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Face à la crise et à l'offensive de la bourgeoisie, la classe ouvrière doit se défendre
Les travailleurs n'auront même pas à se demander ce que valaient les promesses des partis de gauche, ce que valait le programme commun, réactualisé ou pas. Ces urnes et ces bulletins de vote que les grands partis de gauche nous présentent tout le temps comme un moyen de transformer le monde, nous auront ramené les mêmes Barre, les mêmes Chirac, les mêmes Lecanuet, la même droite réactionnaire ouvertement anti-ouvrière.
Il faut être Séguy ou Maire pour affirmer, comme Bergeron, qu'ils veulent voir le nouveau gouvernement à l'oeuvre pour vérifier sa bonne volonté. Comme si le sacrement des élections pouvait transformer le gouvernement Barre, celui de l'austérité, celui des mesures anti-ouvrières, en autre chose que ce qu'il est. Car c'est le même Barre que l'on nous remet en guise de Premier ministre, pour mieux souligner qu'après mars 1978, ce sera comme avant. Seulement, le patronat, la bourgeoisie, la droite y auront gagné des mois de paix sociale, tout le temps pendant lequel la classe ouvrière aura mis ses espoirs dans la perspective de voir un changement arriver par les élections.
Mais aujourd'hui, alors que les isoloirs sont démontés, les urnes rangées, et après ces mois pendant lesquels partis de droite comme partis de gauche ont caché, en complices, derrière un épais rideau de fumée électoral, ce qui attend réellement les classes laborieuses, il faut bien regarder la réalité en face. Et cette réalité, c'est encore, c'est toujours la crise économique.
Cette crise ne se manifeste toujours pas par un effondrement brutal. Des crises, l'économie capitaliste en a déjà produites, et elle en connaîtra de pires. Mais pour l'instant, comme depuis des années, la crise, c'est la dégradation lente, mais continue de la situation économique. Christian Beullac, le ministre du Travail, a mis sous le coude les statistiques officielles du chômage pendant les élections, mais il a bien fallu les publier après. Ces statistiques officielles, pourtant truquées de bien des manières, indiquent une nouvelle aggravation du chômage. Tout comme les prix qui, le mois dernier, ont augmenté plus fort que les mois précédents.
Les chiffres des statistiques ne sont guère loquaces. Mais derrière ces quelque pour cent de plus par-ci, par-là, combien y a-t-il de familles ouvrières qui ne connaissaient pas le chômage et qui le connaissent aujourd'hui ? Combien y en a-t-il, où le père rejoint le fils ou la fille dans les queues à l'Agence Nationale pour l'Emploi ? Et combien y a-t-il de retraités pour qui ces fractions de pour cent de hausses de prix qui apparaissent dans les statistiques globales, représentent un drame ?
En un certain sens, Barre peut se flatter d'avoir réussi et d'avoir atteint, au moins en partie, l'objectif qu'il visait avec son pion. Il n'a certes pas mis fin à la crise. La bourgeoisie et ses hommes politiques n'ont aucune prise sur la crise provoquée par l'anarchie de leur système économique, et d'autant moins que cette crise est mondiale.
Le plan Barre visait, de façon plus modeste, mais plus réaliste du point de vue de la bourgeoisie, à diminuer la part des salaires dans le revenu national, à prélever sur la classe ouvrière de quoi permettre à la bourgeoisie de ne pas souffrir de la crise, malgré le marasme de la situation économique.
L'inflation, comme l'accroissement du chômage, aboutissent à ce résultat. En bloquant les salaires pendant que les prix montaient, Barre avait permis au patronat de faire un prélèvement de plusieurs milliards sur les revenus de la fraction de la classe ouvrière au travail. En aidant les patrons à licencier, à ne pas remplacer les ouvriers partant à la retraite, ou encore en donnant aux patrons les moyens légaux d'embaucher des jeunes sans les payer, l'État a fait également faire une économie considérable au patronat sur le dos de la classe ouvrière. Et puis, pendant que l'État imposait l'austérité à la classe ouvrière, il répondait présent aux sollicitations des plus grands groupes capitalistes pour renforcer leur situation financière par des commandes d'État, voire par des subventions sans la moindre contrepartie.
Grâce à cet ensemble de mesures, les salariés ont souffert de la crise, mais pas la bourgeoisie. Les plus puissants ont continué à réaliser des bénéfices considérables.
Quant aux classes moyennes, le résultat des élections a montré que, si la crise a touché une fraction d'entre elles, une fraction non moins considérable, et qui a contribué à maintenir la droite ou pouvoir, a estimé qu'elle avait plus à perdre en changeant d'équipe au gouvernement qu'en y maintenant les mêmes.
La propagande électorale de la droite a misé là-dessus, et avec un succès certain. Une majorité de la petite bourgeoisie a voté au centre, a voté contre le bouleversement, pour la stabilité, contre l'augmentation du SMIC.
Sans doute, bien des mesures en faveur des petites et moyennes entreprises tenaient de la démagogie électorale et ne se prolongeront pas au-delà des élections. C'est ainsi, par exemple, que le gouvernement maintenait à bout de bras plusieurs dizaines de petites entreprises pour empêcher que tel candidat de droite ou tel autre fosse les frais de la faillite de la petite entreprise de l'endroit et des licenciements qui en découlent. Les élections à peine finies, la presse fait état d'une accélération des dépôts de bilan et de fermetures d'entreprises, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent pour les travailleurs des régions concernées. Mais le fait que, même par démagogie électorale, le gouvernement ait pu intervenir en faveur de catégories autres que les quelques dizaines de groupes capitalistes les plus puissants, montre que la crise n'a pas encore atteint un degré tel, pour que ses à-coups échappent à toute intervention de l'État.
Nous ne savons pas si la crise s'aggravera ou non dans les mois à venir.
Mais ce que nous savons, c'est que les bourgeois eux-mêmes ne s'attendent pas à une amélioration pendant les années à venir. La commission économique de l'ONU vient par exemple d'affirmer que la croissance économique des pays européens restera limitée jusqu'en 1990 ; insuffisante en tous les cas pour abaisser le nombre de chômeurs dans les pays européens.
Cette affirmation ne vaut peut-être rien comme prévision, car les économistes de l'onu sont comme les autres, ils ne prévoient bien que le passé. mais cela vaut comme avertissement.
Car justement, il faut que la classe ouvrière sache que même si la crise ne s'aggrave que modérément, la bourgeoisie cherchera inévitablement à aggraver les conditions d'existence des classes laborieuses. Dans cette période de crise, les patrons luttent pour leur survie, ou plus exactement pour le maintien de leurs profits, ce qui, pour eux, revient ou même. Et ils savent qu'ils ne peuvent protéger leurs profits qu'au détriment des classes laborieuses. Alors, ils lutteront, avec l'aide de l'État, pour diminuer la part des ouvriers, afin de préserver la leur.
L'hypothèque des élections levée, le gouvernement a les mains plus libres. Avant même les élections, lors du congrès du CNPF, le patronat avait déjà ouvertement réclamé un tour de vis contre les chômeurs. Il avait réclamé un affaiblissement des protections dont bénéficient les chômeurs, de manière à les contraindre à accepter n'importe quel emploi, n'importe où. Le patronat cherchera maintenant à inciter le gouvernement à passer aux actes. On peut s'attendre à d'autres mesures sélectives qui ne viseront pas l'ensemble de la classe ouvrière, mais telle ou telle catégorie particulière, les chômeurs, les travailleurs émigrés, les jeunes.
Quelle forme prendra cette offensive de la bourgeoisie ? Cela dépend des craintes que lui inspireront les réactions de la classe ouvrière. Et à cet égard, bien qu'elle affiche ouvertement ses sentiments anti-ouvriers, la droite au pouvoir a un handicap par rapport à ce qu'aurait été la gauche au pouvoir, car elle n'a pas du tout le consensus de la classe ouvrière et elle le sait. Elle sait aussi que tout aussi déformant que puisse être le prisme électoral, les classes laborieuses ont tout de même montré à l'occasion de ces élections leur désir de changement. Et cela incite la droite à la prudence, comme cela l'incite à chercher des cautions du côté de la gauche.
Ne nous faisons pas d'illusions, si Mitterrand était à la place de Barre, cela n'aurait pas été mieux pour la classe ouvrière. La gauche au pouvoir aurait joué de sa capacité à tromper les travailleurs pour faire accepter, au nom de quelques mesures spectaculaires comme le SMIC à 2 400 F, bien des mesures graves, mais sélectives, contre telle catégorie de travailleurs ou telle autre.
Si la crise était plus grave,, la droite n'hésiterait sans doute pas à affronter la classe ouvrière de façon provocante et au besoin, violente. Mais dans l'immédiat, la situation n'en est pas là. Tout en serrant la vis de façon incessante, la droite évite l'affrontement. Mais pour ce faire, elle ne peut pas utiliser les mêmes armes que la gauche. Il ne lui servirait pas de donner d'une main et de reprendre deux fois plus de l'autre. D'une part, les travailleurs ne croiraient pas à sa bonne volonté de toute manière ; d'autre part, l'électorat de droite qui l'a élue ne lui laisse pas beaucoup de marge pour pratiquer même une fausse prodigalité.
Par prudence, la droite cherche en premier lieu à ouvrir les vannes devant des revendications de la bourgeoisie qui léseront la classe ouvrière, mais qui la léseront de manière indirecte. C'est ainsi que le futur gouvernement accordera manifestement aux patrons la liberté des prix, c'est-à-dire le droit de les augmenter sans aucun contrôle.
Comme l'a dit cyniquement Ceyrac, les Français ont voté pour les libertés, eh bien, la liberté des prix, c'en est une !
C'est ainsi encore que la droite insiste sur la nécessité de pratiquer ce qu'elle appelle la vérité des prix dons le secteur public. En d'autres termes, les tarifs publics vont augmenter.
Les consommateurs payeront plus cher les services publics et l'État pourra faire des économies lui permettant d'intervenir massivement en faveur du secteur privé.
Car les capitalistes des secteurs où ça va bien une fois comblés par la liberté des prix, l'État n'oublie pas les capitalistes des secteurs où ça va mal. Comme pour illustrer leurs intentions, les autorités ont rendu officieusement public leur nouveau « plan acier », dès les élections terminées. L'État épongera une partie des dettes colossales des patrons de la sidérurgie, et il leur versera encore quelques milliards d'argent frais. Il le fait sans même faire semblant de le faire pour préserver des emplois : le « Plan acier » prévoit que quelque quinze mille travailleurs seront encore jetés sur le pavé.
Toutes ces mesures déjà annoncées ou dans l'air accéléreront les hausses de prix et abaisseront le pouvoir d'achat des travailleurs. Elles aggraveront le chômage.
Alors, ce qui est décisif, c'est de savoir si la classe ouvrière acceptera cette évolution des choses et si elle laissera la bourgeoisie et l'État agir à leur guise, ou au contraire, si elle réagira par le seul moyen possible, par la lutte.
La classe ouvrière aura à se battre pour défendre, aujourd'hui, ses acquis menacés, et demain, peut-être, même ses droits à l'existence. Il faut qu'elle surmonte le découragement ou la déception dus à l'échec électoral de la gauche. De toute façon, l'arrivée de la gauche au pouvoir n'aurait pas vraiment changé le sort des travailleurs, car il aurait fallu se battre contre les patrons avec Mitterrand tout autant qu'avec Barre au gouvernement.
Et ce n'est pas la classe ouvrière qui a subi une défaite dans ces élections, car les batailles sociales ne se perdent pas dans les urnes, pas plus qu'elles ne s'y gagnent.
La classe ouvrière et plus généralement tous ceux qui vivent de leur travail, ont le droit moral de se battre pour refuser l'austérité qu'on leur impose. Ils ne portent aucune responsabilité dans la crise. Il faut tout le cynisme des politiciens de la droite pour oser prétendre que ce sont les hausses de salaires qui provoquent l'inflation, alors même que l'État dilapide des milliards pour aider les riches.
Mais il faut aussi que les travailleurs sachent que pour leurs luttes, ils ne peuvent pas compter sur les grandes organisations, ni politiques, ni syndicales, qui prétendent parler en leur nom. Ces organisations ne font même pas semblant de vouloir se battre, comme il leur arrive parfois de le faire.
Manifestement, ni le Parti Communiste ou le Parti Socialiste, ni les confédérations syndicales ne veulent jeter de l'huile sur le feu, même par inadvertance ou par démagogie. Giscard les a à peine sifflés, qu'ils ont tous couru faire allégeance à l'Élysée.
Et les Séguy, les Maire, sans même parler des autres qui ne font plus semblant depuis longtemps, n'ont plus que les mots négociation et accord contractuel à la bouche. Ils veulent se montrer raisonnables .
Alors, ce ne sont évidemment pas ces gens-là qui diront aux travailleurs qu'il faut se battre pour arracher par la lutte ce que les élections ne pouvaient pas donner.
Eux qui étaient raisonnables avant les élections pour ne pas gâcher les chances de la gauche d'arriver au gouvernement, ils sont, aujourd'hui, à la recherche d'autres raisons de l'être, après l'échec électoral de la gauche. Le Parti Communiste et le Parti Socialiste foncent vers la promesse d'ouverture giscardienne. La CGT, la CFDT et FO foncent vers les promesses de négociations.
Les uns comme les autres aident la droite à vendre des vessies pour des lanternes et présentent les perrons de l'Élysée comme un nouveau terrain où, grâce à leur intermédiaire, la classe ouvrière pourrait réaliser au moins une partie de ses aspirations, maintenant qu'il est clair que les promesses des isoloirs ont été stériles.
Eh bien non, les travailleurs n'ont pas à être raisonnables. ce mot sonne mieux dans la bouche des dirigeants de la gauche que le mot résignation, mais-cela signifie très exactement la même chose. etre raisonnable, c'est accepter les raisons des michelin, des peugeot, des dassault des de wendel, de tous ces gros possédants milliardaires en bénéfices et en revenus personnels qui prêchent l'austérité et les sacrifices pour les autres.
Mais au nom de quoi les travailleurs devraient-ils être raisonnables et accepter de sacrifier l'indispensable, alors qu'il y a tant de privilégiés qui étalent avec insolence leur superflu ?
Les grandes organisations de la classe ouvrière sont défaillantes devant la situation créée par l'échec de la gauche aux élections. Elles le sont parce qu'en réalité elles ne défendent pas, elles ne défendent plus depuis longtemps, les intérêts vitaux de la classe ouvrière, elles ne cherchent pas à combattre la bourgeoisie, elles cherchent seulement à gérer, à administrer la société en son nom.
Le rôle des révolutionnaires, de tous ceux qui partagent leurs idées, est de faire ce que les organisations traditionnelles de la gauche défaillante ne font plus.
Ils ont d'abord à dire et à répéter que les travailleurs ne doivent pas se laisser lanterner d'élections en élections. Depuis combien de temps nous présente-t-on chaque consultation électorale ou presque comme la der des der ? Et d'élections perdues - les plus nombreuses - en élections de temps en temps gagnées, les travailleurs se retrouvent toujours grugés. Et parfois plus grugés lorsqu'on leur dit qu'ils sont les vainqueurs à ce jeu-là, que lorsqu'ils en sont franchement les perdants.
Les travailleurs, ouvriers aussi bien que petits paysans ou petits commerçants, ont bien d'outres terrains pour défendre leurs intérêts que le terrain électoral, et des terrains où ils sont réellement forts. Dons l'urne, un bulletin en vaut un autre, et quelques milliers de parasites inutiles pour la société peuvent toujours très démocratiquement faire basculer une majorité, et décider que ceux qui travaillent et gagnent peu doivent continuer à travailler pour gagner peu. Et puis, la bourgeoisie contrôle suffisamment le véritable pouvoir économique, celui de l'argent, et le véritable pouvoir politique, celui de l'administration, de l'armée et de la police, pour se laisser impressionner par quelques bulletins de plus d'un côté que de l'autre.
Par contre, les classes laborieuses ont la force que leur donne leur nombre, leur fonction dans la société, leur utilité. Car si la société peut se passer des parasites hargneux qui parlent d'autant plus haut qu'ils sont inutiles, elle ne peut pas se passer de ceux qui font marcher les usines et les chantiers ou de ceux qui labourent la terre.
Il faut que les travailleurs prennent conscience de leur force, là où elle réside, et il faut qu'ils apprennent à se servir de cette force, dans leur intérêt, dans l'intérêt de la société, et pas pour servir de marche-pied à des serviteurs du capital.
Les élections peuvent, au mieux, servir à se compter, à exprimer une opinion ou à connaître celle des autres. Mais c'est aussi un piège pour les classes laborieuses, à partir du moment où elles en espèrent une amélioration de leur sort. Et c'est précisément grâce au parlementarisme, grâce aux faux espoirs de changement qu'il suscite, périodiquement, aux yeux des classes travailleuses, que la bourgeoisie parvient à amortir les conflits sociaux et s'en sort à bon compte.
Mai 1968 avait changé infiniment plus de choses pour les travailleurs, plus de choses pour l'ensemble de la société que les élections qui l'ont suivi. Pourtant, en mai 1968, la classe ouvrière n'a fait que montrer sa force, elle ne s'en est pas vraiment servie pour conduire les événements en fonction des intérêts du monde du travail.
Il faut que les travailleurs luttent pour leurs revendications économiques et qu'ils ne se laissent pousser à la résignation ni par les mensonges cyniques de leurs ennemis, ni par les phrases raisonnables de leurs faux amis. Mais il faut aussi que les travailleurs participent à la vie politique de façon active, tout le temps, et pas seulement une fois tous les cinq ans, et pas seulement pour glisser dans l'urne un bulletin de vote.
Les élections présentes ont montré que le courant révolutionnaire que représente Lutte Ouvrière, comme d'ailleurs l'ensemble de l'extrême gauche, est très minoritaire dans le pays, et que son influence demeure faible.
Mais le fait que le Parti Communiste ou le Parti Socialiste soient forts, qu'ils représentent près de la moitié de l'électorat en général, et l'écrasante majorité de l'électorat ouvrier, change-t-il quelque chose pour les classes laborieuses ?
Eh bien non, et d'ailleurs cela ne change pas grand-chose même pour ces partis. Ils sont de toute façon écartés du pouvoir, et ils en sont à mendier à Giscard quelques minutes d'antenne à la télévision, ou quelques strapontins dans les commissions parlementaires.
Fondamentalement, ils ne jouent aucun rôle utile pour les travailleurs. mais par contre, là où ils jouent un rôle considérable, c'est en dévoyant l'aspiration au changement des classes laborieuses vers l'impasse de l'électoralisme.
Sans les grands partis de gauche, sans leur capacité à tromper la classe ouvrière, la machinerie parlementaire ne pourrait pas fonctionner avec autant d'efficacité pour démobiliser les travailleurs au grand profit des classes possédantes.
Nous savons, bien sûr, que nombreux sont ceux qui font confiance au Parti Socialiste ou au Parti Communiste, précisément à cause de leur modération, à cause de leur réformisme, à cause de leur respect des règles du leu politique fait ou profit de la bourgeoisie.
Mais nous savons aussi que nombreux sont les travail leurs, les petits gens, qui soutiennent le Parti Communiste et le Parti Socialiste parce qu'ils croient que ces partis défendent réellement les intérêts des classes laborieuses. Il y a des milliers de travailleurs qui consacrent leur énergie militante à renforcer le Parti Communiste et le Parti Socialiste parce qu'ils croient sincèrement que ce faisant, ils renforcent la classe ouvrière et son combat.
Le Parti Communiste, comme le Parti Socialiste, transforment cette immense quantité d'énergie, d'espoirs, d'aspirations, en vulgaires bulletins de vote pour alimenter la machine parlementaire. Et c'est cela, peut-être, leur rôle le plus néfaste.
Eh bien, nous sommes intervenus dans ces élections pour au moins dire qu'il y a tromperie sur la marchandise, pour mettre en garde les travailleurs contre les Mitterrand et les Marchais. Nous avons dit que les travailleurs ne peuvent pas faire confiance à tous ces gens-là, car leurs trahisons futures sont inscrites dans la logique de leurs trahisons passées.
Nous sommes intervenus dans la perspective de l'arrivée de la gauche au pouvoir. Une fois au gouvernement, chargés de gérer les affaires de la bourgeoisie, mis dans une situation qui ne leur aurait laissé aucune échappatoire, les partis de gauche auraient clairement montré quel était leur véritable visage, celui qu'ils réservent d'ordinaire à la bourgeoisie dont ils servent les intérêt fondamentaux.
Evidemment, avec l'échec de la gauche, la situation est moins claire. En restant dans l'opposition, les grand partis de gauche gardent plus de possibilités pour abuser la classe ouvrière.
Cependant, il n'est même pas dit qu'ils se serviront de cette possibilité-là. Ils sont tellement responsables devant la bourgeoisie, tellement soucieux d'ordre qu'ils ne semblent même pas vouloir utiliser leur position d'opposants pour laisser la droite au pouvoir assumer seule la responsabilité de la crise et des mesures impopulaires. Ils veulent être associés à cette responsabilité-là, ils le réclament, et cela ne dépend finalement que de la droite si elle veut se servir d'eux et jusqu'à quel point.
Vue l'attitude de la gauche depuis les élections, il semble donc que, sans même être au pouvoir, elle soit prête à soutenir plus ou moins ouvertement et officiellement la politique d'austérité de lu droite. Elle est bien partie pour faire la démonstration de ce qu'elle est vraiment, au service des possédants et pas au service des travailleurs.
Aux yeux de l'ensemble de la classe ouvrière, la démonstration sera sans doute moins éloquente que si c'est un gouvernement Mitterrand-Marchais qui prenait, directement, les mesures anti-ouvrières, comme il l'aurait fait si les élections l'avaient porté ou pouvoir. L'échec électoral semble justifier les compromissions, aux yeux de nombreux travailleurs qui, abusés, prennent cet échec pour une défaite, et qui sont prêts à reporter leurs espoirs sur les « objectifs réalistes » que leur indiquent les dirigeants de la gauche.
Mais combien sont les militants, les sympathisants actifs du Parti Communiste et du Parti Socialiste qui sont troublés ? Combien avons-nous rencontré, dans les entreprises, de militants du Parti Communiste qui juraient que Marchais ne pourrait jamais accepter d'aller à l'Élysée, cet après-midi même où pourtant il se préparait à y aller ? Et si Marchais continue sur le chemin qu'il a commencé, ces militants auront bien d'outres occasions d'être mis en porte à faux par leur direction...
Pendant la campagne électorale, parce que nous étions présents partout dons le pays, nous avons rencontré des centaines de militants, et des milliers de sympathisants ou électeurs du parti communiste ou du parti socialiste. bon nombre d'entre eux s'interrogeaient déjà sur la voie que leur indiquaient leurs partis. ils ont quand même voté pour eux, car la fidélité des travailleurs envers les partis qu'ils considèrent comme leurs, est plus grande que la fidélité de ces partis envers les travailleurs et leurs intérêts.
Mais il faut que nous continuions à discuter avec tous ces militants qui s'interrogent, qui sont désorientés devant les retournements des Marchais et Mitterrand et qui, parfois, se remettent en question.
Ces militants, ces travailleurs, il faut les convaincre qu'il y a d'autres voies pour la classe ouvrière que la vaine attente de nouvelles perspectives électorales qui, une fois de plus, ne déboucheront sur rien. Il faut les gagner.
Face aux partis de gauche qui prêchent la résignation, il faut que nous défendions une autre politique pour la classe ouvrière, celle de la conscience, de la lucidité et de la lutte.
La campagne électorale est terminée. Mais nous avons beaucoup de choses à faire, car ce n'est pas seulement au moment des élections que la politique qui est la nôtre doit être défendue, mais en permanence. C'est ce que nous avons fait avant les élections. C'est ce que nous devons faire après, mais avec des forces augmentées, et avec le réconfort d'avoir trouvé, pendant la compagne, de nombreuses sympathies actives.
Il y a dans les militants et sympathisants du Parti Communiste et du Parti Socialiste des gens qui soutiennent consciemment ces partis parce qu'ils jouent un râle conservateur. Ceux-là, nous les laisserons à leur direction.
Mais il y en a aussi beaucoup parmi eux qui croient voir dans le Parti Communiste et le Parti Socialiste des Instruments de transformation sociale. C'est à ceux-là que nous nous adresserons.
En perdant pour de longues années toute perspective électorale, ils se retrouvent sans perspective aucune, car leurs dirigeants ne peuvent plus rien offrir d'autre à la place. Il nous appartient, partout où nous pourrons les rencontrer, de les entraîner avec nous et de leur montrer que ce que de petits groupes peuvent faire, les militants de grands partis le peuvent aussi.
Et dans cette voie, pour nous, la campagne ne fait que commencer.
Alors, le présent est à nous. Nous avons pour tâche et pour objectif d'arracher quelques milliers de militants au Parti Communiste et au Parti Socialiste pour les réconcilier avec la révolution et son programme.