Discussion sur certains aspects du « Projet de thèses politiques » présenté par la majorité du Comité central de la LCR01/10/19851985Lutte de Classe/medias/mensuelnumero/images/1985/10/119.jpg.484x700_q85_box-69%2C0%2C2343%2C3289_crop_detail.jpg

Discussion sur certains aspects du « Projet de thèses politiques » présenté par la majorité du Comité central de la LCR

 

Les textes qui suivent sont tous consacrés à la discussion de certaines analyses ou de certaines prises de position de la LCR, telles qu'elles apparaissent à la lecture des textes publiés dans bi Critique Communistebi0 .

Bien entendu, il y aurait bien d'autres aspects à aborder dans une discussion systématique ; y compris dans des domaines où nous partageons la façon de voir de la LCR. Par la force des choses, les aspects discutés ci-après portent sur des questions où nos façons de voir divergent.

La discussion engagée dans le cadre de la préparation du prochain congrès de la Ligue, et le souhait de la direction de la Ligue que cette discussion ne soit pas restreinte aux seuls militants et militantes de l'organisation, fournissent une occasion de confronter nos points de vue sur un certain nombre de questions concernant le mouvement révolutionnaire. Nous saisissons bien volontiers l'occasion.

Nous nous proposons d'abord de discuter le texte intitulé « les travailleurs et le choc social de la crise » , bien que pour des raisons apparemment liées à la procédure de discussion interne de la LCR, il soit publié dans la partie II du numéro spécial de Critique Communiste. En effet, c'est ce texte qui est consacré à l'évolution de la situation de la classe ouvrière depuis 1968.

Nous discutons ensuite le « Projet de thèses politiques » proprement dit, en abordant les problèmes suivants

- Les appareils ont-ils perdu le contrôle des masses ? - Un nouvel essor de la crise du syndicalisme ?

- Le PCF connaît-il une crise historique ?

- bi « Reconstruire un rapport de forces favorables aux travailleurs » bi0 passe-t-il par bi « la bataille pour l'unité » bi0 ?

Les travailleurs et le choc social de la crise

C'est sous ce titre qu'une majorité de la tendance majoritaire du Comité central présente son analyse de la situation de la classe ouvrière, reprenant dans les différents sous-chapitres, la période ouverte par mai 1968, le tournant engendré par la crise, l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, et ses conséquences depuis. Nous reprendrons les différents points abordés par le texte, et dans l'ordre où ils sont abordés.

POINT la

« Parmi les travailleurs, les espoirs de changement suscités par la victoire de mai-juin 1981, ont fait place, en cinq ans, d'un côté à la déception, à la désorientation d'une fraction importante de la classe ouvrière, de l'autre, à l'amorce d'un processus de recomposition du mouvement ouvrier » . (Première phrase du texte consacré par la tendance majoritaire à l'analyse de la période).

La première partie de cette affirmation a au moins le mérite de constater, assez implicitement il est vrai, que la classe ouvrière est dans une période de recul.

Il aura fallu aux camarades de la LCR quelques années pour se convaincre que la victoire électorale de Mitterrand et des partis de gauche qui, dans leur analyse antérieure devait entraîner des luttes ouvrières, a entraîné au contraire la déception et la désorientation.

Les rédacteurs du texte parlent cependant impertubablement, et dans le même bout de phrase, de la « victoire de mai-juin 1981 » . Mais où est donc la victoire, et de qui sur qui ? Victoire de la classe ouvrière ? Le texte n'ose plus dire aujourd'hui une contre-vérité aussi flagrante non seulement par rapport à la réalité, mais même par rapport à ce qui est dit dans la même phrase sur la « désorientation » et la « démoralisation ». Il ne le dit pas - mais il le sous-entend. Et quand au paragraphe 1d le texte revient sur la question, c'est pour insister sur le fait que c'est « un vote ouvrier massif » qui a porté au pouvoir le gouvernement, et que c'est « le rejet de l'austérité, la conscience de la nécessité d'un changement politique qui furent assez forts pour imposer la victoire de mai 1981 » .

Les masses ouvrières font jour après jour l'amère expérience de la gestion de la crise par les ministres de « gauche » de la bourgeoisie. Elles payent et elles payent cher pour se rendre compte que leurs espoirs étaient des illusions.

Faut-il donc que ce soient les révolutionnaires qui leur répètent que ce fut une victoire quand même ?

En 1981, Mitterrand, lui, a remporté une victoire électorale sur Giscard. Les partis de gauche - plus précisément d'ailleurs le seul Parti Socialiste - ont remporté une victoire électorale sur les partis de droite. Il en a résulté un gouvernement d'Union de la gauche.

Mais Mitterrand et les partis de gauche, ce n'est pas la classe ouvrière. Le gouvernement de la bourgeoisie, même composé d'hommes issus de partis de gauche, est un adversaire acharné des travailleurs. Le fait que les urnes aient accordé en mai-juin 1981 aux partis de gauche le droit de fournir des ministres à la bourgeoisie, n'a placé la classe ouvrière en meilleure position d'aucun point de vue. Les événements l'ont tout de même amplement montré depuis. C'est la bourgeoisie qui y a gagné la possibilité de tromper les travailleurs, en faisant mener sa politique anti-ouvrière aux partis qui prétendent représenter les intérêts ouvriers.

Alors, s'il y a quelque chose à dire à ce sujet au lieu de ressasser le mot « victoire », c'est de montrer aux travailleurs à la lumière de leur propre expérience concrète et douloureuse depuis 1981, qu'il n'y a pas, qu'il ne peut pas y avoir de victoire pour les travailleurs dans les urnes et en dehors des luttes. C'est d'expliquer comment et pourquoi l'électoralisme est un piège et les illusions électorales un poison pour la classe ouvrière.

Si « d'un côté » c'est donc la déception et la désorientation dans la classe ouvrière, « de l'autre » c'est « l'amorce d'un processus de recomposition du mouvement ouvrier » . Ce « d'un côté » et ce « de l'autre » s'équilibrent parfaitement dans la phrase. Mais ils ne s'équilibrent certainement pas dans la réalité. La déception, la démoralisation, les militants ouvriers le constatent autour d'eux. Mais où est donc la recomposition ou même « l'amorce d'un processus de recomposition ? » .

Nous reviendrons par ailleurs sur le sens que la LCR donne à ce mot de « recomposition ». Mais il ne s'agit pour l'instant, justement, que de mot. Les révolutionnaires auraient-ils donc besoin de s'en enivrer pour voir l'avenir en rose alors que le présent est marqué par le recul de la combativité ouvrière ?

Les révolutionnaires ont surtout besoin de voir clair. Malgré le recul de la combativité ouvrière, la période offre un certain type de possibilités pour les révolutionnaires. Mais pour les saisir, il vaut mieux ne pas donner des illusions aux militants et ne pas prendre ses désirs pour la réalité.

POINT 1 b

« Sans avoir atteint le stade d'une authentique crise révolutionnaire, la grève générale de mai-juin 1968 scella l'ouverture d'une période de renouveau de la lutte des classes dont témoigne une crise durable du mode de domination bourgeoise » .

La première partie de l'affirmation pourrait être acceptée. (Quant à la deuxième partie, nous y reviendrons). Encore que la formulation « la grève générale de mai-juin 1968 scella l'ouverture d'une période de renouveau de la lutte des classes » serait sans doute avantageusement remplacée par une formulation plus modeste mais plus proche de la réalité, du genre « la grève générale de mai-juin 1968 témoigna de la combativité de la classe ouvrière ; combativité qui continua à marquer la période qui suivit, et qui s'exprima par des conflits localisés certes, mais répétés et parfois violents ». Mais à en juger par les paragraphes suivants, l'expression « renouveau de la lutte des classes » a été employée à dessein, afin de couvrir, outre les luttes ouvrières, « l'élévation du niveau d'organisation de toute la classe : le développement des groupes révolutionnaires parmi les couches périphériques du prolétariat ( ?) ainsi que le développement du PSU et de la CFDT, l'implantation du PCF parmi de nouvelles couches » et la reconstruction par le courant social-démocrate « d'un parti capable de répondre à la politisation » . C'est-à-dire un certain nombre de modifications ou de développements dans le mouvement ouvrier organisé dont certains allaient peut-être dans le sens du « renouveau », mais certainement pas de la lutte des classes.

« Tant le mouvement ouvrier que la bourgeoisie s'efforcèrent de s'adapter aux caractéristiques de la période ouverte par Mai 68 (reconstruction du PS, signature du Programme commun plaçant les partis ouvriers en situation d'être candidats au pouvoir d'un côté, émergence d'un courant libéral, mutation du parti gaulliste de l'autre » .

Que le rédacteur du texte considère la reconstruction du PS sous la houlette de Mitterrand, la signature du Programme commun et le fait que les partis de gauche aient accédé à l'antichambre du pouvoir gouvernemental, comme la réponse du mouvement ouvrier « aux caractéristiques de la période », pourrait à la rigueur passer, s'il précisait qu'il entend par mouvement ouvrier celui des appareils, des directions qui représentent les intérêts de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. Mais non, le texte identifie mouvement ouvrier et classe ouvrière, puisqu'il oppose le premier terme à « bourgeoisie ». Alors que, en l'occurrence, mouvement ouvrier pris dans le sens ci-dessus, et classe ouvrière, n'étaient certainement pas à identifier, ils étaient même à opposer clairement, tant il est vrai que l'opération Mitterrand sur le PS puis, au travers l'Union de la gauche née de la signature du programme commun, sur l'ensemble de la gauche réformiste et stalinienne, visaient à donner une alternative gouvernementale éventuelle à la bourgeoisie contre la classe ouvrière, et non point une solution politique à la classe ouvrière.

Alors, si l'on veut compléter, sous l'angle des modifications politiques que mai 68 avait entraîné, ce qui en a été dit ci-dessus sous l'angle de la combativité ouvrière, il serait plus juste de dire : « Mai 1968 avait créé une situation où pour la première fois en France depuis très longtemps, une partie non négligeable de la jeunesse estudiantine, et une fraction certes faible mais non négligeable de la classe ouvrière se tourna vers les idées d'extrême gauche et vers les organisations qui semblaient les incarner ».

La situation exigeait alors de la part de ces dernières qu'ils sachent unifier leurs efforts malgré leurs divergences afin d'offrir à cette fraction minoritaire de la classe ouvrière les possibilités d'organisation et d'intervention qui lui faisaient défaut. Cette exigence objective de la situation offrait par la même occasion aux groupes d'extrême-gauche, la possibilité réelle de créer un véritable parti, sur la gauche de la gauche réformiste. (Pour utiliser la terminologie en vogue à la LCR, il y avait alors, pour la première fois depuis bien longtemps, et pour la dernière fois depuis, la possibilité d'organiser un courant « alternatif » à la gauche réformiste, dépassant la simple addition des effectifs des groupes révolutionnaires, tout en se revendiquant de la révolution et de la classe ouvrière). Cette occasion n'a pas été saisie. A mesure que l'on s'éloignait de 68, l'espérance misé par certains travailleurs dans les « gauchistes » s'est transformée en désintérêt, voire en déception ou même en rancoeur.

Le mouvement de mai 68 avait certes ses limites. Si le gros de la jeunesse estudiantine a été entraîné dans la radicalisation politique, les appareils syndicaux, et essentiellement la CGT, ont réussi, en en prenant la tête, à canaliser les combats de la classe ouvrière, à en garder le contrôle, avant de les trahir.

Un parti d'extrême-gauche aurait cependant pu dans les mois qui suivirent, attirer vers lui tous ceux que la trahison des appareils réformistes avait repoussé.

En l'absence d'un tel parti, les organisations réformistes et staliniennes ont fini par attirer une bonne partie de ceux, parmi les jeunes travailleurs un moment attiré par l'extrême gauche, que la déception n'a pas poussé vers l'abandon de toute préoccupation politique. Des milliers d'entre eux se sont perdus pour la révolution dans les rangs d'un PSU ou d'une CFDT aussi réformistes que les autres formations politiques ou syndicales réformistes, mais assez opportunistes pour se poser en incarnation de mai 68. D'autres, sans doute la majorité, ont rejoint le PCF. Mitterrand lui-même, et le nouveau PS, récoltèrent les fruits tardifs de mai 68, directement ou via PSU et CFDT.

En conclusion, ce furent essentiellement les partis réformiste et stalinien et les syndicats qui ont profité de « l'élévation du niveau d'organisation de toute la classe ». Les appareils syndicaux ont en outre renforcé leurs positions, mais en même temps, leur intégration, grâce aux postes supplémentaires lâchés à leur profit par la bourgeoisie et grâce à une association systématique à une « politique contractuelle ».

La classe ouvrière, elle, y a gagné quelques avantages matériels, que la bourgeoisie aura repris à une période ultérieure. Elle a gagné la mémoire collective d'une période de lutte où elle a fait reculer la bourgeoisie, et c'est certainement ce qui reste de plus positif de mai 68. Mais cette conscience collective a les limites qu'avait le mouvement de grèves lui-même, dirigées et complètement encadrées qu'elles furent par les syndicats, souvent à l'exclusion complète des travailleurs qui ont vécu la grève passivement en restant chez eux.

La classe ouvrière n'a donc pas pu acquérir, pendant cette période de montée, des habitudes d'organisation indépendante des appareils qu'elle aurait pu retrouver ultérieurement. Et, malgré l'accroissement numérique - au demeurant temporaire pour nombre d'entre eux - d'un certain nombre de groupes d'extrême gauche, il n'est pas apparu, à la faveur de la période, un parti révolutionnaire implanté ne serait-ce que dans une petite fraction du prolétariat, et reconnu comme dirigeant de ses luttes. Bien entendu, ni l'un, ni l'autre n'auraient pu ni empêcher, ni même freiner la période de recul qui s'en suivit. Mais ils auraient permis de l'affronter avec plus de moyens, et surtout de préparer une nouvelle période d'offensive de la classe ouvrière.

POINT 1 c

« Le milieu des années soixante-dix, avec l'approfondissement qualitatif de la crise économique, marqua un tournant dans la période ouverte en 1968. »

C'est incontestable. Mais curieusement le texte qui, dans le point précédent traitant de la période de mai 68 avait déjà insisté sur « la crise du mode de domination bourgeoise » laisse entendre que malgré le tournant, malgré le début d'une période de recul, cette « crise de domination » se prolonge, voire s'aggrave, puisqu'il est question « d'incapacité de la bourgeoisie à régler la succession de de Gaulle ».

Même en mai-juin 68, si l'on pouvait parler de crise de régime de de Gaulle, il était pour le moins emphatique de parler de « crise du mode de domination bourgeoise ».

Mais en parler comme d'une donnée permanente depuis 1968 signifie, comme nous le développons par ailleurs, prendre pour l'expression d'une crise de domination politique de la bourgeoisie, les fins de mandats, fins de législatures, dissolutions, nouvelles élections voire la mort naturelle d'un chef d'État en place, c'est-à-dire le fonctionnement usuel du système parlementaire. Et cela aboutirait à l'aberration de considérer le règne de Pompidou, puis de Giscard comme l'expression de l'incapacité de la bourgeoisie à régler la succession de de Gaulle, voire la manifestation de la crise durable du mode de domination bourgeois.

On peut supposer peut-être que ce n'est ni à Pompidou, ni à Giscard que les rédacteurs du texte songent en parlant d'incapacité de la bourgeoisie à régler la succession de de Gaulle (même si c'est bien cela que ce qu'ils disent signifie) mais de l'échec de Giscard face à Mitterrand et des UDF-RPR face au Parti Socialiste. Mais ce n'est pas moins puéril. Ainsi, l'alternance électorale de 1981 devient, dans l'analyse de la LCR, l'expression à la fois d'une crise de domination de la bourgeoisie et en même temps, comme il est affirmé dans ce même point 1c, celle d'une montée de « l'exigence du changement politique » de la classe ouvrière. C'est l'art de transformer les tempêtes programmées dans le verre d'eau de l'électoralisme, en une modification dans le rapport de forces entre classes.

Mais en 1981, confrontées à la crise susdite, « les directions réformistes en France, comme dans le reste de l'Europe, refusent toute perspective de déstabilisation et courent au secours d'une bourgeoisie qui n'a pas sans leur concours les moyens de sa politique » (la dite politique de la bourgeoisie étant sa volonté de passer à l'offensive pour rétablir ses taux de profit).

Eh oui, la gauche a fourni à la bourgeoisie en 1981 un moyen de sa politique. Les dirigeants politiques de la gauche sont là pour cela. Ce ne sont pas là des dirigeants ouvriers qui, parce que réformistes, trahissent ou se découragent devant les obstacles dressés par la bourgeoisie, ce sont des hommes politiques responsables devant la bourgeoisie, prêts à fournir à cette dernière les moyens de tromper les travailleurs et offrant en même temps la possibilité de cette alternance électorale sans laquelle le système parlementaire bourgeois ne serait, à la longue, plus crédible. L'arrivée de la gauche au gouvernement n'est nullement une expression d'âne crise de domination de la bourgeoisie, cela pourrait être à l'occasion un moyen de la colmater, mais c'est surtout un moyen institutionnalisé pour la prévenir.

Comment les directions réformistes se préparent-elles à courir « au secours de la bourgeoisie », comment se préparent-elles à lui donner les moyens de sa politique ?

« Ce fut le fait répond le texte des sociaux-démocrates avec la réactualisation du Programme commun ou encore, avec le rapport Moreau dans la CFDT ».

On observe que ce n'est pas dans le Programme commun du gouvernement de l'Union de la gauche lui-même que la LCR voit, du côté de la social-démocratie, le signe que cette dernière se prépare à donner à la bourgeoisie « les moyens de sa politique » anti-ouvrière, mais seulement dans la réactualisation du Programme commun. Et puis, le texte ajoute : « Cela se doubla en France des effets de la division politique et syndicale, initiée par le PCF visant notamment à enlever toute perspective d'affrontement avec les capitalistes dans l'éventualité d'une victoire électorale. »

Les élections auraient donc été porteuses de « perspective d'affrontement avec les capitalistes » ? N'est-il pas temps, quatre ans après, de cesser de ressasser ce que les événements ont amplement démenti depuis ?

Mais à supposer même un instant que cette perspective ait existé, est-ce donc la politique de division du PCF qui l'a annihilée ? N'est-ce pas une façon de laisser entendre d'une part que le PS était mieux, et en tous les cas que l'unité entre le PC et le PS était au moins une condition pour que cette « perspective d'affrontement avec les capitalistes » se réalise ? Comme l'unité électorale a fini tout de même par se réaliser, on sait comment, et on sait surtout autour de quelle politique anti-ouvrière, on a tout de même eu l'occasion de vérifier l'inanité de l'affirmation.

N'est-il pas plus conforme à la réalité de dire que : 1) la victoire électorale de la gauche réformiste, unie ou pas, n'était en elle-même porteuse d'aucune perspective d'affrontement avec les capitalistes. Seule la volonté de lutte des travailleurs, et leur méfiance de la gauche au gouvernement aurait pu ouvrir cette perspective. 2) Ni le Parti Socialiste, ni le Parti Communiste, ni unis, ni séparément, n'avaient nullement l'intention d'oeuvrer pour une telle « perspective d'affrontement avec les capitalistes ». Au contraire, ces partis allaient oeuvrer inévitablement, unis ou séparément, ouvertement ou insidieusement, dès les premières étapes d'une lutte éventuelle ou dans les étapes suivantes, pour trahir la lutte des travailleurs et pour préserver la stabilité du capitalisme.

POINT 1 d

Nous avons déjà relevé dans l'article intitulé « Il ne faut pas confondre l'arène parlementaire et électorale avec celle de la lutte des classes » du présent numéro, le passage de ce Point 1d où les rédacteurs expliquent pourquoi les luttes ouvrières prévues par la LCR après l'arrivée au gouvernement de l'Union de la gauche, ne se sont pas produites. (cf. le développement « Et c'est en cela que le parallèle avec le Front Populaire a pu fausser nos analyses » ).

En résumé, l'explication c'est que si les élections n'ont pas entraîné des luttes, c'est que « les stigmates de l'avant-mai n'ont pas disparu » , c'est que « mai 1981 se situe (...) à la crête d'un profond processus de division » .

Accessoirement, c'est une façon d'en accuser surtout le PCF, artisan de la division tout en dédouanant le PS qui lui, était pour l'unité.

Et c'est toujours la même façon de considérer les luttes ouvrières comme dépendant de ce qui se passe dans les états-majors. Mais véhiculer aujourd'hui ce fétichisme de l'unité entre PS et PC, ce n'est pas seulement faux, mais c'est dire ou laisser entendre que cette unité est une condition pour que les luttes ouvrières se développent, c'est une façon de redorer le blason de l'idée de l'Union de la gauche.

Emportés par leur plume unitaire, les rédacteurs en arrivent à affirmer des absurdités du genre suivant : « confrontée à la fois aux attaques du patronat et du gouvernement, à la division exacerbée (sic) , à la politique de ses directions et surtout à l'absence d'alternative crédible, la classe ouvrière se trouve dans une situation défensive qu'ont souligné les tests de 1983-1984 (sidérurgie, Talbot, Citroën, Charbonnages, Chantiers Navals, etc) » en oubliant que ce n'est pas la « division exacerbée » en tous les cas des partis de gauche, qui a caractérisé 1983 et la première partie de 1984, mais au contraire leur unité « exacerbée » derrière la politique du gouvernement de l'Union de la gauche. Et si les syndicats étaient divisés, c'est dans la forme et le degré de soutien au gouvernement, et c'est effectivement cette politique qui est en cause, et non pas leur « division ». (Cela eût-il été mieux pour les travailleurs, qu'ils soient plus unis derrière la politique du gouvernement alors que, dans les faits, ils l'étaient déjà bien assez...).

POINT l e

Ce Point 1e prépare surtout la profession de foi de la LCR en faveur de « l'alternative », évoquée par ailleurs dans ce numéro de la LDC. Nous relèverons donc dans ce chapitre seulement l'affirmation ci-dessous. Elle est caractéristique non seulement des positions de la LCR, mais surtout, d'une façon de raisonner, qui se retrouve tout au long de ce texte sur la période, qui se veut une analyse de la réalité, analyse sur la base de laquelle la LCR est censée prendre ses positions.

Après avoir évoqué le potentiel dont dispose encore la classe ouvrière pour engager la riposte, le texte continue : « De plus, la faillite des organisations réformistes et de leurs projets, comme l'expérience de la gauche aux affaires, favorisent l'apparition d'éléments de recomposition du mouvement ouvrier. De façon encore embryonnaire et éclatée, des dizaines de milliers de travailleurs et de militants cherchent le chemin d'une alternative de classe à l'impasse présente ».

La première affirmation pourrait passer comme un souhait. Elle pourrait encore, à la rigueur, être acceptée comme une hypothèse, parmi d'autres, évoquant une évolution future possible, que cependant rien dans la réalité du présent ne confirme encore. Mais si dans la première affirmation, « l'apparition d'éléments de recomposition » n'est encore que « favorisée » dans la deuxième phrase, c'est une certitude. Et même une certitude chiffrable et chiffrée, puisque les rédacteurs du texte voient, de leurs yeux voient, des « dizaines de milliers de travailleurs » et même de « militants » (des dizaines de milliers toujours ?) qui « cherchent le chemin d'une alternative de classe » .

Comment affirmer des choses pareilles ? en conclusion de ce survol de l'analyse de la situation faite par le texte « les travailleurs et le choc social de la crise » nous n'aborderons pas les points 2 et 3 dont la discussion recouperait des problèmes évoqués ailleurs - disons que, indépendamment des divergences politiques qui sont dans l'ordre des choses, ce qui rend le commentaire et la discussion de ce texte difficiles, c'est qu'on a l'impression désagréable, que ces analyses ne sont pas faites pour une étude soigneuse et lucide de la réalité et afin d'éclairer les tâches et d'aboutir à des conclusions politiques. au contraire, « l'analyse » bien souvent, sans aucun rapport avec une réalité observable, ne semble être écrite que pour justifier la politique choisie.

C'est une façon imparable de faire concorder la réalité avec les conclusions politiques que l'on en tire, tant qu'on ne fait de la politique que sur le papier, dans les programmes, thèses, projets et articles. Mais ce type de démarche rend les révolutionnaires totalement inaptes à intervenir dans et sur la réalité de la classe ouvrière et de ses combats futurs.

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