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La campagne et les résultats du MPPT
Pour le Mouvement pour un Parti des Travailleurs, qui est animé essentiellement comme on le sait par les militants de l'organisation trotskyste du Parti Communiste Internationaliste, ces élections législatives - car le MPPT ne présentait aucun candidat aux régionales - revêtaient une très grande importance. Cela fait trois ans qu'il les préparait. Le lancement et la constitution du MPPT ont été programmés en fonction de cette échéance.
Cela est d'ailleurs logique avec la démarche et la stratégie qui ont amené le PCI à fonder le MPPT. Estimant que le gouvernement socialiste ou socialiste-communiste avait troublé ou écoeuré bon nombre de militants et d'électeurs socialistes et communistes, le PCI a cru qu'il était possible de regrouper tous ceux-là dans ou autour d'un nouveau parti. Mais à ce nouveau parti il a tenu à donner une allure purement social-démocrate, sans doute dans l'espoir et avec le calcul que les militants réformistes, déçus du socialisme à la Mitterrand mais pas devenus révolutionnaires pour cela, le rejoindraient plus facilement. Par son programme, ses déclarations d'intention et ses thèmes d'agitation, le MPPT s'est délibérément cantonné sur le terrain du réformisme et limité à la volonté de constituer un nouveau parti, dont les seules caractéristiques par rapport aux deux grands partis ouvriers déjà existants seraient l'honnêteté et le respect des engagements pris.
La campagne électorale du MPPT, comme on peut le voir dans les documents que nous publions dans ce dossier, a été dans le droit fil de cette politique. « Pour la démocratie » en était le thème central, étant entendu que cette démocratie véritable pourrait être incarnée dans un Parlement qui aurait retrouvé les pouvoirs que la Cinquième République gaulliste lui a ôtés. Cette glorification du rôle du Parlement était soulignée par le fait que la MPPT a consacré toutes ses énergies à présenter des candidats sur tout le territoire aux élections législatives, en se refusant par contre à participer aux élections régionales, s'opposant même à la décentralisation qui porterait atteinte à l'unité de la République. (Nous ne pouvons examiner ici dans quelle mesure cela n'était que la justification d'une situation de fait, les moyens financiers et humains du MPPT ne lui permettant de présenter des candidats qu'aux seules législatives et pas aux régionales).
Les autres thèmes de la campagne du MPPT étaient à l'unisson et en tout cas ne sortaient pas du cadre du réformisme le plus classique : de la laïcité àl'indépendance des syndicats par rapport aux partis politiques, en passant par la défense des acquis sociaux et en particulier la défense de la Sécurité Sociale, un des points essentiels de la campagne du MPPT.
Pour compléter le tableau d'ailleurs il y a eu les nombreuses protestations, et en particulier de Marc Gauquelin, le porte-parole national du MPPT, contre tous ceux qui, par mégarde ou mauvaise intention, rangeaient le MPPT dans l'extrême-gauche. Partout et à tous les niveaux le MPPT a tenu à faire savoir non seulement qu'il n'était pas révolutionnaire mais qu'il n'était même pas extrémiste.
Enfin, social-démocrate, le MPPT s'en est donné l'apparence par la composition de ses listes dont les têtes étaient, pour près de 40 % des enseignants. Cela correspond sans aucun doute à la nature du PCI dont on sait que le principal secteur d'influence est dans les syndicats d'enseignants. Mais cela correspond aussi tout à fait à ce qu'est la social-démocratie française. En 1981, on a pu ironiser sur le « Parlement des professeurs » qu'une majorité absolue de socialistes avait formé. Le MPPT a tenu, par là aussi, à être fidèle à une certaine image de la social-démocratie dans ce pays.
De la campagne du MPPT et de ses résultats, deux conclusions peuvent être tirées.
Tout d'abord que le PCI se soit donné une allure totalement réformiste ne lui a pas permis d'attirer un nombre réellement significatif de social-démocrates. Le courant Socialisme Maintenu, même dans le Bas-Rhin où il a pu se présenter directement sous cette étiquette et non pas s'adjoindre aux listes MPPT, ne représente tous comptes faits que quelques individus sans influence. Le MPPT n'a pas attiré une fraction significative de militants et de responsables réformistes.
Ensuite l'échec est encore plus patent au niveau des électeurs. Le PCI se présentant nationalement sous son propre sigle n'aurait sans doute guère fait moins de voix.
Une nouvelle fois, à l'occasion de ces élections, l'entreprise du MPPT, lancée par le PCI, a administré la preuve que l'opération qui consiste pour des révolutionnaires à prendre des allures de réformistes afin de constituer plus rapidement un grand parti influent est une impasse. Indépendamment du problème de fond - celui de savoir quelle sorte de parti ce pourrait bien être si une telle opération - ces élections viennent de démontrer que, en tout cas, dans la situation actuelle, ce n'est même pas la voie pour grandir en nombre ou en influence.
Rédaction de « Lutte de Classe »
(extraits, d'après Informations Ouvrières n°1248)
A six semaines des élections législatives, le MPPT, par l'action de ses militants et grâce à l'appui de milliers de travailleurs, s'est d'ores et déjà affirmé comme une force politique à l'échelle nationale.
Malgré la conspiration du silence, le boycott de la presse et de la télévision, les attaques déchaînées de tous côtés, les calomnies, les listes du MPPT sont constituées dans tous les départements.
Il n'y aura ainsi que six listes nationales : RPR, UDF, PS, PCF, FN et celle du MPPT.
Les listes sont définitivement constituées dans 93 départements. Les 728 candidats du MPPT ont commencé leur campagne. Dans tout le pays, des centaines de comités de soutien sont déjà constitués.
Plus de 550 millions de centimes ont été collectés.
Pourtant, la « grande presse », les radios et les télévisions nationales boycottent notre campagne.
Il est clair qu'il y a un lien entre ce mur du silence et le mur du silence que seul notre journal a brisé concernant la liquidation de la Sécurité sociale par le nouveau Code de Sécurité sociale, réalisé par une commission instituée en 1983 par le gouvernement Mitterrand-Mauroy-Fabius-Fiterman-Ralite. Alors, que cherchons-nous en présentant 93 listes aux élections législatives du 16 mars 1986 ? Nous cherchons à construire des comités de soutien aux listes du MPPT, à renforcer ses sections, à étendre la diffusion de son journal, Informations Ouvrières.
Que cherchons-nous en participant aux élections ? A construire une nouvelle représentation politique de la classe ouvrière, le parti ouvrier indépendant. Et c'est pourquoi, ce que nous attendons de ces élections, ce sont des voix, le plus grand nombre possible de voix !
- Chaque voix qui se portera sur la liste du MPPT sera une voix pour rendre impossible la cohabitation contre la classe ouvrière.
- Chaque voix qui se portera sur le MPPT favorisera l'expression et l'action indépendante des travailleuses et des travailleurs.
Le vote MPPT, c'est donc le seul vote utile.
A six semaines de l'élection législative, il importe de préciser les buts que nous assignons à cette campagne du MPPT.
« Le MPPT ne retirera pas des élections le bénéfice qu'il est en droit d'attendre, mais néanmoins le résultat sera positif. Il brisera le mur du silence, il se fera connaître (...), il aura une marche sur laquelle il pourra prendre son essor. C'est une occasion qu'il ne faut pas manquer. Donc, quels que soient les résultats, l'expérience doit être faite. Elle ne comporte aucun risque. Ensuite, il appartiendra aux responsables des noyaux du MPPT créés de continuer l'effort de persuasion, en faisant preuve d'honnêteté, de raison, d'esprit critique. Il faut éteindre le scepticisme, le désintérêt, ranimer le besoin de participer à une politique digne de ce nom », explique dans Informations Ouvrières un camarade du Vaucluse, ancien militant du PS.
« Non, au MPPT, nous ne sommes pas des rêveurs, et nous n'ignorons pas que notre liste aura d'énormes difficultés à réussir un score important... Tout simplement parce que ce nouveau parti, dont on peut enfin lire les articles dans la presse régionale, n'est pas suffisamment connu ; mais sa propagande va s'intensifier », affirme pour sa part un camarade du Jura, venu du PCF.
Notre campagne est une campagne de construction, d'organisation. A ces millions de travailleurs des villes et des campagnes qui ont fait l'expérience de cinq ans de politique anti-populaire menée par un gouvernement de « gauche », nous ne faisons pas de promesses. Nous proposons de bâtir ensemble un authentique parti ouvrier afin d'oeuvrer au combat nécessaire pour la démocratie, la défense des acquis et conquêtes de la classe ouvrière.
(...) Le MPPT le dit en toute clarté : la cohabitation serait néfaste pour le pays et plus particulièrement pour les travailleurs. La cohabitation ne ferait qu'accélérer la crise institutionnelle. Les institutions ne peuvent être réformées. La crise des institutions au sommet de l'État provoque inévitablement la réaction « d'en bas ». On l'a vu, avant le 16 mars, avec la grève spontanée des roulants de la SNCF qui a fait reculer le gouvernement. La crise du régime après le 16 mars sera encore plus accentuée. C'est pourquoi avancer dans la construction du MPPT avant le 16 mars est une nécessité impérieuse.
Tous ont peur de la crise institutionnelle inévitable... et tous parlent de cohabitation.
(...) Nul doute qu'un lien existe entre la grande inquiétude des uns sur l'avenir des institutions, leur acharnement à vouloir imposer le « consensus » sur la flexibilité, et le déchaînement, ces dernières semaines, d'une campagne de presse contre le MPPT, juste après l'annonce de la constitution des 93 listes.
Si l'on cherchait confirmation de la justesse du combat du MPPT, on la trouverait sans doute, a contrario, dans cette campagne où le MPPT est accusé d'infiltrer la Confédération Force Ouvrière, en même temps que d'être manipulé par cette dernière.
Que les mêmes accusations, les mêmes révélations « sensationnelles » soient brandies, dans les mêmes termes, par des journaux de « gauche » et de « droite », qu'une véritable union sacrée se réalise dans cette campagne, quoi d'étonnant ?
(...) En un mot : tous, au nom de la crise du système capitaliste, se rangent du côté des institutions de la Ve République, et en appellent aux sacrifices de la classe ouvrière. Seul le MPPT combat pour en finir avec les institutions de la Ve République, pour l'établissement de la démocratie, et pour aider tous les travailleurs à réaliser leur unité pour défendre leurs acquis par leurs méthodes, celles de la lutte de classe.
(...) Dernier acte majeur du « gouvernement de gauche », le nouveau Code de la Sécurité sociale, révélé par Informations Ouvrières, symbolise de manière saisissante le bilan de ces cinq années et de toute la situation actuelle.
Toutes les couches de la population salariée sont concernées par cette porte ouverte à la déréglementation de tous les acquis contenus jusque-là dans l'existence de la Sécurité sociale, conquête arrachée par la lutte de la classe ouvrière.
(...) On a là l'expression concentrée du contenu de ces institutions, tout entières tournées contre toutes les couches de la population laborieuse. A cela s'oppose le combat pour la démocratie, qui est un combat de défense des couches laborieuses.
(...) C'est pourquoi le comité national du MPPT décide de proposer à tous les comités départementaux, à toutes les sections, de faire de cette question le thème majeur du dernier mois de campagne. Conformément aux principes de la démocratie ouvrière qui régissent son fonctionnement, il demande aux sections et comités départementaux de discuter l'appel qui leur est soumis, de faire connaître amendements et remarques.
Les 10 propositions du MPPT
1 Pour une nouvelle représentation de la classe ouvrière, le MPPT constate que les députés du PS et du PCF élus en 1981 contre le pouvoir anti-social et antidémocratique des capitalistes ont trahi le mandat majoritaire que les travailleurs leur avaient confié. Voilà pourquoi la droite peut se permettre aujourd'hui de prétendre reprendre le pouvoir.
Et si les dirigeants du PCF qui ont quitté le gouvernement en 1984 pour des raisons d'alignement international tentent par leur politique de division de masquer leurs responsabilités, ils ne peuvent faire oublier qu'ils ont mis en oeuvre comme ministres, voté comme députés, tous les plans d'austérité et de licenciements qui ont abouti à la situation d'aujourd'hui.
C'est pourquoi nous, militants de toutes origines du mouvement ouvrier, syndicalistes, travailleurs et jeunes sans affiliation politique, avons fondé le Mouvement pour un Parti des Travailleurs, afin de reconstituer avec vous une nouvelle représentation populaire et ouvrière. 2 Pour l'emploi et la défense des acquis ouvriers, le MPPT se prononce contre tout licenciement, déguisé ou non. Le MPPT se prononce contre toute remise en cause du Code du travail, contre la « flexibilité » réclamée par le CNPF et qui, loin d'être une solution au chômage, est en réalité une machine de guerre contre l'emploi. .
Le MPPT dénonce l'instauration des TUC et exige la garantie d'un véritable emploi pour les jeunes.
Le MPPT vous dit : n'attendez quelque chose de valable que de vous-mêmes et de l'unité, les intérêts des capitalistes et les vôtres sont diamétralement opposés.
3 Pour la défense de la protection sociale, le MPPT défend la Sécurité sociale, les régimes de retraite, l'assurance chômage et les mutuelles.
Le MPPT rappelle que ces institutions ont été conquises par la classe ouvrière dans son combat contre l'exploitation capitaliste afin d'assurer aux travailleurs et à leurs familles une protection contre les risques de l'existence.
4 Pour la laïcité de l'école et de l'État, le MPPT combat pour la laïcité intégrale de l'école et de l'État. Le MPPT exige l'abrogation des lois anti-laïques et de toutes les mesures prises depuis 1981 par Savary et Chevènement qui livrent l'école publique de plus en plus démantelée aux groupes de pression les plus divers, qu'ils soient politiques ou religieux.
5 Pour la défense des petits et moyens paysans, le MPPT dénonce la politique de baisse des revenus agricoles, l'instauration des quotas laitiers et toutes les mesures contre les petits et moyens paysans, décidées par Bruxelles, par tous les gouvernements du Marché commun qui, alors qu'il serait possible de construire une véritable Europe, s'attaquent à la paysannerie, à la sidérurgie, aux mines, au textile...
6 Pour l'égalité des citoyens, contre la décentralisation, le MPPT dénonce la décentralisation et les atteintes portées au statut de la fonction publique qui remettent en cause à la fois les droits et les garanties des fonctionnaires et l'égalité des citoyens devant le service public.
7 Pour l'égalité des droits des travailleurs, le MPPT revendique le respect et l'égalité des droits pour les travailleurs immigrés qui, comme les travailleurs français, supportent les mêmes méfaits de la crise capitaliste.
8 Pour l'abrogation de la constitution antidémocratique de la Ve République ! Pour le MPPT, la Constitution, condamnée dans le passé par le PCF, le PS et par François Mitterrand comme antidémocratique, est utilisée par les mêmes depuis 1981 pour imposer les plans anti-ouvriers voulus par le CNPF, par le biais des ordonnances du « vote de confiance » ou du « vote bloqué », comme, par exemple, dans le cas de la loi sur la flexibilité.
Le MPPT se prononce en conséquence pour la disparition de la Constitution et des institutions de la V e République.
9 Pour faire place à la démocratie, le MPPT combat pour l'établissement d'une véritable démocratie afin que, dans le cadre de la délégation de pouvoir, les élus du peuple puissent remplir pleinement leur rôle d'expression politique du citoyen, il faut en appeler au peuple qui définira la forme et le contenu de le démocratie qu'il entend réaliser.
10 Pour l'indépendance des syndicats, le MPPT dénonce toutes les tentatives d'aliéner l'indépendance des organisations syndicales.
Le MPPT dénonce notamment les lois dites Auroux qui visent, sous le vocable mensonger de « droits nouveaux des travailleurs » à bafouer les prérogatives des syndicats afin de faire participer les salariés à leur propre exploitation.
Quelle que soit la forme de l'État, l'indépendance réciproque des partis politiques et des syndicats est la condition fondamentale de toute avancée réelle vers le socialisme.
Loiret : Liste « MPPT-Socialisme maintenu » « Lettre ouverte aux socialistes qui veulent le rester », parue dans la République du Centre du 12/2/86
Sous ce titre, MM. R. Caron et J.-P. Esch, exclus du PS et candidats aux législatives sur la liste MPPT-SM du Loiret, nous prient d'insérer :
Alors que s'étale sur les murs du Loiret une affiche de J.-P. Sueur affirmant péremptoirement qu' » on » ne s'oppose pas au progrès, « on » apprend par voie de presse, au mépris des procédures habituelles, que les deux candidats de Socialisme Maintenu sur la liste MPPT-SM sont exclus du Parti Socialiste.
Quelle relation entre ces deux faits ? Et qui s'oppose à ce que M. Sueur appelle le progrès ?
Visiblement, pas ceux qui ont abandonné tout idéal laïque, ni ceux qui ont accepté de renier les engagements pris à Metz par le Parti Socialiste, ni ceux qui cohabitent déjà avec la droite : ils figurent tous en bonne place sur les listes officielles du PS. Il faut se rendre à l'évidence, ceux qui s'opposent « au progrès » selon M. Sueur, ce sont ceux qui comme nous, sont pour la défense de l'emploi contre les licenciements, le maintien des acquis des travailleurs contre la flexibilité, la promotion de la culture contre les chaînes privées,
Solidarnosc contre Jaruzelski, le service militaire à six mois contre la reconstitution des carrières des généraux félons...
Nous restons fidèles à ce pourquoi nous avions adhéré au PS, voilà pourquoi nous sommes sanctionnés ! Il faut bien frapper à gauche pour se tourner à droite !
Il ne fait donc plus de doute que le progrès proposé est en fait la régression sur toute la ligne, c'est cette politique anti-socialiste qui provoque les désaffections, les éclatements, la défaite du PS.
C'est pourquoi, rejetant les qualificatifs de dogmatiques et d'extrémistes dont on veut nous affubler pour détourner l'attention, nous avons pris nos responsabilités en formant une liste avec le MPPT aux législatives, pour avancer vers la solution positive dont le peuple a besoin.
Oui, le monde du travail, la majorité de 81, les socialistes qui veulent le rester s'opposent à ce progrès-là !