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Réponse de la LCR
le 18 décembre 1984
Chers camarades,
Nous enregistrons avec plaisir la réponse positive que vous avez apportée aux quatre propositions avancées par notre comité central.
Nous pensons que la systématisation des réunions communes de nos cellules permettra de faire avancer pour chacun une meilleure connaissance de nos organisations et donc de faire avancer les débats sur les divergences qui nous séparent, de même la préparation et l'organisation en commun de la fête en 1985, et la publication d'un supplément commun à nos deux organes Lutte de Classe et Critique Communiste.
Nous voudrions cependant revenir sur quelques questions soulevées dans votre réponse.
La première concerne l'activité que nous menons pour l'affirmation d'une force anticapitaliste.
Nous vous disions dans notre lettre que notre projet était de « mettre nos forces au service d'initiatives stimulant l'organisation ou, au moins, l'expression de courants de travailleurs décidés à refuser la politique d'austérité du gouvernement et à riposter contre l'offensive du patronat et de la droite (...) de travailleurs prêts à se regrouper et à agir ensemble (...) sur le terrain des entreprises comme celui des élections » .
Pour votre part, vous assimilez ce projet à un simple regroupement « sous la forme d'idées, de plans, de mots d'ordre, etc. » . Apparemment, nous ne nous sommes pas compris. Car justement comme vous le dites « ceux qui recherchent quelque chose recherchent une force à laquelle se rallier, et pas des idées. »
Nous sommes bien d'accord avec cela et c'est même ce souci qui motive notre démarche.
Aujourd'hui dans les entreprises et dans le mouvement syndical, en dehors des militants de la LCR et de LO existent plusieurs milliers de travailleurs qui se battent souvent avec nous, qui partagent nombre de nos objectifs. Ils sont le plus souvent inorganisés politiquement ou parfois dans de petits groupes politiques.
Ce courant là existe sans nul doute, et en même temps ni vous ni nous ne sommes capables de l'organiser directement. Devons-nous simplement comme vous le proposez attendre et « faire nos preuves » pour que convaincus de nos positions, ces travailleurs nous rejoignent ?
Nous sommes évidemment pour que nos organisations fassent leur preuve le mieux et le plus vite possible. Mais faire ses preuves pour des révolutionnaires c'est aussi à des moments précis oeuvrer à rassembler sur des objectifs précis ceux qui peuvent être rassemblés.
Nous n'avons pas pour objectif de dessiner un courant d'idées mais de regrouper des militants ouvriers qui agissent chaque jour sur leur lieu de travail et se posent aujourd'hui le problème d'une alternative face aux directions réformistes. Les propositions d'appel, de démarche vis-à-vis d'autres organisations vont dans ce sens.
Nous ne pouvons préjuger des résultats que nous obtiendrons dans cette démarche. Mais nous sommes par contre persuadés que tous pas en avant sera un point marqué justement pour augmenter la crédibilité des révolutionnaires et leur influence dans les entreprises ; point marqué aussi contre le climat de démoralisation et de découragement qui pèse sur de nombreux travailleurs qui faisaient confiance aux directions réformistes face à l'austérité.
Avancer dans ce sens c'est aussi montrer à ces travailleurs que dans les luttes le combat résolu pour les revendications est un terrain plus sûr que l'acceptation d'un compromis avec un gouvernement qui organise le chômage et la baisse des salaires.
Une autre question est celle de l'activité en commun dans les entreprises. Vous nous dites « nous ne pensons pas que la simple réunion de nos deux signatures de nos deux organisations sur des tracts ou des affiches suffise à augmenter notre crédibilité commune (...) Il est plus conforme à la moralité révolutionnaire que la politique de nos deux organisations apparaisse différemment » .
Nous ne pensons pas que des tracts ou des affiches communes signifient que toutes nos divergences sont effacées ou que nous sommes au bord de la fusion. Une affiche ou un tract commun cela ne veut dire qu'une chose, qui est la suivante. Sur un point précis nos deux organisations sont d'accord. Si l'on suivait jusqu'au bout votre logique, nous ne devrions pas non plus présenter des listes ou des candidats communs, faire des professions de foi communes lors d'élections comme nous l'avons fait plus d'une fois depuis plusieurs années. Car là c'est non seulement sur un point précis que nous nous mettons d'accord mais sur une positions politique globale que nous présentons ensemble aux travailleurs. Pas plus que vous nous ne sous-estimons les travailleurs du rang. Ils savent fort bien que si deux organisations se mettent d'accord pour une campagne électorale ou un tract commun face à une mesure d'austérité ou à une attaque patronale, cela ne veut pas dire qu'elles sont d'accord sur tout. Cela veut dire par contre qu'elles ne se comportent pas comme d'autres et que lorsqu'elles peuvent dire ou faire une chose ensemble, elles le font.
Une autre question est celle de la solidarité internationale en particulier avec le Nicaragua. Vous pensez comme nous qu'il est « essentiel de manifester par tous les moyens possibles notre solidarité avec le Nicaragua en butte à une agression de l'impérialisme US ». Vous pensez par contre qu'espérer impulser et animer un éventuel mouvement de masse susceptible de s'opposer à la politique de l'impérialisme est une entreprise qui nous dépasse.
Ce travail de solidarité nous l'avons commencé depuis trois ans et la LCR n'est étrangère ni au réseau de comités qui existe aujourd'hui dans le pays ni aux brigades qui sont allées cet été au Nicaragua. Bien sûr nous travaillons à l'échelle de nos forces. Mais il n'est pas étranger à la progression de nos idées que des dizaines de milliers de travailleurs sachent grâce à la propagande des brigadistes, à l'action des comités et à la nôtre, que loin de combattre pour la liberté, l'impérialisme US est en train de tenter d'écraser un peuple.
Cela n'est pas encore le mouvement de masse susceptible de peser face à l'impérialisme ? Certes non. Mais tout ce que nous faisons renforce la possibilité d'éclosion d'un tel mouvement et renforce les réflexes de solidarité internationale parmi les travailleurs, tout comme les tournées de meetings et les collectes que nous avons organisé au profit des mineurs britanniques. L'exemple de centaines de milliers de travailleurs luttant pied à pied contre l'austérité en Grande-Bretagne est plus efficace que beaucoup de nos tracts pour atteindre le même objectif en France.
Une dernière question : celle du racisme. La LCR a mis ses forces dans le soutien à l'initiative des jeunes de Convergence 84. Cela veut-il dire que nous partagions leurs positions, en particulier leurs déclarations sur les récupérations politiciennes ? Certes non. Mais nous savons aussi que si beaucoup de jeunes immigrés partagent les mêmes opinions que ces initiateurs c'est qu'ils n'ont vu face à eux depuis dix ans que des politiciens et un mouvement ouvrier français veule et sourd à leurs exigences.
Quand nous soutenons une telle initiative et contribuons à son succès, comme nous l'avons fait dans de nombreuses villes, notre but n'est pas d'en rester là mais d'impulser des structures permanentes tant parmi les travailleurs que dans la jeunesse. Les résultats obtenus dans plusieurs entreprises nous ont permis un travail concret auprès des travailleurs pour s'opposer à la propagande raciste. Là encore il s'agit d'un travail de longue haleine, mais qui selon nous est indissociable de la construction de regroupements de militants révolutionnaires dans les entreprises.
Il s'agit là, nous en sommes conscients, de choix de construction qui divergent des vôtres. Ils poursuivent néanmoins le même objectif : la progression de l'influence des révolutionnaires dans les entreprises et de leur capacité de disputer la direction des luttes aux réformistes, et au PCF en premier lieu.
C'est d'ailleurs ce type de choix et d'investissement qui nous empêche de répondre positivement à votre proposition d'organisation commune des cercles Léon Trotsky, non par principe mais parce que contradictoire aujourd'hui avec les rythmes d'activité de nos camarades. Cela ne veut pas dire que nous refusons, si vous en êtes d'accord, l'organisation ponctuelle en commun de tels cercles.
Veuillez agréer, chers camarades, nos fraternelles salutations.