de la Lutte de Classe, car pour des militants révolutionnaires, les enseignements du conflit des cheminots sont encore plus riches que ceux à tirer du mouvement des étudiants.

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