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La préparation de la campagne de Lutte ouvrière
Editorial des bulletins d'entreprise Lutte Ouvrière, 7 janvier 1986
Les scélérats
Mitterrand a donc convoqué le Parlement en session extraordinaire pour jeudi afin de lui faire adopter son projet de loi anti-ouvrière sur la flexibilité.
Voilà bien un climat de fin de règne. Les socialistes au gouvernement ne veulent pas disparaître sans avoir fait ce dernier cadeau à la bourgeoisie.
A vrai dire, cette « flexibilité du temps de travail » qui consiste à annuler la législation sur les 40 heures et le paiement majoré des heures supplémentaires, bien des patrons la pratiquaient déjà. Se servant de la pression du chômage, ils ne se gênaient pas pour tourner ou violer la loi. Si le projet de loi passait, il s'agirait d'une généralisation et d'une légalisation des pratiques actuelles. Cette loi sur la flexibilité se traduira pour les travailleurs par une perte sèche en salaires, puisque les patrons ne seront plus obligés de mieux rémunérer les heures supplémentaires, et par la mise à disposition au jour le jour de leur temps libre au service du patron.
En plus, bien souvent, il y aura vol pur et simple. Car les patrons auront recours encore plus systématiquement au travail précaire. Aux travailleurs intérimaires ou embauchés sous contrats à « durée déterminée » on imposera l'horaire du moment de l'entreprise, et on les renverra à l'agence d'intérim ou à l'ANPE avant la récupération des heures ou leur paiement ! Ce sera « l'annualisation du temps de travail », comme disent les patrons et la saisonnalisation des ouvriers.
Au total, les patrons peuvent espérer de cette loi-là une diminution encore accrue des salaires, et une promesse de pouvoir rendre les travailleurs flexibles, à moins que les travailleurs se rebiffent. Mais là, aucune loi n'y pourra rien...
Ce qui est sûr dans toute cette affaire, c'est que le gouvernement socialiste, de plus en plus flexible à l'égard du patronat, veut lui faire un dernier cadeau moral et politique. Depuis cinq ans, il a refusé de s'en prendre aux intérêts de la bourgeoisie, à ses capitaux, seule façon de s'en prendre aux responsables de la crise. Il a laissé le patronat désinvestir dans la production et spéculer. Et ce qu'il a donné et accordé aux bourgeois, c'est au prix de l'abaissement du niveau de vie des classes populaires, en bloquant les salaires, en diminuant les prestations sociales et les indemnités de chômage.
Alors, aujourd'hui les socialistes au gouvernement poussent leur chant du cygne. en voulant faire passer cette loi anti-ouvrière, ils n'obtiendront sans doute pas une voix de plus du côté de l'électorat de droite qui n'en méprisera qu'un peu plus la gauche au gouvernement. Mais là n'est même pas le problème des socialistes. Ils savent qu'ils vont perdre les élections. Ils veulent seulement montrer à la bourgeoisie qu'elle peut vraiment compter sur eux, envers et contre tout, même juste avant de se faire battre politiquement. Car leur objectif, c'est de resservir plus tard et de revenir dans deux ans s'ils le peuvent (après les présidentielles), ou plus tard. Et pour cela ils sont prêts à une bassesse supplémentaire sur le dos de la classe ouvrière. Ils sont prêts à faire passer une loi scélérate.
Mais le sort des travailleurs, lui, ne dépendra de cette loi, si elle est votée, que pour autant qu'ils acceptent de la subir. Car les travailleurs, eux, peuvent devenir inflexibles, sur le terrain de la lutte de classe. Quant à cette loi-là, si elle passe, elle ne jugera que les scélérats qui l'auront votée.
Pour le reste, cette dernière péripétie parlementaire montre à quel point il n'a servi à rien de « bien voter » en 1981. Et les élections de mars 86 ne vont rien changer non plus. Si la droite revient au gouvernement, ce ne sera ni mieux, ni pire. Car de toute façon c'est la bourgeoisie qui est au pouvoir. Il n'y a qu'une chose qui peut compter : se mettre en colère. C'est la seule façon pour les travailleurs de faire reculer patronat et gouvernement, de droite ou de gauche. Et dans les élections de mars prochain, tout au plus, les travailleurs pourront se servir de leur bulletin de vote pour exprimer leur dégoût et leur colère.
LUTTE OUVRIÈRE DANS LES ÉLECTIONS
Aux prochaines élections, Lutte Ouvrière va présenter sur ses listes des travailleurs, des militants ouvriers. Ce ne sont pas des postes ni des places que veulent les candidats de LUTTE OUVRIÈRE. Car les postes de députés ou les places de ministres ne créent pas un seul emploi de plus pour les chômeurs.
Ce que veulent les candidats de LUTTE OUVRIÈRE, c'est donner la possibilité à tous ceux qui ne croient plus qu'on puisse réformer le capitalisme en en atténuant les abus, de le dire. Car pour changer le sort des travailleurs, il faut exproprier ceux qui licencient, confisquer les biens de ceux qui spéculent au lieu d'investir dans la production. Et les candidats de Lutte Ouvrière veulent donner à tous ceux qui sont indignés par les politiciens de gauche comme de droite, la possibilité d'exprimer leur colère.
Oui, il faut que les travailleurs qui ne croient plus qu'en la lutte de classe puissent se compter. Ils ne sont pas nombreux ? Ils se sentent dispersés ? Peut-être. Raison de plus pour qu'ils se reconnaissent et puissent s'exprimer lors des prochaines élections.
Car en mars prochain, il faudra des gens pour dire à tous les travailleurs : ni Hersant, ni Fabius. Ni bourgeois, ni imitations de bourgeois. Travailleurs, ne comptons que sur nous-mêmes !
Article paru dans LO n°919 -11 janvier 1986
La campagne pour les élections législatives et régionales du 16 mars a commencé, de fait.
Les élections, la classe ouvrière connaît ça en France. De législatives (tous les cinq ans) en présidentielles (tous les sept ans), en passant par les européennes (tous les cinq ans), les municipales (tous les six ans) et les cantonales (tous les six ans aussi, mais par moitié), sans oublier toutes les « partielles », il se passe peu d'années sans promenade rituelle au bureau de vote. Une décennie surtout, de 1972 - date de la signature du Programme commun de la gauche - à 1981, a été marquée par les illusions électorales dont les grands partis de gauche ont gavé les travailleurs. Illusions qu'un changement pourrait se faire par le bulletin de vote.
En 1981, la gauche a enfin eu une majorité de voix. Et le Parti Socialiste en particulier, à lui tout seul, a eu un président de la République et une majorité de députés au Parlement. Que vouloir de mieux ? Mais qu'en a-t-il fait pourtant ?
UN PROGRAMME « SOCIAL » VITE DEVENU PRO-PATRONAL
Quelques mesures prétendument sociales - comme des dames patronnesses peuvent faire du « social » - ont été prises en début de règne : relèvement du SMIC, retraite à 60 ans, réduction d'une heure de la durée hebdomadaire légale du travail, cinquième semaine de congés payés. La portée réelle de ces mesures se discute. Mais très vite, de toute façon, d'autres mesures ont pris le relais : freinage puis blocage des salaires ; multiplication et généralisation de statuts précaires pour tous les travailleurs, pendant que le chômage continuait de s'étendre.
Les nationalisations ? Elles ont rapporté aux anciens actionnaires davantage qu'aux travailleurs des entreprises concernées. Au lieu de s'en servir pour contrôler les capitaux et leurs propriétaires, pour leur imposer une politique favorable à la classe ouvrière - ce qui aurait été possible en appelant sa mobilisation à la rescousse - , les socialistes au pouvoir s'en sont servis dans l'intérêt des riches. Et à cette époque-là, quatre ministres communistes étaient au gouvernement.
Et dans la plupart des autres domaines, celui de l'école, de la presse ou de la télé, les socialistes au pouvoir ont traîné dans la boue tous leurs idéaux, ont capitulé devant la petite ou grande bourgeoisie réactionnaire, et devant la droite. Et au terme de cinq ans de gestion « de gauche » des affaires de la bourgeoisie, Fabius peut dire, en guise de bilan : « C'est à nous qu'il est revenu de faire le sale boulot ( ...) C'est la gloire et l'honneur des socialistes de l'avoir fait » ! Cela, sur fond de bruit de bouchons de champagne que font sauter les boursiers !
ALORS, C'EST QUOI, LA GAUCHE ? UNE AUTRE FAÇON DE SERVIR LES RICHES ?
Rien d'étonnant, alors, si une partie des travailleurs, ceux qu'on disait « le peuple de gauche », ne sait plus trop qui est de gauche et ce que ça peut bien vouloir dire. Rien d'étonnant si le sentiment dominant est l'amertume, la déception, la démoralisation.
La bourgeoisie vit bien, très bien. Elle ne sait pas quoi faire de son argent. Elle a acheté des dollars ou des marks. Elle achète des actions, et la Bourse s'emballe. Elle achète des bouteilles de vin, pour sabler ça, mais surtout pour spéculer. Car même ce qui n'a pas grande valeur a un prix parfois exorbitant, et permet des profits.
La classe ouvrière, au contraire, si elle ne vit pas encore vraiment mal, vit cependant de plus en plus mal. Et c'est « normal » puisque les profits et la fortune des uns, dans une situation de crise où la production stagne ou même diminue, ne peuvent exister que par la surexploitation des autres. « Jolie droite, pourquoi as-tu de si grandes dents ? » demandent les socialistes par voie d'affiches. La vieille droite n'a plus tellement de dents. Mais la bourgeoisie, elle, garde ses crocs, une bourgeoisie rapace, égoïste, que la gauche a nourrie au gouvernement comme la droite l'avait fait auparavant.
Les travailleurs ont fait l'expérience, dure, que les patrons, les bourgeois, avaient leurs représentants politiques de gauche, comme ils avaient leurs représentants de droite. Ils ont fait l'expérience que les uns et les autres pouvaient alterner au pouvoir. Au gré des élections, les équipes peuvent se relayer, c'est la relève de la garde des profits et des intérêts bourgeois.
AUCUN « BON VOTE » POUR AUCUN PARTI QUI JOUE LE JEU
Alors, le climat est morose, dans la classe ouvrière, à la veille de ces élections. Evidemment, aucune poussée à gauche n'est à attendre. Une partie de l'électorat de gauche, comme dans quelques élections passées, ira-t-elle voter à droite, et en espérant quoi ? Les électeurs ouvriers socialistes auront-ils le coeur, en votant à nouveau socialiste, de dire qu'ils sont satisfaits, et qu'ils en redemandent ? Et les électeurs ouvriers communistes, ou sympathisants, voteront-ils de bon gré pour les candidats du PC, parce que le PC dénonce aujourd'hui la politique anti-ouvrière à laquelle il collaborait il y a moins de deux ans ? Ou bien alors, une partie importante de la classe ouvrière boudera-t-elle les urnes, et montrera-t-elle son mécontentement par l'abstention ?
Les élections donneront des réponses à ces questions. Mais elles ne résoudront rien, de toute façon, pour les travailleurs. Elles ne changeront pas leur sort, évidemment, jamais elles ne l'ont fait. Et moins que jamais, le vote en faveur d'aucun des partis qui jouent le jeu ne peut modifier le rapport de force en faveur de la classe ouvrière.
Ne parlons pas, évidemment, du vote pour des partis de droite ou d'extrême-droite. Leurs succès, d'une façon ou d'une autre, ne pourraient que renforcer le camp des ennemis de la classe ouvrière, moralement déjà.
Mais le vote pour le Parti Socialiste, pour le parti de la politique anti-ouvrière de ces cinq dernières années, serait aussi néfaste pour les travailleurs. Une partie de la bourgeoisie, le patronat en particulier, en tirerait la conclusion que les travailleurs voudraient que cette politique continue, et elle s'en réjouirait. Et si les socialistes se voyaient reconduits dans leurs fonctions, les patrons exigeraient d'eux davantage de reculades encore. Puisque preuve a été donnée qu'ils savent si bien reculer et puisque, par-dessus le marché, ils auraient l'assentiment des travailleurs pour le faire !
Alors, resterait le vote en faveur du Parti Communiste. Lui du moins n'est pas au gouvernement. Ou n'y est plus. Il s'est refait une opposition, ou cherche à s'en refaire. Avec quelque peine d'ailleurs. La direction du PC explique qu'il est important que le PC ait un maximum de voix, et le maximum de députés. Mais pour quoi faire, puisque même quand le parti a eu des ministres, ça n'a rien changé ?
Alors, non, droite-gauche, ou gauche-droite, le problème pour la classe ouvrière n'est pas de voter pour les uns ou pour les autres de ceux qui, lorsqu'ils ont des postes, de députés ou de ministres, les mettent au service de la bourgeoisie.
Rien ne sert en fait de « bien voter ». Il n'y a d'ailleurs pas de « bon vote » pour les travailleurs, si ce n'est le vote en faveur de militants ouvriers qui se présentent précisément pour dire que « bien voter » n'a pas de sens. Que « bien élire », ça ne compte pas. Et qu'il n'y a qu'une chose qui peut compter : se mettre en colère, entrer en lutte.
DES LISTES DE CANDIDATS LUTTE OUVRIÈRE
C'est ce que diront les candidats qui se présenteront sur nos listes, aux législatives et aux régionales, dans la trentaine de départements où nous avons une implantation militante. Voter pour eux, ce sera une façon de dire qu'on n'a jamais été, ou qu'on n'est plus prêt à jouer le jeu. Ce sera une façon de marquer son dégoût et sa colère, une façon à tout prendre plus efficace que s'abstenir. Ce sera une façon aussi d'affirmer l'espoir et la conviction qu'un jour, la lutte des travailleurs éclatera, et paiera.
Nous savons que nous aurons peu de voix, le courant que nous voulons représenter, s'il existe, est très faible. Mais il faut le renforcer, et les élections, ce rituel démocratico-bourgeois auquel les travailleurs sont conviés, au bas bout de la table, peut être une étape.
FORGER UNE NOUVELLE FORCE POLITIQUE
Oui, nous pensons et nous dirons dans cette campagne que la classe ouvrière doit trouver en son sein les hommes, les idées et l'énergie nécessaires pour sa propre émancipation, et celle de toute l'humanité. Ces hommes et ces énergies existent, et ont toujours existé, même si certaines périodes, de diverses façons, ont été peu propices à leur expression et à leur manifestation. Mais la classe ouvrière a su en de multiples occasions bousculer les jeux et les calculs politiques. Il y a eu les grandes grèves de 1936, la grève de mai 1968. A une plus petite échelle, tout dernièrement, il y a eu les coups de colère des cheminots ou des conducteurs de la RATP. Si ces explosions sont imprévisibles, et toujours imprévues, elles n'en ont pas moins existé. Et alors, les patrons, les bourgeois et leurs hommes d'État, de gauche ou de droite, sont moins fiers, moins assurés et moins glorieux.
Les élections bourgeoises, à quelques occasions déjà, nous ont permis de nous faire entendre, de nous faire connaître dans une faible mesure. Encore une fois, nous profiterons de l'occasion.
Mais nous savons bien qu'il ne suffit pas de quelques minutes d'antenne à la télévision, tous les deux ou trois ans, pour que naisse une force politique, pour que surgissent d'autres perspectives. Les rares minutes de télévision, les professions de foi électorales ne remplacent pas les actes, les gestes, la présence au sein ou aux côtés de la classe ouvrière, la participation à ses luttes, et la capacité d'y jouer un rôle, dans l'intérêt des seuls travailleurs en lutte.
D'ailleurs, nous ne cherchons pas à nous « faire un nom » si ce n'est celui que se donneront, dans un avenir peut-être proche, ceux qui, dans les luttes petites ou grandes, se seront retrouvés pour défendre les mêmes intérêts fondamentaux de classe. Et le problème, pour tous ceux-là, est encore de se trouver, de se reconnaître sur le terrain, dans les combats, leur préparation, leur déroulement et, espérons-le, leur succès.
Nous sommes convaincus que la classe ouvrière a en son sein les forces potentielles qui pourraient former un courant nouveau, subversif, révolutionnaire pour tout dire. Un courant qui se cristallisera un jour, et le plus vite serait le mieux, pour offrir un pôle vraiment communiste, et vraiment socialiste, qui se substituerait aux actuelles directions faillies du PC et du PS.
UN PARTI... DANS ET POUR LES LUTTES
Ce pôle, cet espoir qu'on pourrait encore appeler un parti, se cristallisera dans les luttes, et dans les luttes seules. C'est en forgeant qu'on devient forgeron, et pas dans les palabres, en effet. Les travailleurs qui ont vu à l'oeuvre des dirigeants prétendument communistes ou socialistes ont au moins appris ça. Mais on peut aussi, et c'est indispensable, discuter des combats à venir, pour mieux les préparer.
C'est le sens de toute notre activité qui trouvera seulement un éclairage nouveau avec la campagne électorale.
Des travailleurs conscients, militants à leur façon, et qui n'ont pas perdu l'espoir, il en existe. Nous en avons rencontré ! A nous de contribuer à les rassembler.
Des coups de colère, il en existe aussi. Les uns et les autres sont surtout éparpillés, sans liens. Toutes ces lueurs ou ces étincelles doivent se retrouver, pour que jaillisse la flamme. C'est ambitieux, mais c'est possible, c'est indispensable surtout.
Et si les fichues élections de la bourgeoisie, parce qu'elles favorisent généralement un peu les discussions politiques, pouvaient être l'occasion de nouveaux contacts entre ceux qui veulent préparer un avenir de luttes ouvrières et de révolution, eh bien, elles auraient au moins servi à ça !
Michelle Verdier
Éditoriaux des bulletins d'entreprise
13 janvier
Le vote de la colère
Le 16 mars prochain, on va donc, une fois de plus, nous demander d'aller voter. Les politiciens de droite et de gauche qui alternent au gouvernement nous invitent comme d'habitude à accomplir cette cérémonie du dimanche devenue rituelle tous les cinq ou sept ans. Au siècle dernier, l'opium du peuple, c'était la religion. Aujourd'hui, il n'y a plus grand'monde qui croit encore vraiment aux vertus des missions catholiques ! Et ce sont les illusions électorales qui sont devenues l'opium du peuple. « Votez pour nous, nous changerons la vie », nous ont répété les prêtres de la politique pendant une bonne dizaine d'années avant 1981. Seulement, depuis cinq ans, les travailleurs ont eu le temps de voir que ça n'avait rien changé du tout. Et la foi en a pris un coup ! Car si ceux qui étaient au gouvernement se disaient de gauche, c'était bien la bourgeoisie qui était au pouvoir et leur dictait ses volontés.
Fabius lui-même l'a reconnu sur TF1 la semaine dernière en déclarant « c'est à nous qu'il est revenu de faire le sale boulot », ce sale boulot anti-ouvrier qui a consisté à aider les patrons à licencier, à permettre que le pouvoir d'achat des ouvriers baisse pendant que les spéculateurs en bourse n'ont jamais autant gagné d'argent. Ce sale boulot que Fabius veut achever en essayant de faire passer à la Chambre cette loi scélérate sur la flexibilité, qui autorisera les patrons à ne pas payer les heures supplémentaires et à transformer les travailleurs en saisonniers.
Alors, aujourd'hui, avec un tel bilan, cette prétendue gauche au gouvernement ne trouve rien d'autre à afficher sur les murs que le dessin d'un grand méchant loup intitulé « jolie droite, pourquoi as-tu de si grandes dents ? », en prenant l'électorat de gauche pour un petit chaperon rose. Mais nous ne sommes pas encore au royaume de Disneyland. Les travailleurs en ont ras-le-bol des contes pour enfants. D'autant que les socialistes au gouvernement, eux, craignent si peu les grands méchants loups que Mitterrand s'apprête à gouverner avec eux après mars 1986 !
Une chose est sûre. Que ce soit la gauche ou la droite qui gouverne, c'est toujours le pouvoir du fric, le pouvoir des Hersant qui sont au-dessus des lois, pendant que les politiciens qui ont bénéficié des voix ouvrières, eux, sont en-dessous de tout.
Non, les élections de mars prochain ne changeront rien. Pas plus que celles de 1981.
Seulement, aujourd'hui, c'est la crise et le chômage, et la bourgeoisie et le patronat poussent leur avantage. Ils profitent de la démoralisation et de la résignation ouvrières. Le présent semble appartenir aux riches et à ceux à qui ils commandent : aux Hersant et aux Mitterrand, aux bourgeois et aux imitations de bourgeois.
Mais c'est l'avenir qui appartient à la classe ouvrière si elle trouve en son sein de l'énergie, des militants qui, eux, n'ont pas perdu espoir, qui ne sont pas impressionnables, parce qu'ils savent que la classe ouvrière est la véritable force de cette société.
C'est pourquoi LUTTE OUVRIÈRE, le mouvement d'Arlette LAGUILLER, présentera sur ses listes en mars prochain, des travailleurs, des militants qui défendent les véritables idéaux socialistes et communistes et qui diront à tous les autres que la classe ouvrière ne se fera respecter que lorsqu'elle enverra au diable les messes électorales et commencera à ne compter que sur elle-même et sur ses propres forces.
Il faut que tous ceux qui en sont convaincus puissent montrer qu'ils existent, qu'ils se reconnaissent, qu'ils tissent des liens entre eux, et forgent ensemble le mouvement ouvrier subversif, révolutionnaire, de l'avenir.
Les élections de mars prochain ne changeront rien. Mais puisqu'on nous demande de nous prononcer, donnons-leur la réponse qu'ils n'attendent pas : votons contre les élections. Exprimons notre colère. Votons notre confiance dans la seule lutte des travailleurs.
Oui, il faut que la minorité ouvrière inflexible s'exprime, qu'elle ait confiance en elle-même, pour redonner confiance aux autres.
20 janvier
Le seul vote utile, c'est leur dire ce qu'on pense d'eux
La direction de Peugeot-Citroën vient d'annoncer que les 1 500 départs de travailleurs étrangers ne lui suffisant pas, il faudra sans doute annoncer des licenciements. Le PDG de Renault, de son côté, sur FR3, a tenu un langage voisin. Cela signifie une menace à peine voilée pour l'ensemble de la classe ouvrière.
La radio, la télé, les journaux, tous les gens à la solde de la bourgeoisie, répètent tous les jours aux travailleurs que pour que les entreprises retrouvent la compétitivité, les travailleurs doivent se sacrifier, soient plus flexibles, doivent produire mieux ou plus... tout en acceptant les licenciements et le chômage. Mais tout cela est une vaste entreprise de duperie. Car pendant ce temps-là, le cours des actions en bourse s'envole. Cela signifie que les entreprises font des bénéfices et rapportent... à ceux qui n'y travaillent pas.
Face à cela, le gouvernement socialiste essaie désespérément de plaire à la bourgeoisie et de lui permettre d'augmenter encore et toujours ses profits au détriment des travailleurs. Le gouvernement socialiste, comme l'a dit récemment Rocard, est devenu « raisonnable » : il a renoncé ouvertement à faire payer les riches.
En y renonçant, il s'est donc engagé à faire payer les travailleurs. Car il n'y a pas le choix. Il faut bien que quelqu'un paie. Ce sont pourtant les riches, les capitalistes qui sont responsables de la crise. Car l'économie, c'est eux. Et ses bénéfices, la bourgeoisie ne les réinvestit pas dans la production, elle les place au bout du monde si ça lui rapporte mieux. Les travailleurs, eux, n'ont que leurs bras et leur tête à vendre... et là où ils sont.
Dans deux mois, les socialistes vont probablement quitter le gouvernement, et la droite va prendre le relais. Car après avoir reçu tout ce qu'elle voulait de la gauche, la bourgeoisie, grande, et surtout petite, préfère encore voter à droite. Par goût d'abord. Et puis la surenchère pour les places de ministres vaudra à tous les possesseurs de capitaux quelques cadeaux supplémentaires. Et si les socialistes reviennent plus tard en 1988, les bourgeois auront encore droit à un supplément. L'argent n'a pas de couleur politique pour les bourgeois. Pour eux, vive l'alternance. Les élections leur rapportent.
Mais aux travailleurs, que rapportent-elles, à part des désillusions ?
Dans la campagne électorale quia déjà commencé, tout le monde ment aux travailleurs. Gauche ou droite, c'est des étiquettes différentes mais une fois au gouvernement, la marchandise se ressemble.
Voter PS, c'est voter pour la bourgeoisie. Voter PC ? Pour approuver sa politique au gouvernement de 1981 à 1984, ou pour approuver celle d'aujourd'hui ?
Les élections qui approchent ne changeront pas plus le sort des travailleurs que celles de 1981 ne l'ont changé.
Souvenons-nous de 1981 ! Quelle était la seule voix de gauche qui disait que Mitterrand et le PS trahiraient les travailleurs ? Ce n'était pas Marchais, c'était Arlette Laguiller. Parce que, elle, comme tous les travailleurs, n'avait rien à attendre des élections, à part saisir l'occasion de dire la vérité !
Les travailleurs ne peuvent rien attendre des élections. C'est tout au plus une occasion de dire ce qu'on pense. Alors, en mars prochain, la seule chose utile sera de voter, avec LUTTE OUVRIÈRE, pour la vérité. Pas pour ceux qui nous ont menti et nous ont trahis.
Bien sûr, nous ne serons qu'une minorité à le faire. Mais cela permettra quand même de compter ceux qui ne sont pas dupes, ceux qui veulent préparer tous les travailleurs à s'unir contre les exploiteurs et leurs valets politiques de droite comme de gauche.
Alors, rejoignez, soutenez LUTTE OUVRIÈRE, pour que les travailleurs, tous unis, fassent payer à la bourgeoisie, sa politique de misère, de crise et de chômage.
27 janvier
Les enfoirés et les pourris
Dimanche dernier, et depuis, on a eu droit au grand déballage sur toutes les radios et télés pour les restaurants du coeur de Coluche.
Oh, ce n'est pas l'initiative de Coluche qui est criticable. S'il y a des pauvres, lui n'y est pour rien. Et c'est bien, qu'il utilise sa popularité à collecter de l'argent pour les restaurants du coeur. Et c'est bien, qu'il y ait des milliers de braves gens pour donner chacun quelque chose.
Mais il y avait aussi, dimanche, tout un tas d'hommes politiques, du RPR, de l'UDF, du PS, qui ont organisé des licenciements par vagues, qui ont diminué les indemnités de chômage et diminué le temps pendant lequel on les verse, et qui ont osé appeler, la larme à l'oeil et des trémolos dans la voix, à la charité pour ceux qu'ils ont contribué à faire tomber dans la pauvreté.
Eux, qui sont actuellement au gouvernement ou qui l'ont été il y a encore peu de temps, n'est-ce pas grâce à eux s'il y a aujourd'hui plus de pauvres ? Eux qui ont offert l'argent des contribuables, celui des impôts, aux riches. Après cela, ils osent tendre la main ?
L'opération a rapporté deux milliards de centimes. Et tout le monde crie victoire. Mais le gouvernement a offert, avec notre argent à tous, deux mille fois cela, soit 40 milliards de vrais francs, rien qu'à la quelques centaines d'actionnaires des entreprises qu'il a nationalisées et qui étaient bien tout contents et tout surpris que l'État leur rachète à ce prix-là !
Ces deux milliards de centimes, 20 millions nouveaux, c'est une goutte d'eau par rapport à tous les vrais milliards que l'État distribue sous forme de subventions, de dégrèvements d'impôts, de tarifs préférentiels, de marchés publics, pour alimenter les profits de la bourgeoisie, ces profits qui ne créent pas d'emplois, mais toujours plus de nouveaux pauvres, parce que ça rapporte plus de spéculer que d'investir.
Alors, quand Coluche dit : « bande d'enfoirés », même si ce n'est pas aux hommes politiques qui étaient sur le plateau de TF1 qu'il le dit, c'est bien à eux que ça s'applique.
La moindre campagne d'affiches électorales des candidats pour nous montrer leur photo en groupe, au point qu'on ne sait plus si c'est le PS, l'UDF ou le RPR, coûte à elle seule bien plus que les malheureux deux milliards de centimes extorqués à des braves gens.
Oui, les gens qui ont donné dimanche, ont du coeur, eux. Mais les politiciens sans entrailles qui, à sept semaines des élections, ont découvert dans les pauvres des voix supplémentaires, sont de beaux salauds, eux.
A l'occasion du scrutin du 16 mars prochain, malheureusement, on ne pourra pas leur dire « bande d'enfoirés ». Mais on pourra leur dire et leur montrer que parmi les travailleurs, il y en a qui veulent changer cette société-là et pas se contenter de voter pour des pourris de droite ou des pourris de gauche.
Oui, il y a des travailleurs qui veulent une société qui ne sera plus basée sur le profit et sur l'exploitation. Une société qui ne dépensera pas plus pour soutenir les cours du beurre et de la viande en les stockant que ce qu'elle dépense à les produire, pendant que des gens ont faim.
Oui, il y a des millions de braves gens, mais qui ne croient pas qu'on peut changer la société. Mais il y a aussi des travailleurs qui savent que c'est possible, parce que la classe ouvrière en a la force.
C'est pour cela que LUTTE OUVRIÈRE présentera aux prochaines élections des militants de la classe ouvrière, qui ne cherchent pas de postes mais se présenteront parce qu'ils tiennent à ce que la minorité ouvrière qui veut changer le monde puisse montrer qu'elle existe et puisse se compter sur nos candidats.
3 février
Voter utile, c'est voter clairement !
A l'approche des élections, bien des travailleurs s'inquiètent d'un retour possible de la droite au gouvernement et craignent que ce soit pire avec elle. Certains s'apprêtent à voter socialiste, bien qu'ils ne soient pas satisfaits de la politique du gouvernement, parce qu'ils pensent ainsi voter pour un moindre mal.
Mais, tous les sondages le montrent, même si tous les travailleurs votaient socialiste, cela n'empêcherait probablement pas le retour de la droite. Et si, par extraordinaire, le Parti Socialiste restait à la direction des affaires du pays, le problème est quand même de savoir quelle politique il mènerait.
Approuvés par les travailleurs, les dirigeants du Parti Socialiste pourraient se dire : « nous pouvons continuer dans la voie de l'austérité pour les travailleurs. La preuve, c'est que nous sommes approuvés. Les travailleurs acceptent les restrictions sur les allocations de chômage, acceptent les coups de canif dans les lois sociales ; les travailleurs acceptent le quasi-blocage des salaires, ils acceptent que le SMIC soit supprimé par le biais des TUC et autres stages en entreprises. Et s'ils approuvent tout cela par leurs votes, c'est donc qu'ils en accepteront bien plus ».
Et ce pire, la politique que les travailleurs redoutent avec le retour de la droite, ce pourra alors être le Parti Socialiste lui-même qui l'appliquerait, en se flattant de pouvoir bénéficier de la passivité ouvrière. Exactement ce que Mitterrand a fait depuis 1981.
Et si c'est un gouvernement de droite, il fera - et le patronat aussi - le même raisonnement que les dirigeants du Parti Socialiste : tous les travailleurs qui ont voté pour leParti Socialiste ne lui en veulent donc pas de toutes les mesures d'austérité qu'il a prises contre eux.
Et au lieu de craindre la colère et les réactions ouvrières, les grèves et les luttes, le gouvernement de droite pourra se dire : il n'y a rien à craindre, on peut y aller.
Au lendemain du scrutin, personne ne pourra savoir si ceux qui ont voté pour le Parti Socialiste ont voté pour le peu de gauche, ou au contraire approuvé le beaucoup de droite qu'il y a dans sa politique.
Et c'est cela qui fera le plus le jeu de la droite et de la bourgeoisie.
Et ceux qui auront voté pour ce qu'ils croient être le « moindre mal », auront donc voté pour rien. Pire, leur vote sera interprété contre leurs sentiments et leurs convictions, contre les travailleurs, car ce vote fait à contre coeur ne sera pas un vote clair.
Alors, c'est pour permettre aux travailleurs de dire ce qu'ils pensent vraiment, que LUTTE OUVRIÈRE présente des candidats.
Ces candidats-là ne diront pas « votez pour nous pour empêcher la droite de passer ». Ils diront : « votez pour nous pour compter tous ceux qui ne veulent pas d'une politique anti-ouvrière, qu'elle soit faite par Mitterrand avec Fabius, ou par Mitterrand avec Chirac ou Chaban-Delmas ».
Plus ces votes seront nombreux, et plus les socialistes, la droite et la bourgeoisie seront prévenus. Prévenus qu'il y a des travailleurs, qui se compteront là, qui ne sont pas prêts à se laisser faire et à admettre n'importe quoi. Une minorité peut-être, mais une minorité qui se trouve dans les entreprises, là où réside la force principale des travailleurs. Une minorité qui veut que les sacrifices demandés en temps de crise soient aussi pris sur la fortune personnelle des patrons et pas seulement sur les salaires des ouvriers.
Et cela servirait plus la défense des travailleurs, qu'il y ait quelques pour-cent de plus à voter LUTTE OUVRIÈRE, que 35 % au lieu de 30 % pour le Parti Socialiste, ce qui, de toute façon, ne changerait rien à la majorité à la Chambre.
8 février 1986
Des listes de candidats Lutte Ouvrière pour que les travailleurs puissent dire dans quel sens ils veulent voir changer la politique
Le Parti Communiste dit qu'il serait utile de voter pour lui, que le Parti Communiste doit faire un bon score, pour avoir davantage de députés. Plus il y en aurait, et plus il y aurait de chances d'infléchir la politique d'un gouvernement de gauche, si la gauche était encore majoritaire ; ou plus il y aurait de chances de retenir les socialistes par la veste pour les empêcher de faire alliance avec des hommes de droite ou des centristes. Pour cela, il faudrait beaucoup de députés communistes. De ces députés, « on en a bien besoin », disent les affiches du PC.
Le problème que peuvent quand même se poser les travailleurs, c'est que les députés communistes de l'actuelle assemblée, apparemment, n'ont pas servi à grand chose. Le PC a cautionné le début de la rigueur. Pendant deux ans et plus, ses députés n'ont rien pu ni rien voulu faire. Et finalement, les ministres communistes sont partis.
Alors, est-ce que les députés communistes sont vraiment, comme l'écrit l'Humanité, « des élus sur lesquels on pourra compter quoi qu'il arrive » ? Est-ce que l'argument du PC est véritable ? Est-ce que ça peut avoir une importance, d'en avoir beaucoup ou peu, s'ils sont sages et soumis ?
Il y a à l'heure actuelle 44 députés communistes qui sont inefficaces. Le PC reconnaît lui-même qu'ils n'ont rien pu faire. S'il y en avait davantage, cette fois, est-ce que ça changerait les choses ? Ou seraient-ils autant de fois plus inefficaces ?
Ça dépend. Si la gauche était majoritaire ou presque, le Parti Socialiste pourrait avoir besoin des députés communistes pour faire une majorité. Mais est-ce que le nombre de députés communistes, 30, 50 ou davantage, aurait une importance ? Le PS peut avoir besoin des députés communistes ou pas. Le PS peut leur préférer l'appui de députés de droite (pardon, de députés prétendus libéraux), ou pas. Mais ce qui obligerait le Parti Socialiste à chercher du côté des premiers plutôt que des seconds n'a rien à voir avec l'arithmétique parlementaire.
Ce qui est vrai, par contre, c'est que si beaucoup de voix se portaient sur le Parti Communiste, si le score du PC remontait, alors même que ça n'aurait aucune influence au Parlement, cela aurait quand même une certaine répercussion dans l'opinion.
Oui, là, toute la presse de droite, de gauche, la presse prétendument apolitique, serait bien forcée de noter que le score du PC remonte ; donc que les idées communistes ne sont pas des idées périmées ; que le seul grand parti qui se présente comme celui des travailleurs, dans cette période de crise, retrouve de l'audience.
Oui, cela serait important. Et cela contredirait tous ceux qui disent que le communisme est dépassé ; que la lutte de classe est caduque.
Le dommage, c'est que la politique du PC est ambiguë. D'un côté, bien sûr, depuis qu'il a quitté le gouvernement, le PC essaie, dans la classe ouvrière, de dire que les travailleurs n'obtiendront rien sans luttes, sans grèves ; que ce sont eux qui pourront imposer des changements à leur sort, à leur vie. Il le dit maintenant que la classe ouvrière est découragée par la politique de la gauche au gouvernement, qui a été celle du PC pendant deux ans et demi.
Mais si le PC ne disait que cela, que l'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes, nous serions les premiers à faire voter pour ses candidats. Car effectivement, si le PC augmentait ses voix dans ces conditions, le vote des électeurs, des travailleurs communistes, serait clair et ne pourrait être présenté autrement.
Mais le PC n'a malheureusement pas que cette politique-là. Il dit aussi qu'il lui faut beaucoup de voix pour revenir au gouvernement, avec le Parti Socialiste qu'il critique tant. Son seul programme, et il le dit, et il insiste, c'est encore l'union de la gauche, toujours l'union de la gauche.
Les communistes ont mené pendant plus de deux ans, avec les socialistes, une politique sage, raisonnable. Ils parlent encore et toujours de le refaire. Une partie de leurs électeurs le souhaitent. Alors, si le PC augmente ses scores, est-ce que beaucoup ne se diront pas que les quelques pour-cent de voix en plus viennent de gens qui approuvent la future union de la gauche nouvelle manière ? Qui veulent voir revenir au gouvernement un Parti Communiste bien compréhensif aux intérêts de la bourgeoisie ?
C'est pourquoi, approuver la politique du Parti Communiste dans l'espoir qu'un PC plus fort puisse changer les choses n'est pas un vote plus clair que d'approuver celle du Parti Socialiste en espérant qu'il nous protégera de la droite, alors qu'il lui a préparé son retour.
Voilà pourquoi LUTTE OUVRIÈRE présente des listes de candidats dans trente-trois départements, les plus industrialisés. Afin de permettre aux travailleurs de donner un sens très clair à leur vote. Même si le bulletin de vote ne peut pas servir à grand chose, même s'il n'a jamais changé le sort de la classe ouvrière, il peut au moins exprimer un choix et servir à se compter.
Voter pour nos candidats sera dire dans quel sens les travailleurs veulent aller. Car voter à gauche ne suffit pas. Voter pour les socialistes, c'est voter pour un petit peu de gauche, mais beaucoup, et de plus en plus, de droite, et c'est voter pour des gens qui vont vers la droite.
Le vote pour le PC est aujourd'hui plus significatif que le vote pour le PS, mais il est une autre forme de piège.
Les travailleuses et travailleurs qui voudront dire dans quel sens ils veulent que les choses évoluent ; qui voudront dire qu'ils veulent qu'elles évoluent à gauche, pourront voter pour l'extrême-gauche, pour les candidatures de LUTTE OUVRIÈRE.
Un député d'extrême gauche à la place d'un député de gauche, ça ne changerait pas la majorité. Mais ça dirait dans quel sens les travailleurs veulent voir changer la politique du gouvernement.
Arlette LAGUILLER
17 février 1986
Le 16 mars, dites-leur à tous qu'ils ne peuvent indéfiniment continuer à se payer la tête des travailleurs
Après cinq ans de gouvernement de gauche, les travailleurs se trouvent confrontés à une situation qui ne s'est pas améliorée. Au contraire.
Le chômage pèse sur toute la classe ouvrière. Car les bourgeois se servent de la crise pour diminuer le niveau de vie de la classe ouvrière, pour augmenter leur fortune. Et ils se débrouillent pour que leurs vieilles entreprises, même en vendant moins, leur rapportent plus. Ils n'ont rien dépensé pour la modernisation de l'industrie. Ils ont du fric à ne plus savoir qu'en faire, et ils le dépensent en produits de luxe ou dans la spéculation. Pour eux, qu'importe le sort des autres pourvu qu'ils augmentent leur propre magot.
La bourgeoisie a été servie par le gouvernement de gauche, et elle s'est servie elle-même largement. Elle prend les cadeaux, elle empoche, mais n'a même pas la reconnaissance du ventre envers la gauche qu'elle n'aidera pas à rester au pouvoir. Et au bout de cinq ans, elle s'apprête à faire revenir la droite.
Et pourtant, oui, il aurait été possible de faire payer les riches. A la condition d'avoir un gouvernement courageux, qui ne se serait pas appuyé, pour mieux reculer, sur les vieilles badernes réactionnaires du Conseil d'État ou du Sénat. Oui, il aurait été possible de faire payer les riches, contrôler les capitaux qui sortaient du pays, et les obliger à s'investir utilement. Et il y aurait eu davantage d'emplois. Les travailleurs auraient pu produire pour les pays du Tiers Monde, envoyer là-bas des produits du coeur, à la manière de Coluche, plutôt que de laisser les banquiers et les industriels prêter contre intérêts ou vendre des armes.
Mais le gouvernement n'a pas eu cette politique. Il a fait mine de faire croire qu'il allait faire payer les riches. Mais c'est les pauvres qu'il a fait payer. Et ce qui a désorienté et démoralisé les travailleurs, c'est que le gouvernement a déconsidéré les idées de gauche elles-mêmes. Et c'est cela qui est grave. Car non seulement la classe ouvrière ne sait pas qu'elle peut se battre, mais maintenant elle ne sait pas non plus pour quoi elle peut se battre.
Alors, il y a bien sûr le Parti Communiste. Il critique aujourd'hui le gouvernement. Mais il a participé au gouvernement pendant trois ans, et il l'avait alors cautionné pendant le premier plan de rigueur, y compris contre les grévistes de Talbot. C'est lui qui a fait prendre le pli aux travailleurs d'un gouvernement de gauche qui n'allait pas être plus tendre envers eux qu'un gouvernement de droite. Et il est bien tard de se démarquer aujourd'hui, après avoir fait avaler le plus gros.
Alors il ne faut pas être dupe ou laisser croire qu'on le serait.
Le bulletin de vote est un droit. Ce n'est pas un moyen de s'affranchir, seulement de s'exprimer. Et il faut l'utiliser pour dire que nous ne sommes pas dupes, qu'ils nous exploitent, qu'ils nous mentent, nous intoxiquent.
Et puis la réalité du pouvoir, ce ne sont pas tous ces hommes politiques qu'on nous montre, tous ces fantoches entre lesquels on nous demande de choisir. Ce sont les puissances d'argent qui sont derrière. La réalité, ce sont les bourgeois qu'il y a derrière les fantoches, avec leur hargne, leur rapacité. Ce sont les 300 000 parasites face aux trois millions de chômeurs. Et ces 300 000 parasites ne sont pas au chômage, eux. Ils sont parmi ceux qui égorgent la société.
Mais ça ne durera pas toujours. Parce qu'ils sont trop avides, qu'ils ne savent pas s'arrêter, et qu'ils produiront l'explosion de colère de la classe ouvrière. Et alors tout se paiera. Car les travailleurs, nous l'espérons, sauront alors présenter la note avec intérêts, parce qu'il n'y a que cela que les bourgeois comprennent : les intérêts !
Voilà ce que les travailleuses et les travailleurs candidats sur les listes de LUTTE OUVRIÈRE veulent dire, et vous demandent de dire. Ne soyons pas dupes. Exprimons-nous. Et même peu nombreux, nous serons le grain de sable ou le poison qui permettra d'en finir avec leur foutue société !
Le 16 mars, votons LUTTE OUVRIÈRE.
24 février
Gauche, droite... Travailleurs, ne marchons plus
Beaucoup de travailleurs sont déçus, écoeurés, parce que le gouvernement socialiste n'a pas amélioré les conditions de vie des travailleurs et des gens du peuple, au contraire. Quant à la droite, inutile de dire que les travailleurs ne veulent pas la revoir.
Mais la responsabilité principale de la gauche gouvernementale, c'est d'avoir endormi, désarmé la classe ouvrière, justement dans une période où la classe ouvrière a besoin de toute sa combativité, pour se défendre contre une bourgeoisie qui profite de la crise et de la pression du chômage pour aggraver les conditions d'exploitation des travailleurs.
La guerre menée par la bourgeoisie contre la classe ouvrière se déroule depuis cinq ans à armes inégales. La bourgeoisie saisit toutes les occasions de porter des coups contre les travailleurs, et le gouvernement qui se prétend socialiste demande aux travailleurs de produire, de se faire exploiter tant qu'ils ont un emploi, et de se taire lorsqu'ils sont au chômage : de se résigner et d'accepter, toujours.
En cinq ans, les socialistes ont bien servi les riches au gouvernement et menti sur toute la ligne aux travailleurs. Car c'est un mensonge que de prétendre que ce gouvernement a tenté de mener une politique de gauche.
Oui, tandis que les actions et les profits des bourgeois grimpaient, la cote des idées de gauche, du programme de gauche, elle, dégringolait. Car cette politique de droite que de faux hommes de gauche ont menée pendant cinq ans, beaucoup l'ont prise pour une politique de gauche. Mais le gouvernement n'a pas fait payer les riches, il les a au contraire aidés à pressurer les pauvres.
Le Parti Communiste, aujourd'hui, est très critique envers Mitterrand et le gouvernement socialiste. Mais il ne l'a pas toujours été. Il y a eu les périodes avec critiques et les périodes sans. Pour quel PC voter ? Pour le parti du changement qu'il prétend être, ou pour le parti des changements perpétuels qu'il est vraiment ?
Et puis c'est trop facile de critiquer maintenant que tout le mal est fait. Chacun sait que c'est au lancement que ça marche ou que ça explose, et que si Mitterrand avait invité les communistes au lancement du gouvernement, c'était bien pour limiter les risques de la part des travailleurs. Le PC a bien mérité de Mitterrand mais c'est pourquoi il ne mérite pas les votes des travailleurs.
Alors puisqu'avec les élections, l'heure est au bilan, profitons-en pour dire ce que nous pensons, mais ce que nous pensons vraiment, sans tomber dans le piège du prétendu « vote utile », car aucun vote ne sera jamais utile à changer les choses et la vie.
Les riches et les possédants, eux, n'attendent rien de tel des élections. Ils n'ont pas besoin de voter ni d'être élus pour aggraver l'exploitation d'un côté, et licencier de l'autre.
La seule démonstration à faire, c'est de montrer, en votant pour les candidats de LUTTE OUVRIÈRE, qu'une fraction de l'électorat de gauche, de la classe ouvrière, ne croit plus à la comédie électorale, ne fait plus confiance qu'à la lutte de classe. Et cette fraction consciente, c'est un gage pour l'avenir, pour les combats futurs de la classe ouvrière.
Car il faut montrer qu'il y a une minorité qui ne confond pas le socialisme avec Mitterrand ni le communisme avec Marchais, qu'il y a déjà dans la classe ouvrière, une nouvelle génération de femmes et d'hommes qui reprendront le flambeau. Et même si le Parti Socialiste et le Parti Communiste au gouvernement ont déconsidéré les idées de gauche et les idéaux de la classe ouvrière, il faut qu'il y en ait qui prennent la relève et montrent à la bourgeoisie qu'elle n'en a pas fini, ni avec le socialisme, ni avec le communisme.
Travailleurs, exprimez votre haine de la droite, votre écoeurement de la gauche, en votant à l'extrême gauche, en votant LUTTE OUVRIÈRE.