La liste « Pour les États-Unis socialistes d'Europe » présentée par Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire a obtenu 3,08 % des suffrages.

Ce résultat a généralement été noté et remarqué par les commentateurs politiques, la liste trotskiste étant avec celle des écologistes l'une des deux « petites listes » a obtenir largement plus d'un demi-million de voix.

Ce résultat est certainement appréciable et encourageant pour les révolutionnaires. Cependant il doit être vu et compris en comparaison avec les résultats que les candidatures trotskistes, et notamment celles de Lutte Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire, avaient déjà pu obtenir dans les élections précédentes.

La liste « Pour les États-Unis socialistes d'Europe » a obtenu, suivant les chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, 622 506 voix.

En 1974, lors des élections présidentielles, arlette laguiller, candidate de lutte ouvrière, et alain krivine, candidat de la ligue communiste révolutionnaire, obtenaient ensemble 689 237 voix (respectivement 595 247 et 93 990).

En 1978, lors des élections législatives, les candidats de Lutte Ouvrière et ceux de « Pour le socialisme, le pouvoir aux travailleurs », un regroupement de la LCR, des CCA. et de l'OCT, obtenaient 570 875 voix ; soit 474 378 voix pour Lutte Ouvrière qui présentait des candidats dans toutes les circonscriptions de France, celles de Corse exceptées, et 96 497 voix pour la LCR, les C.C.A. et l'O.C.T. qui ne présentaient de candidats que dans 191 circonscriptions.

En nombre de voix - et c'est là le critère essentiel - les résultats des élections européennes sont donc semblables à ceux des élections précédentes pour les candidats trotskistes. Ils se situent très exactement à mi-chemin de ceux de 1974 et de 1978.

Il faudrait donc se garder de les présenter comme exceptionnels, comme quelque chose de nouveau indiquant que l'extrêmegauche trotskiste aurait passé un seuil quant à son influence.

De même d'ailleurs, rien ne nous permet de dire que l'unité réalisée à l'occasion de ces élections entre Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire a permis d'atteindre des résultats que nous n'aurions pas atteints s'il y avait eu plusieurs candidatures trotskistes différentes, voire opposées. Nous n'avons pas fait beaucoup mieux qu'en 1978 où s'opposaient les candidats de Lutte Ouvrière et ceux de « Pour le socialisme - le pouvoir aux travailleurs ». Nous avons fait moins bien, toujours en chiffres absolus, qu'en 1974 quand il y avait deux candidats trotskistes aux élections présidentielles, Arlette Laguiller et Alain Krivine, les deux têtes de la liste « Pour les États-Unis socialistes d'Europe ».

Il n'y a donc pas eu de « dynamique unitaire » qui aurait particulièrement joué. Et si l'unité réalisée entre Lutte Ouvrière et la LCR fut une bonne chose, et s'il était sans aucun doute juste et correct de la faire, c'est pour d'autres raisons que pour les résultats eux-mêmes : parce que lorsque les différentes organisations trotskistes se trouvent d'accord politiquement, il n'y a aucune raison qu'elles n'agissent pas en commun, parce qu'agir chacun de son côté n'est justifié que lorsqu'il y a des différences politiques et non pas uniquement parce qu'il y a des organisations séparées.

Le fait qu'en pourcentage les résultats des trotskistes soient un peu meilleurs cette fois-ci ne doit donc pas faire illusion. Si les candidats trotskistes obtiennent 3,08 % des suffrages contre 2,69 aux présidentielles de 1974 (2,33 pour Arlette Laguiller et 0,36 pour Alain Krivine) et 2,05 % aux législatives de 1978, c'est uniquement parce que le taux des abstentions a été très important cette fois-ci.

Certes, que cette vague d'abstention, qui a touché tous les grands partis, ait épargné l'électorat de l'extrêmegauche, a une signification.

Soit les mêmes électeurs ont de nouveau voté pour les candidats d'extrême-gauche sans s'abstenir comme l'ont fait une partie des électeurs de la gauche ou de la droite. Soit les abstentions dans l'électorat de l'extrême-gauche de 1978 ou 1974 ont été compensées par de nouveaux électeurs gagnés dans l'électorat du PS ou du PC Il est sans doute difficile de savoir laquelle des deux explications peut être la bonne.

Mais de toute manière, cela signifie que nous avons su à nouveau toucher et mobiliser plus d'un demi-million d'électeurs, que nous avons su leur faire comprendre l'importance d'un geste en faveur des candidats révolutionnaires. De ce geste nous connaissons évidemment les limites. Et de ces limites, que nous n'avons pas cachées pendant la campagne, les électeurs ne pouvaient être que conscients eux-mêmes. Mais ce geste confirme quand même que le courant trotskiste a acquis aujourd'hui dans ce pays un certain crédit et une certaine audience.

Crédit et audience qui peuvent être décisifs quand ils se révèleront sur les autres terrains, plus importants que le terrain électoral, ceux des luttes des travailleurs.