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- Lutte de Classe n°117
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Vers un « Parti des travailleurs » ou un rassemblement électoral des déçus du mitterrandisme ?
Non seulement le PCI s'est ouvertement donné pour tâche, dans la période qui vient, la construction d'un parti des travailleurs, mais la LCR, à son tour, milite maintenant pour « rassembler une force anticapitaliste dans la perspective d'un nouveau parti pour les travailleurs. »
Certes, il y a bien des différences entre les politiques respectives des deux groupes trotskystes, dans leurs conceptions sur ce que devrait être aussi bien sur le fond que sur la forme ce parti des travailleurs, et encore plus dans la voie à emprunter pour y parvenir. Pourtant la similarité des buts qu'ils s'assignent tous deux aujourd'hui amène immanquablement à se poser la question : la constitution d'un nouveau parti ouvrier sur la gauche du Parti Socialiste et du Parti Communiste serait-elle à l'ordre du jour en France ?
Pas de poussée à gauche
A la base de la démarche des deux groupes trotskystes, il y a évidemment la même idée. Après quatre ans de gouvernement de gauche il y a, dans le mouvement ouvrier comme dans la gauche en général, d'innombrables gens, pas seulement électeurs mais aussi militants, déçus, écoeurés ou même furieux d'avoir été trompés. Ces militants et ces électeurs désillusionnés qui se détachent du Parti Socialiste ou du Parti Communiste pourraient être la base d'un nouveau parti. Ce serait donc le moment pour les révolutionnaires de proposer à tous ces gens de se rassembler autour d'eux. Ce serait l'occasion de construire une force à la gauche du Parti Socialiste et du Parti Communiste.
Bien sûr, si des pans entiers de travailleurs et de militants jusque là dans la mouvance du PCF ou de la social-démocratie (en fait vu ce qu'est la social-démocratie aujourd'hui en France c'est plus difficile à imaginer de ce côté, même si l'on comprend les syndicats FO ou CFDT dans cette social-démocratie prise au sens large du terme, mais laissons cette question secondaire de côté pour le moment) se détachaient de ces partis sur la gauche, c'est-à-dire à la fois en se radicalisant et en regardant du côté des idées sinon des groupes révolutionnaires, ceux-ci devraient être à même de leur proposer une politique. Ils devraient leur proposer des alliances, peut-être même une organisation où pourraient se retrouver et ces fractions évoluant vers la gauche des partis réformistes traditionnels et les révolutionnaires actuels.
Non seulement la question se poserait pour les communistes révolutionnaires, pour les trotskystes, d'entrer et de contribuer à former un tel parti s'il se dessinait indépendamment d'eux. Mais si l'occasion se présentait la question se poserait même de prendre l'initiative du mouvement et d'être les artisans de sa construction. En 1968, après que les événements de mai et juin eurent fait naître un large courant gauchiste dans la jeunesse et même dans certains milieux ouvriers, Lutte Ouvrière milita pour le regroupement en un parti de ce courant fractionné en de multiples groupes trotskystes, maoïstes, anarchistes.
Entrer dans un tel parti, ou même contribuer à le fonder, ne signifierait évidemment pas pour les révolutionnaires abandonner leur drapeau ou leur programme. D'abord des militants et des travailleurs se radicalisant et évoluant vraiment vers la gauche n'auraient pas de raison d'être effrayés par une alliance avec des révolutionnaires défendant ouvertement leur programme, et avec qui un certain nombre de points d'accord seraient d'ores et déjà acquis et un travail commun possible. Et puis la tâche des révolutionnaires serait alors justement, organisation commune ou pas, de gagner complètement tout ou partie de ces militants au programme révolutionnaire prolétarien, de les amener à accomplir leur évolution à gauche jusqu'au bout. Il serait donc d'autant plus nécessaire de défendre le programme révolutionnaire ouvertement au sein d'un parti qui regrouperait tout ce monde.
L'idée d'un nouveau parti des travailleurs peut donc sembler séduisante. Mais elle amène immédiatement quelques questions.
Ces militants, réels ou potentiels, déçus du socialisme à la Mitterrand, qui sont-ils ? Sur quelles bases remettent-ils en question la politique du gouvernement de gauche et des grands partis réformistes, PS et PCF ? Prennent-ils vraiment leurs distances d'avec ceux-ci pour aller plus à gauche ?
Et aux réponses que l'on peut donner à ces questions dépend, bien sûr, celles que l'on apporte à la suivante : sur quelle base donc les révolutionnaires peuvent-ils les regrouper ? Et même, y a-t-il une base pour un possible rassemblement avec eux ?
En fait, jusqu'ici les déçus du mitterrandisme (ou du marchaisisme) n'ont nullement donné naissance à un courant radical de gauche. Il y a, bien sûr, des exceptions individuelles, mais pour l'immense majorité, ces militants réformistes déçus ne quittent pas leur organisation pour remettre en cause, même confusément et vaguement, le réformisme. Ils ne se posent pas la question de continuer à militer et de lutter pour un changement de société sur de nouvelles bases plus radicales, ce qui serait la caractéristique de tendances centristes se détachant sur la gauche. Ils peuvent être certes critiques, très critiques même vis-à-vis de Mitterrand ou de Marchais et de leurs politiques. Ils constatent que celles-ci sont des échecs, et les illusions qu'ils avaient dans les changements qu'allait apporter la gauche au pouvoir se sont fracassées à l'épreuve des faits. Cela les amène à abandonner le soutien actif à des partis dont les directions actuelles ont fait à leurs yeux la démonstration de leur incapacité. Mais cela ne les amène nullement à remettre automatiquement en question le réformisme ni à rechercher d'autres voies plus radicales que celles que proposent PC ou PS.
Et c'est bien pour cela que jusqu'ici on n'a vu aucun courant, même faible, se former sur la gauche du PC ou du PS. Il y a eu, tout au plus, le passage de quelques individus des rangs réformistes à ceux des révolutionnaires, mais comme il s'en produit dans toutes les périodes. Et la seule tendance bien réelle qui existe c'est celle de tous ceux qui abandonnent toute activité militante dans ou autour des partis traditionnels... pour ne plus rien faire du tout.
Aujourd'hui il n'y a pas de poussée vers la gauche, c'est tout à fait évident à qui regarde un peu la situation réelle en face. Et, au fond, le PCI et la LCR le savent bien malgré ce qu'ils se laissent aller à dire parfois pour justifier leur politique. La preuve c'est, derrière les mots, le contenu réel de leurs projets d'alliance et de rassemblement.
Le PCI et les sociaux-démocrates
Qu'est en effet la politique du PCI si on la ramène à l'essentiel ? Ce n'est pas d'amener des militants venant du réformisme, et encore à moitié réformistes, à se regrouper avec et autour des révolutionnaires et à travailler avec eux sur quelques points limités. C'est tout au contraire de réduire des révolutionnaires à se présenter eux-mêmes comme de simples sociaux-démocrates afin de pouvoir coopérer avec certains de ceux-là.
Dans leur immense majorité certainement les militants du « Mouvement pour le parti des travailleurs » sont ceux du PCI qui dit avoir atteint aujourd'hui le chiffre de six mille membres. Le PCI prend soin de faire la distinction formelle entre lui-même et le parti des travailleurs qu'il veut fonder. Dans un projet de résolution politique que vient de publier Informations ouvrières (22-29 mars 1985), et qui est, paraît-il, actuellement soumis à la discussion de tous les militants du PCI, il est précisé : « La question des rapports PCI-PT, c'est celle des rapports du parti d'avant-garde et du parti de masse. Le plus grand danger actuellement, c'est de dissoudre l'un dans l'autre. (Nous sommes) pour la construction du PCI et pour le renforcement du parti de masse, il faut pouvoir faire les deux en même temps. On doit pouvoir y parvenir si on ne se trompe pas de rythme. A terme, la construction du parti de masse conditionne la construction du PCI. Et le PCI doit se renforcer numériquement et qualitativement comme un parti distinct mais fondu. »
Mais dans la pratique, ce qui a fondu, c'est le programme révolutionnaire du PCI qui, en son nom propre comme en celui du « Mouvement pour le parti des travailleurs », n'a plus qu'un axe d'intervention et de propagande : la défense de la démocratie.
« Le combat sur la ligne de la démocratie, contre les institutions réactionnaires est aujourd'hui la forme pratique du combat contre l'alliance qu'ont nouée les partis ouvriers avec le capital et ses partis. » , ainsi commençait de but en blanc, en annonçant clairement la couleur, la résolution générale adoptée au congrès du PCI en avril 1984. Reconnaissons que c'est bien cette ligne que, semaine après semaine et élection après élection, le PCI, avec une belle constance et une grande fermeté, met en pratique.
Après les campagnes dans les débuts de la présidence Mitterrand pour demander aux députés du PS et du PC de « respecter le mandat » que leurs électeurs étaient censés leur avoir confié, aujourd'hui Informations Ouvrières est essentiellement consacré, comme l'étaient les professions de foi des candidats sur les listes « Pour un parti des travailleurs », au seul thème de la démocratie. Cela l'amène après les injonctions à l'Assemblée nationale à majorité PS-PC de prendre réellement le pouvoir et l'insistance sur la nécessité de changer les institutions réactionnaires et bonapartistes de la Cinquième République à d'invraisemblables - sous la plume de trotskystes - déclarations républicaines.
« S'installant dans la logique de la Constitution de la Vieisuper0 République, les nouveaux dirigeants n'hésitent pas à remettre en cause tout l'édifice des institutions démocratiques sur lequel se fonde l'unité de la République », lisait-on sur l'affiche-profession de foi des candidats « Pour un parti des travailleurs » aux récentes élections cantonales. « Il s'agit de reconstruire une représentation politique de la classe ouvrière, prenant en charge les intérêts des travailleurs et oevrant à la survie de la démocratie, qui, notamment par la mise en ouvre de la politique dite de décentralisation - tendant à la destruction de l'institution laïque scolaire de la République - est menacée dans ses fondements même ». Ce n'est pas du Trotsky évidemment, mais ce n'est même pas du Jaurès, c'est du Clémenceau. Le PCI en est revenu, dans sa quête de la démocratie, au radical-socialisme du début du siècle.
La défense de la démocratie parlementaire et de la République : voilà pour quoi se bat le PCI, derrière le masque du « Mouvement pour un parti des travailleurs », masque qui lui colle si bien à la peau qu'il devient impossible de lui distinguer des traits propres.
Et voilà sur quel programme il propose donc à tous ceux qui sont désappointés par ces quatre ans de gouvernement de gauche de faire un nouveau parti avec lui.
Et concrètement, cela signifie que le PCI s'efforce de faire alliance avec des gens qui sont peut-être prêts à rompre avec le Parti Socialiste mais nullement avec le réformisme et la social-démocratie, des gens déçus par Mitterrand parce que le gouvernement de celui-ci n'a pas été capable de donner ou de garder aux réformistes toute la place (ou toutes les places...) qu'ils espéraient mais qui n'en sont pas une once plus révolutionnaires, ou même simplement plus à gauche, pour cela.
Il est possible que les sociaux-démocrates de cet acabit soient nombreux, ils seront peut-être même de plus en plus nombreux au fur et à mesure que passent les défaites électorales de la gauche. Parions pourtant qu'il y en aura sans doute malgré tout fort peu pour faire le pas et se compromettre dans un « parti des travailleurs » avec les trotskystes du PCI. Après tout quel que soit le gâchis fait par quatre ou cinq ans de gouvernement Mitterrand, c'est tout de même en liaison avec le PS plutôt qu'avec le PCI que les sociaux-démocrates ont une chance aujourd'hui de sauver les meubles.
En tout cas ce n'est pas avec ces gens-là que le PCI tente aujourd'hui d'emmener dans sa galère (une galère sur laquelle d'ailleurs, si elle se remplissait par miracle pour le PCI, ce seraient les militants révolutionnaires qui rameraient pourdes passagers sociaux-démocrates) que l'on peut réellement espérer faire un nouveau parti des travailleurs.
La LCR et les écologistes
Si le PCI tente de s'adresser aux sociaux-démocrates en rupture ou semi-rupture de ban avec le PS, la LCR vise, elle, il est vrai, un autre public, ceux qu'on a pu appeler après 1968 les « gauchistes » au sens très large du terme. Cela va des syndicalistes CFDT de gauche aux faibles restes des groupes maoïstes ou spontanéistes en passant, bien entendu, par les écologistes.
Tous ces milieux-là, eux aussi, ont cultivé d'énormes illusions sur l'arrivée de la gauche et de Mitterrand au pouvoir. Eux aussi, à l'instar de nombreux sociaux-démocrates sont aujourd'hui déçus par les résultats de cette gauche au gouvernement.
Mais pour eux non plus le fait d'être déçus et d'avoir été trompés dans leurs espoirs insensés n'équivaut nullement à se radicaliser et se tourner du côté des révolutionnaires.
Sont-ils prêts à se dire anticapitalistes comme le leur propose la LCR ? Peut-être, puisqu'ils le disent depuis 1968, puisqu'ils le disaient y compris en 1981 dans le même temps où ils mettaient tous leurs espoirs dans Mitterrand. Mais rien ne dit pour cela qu'ils sont prêts à faire alliance avec la LCR. Et même s'ils l'acceptaient, rien n'indique qu'ils mettraient sous ce terme un autre contenu moins réformiste, moins platement démocrate petit-bourgeois qu'ils y ont mis jusque-là. Et en tout cas ce ne sont pas les propositions unitaires de la LCR qui permettent de clarifier et de trier entre ceux, s'ils existent, que l'expérience Mitterrand aurait réellement poussés du côté des révolutionnaires prolétariens et qui auraient abandonné le terrain du réformisme ou du suivisme derrière le réformisme, et ceux qui campent toujours sur ce terrain et cherchent non pas une alternative au réformisme, mais une alternative à un PS qui les a déçus en ne leur octroyant pas tout ce qu'ils en attendaient.
Dans une interview qu'Alain Krivine a donné à Rouge (22-28 mars 1985) le leader de la LCR déclare : « De leur côté les verts ont lancé un appel unitaire qui va dans le même sens à condition qu'il n'y ait aucune exclusive contre l'extrême gauche ». Ce n'est donc pas nous qui l'inventons. L'alternative anticapitaliste que propose de construire la LCR est exactement la même chose que l'unité à laquelle appellent les écologistes.
Mais est-ce avec les Verts, qui sont peut-être fort déçus du gouvernement Mitterrand mais qui n'ont même jamais prétendu ni hier ni aujourd'hui se situer ni sur le terrain de la classe ouvrière ni dans le cadre du mouvement ouvrier (et certains même pas dans le cadre de la gauche en général) que la LCR pense sérieusement jeter les bases d'un nouveau parti des travailleurs ?
L'échéance des législatives
En fait, « la force anticapitaliste dans la perspective d'un nouveau parti des travailleurs » est, d'abord et avant tout une proposition d'alliance en vue de se présenter en commun aux élections législatives de 1986. Bien significativement depuis quelques numéros, Rouge comporte de grands placards appelant déjà à une souscription « pour les candidats de la gauche anticapitaliste en 1986 ».
Et au fond, malgré des ambitions apparemment plus grandes, le « Mouvement pour le parti des travailleurs » dont les premiers pas se sont faits en vue des élections européennes de l'an passé, puis cantonales de cette année, se met lui aussi en place d'abord et avant tout en fonction des échéances électorales. Ses promoteurs le reconnaissent tout à fait ouvertement quand, dans une déclaration qui se veut un peu solennelle publiée par Informations Ouvrières (5-12 avril), ils déclarent : « Le Mouvement pour un parti des travailleurs, fort de la confiance de dizaines de milliers d'électeurs qui, aux dernières élections cantonales, ont voté pour ses candidats, appelle les démocrates et les travailleurs à se regrouper dans ses sections, et, ensemble, préparer les prochaines échéances électorales ». Et le numéro du 29 mars au 5 avril d'Informations Ouvrières, consacré au compte rendu du « Comité National provisoire pour un parti des travailleurs » et à la convocation d'une prochaine convention nationale pour le mois de mai, porte en gros titre de son supplément spécial : « Vers la fondation du mouvement pour un parti des travailleurs, des candidats dans tout le pays aux législatives de 1986 ».
Certes, si on réduit le projet de la LCR à ce que pour l'instant il semble être : un accord en vue de présenter en commun des candidats aux prochaines élections législatives, on pourrait trouver une certaine justification à l'étendre jusqu'aux écologistes. Et de même le PCI pourrait sembler justifié d'envisager un cartel avec des démocrates.
La loi électorale est, en effet, parfaitement injuste envers les candidats d'extrême-gauche minoritaires, qui les empêche pratiquement d'avoir le moindre élu même quand ils peuvent recueillir un nombre significatif de suffrages dans le pays. Dans le passé, Lutte Ouvrière a reçu à plusieurs reprises entre 2 et 3 % des votes sans avoir jamais le moindre élu. Et le nouveau mode de scrutin proposé par Mitterrand, proportionnel départemental à la plus forte moyenne avec une barre à 5 %, ne change strictement rien à cela. Ni plus ni moins démocratique que le scrutin uninominal qui l'a précédé, il prend tout autant de précautions pour empêcher les listes d'extrême-gauche d'avoir des élus.
Alors, pourquoi ne pas passer des accords avec d'autres courants minoritaires, tout aussi défavorisés que les révolutionnaires, pour tenter de franchir ensemble les obstacles accumulés contre nous sur le plan électoral ? Parler de construire un nouveau parti des travailleurs avec les écologistes ou les sociaux-démocrates semble absurde, mais il n'est pas forcément faux de faire campagne avec eux sur un point limité comme, par exemple, la LCR l'a fait ces dernières semaines, à propos de la proportionnelle intégrale (même si ce combat était perdu d'avance et s'il fallait se garder de donner trop d'importance à tel ou tel mode de scrutin).
Mais si la raison d'être de telle ou telle alliance ou de tel ou tel regroupement est simplement d'ordre électoral, pourquoi ne pas alors dire simplement ce qu'ils sont et en définir bien clairement les limites ? Pourquoi les placer dans la perspective grandiose de la création d'un nouveau parti des travailleurs dont ces regroupements ne peuvent en aucun cas être à l'origine ? C'est cela qui devient faux.
Ceci dit, vu justement les obstacles que le pouvoir entend maintenir et accumuler contre la représentation des courants minoritaires, on peut douter que la recherche d'alliances sans rivage donne des résultats bien efficaces. Les exemples tirés des dernières cantonales, et quelque peu montés en épingle par Informations Ouvrières ou Rouge, concernant un ou deux candidats soutenus par eux et qui ont atteint entre 15 ou 20 % des suffrages, ne peuvent faire illusion. Cela ne s'est produit que là où, pour des raisons de politique locale, le Parti Socialiste n'a pas présenté de candidats et que ses sections locales ont, en partie du moins, soutenu les candidats d'extrême-gauche.
La situation sera entièrement différente pour les élections législatives, et ni les écologistes, ni quelques transfuges de la social-démocratie ne paraissent guère susceptibles de donner à un groupe trotskyste quelconque le poids nécessaire pour franchir la barre. Alors, même du point de vue de la stricte arithmétique électorale et de la recherche du seul résultat, il semble que les révolutionnaires auraient autant de chances, sinon plus, en tentant de faire alliance entre eux plutôt que de chercher chacun de leur côté, quelques alliés douteux.
Et cela aurait de plus l'immense avantage de la clarté politique et de dispenser des trotskystes de mettre leur drapeau dans leur poche afin de tenter d'amadouer d'hypothétiques alliés petits-bourgeois de toutes nuances.
En effet pour les révolutionnaires, si les choses restent égales d'ici là, l'intérêt de participer à ces élections serait de permettre d'affirmer clairement l'existence d'un courant ouvrier radicalement opposé à cette gauche responsable de la conduite des affaires de la bourgeoisie depuis cinq ans, cette gauche qui applique « tous les plans capitalistes » aussi bien que la droite a pu le faire avant elle et pourra le faire après elle.
S'il est d'un intérêt de se présenter à ces élections pour un parlement bourgeois (que le mode de scrutin anti-démocratique permette ou pas d'avoir des élus), ce serait d'affirmer par là l'existence d'une force politique en opposition totale, claire et sans ambiguïté, avec les gérants de gauche du capitalisme comme avec ses serviteurs de droite, une force qui ne met d'espoir que dans les luttes de la classe ouvrière et qui propose de les préparer.
Certes, ces dernières années, tant le PCI que la LCR eux-mêmes n'ont pas toujours eu cette attitude dépourvue d'ambiguïté face à cette gauche gouvernementale. Le mode de scrutin à deux tours facilitait d'ailleurs cette ambiguïté en permettant par exemple de présenter des candidats au premier tour et d'appeler quand même à voter pour les candidats PC ou PS au second, c'est ce qu'a encore fait la LCR en mars dernier, le PCI, lui, se contentant pour le second tour d'un appel à ne pas voter pour les candidats de droite, façon alambiquée d'appeler tout de même à voter pour ceux de gauche sans le dire explicitement.
Lors des prochaines législatives, le nouveau mode de scrutin rendra plus difficile ces ambiguïtés. Embarrasser politiquement la partie de l'extrême-gauche sensible aux pressions de la gauche est d'ailleurs peut-être aussi un des buts secondaires de la réforme.
Mais quoiqu'il en soit du mode de scrutin, c'est d'abord une attitude politique claire que les révolutionnaires auront à définir : affirmer que pour eux droite et gauche sont les deux représentants de la même classe ennemie des travailleurs, la bourgeoisie.
Et de ce point de vue là on peut se demander comment les alliances que la LCR cherche à nouer ou le regroupement que le PCI veut construire pourraient leur permettre d'affirmer cela sans ambiguïté ?