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La LCR en retard d'une Union de la Gauche
A la veille des élections présidentielles de 1981, il faut constater qu'au sein de l'extrême-gauche trotskyste, la politique de LO d'une part, et celle de la LCR (comme celle de l'OCI), sont à l'opposé l'une de l'autre, comme elles le furent aussi face à l'Union de la Gauche.
L'axe actuel de la campagne électorale de la candidature d'Alain Krivine, tel qu'il est défini dans sa presse, est le suivant : « Lutte pour l'unité », « pour le désistement automatique », « pour que le PC et le PS s'engagent à aller ensemble au gouvernement », « pour chasser Giscard ».
Depuis 1978, la LCR mène une campagne pour « l'unité des organisations ouvrières ». Elle réclame que le Parti Communiste et le Parti Socialiste se réconcilient pour être en mesure de former un gouvernement PC-PS. Si, pour ne pas trop sacrifier verbalement à l'électoralisme, ils ont beaucoup parlé à un moment « d'unité d'action », d'union « dans les luttes », « pour le tous ensemble », et même pour « la grève générale » ', l'aboutissement explicite de leur campagne pour l'unité est le désistement au second tour du candidat du PC ou du PS pour celui des deux qui aura obtenu le plus de voix au premier.
Dans la discussion que nous avons menée avec la LCR à ce sujet, nous avons d'abord souligné le caractère électoraliste de leur campagne « pour l'unité ». Même assortie de références à la lutte, la campagne de la LCR consiste, pour l'essentiel, à affirmer que l'entente électorale du PC et du PS et leur accession au gouvernement est indispensable pour les travailleurs. C'était une façon de se faire le chantre de l'Union de la Gauche défunte. Qui plus est, dans le contexte où c'est le PC qui a rompu cette union, et Mitterrand qui apparaît comme la première victime de la désunion, la campagne de la LCR apparaît comme une campagne pro-PS et anti-PC, présenté comme le parti de la division.
En réponse à nos critiques, la LCR justifie sa politique par trois types d'arguments qu'elle a présentés, entre autres, dans une lettre ouverte aux militants et aux sympathisants de Lutte Ouvrière, distribuée lors de notre meeting parisien mensuel du mois de février 1981 :
1 - Il faut tenir compte de l'importance de la prochaine échéance électorale. Giscard peut être battu. Sa défaite constituerait un « puissant tremplin » pour une riposte unie des travailleurs.
2 - Lutte Ouvrière fait une différence abusive entre le PC et le PS en laissant croire que le PC défend mieux les intérêts ouvriers que le PS. Or, la position du PCF de chantage au désistement n'a d'autre objectif que de s'opposer àla défaite de Giscard et d'espérer par là-même la crise et l'effondrement du PS.
3 - Il existe un courant de masse pour l'unité que Lutte Ouvrière traite par le mépris.
Le premier argument vise à montrer que la LCR se situe non pas d'un point de vue électoraliste mais du point de vue des luttes des travailleurs. Le second nous retourne notre question : vous nous accusez de faire campagne pour le PS mais LO ne mettrait-elle pas sa préférence du côté du PC ? Le dernier invoque la nécessité de ne pas se couper des masses.
Que peut signifier pour les révolutionnaires l'importance d'une échéance électorale ?
Comme preuve du bien-fondé de leurs positions, la LCR commence par nous faire remarquer « l'importance même de l'échéance présidentielle » qui « devient de plus en plus évidente à mesure que l'actualité avance » .
Qu'est-ce qui a bien pu rendre plus évidente l'importance de l'échéance ? L'actualité ? Le seul élément nouveau auquel fait sans doute allusion la LCR doit être la parution d'un certain nombre de sondages selon lesquels Mitterrand devancerait légèrement Giscard au second tour. Les sondages valent sans doute bien d'autres estimations, même si ceux de 1978 prédisaient la victoire de l'Union de la Gauche et ont été démentis par les résultats. Quant aux derniers sondages favorables à Mitterrand en 1981, en tout cas, ils ont contribué à raviver un peu les illusions électorales, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes que le reflet des illusions électorales qui n'ont pas manqué d'augmenter au fur et à mesure que l'échéance s'est rapprochée, « que l'actualité avance » comme dit la LCR. L'approche de l'échéance semble avoir plus d'effets euphorisants sur la Ligue que sur l'électorat en général puisqu'elle se félicite de pouvoir donner une preuve du sérieux de son appréciation avec le fait que « tout le monde s'accorde maintenant, à dire : Giscard peut être battu » .
L'importance de l'échéance aurait-elle un rapport avec ce que « tout le monde s'accorde à dire » ? Bien sûr que non. Mais voilà des révolutionnaires qui n'ont rien de mieux à dire que de faire chorus avec « tout le monde », en attribuant de l'importance à ces élections. Il s'agit d'un enjeu décisif, voyez-vous, car il s'agit de « battre Giscard », de « chasser Giscard », comme si une défaite électorale de la droite était une défaite réelle.
« Giscard dehors, il faudra bien remplacer son gouvernement par quelque chose » , lit-on dans une tribune de la LCR destinée à l'OCI, publiée dans Rouge du 20 février 1981. La LCR aurait-elle donc la hantise du vide du pouvoir des bourgeois ?
Évidemment, la révolution n'est pas à l'ordre du jour. Alors, la LCR, elle, a une solution toute prête : un gouvernement PC-PS, lit-on dans le même texte un peu plus loin. « il faut bien choisir », aurait-elle pu tout aussi bien dire. Et comme les réformistes sont là, tout prêts pour l'alternance, allons donc pour les réformistes !
Dans sa lettre à LO, la LCR utilise des formulations plus prudentes, et éprouve dès le début le besoin d'affirmer qu'elle ne se place pas d'un point de vue électoraliste comme nous l'en accusons, mais « du point de vue des luttes des travailleurs » . La défaite de Giscard, en effet constituerait « un puissant tremplin » pour une riposte unie des travailleurs. Et la victoire de Mitterrand constituerait « la brèche ouverte dans laquelle pourrait s'engouffrer la combativité des travailleurs » . Il ne resterait plus alors aux révolutionnaires qu'à élargir la brèche et fixer des objectifs pour l'avancée décisive du mouvement de masse.
La transcroissance de la lutte électorale en lutte sociale ?
Mais sur quel raisonnement la LCR fonde-t-elle une telle hypothèse ? Si ce raisonnement est fondé, cela signifie que les élections bourgeoises ont une dynamique sociale propre.
Une victoire électorale de la gauche pourrait certes être le signe d'une radicalisation qui ne soit pas seulement électorale. Mais cela ne signifie pas que la réciproque soit vraie, qu'il soit possible de provoquer cette radicalisation au moyen d'un accord électoral.
En 1945, en 1956, en France, les victoires électorales de la gauche n'ont pas entraîné de luttes sociales d'envergure. La grève générale de 1953 s'est déclenchée contre le gouvernement de droite de Laniel. La grève des mineurs de 1963 comme la grève générale de 1968 sous de Gaulle. Pour prendre des exemples dans un passé plus récent, en Angleterre, la venue des travaillistes au pouvoir en 1964 n'a guère contribué à « élargir la brèche » et c'est plutôt le gouvernement conservateur qui, en 1974, a chuté sur des grèves d'envergure.
Il reste, peut-être, l'exemple de 1936 en France où la grève générale a été consécutive à la victoire du Front Populaire. Mais l'analogie vaut d'être examinée de plus près. La radicalisation de la classe ouvrière n'a pas suivi, mais précédé, la victoire électorale. En 1935, Trotsky pouvait même parler de situation pré-révolutionnaire en France. Alors, bien sûr, on peut concevoir qu'une victoire électorale de la gauche, survenant alors que le contexte social s'est considérablement tendu et que la classe ouvrière manifeste sa combativité croissante au travers de multiples luttes partielles, de plus en plus nombreuses et déterminées, puisse agir comme un catalyseur et entraîner une grève générale. C'est peut-être une façon d'interpréter ce qui s'est passé en France en juin 1936. Mais, s'il est bien difficile d'affirmer si le Front Populaire a joué un rôle décisif dans le déclenchement de la grève générale, il est par contre certain qu'il a joué un rôle décisif dans l'arrêt de la grève, le retour à l'ordre et dans la démoralisation ouvrière.
L'élection de Mitterrand, un premier pas vers la conscience révolutionnaire ?
« Les travailleurs en votant au deuxième tour pour le candidat d'un parti se réclamant de leur combat, en permettant sa victoire, franchissent un premier pas, certes entaché d'illusions, mais un premier pas tout de même dans la conscience de classe, dans leur volonté de battre la droite et de chasser la bourgeoisie. »
On peut sans doute discuter si un vote plus ample en faveur de Mitterrand signifie ou pas une certaine prise de conscience de la part d'une certaine frange de l'électorat ouvrier - mettons de celle qui d'habitude voterait pour la droite. Mais constatons d'abord que ce n'est pas ce que dit la Ligue qui contribuerait à une telle prise de conscience, à supposer que ce qu'elle dit puisse influencer l'électorat.
Car c'est déjà abusif de parler de « battre la droite » à propos des Présidentielles à venir, car rien ne garantit que Mitterrand élu ne gouverne demain avec la droite.
Mais la LCR passe allègrement de « battre la droite » à « chasser la bourgeoisie » comme si un recul électoral de la droite pouvait signifier, de près ou de loin, « chasser la bourgeoisie » ! Mais qu'est-ce donc être électoraliste, si ce n'est pas cela ?
La droite, ce n'est pas la « bourgeoisie », pas plus que la gauche des Marchais et des Mitterrand n'est la classe ouvrière. La possibilité de leur alternance, ce n'est tout de même pas la possibilité que le pouvoir passe des bourgeois aux ouvriers par la seule magie des urnes, mais un moyen de duperie à la base du système parlementaire bourgeois.
La LCR nous dira qu'elle est d'accord avec tout cela. Seulement, c'est justement cette idée essentielle qu'elle fait disparaître derrière des formulations du plus plat électoralisme.
Par ailleurs, même dans l'interprétation « a priori » des votes futurs en faveur de Mitterrand, le point de vue de la LCR est au moins discutable. La LCR suppose que les travailleurs auront voté pour le candidat d'un parti « se réclamant de leur combat ». La LCR croit-elle réellement que Mitterrand se réclame du combat des travailleurs, ou même que les travailleurs qui auront voté pour lui le voient comme tel ? Tout au plus les travailleurs pensent-ils que Mitterrand prendra quelques mesures en faveur des ouvriers, ce qui est différent. Ensuite, il n'est pas du tout évident que ce seront les travailleurs qui voteront Mitterrand au deuxième tour qui permettront sa victoire.
Les travailleurs sont minoritaires dans l'électorat, et ils peuvent voter Mitterrand au deuxième tour, sans pour autant lui permettre la victoire. Car, précisément, la voix électorale d'un travailleur compte infiniment moins que sa place réelle dans la production, comme dans la lutte.
Des glissements de voix à l'intérieur de la gauche au premier tour - en faveur des révolutionnaires, par exemple - pourraient d'ailleurs être plus significatifs de l'évolution de l'électorat que le succès éventuel de Mitterrand au second tour.
Si Mitterrand remporte les élections après avoir suffisamment rassuré l'électorat centriste (au lieu de l'avoir quelque peu affolé par ses surenchères sur le SMIC à la suite du PC en 1978), ce seul déplacement de voix ne signifierait pas automatiquement une radicalisation de l'ensemble de l'électorat. En réalité, en privilégiant le second tour des élections, la LCR ne se comporte pas autrement que les autres partis réformistes.
Voilà donc la démarche de la LCR : les masses ont des illusions, il faut leur proposer quelque chose d'accessible à leur compréhension. Les réformistes sont « la seule alternative concrète face aux partis de la bourgeoisie » , comme on peut le lire dans Rouge du 20 février 1981 ? Allons donc pour les réformistes. Ce sera toujours mieux que de les voir voter à droite. Voilà bien une façon de mépriser les masses, et de faire des courbettes aux réformistes.
La bourgeoisie craint-elle la victoire de Mitterrand ?
C'est parce que la combativité ouvrière s'engouffrerait dans la brèche ouverte par un gouvernement PC-PS que la bourgeoisie craindrait une victoire de Mitterrand. « Aucune fraction de la bourgeoisie ne peut prendre le moindre risque de ce type avant d'avoir battu frontalement la classe ouvrière » dans la situation de crise économique actuelle, est-il précisé dans la lettre ouverte.
A supposer que le scénario de mobilisation ouvrière prévu par la LCR soit automatique, la LCR se trompe d'axe de campagne. Si la bourgeoisie ne peut accepter le risque d'une victoire de la gauche qu'après avoir « battu frontalement la classe ouvrière » , après avoir « profondément divisé ses rangs » , l'avoir « renvoyé se battre le dos au mur » , cela signifie tout simplement que la bourgeoisie n'est pas prête à jouer le jeu électoral. Et, si la bourgeoisie se sent à ce point menacée (puisque « tout le monde s'accorde à dire que Giscard peut être battu » ), cela signifie que c'est la classe ouvrière qui, aujourd'hui, en fait, est directement menacée. Et, pendant que la gauche embrouillera le peuple, la droite passera aux choses sérieuses, car les réactionnaires sont des gens d'action.
Et si les camarades de la LCR prennent leur raisonnement au sérieux, ils sont alors d'une tragique inconséquence. L'heure n'est alors pas à prêcher l'unité pour gagner les élections mais à préparer la classe ouvrière à déjouer un coup d'État avant même l'échéance électorale, comme en Grèce en 1967, par exemple. Car, si Giscard peut être battu mais que la bourgeoisie ne tolère pas que la gauche gagne, elle laissera le fétichisme électoral... à la gauche et à ceux qui cherchent ses bonnes grâces.
Visiblement, la LCR ne semble pas dramatiser à ce point l'échéance électorale à venir. C'est peut-être seulement que les termes de « brèche ouverte », de combativité « qui s'engouffre », de « chasser la bourgeoisie », de « puissant tremplin », n'ont pas tout à fait le même sens pour elle et pour nous. Mais alors, que reste-t-il de « l'importance » de la prochaine échéance présidentielle ?
À qui profite la campagne de la LCR pour l'unité ?
Quand nous disons à la LCR que sa campagne actuelle pour l'unité ne peut, en pratique, qu'être une politique de soutien à la candidature de Mitterrand, elle ne répond pas. Elle nous retourne seulement la question : « Et vous, LO, n'avez-vous pas de complaisance coupable avec le PC, alors que le PC et le PS s'égalent dans la trahison ? »
Nous retourner la question en ce qui concerne le PC est peut-être de bonne polémique, mais c'est aussi une manière d'aveu. En nous demandant ce qui nous fait préférer le PC, la LCR reconnaît, par la même occasion, qu'elle choisit effectivement le PS.
La LCR nous demande quelle distinction nous faisons entre le PC et le PS. Nous ne faisons aucune différence sur le rôle que l'un comme l'autre jouerait au gouvernement, à supposer qu'ils puissent y accéder l'un et l'autre. Dans un gouvernement bourgeois, il n'y a pas de « ministre réformiste » ou de « ministre stalinien », il n'y a que des ministres bourgeois. Même dans la politique quotidienne, il peut arriver au Parti Communiste de défendre des positions plus droitières, ou même plus réactionnaires, que le PS. C'est arrivé dans le passé. Et c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui quand le Parti Communiste fait du poujadisme ouvrier, mène une campagne chauvine pour le « produire français », ou une campagne « anti-immigrés.
Il y a pourtant une différence entre ces deux partis réformistes. Le Parti Communiste et le Parti Socialiste n'ont pas les mêmes liens avec la classe ouvrière - ni d'ailleurs avec la bourgeoisie.
Il y a une différence entre leurs bases sociales, entre leurs « sensibilités politiques ». La social-démocratie est passée ouvertement au service de la bourgeoisie avec quelques décennies d'avance par rapport au stalinisme.
Le PS est devenu un appareil de notables dont l'existence politique est presque exclusivement électorale. Et cela le fait ressembler plus à un parti bourgeois traditionnel qu'à un parti ouvrier. Et ce qui distingue le PS d'un parti bourgeois traditionnel, c'est essentiellement son influence électorale sur les travailleurs qu'il a d'ailleurs reconquise grâce au Parti Communiste.
La base sociale du Parti Communiste est, par contre, essentiellement ouvrière. La plupart des luttes de la classe ouvrière passent par l'intermédiaire du PC. Le Parti Communiste est le mieux à même de pouvoir les diriger (parfois de les inspirer), de les contrôler, et le mieux à même aussi de les trahir.
C'est cette différence sociale entre les deux partis qui explique en grande partie aussi la différence d'attitude de la bourgeoisie à l'égard du Parti Socialiste, ombre électorale de l'ancienne social-démocratie qui n'a pas hésité à sacrifier sa base ouvrière et militante par légalisme envers la bourgeoisie, et à l'égard du parti stalinien qui, lui, n'a pas eu l'occasion de se couper de cette base ouvrière au même degré, qui en tire son influence politique et qui en subit aussi les pressions.
Et c'est cette différence sociale qui fait que la compétition électorale entre le PS et le PC se cantonne au terrain électoral, et ne se reflète réellement ni dans les entreprises, ni sur le terrain des luttes sociales. La montée électorale spectaculaire du PS au détriment du PC à partir des années 70 n'a pas eu de répondant au sein de la classe ouvrière.
Et c'est bien pourquoi, lorsque la LCR prêche l'unité pour l'unité entre le Parti Communiste et le Parti Socialiste, elle ne milite pas pour un quelconque front uni au sein de la classe ouvrière, mais pour un simple accord électoral àl'avantage du PS, au détriment du Parti Communiste. Et c'est plus qu'un choix politique, c'est un choix social.
En principe, la campagne de la LCR est axée sur l'exigence de deux engagements de la part des deux partis de gauche :
- qu'il y ait désistement automatique au second tour
- qu'ils s'engagent à gouverner ensemble.
Le premier s'adresse au Parti Communiste et est formulé de façon précise, le second s'adresse au Parti Socialiste, puisque c'est lui qui refuse les ministres communistes. Mais là, la formule reste beaucoup plus platonique.
Certes, la LCR a publié dans son hebdomadaire quelques articles critiquant le refus du PS de prendre des ministres communistes. Mais ces critiques, cette exigence, dépassent-elles le cadre de son hebdomadaire, ou représentent-elles des thèmes véritables de la campagne électorale de la LCR au même titre que la campagne pour le désistement ?
Sur la plupart de ses affiches, la LCR a inscrit des slogans comme « Non à la division qui sert Giscard » , « Subir la division, c'est garder Giscard, Giscard peut être battu, unité Marchais-Mitterrand au 2isub eisub0 tour - Désistement - Unité contre Giscard, le fric... l'austérité... le chômage... teintons... etc. » .
Sur 16 affiches reproduites dans Rouge, une seule réclame « Gouvernement PC-PS », avec en sous-titre « Non à la division qui sert Giscard » . Si la LCR était logique avec les justifications politiques qu'elle avance pour sa campagne actuelle en faveur de l'unité, elle ferait une campagne aussi bruyante en faveur de ministres communistes qu'en faveur du désistement. Or, jusqu'à ce jour, ce n'est pas le cas.
Dans sa lettre ouverte, la LCR affirme qu'elle « interpelle le PS à ce sujet » , et qu'elle ne considère pas la partie comme perdue d'avance comme elle n'a pas considéré comme perdue celle du désistement ou celle de la défaite de Giscard. Est-ce si sûr ? Car l'interpellation du PS sur les ministres communistes garde un air bien confidentiel. La campagne pour l'unité dans laquelle est engagée la LCR perdrait-elle en conviction au fur et à mesure que l'actualité avance... et que le PS recule ses engagements à l'égard du PC ?
Qu'est-ce qu'un courant de masse pour l'unité ?
La LCR reproche à Lutte Ouvrière d'ignorer l'existence d'un courant de masse pour l'unité, et de le traiter par le mépris, et d'autre partde « nepas avancer le moindre mot d'ordre ou la moindre initiative pour faire reculer la division orchestrée par les directions réformistes, division politique mai s aussi syndicale, qui décourage les travailleurs ».
Dans la masse des travailleurs du rang, il y a sans aucun doute des illusions électorales qui se sont ravivées avec la proximité des présidentielles, mais il n'y a pas le courant unitaire dont parle la LCR. Sinon il se manifesterait au travers d'actions concrètes et pas seulement au travers de quelques pétitions.
Les révolutionnaires n'ont pas à pleurer la défunte Union de la Gauche. L'unité électorale du Parti Socialiste et du Parti Communiste, réalisée en dehors d'une mobilisation générale de la classe ouvrière ; l'unité entre la bureaucratie stalinienne et réformiste du PC d'une part, et le corps de notables bourgeois de l'appareil électoral du PS d'autre part, ne peut être qu'un complot contre les intérêts du prolétariat. Cette unité-là ne peut être que l'unité des appareils réformistes, syndicaux ou politiques, avec l'appareil d'État bourgeois. Et s'il y a dans ce pays un appareil particulièrement inféodé à l'État bourgeois, c'est bien celui du Parti Socialiste qui a fréquenté toutes les allées du pouvoir pendant 15 ans, qui a assumé tous les crimes de la bourgeoisie française aussi bien contre les travailleurs de ce pays que contre les peuples des pays coloniaux.
Notre rôle n'est pas de dénoncer la désunion des partis de gauche, mais la politique de chacun des deux partis. Car ensemble ou séparément, ils n'ont aucune perspective à proposer aux travailleurs en dehors des élections.
Alors certes, la classe ouvrière a besoin d'unité, ou plus précisément de l'unité de toutes ses forces combatives.
Mais la véritable question de l'unité ouvrière, c'est de rassembler le prolétariat dans et par la lutte. Et cette question n'a en général pas grand chose à voir avec l'unité des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier. Et il peut même arriver que les deux soient contradictoires.
Le problème n'est pas d'avancer le mot d'ordre creux d'unité, qui en lui-même est vide de sens, et peut même prendre un contenu réactionnaire en l'absence de mobilisation ouvrière.
En cas de mobilisation ouvrière par contre, à un certain degré de la lutte, celui où son contrôle risque d'échapper aux bureaucraties ouvrières, qui sont conservatrices, les travailleurs trouveront ces dirigeants contre eux, et le rôle des révolutionnaires est de les préparer à cette éventualité.
Proposer l'unité comme préalable à la lutte, cela revient à inciter les travailleurs à se résigner par avance à la passivité des appareils réformistes dans le moins mauvais des cas, à la trahison de leurs luttes dans le pire.
Et c'est par-dessus les directions traditionnelles que les luttes susceptibles de faire reculer la bourgeoisie pourront se dérouler.
Et sur cette question de l'unité ouvrière, comme sur la question des élections, nous avons une politique totalement opposée à celle de la LCR. Car la LCR a beau bavarder toujours plus à propos des masses, c'est toujours sur les appareils réformistes qu'elle s'oriente. Et c'est la raison pour laquelle elle n'aboutit, là comme ailleurs, qu'à une politique suiviste à l'égard des organisations traditionnelles du mouvement ouvrier.