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Contre la guerre des trusts soutenus par leurs États : le socialisme à l'échelle du monde !
Lors de sa campagne électorale de 1974, Giscard avait péremptoirement affirmé qu'il faudrait « moins de 30 mois pour obtenir un retour à l'équilibre économique du pays ».
En juin 1974, il se donnait « un an pour réduire de moitié le déficit commercial et des deux tiers la hausse des prix ».
Un an plus tard, il affirmait « nous sommes en train de vaincre l'inflation » et en décembre 1978, il reconnaissait « à quelques signes » (c'était déjà plus vague) « que cette crise commence à refluer lentement, comme une inondation qui se retire ».
Aujourd'hui, l'inondation est toujours là et s'il y a quelque chose qui baisse, c'est le pouvoir d'achat de la population laborieuse.
Les prix continuent à grimper exactement au même rythme qu'en 1974 (13,6 % en 1980 contre 13,7 % en 1974). Le chômage qui touchait 640 000 personnes en 1974 a passé en 1977 le cap du million de chômeurs et cette année celui du million et demi pour atteindre aujourd'hui un million 600 000 personnes, selon les chiffres officiels, dont tout le monde sait qu'ils sont sous-estimés.
Et ce n'est pas fini ! Les économistes nous promettent 1 900 000 chômeurs officiels pour la fin de l'année... si tout va bien ! C'est-à-dire si la production industrielle en recul depuis les six derniers mois reprend tout doucement. Si la crise de l'automobile ne prend pas soudain des allures de catastrophe, avec arrêt brutal de la production, licenciements massifs et faillites en chaîne.
En somme, les plus optimistes prévoient que nous nous enfoncerons à vitesse modérée dans le marasme économique. Les plus pessimistes préfèrent ne pas faire de pronostics car ils savent bien que la brutalité du cataclysme, s'il se déchaîne, peut amener en quelques semaines un effondrement complet de la vie économique, des millions de chômeurs, un recul considérable du niveau de vie.
C'est dire que la crise est là et bien là.
Mais chacun a tout de même sa solution miracle à proposer.
Pour Chirac, il faudrait diminuer les impôts des entreprises et le nombre de fonctionnaires pour juguler l'inflation.
Pour Mitterrand - du moins si son opinion est celle exprimée dans le Manifeste du Parti Socialiste - il « faut réveiller les forces assoupies de la France ».
Pour Marchais, il faut « produire français » pour redonner à l'industrie française sa place dans le monde.
Pour Giscard, il faut faire des économies d'énergie et accepter de consommer moins pour sortir le pays de la crise.
Chacun a sa solution, nationale, bien sûr, pour juguler la crise. Elles sont plus absurdes les unes que les autres, et pour cause ! La crise est mondiale et il n'existe aucune solution nationale pour en sortir.
La seule question qui se pose, c'est : qui va payer la facture ? Les patrons ne veulent pas la payer, eux. Les économies, c'est sur le dos des travailleurs qu'ils veulent les faire, qu'ils ont déjà commencé à les faire, en faisant croire aux travailleurs qu'ils ont intérêt à accepter les sacrifices demandés pour sauver l'économie nationale du désastre.
Tous ces rebouteux de droite comme de gauche qui prétendent sauver l'économie nationale ne font que venir à la rescousse des intérêts des patrons.
L'intérêt des travailleurs est tout autre. L'intérêt des travailleurs est de refuser la compétition internationale où on veut les entraîner. C'est de se refuser de se sentir solidaires de leurs patrons, qu'ils soient français ou étrangers, c'est de s'allier avec les travailleurs des autres pays pour faire payer aux capitalistes, et à eux seuls, la crise de leur système.
Si la crise s'aggrave, si la production diminue, les grands trusts se jetteront avec plus de violence encore sur les richesses de la société, essayant de réduire la population à la misère pour se maintenir, eux, aux moindres frais dans la tourmente.
Il faut que ce soient les travailleurs qui mettent la main sur toutes ces richesses, ces richesses qu'ils ont produites, et qu'ils s'en servent, non seulement pour ne pas faire les frais de la crise, mais pour réorganiser l'économie de la planète afin de débarrasser pour toujours l'humanité des crises et des guerres.
Ponctions dans le niveau de vie de la population
Aujourd'hui, les grands trusts se livrent à une guerre économique sans merci pour ne pas se faire éliminer du marché. Dans cette guerre ruineuse, à coups de dizaines de milliards, ils reçoivent l'aide massive des États à leur service dans tous les pays.
En France, comme ailleurs, cette politique au service des grands trusts c'est, d'ores et déjà, la population laborieuse qui en fait les frais, puisqu'il s'agit de diminuer la part de richesses qui revient aux travailleurs pour alimenter les caisses des plus grandes entreprises.
Cette ponction dans le niveau de vie de la population s'effectue de différentes façons.
L'impôt pèse de plus en plus lourd sur les travailleurs, à la fois en valeur absolue, et relativement aux impôts que paient les sociétés. En effet, alors que l'État a besoin de ressources accrues pour intervenir dans la vie économique, il accorde toute une série d'avantages fiscaux aux sociétés. Si bien que la part de ces dernières dans les rentrées de l'État n'a cessé de diminuer.
D'après l'ouvrage de Philippe Herzog et Jean-Claude Gayssot, intitulé Cartes sur table et édité par le PCF, celles-ci versaient 33,12 % du total des impôts directs en 1971 et seulement 25,46 % en 1978. Un ouvrage de l'économiste Bertrand Bellon, Le pouvoir financier et l'industrie en France, souligne la même tendance et rapporte qu'entre 1959 et 1975, le rendement de l'impôt sur le revenu a été multiplié par 9,3 alors que celui de l'impôt sur les sociétés ne l'était que par 5,5. Et Bertrand Bellon explique comment, depuis 1959, les réformes fiscales se sont succédé qui tendent à exonérer chaque fois davantage les grosses sociétés (parmi ces réformes figurent, entre autres, la création de l'avoir fiscal, des diminutions d'imposition des plus-values, des exonérations diverses).
La part pour laquelle l'ensemble des entreprises privées contribuent aux dépenses publiques est d'autant plus faible qu'une proportion croissante de ce qu'elles paient globalement sous forme d'impôts retourne dans les caisses de certaines d'entre elles sous forme de subventions.
D'après les chiffres cités en janvier dernier dans un article du Nouveau Journal intitulé « L'entreprise privée, bête de somme et vache à lait de l'État », qui ne peut guère être soupçonné de minimiser ce que le secteur privé paie réellement, un rapide calcul montre qu'en 1974 l'État consacrait au privé, sous forme de subventions, 30 % de ce que le secteur privé avait versé sous forme d'impôts. En 1976, la proportion atteignait 50 % et en 1979, 65 %.
Le gouvernement laisse les prix libres de grignoter le niveau de vie de la population laborieuse, et en la matière les industriels et les grandes sociétés commerciales sont passés maîtres dans le racket des consommateurs. Par exemple, on peut constater que si la hausse des cours des matières premières est répercutée sur les consommateurs, leur baisse ne l'est pas le plus souvent. Quel est le consommateur par exemple, qui aurait pu s'apercevoir en faisant son marché que les cours mondiaux du café avaient baissé de 30 % entre mai et octobre de l'an dernier, ou que ceux du cacao avaient également chuté de 30 % à la fin 80 ? Pas un, bien sûr, et pour cause ! Le cours du caoutchouc n'a, lui, baissé que de 20 %, c'est sans doute pour cela que le prix des pneus, lui, a augmenté de 10 % !
L'État donne d'ailleurs l'exemple des augmentations puisque le prix des services publics augmente bien plus vite encore que l'inflation (19 % en 1980). Les économies tant prônées, c'est dans les services publics que l'État a décidé de les faire. Il ne veut plus subventionner leur déficit, il les veut rentables, c'est l'opération « vérité des prix » qui consiste à faire payer les usagers des PTT, de la RATP ou de la SNCF toujours plus cher, pour un service bien souvent moindre.
La « rationalisation » capitaliste : produire plus, avec moins d'ouvriers
Mais là où les conditions de vie de la classe ouvrière sont particulièrement atteintes, c'est par le biais du chômage. Les chômeurs qui n'ont plus droit aux indemnités - et ils sont maintenant officiellement plus de 500 000 (puisqu'en janvier 1981 il y avait officiellement 1 680 300 demandeurs d'emploi, et seulement 1176109 chômeurs indemnisés) - les jeunes qui ne trouvent pas de travail, sont à la charge de leurs proches. Par le biais du chômage, du chômage technique, des déclassements, c'est le niveau de vie de toute la classe ouvrière qui est de plus en plus nettement entamé.
Et pendant que deux millions de personnes sont inoccupées, celles qui ont un emploi sont surexploitées. C'est que, productivité oblige, les patrons veulent sortir la même production avec moins de bras. Dans l'industrie, les cadences s'accélèrent, les conditions de travail s'aggravent, l'insécurité grandit.
En 1978-1979, la production industrielle augmentait de 3 % alors que les emplois diminuaient de 2 %. Dans la sidérurgie, des dizaines de milliers de travailleurs ont été licenciés et la production sort dans des conditions très dures. En 1980, la production de la sidérurgie était la même qu'en 1970 avec 25 % du personnel en moins. Et encore ça ne suffit pas aux patrons dont l'objectif est de rattraper la productivité de la sidérurgie allemande : mettre moins de six heures par tonne d'acier. Ils ont déjà réussi à gagner deux heures, mais il leur faut en gagner encore une, et ils prévoient de nouveaux licenciements.
Ainsi tout le poids des efforts de compétitivité des patrons retombe sur les travailleurs.
De beaux jours sont promis aux travailleurs de l'automobile si les patrons, qui lorgnent avec tant d'envie vers le Japon, s'avisent d'imposer aux travailleurs, dont la productivité en France serait de 12 voitures par an, la productivité japonaise qui serait, paraît-il, de 32 voitures par an !
La politique des patrons et de l'État va dans le même sens. Par le chômage, l'inflation, par une fiscalité plus lourde, ils effectuent une ponction dans le niveau de vie de la population laborieuse pour remplir les coffre-forts des bourgeois. Déjà l'addition est lourde pour les travailleurs, mais elle peut s'alourdir plus encore demain, si l'État ne paie plus les indemnités chômage, si les patrons décident d'économiser le versement des cotisations sociales, si l'État rogne encore les crédits pour les services publics et les laisse se dégrader, s'il ferme des hôpitaux. C'est exactement à cela que bourgeois et gouvernants pensent quand ils parlent de faire des économies.
Car pour le reste, l'argent coule à flots.
Les finances de l'état au secours des capitaux privés
Tous les moyens que l'État concentre ainsi entre ses mains sont mis à la disposition de quelques gros trusts par le biais de multiples aides et subventions, par le biais des commandes d'État, grâce aussi aux crédits accordés à des pays tiers pour qu'ils passent commande aux entreprises françaises.
L'aide directe de l'État aux entreprises sous forme de subventions, de prêts divers, pratiquement à fonds perdus, de prise de participation dans les entreprises en difficulté, pour être importante, n'est donc qu'une partie de ce que l'État fait en leur faveur.
Depuis 1976, rien qu'à titre d'aide directe, ouvertement avouée, une quinzaine de milliards sont versés chaque année à l'industrie. Pour l'année 1980, cela équivaut à la moitié du déficit budgétaire qui est de 32 milliards. Toujours en 1980, l'ensemble des aides ouvertes de l'État aux diverses branches de la vie économique représentait 90 milliards (rappelons que le budget total de l'État est de 520 milliards et que ce chiffre de 90 milliards ne comprend évidemment pas les commandes de l'État à l'industrie privée). Ce n'est donc pas négligeable et on voit que ce n'est pas en tout cas sur ces subventions diverses à la bourgeoisie que l'État a l'intention d'économiser.
Bien au contraire. Tous les prétextes sont bons pour venir à la rescousse des entreprises : parmi des dizaines et des dizaines d'aides à titre différent, citons l'aide à la recherche et à l'innovation, l'aide à la création d'emplois, l'aide à l'exportation, l'aide aux secteurs en mutation, l'aide aux secteurs en progrès, etc.
Il y a même des aides d'un montant global de 400 millions pour les entreprises qui se reconvertiraient à l'utilisation du charbon ou qui installeraient des dispositifs permettant d'économiser l'énergie, car le gouvernement est prêt à payer les patrons pour qu'ils installent des dispositifs qui, de toute façon, leur seront quasi immédiatement rentables.
« Si j'avais le temps, raconte un petit industriel de Provence à un journaliste du Nouvel Économiste (n° du 5 juin 1978), je passerais ma semaine à ramer pour obtenir des aides de l'État. Et j'arriverais à décrocher une subvention au titre du travail manuel, une autre pour l'énergie solaire, un encouragement à l'exportation, une aide spéciale rurale, etc. » .
Cet industriel oublie sûrement une aide pour les économies d'énergie mais sa boutade montre qu'il connaît bien l'État et voit bien à qui cela va. La différence avec le gros industriel, c'est que ce dernier n'a même pas besoin de ramer !
La liste des aides s'est tellement allongée et les organismes chargés de les accorder se sont tellement multipliés, que certains bourgeois eux-mêmes ne s'y retrouvent plus et réclament une simplification. Les plus grandes entreprises, elles, s'y retrouvent très bien et empochent la plupart des milliards ainsi distribués sans qu'il soit possible de savoir ce que chacune d'elle a touché exactement.
Le montant réel et la répartition de l'argent de l'état aux trusts : un secret bien gardé
C'est ainsi que par exemple, lors de l'examen du budget 77, le gouvernement a refusé de fournir à une commission parlementaire une fiche détaillée sur chacune des opérations ayant donné lieu les années précédentes à l'octroi d'une prime supérieure à 3 millions de francs ou 2 millions de francs selon les types d'aide. Environ 60 députés ont demandé au Conseil constitutionnel de déclarer ce refus anticonstitutionnel. Mais cette demande a été rejetée. Ceci au nom du respect du secret des affaires et du droit du gouvernement de prendre seul des mesures individuelles.
Individuelles, sans doute, les mesures qui consistent à verser des milliards pour les industriels !
Aucun contrôle non plus sur ce à quoi ces aides sont utilisées, même si elles sont rentables ! Et pour cause. Tous les systèmes d'aides admettent que dès que l'octroi a été accepté, l'entreprise conserve le bénéfice complet de la subvention quoiqu'il arrive par la suite.
Même le personnel de la bourgeoisie se fait taper sur les doigts quand il fait preuve de curiosité.
En janvier 1979, Hervé Hannoun, inspecteur des finances chargé par le gouvernement d'analyser les caractéristiques et les effets des aides à l'industrie remettait son rapport. Celui-ci n'a jamais été publié. Seuls quelques extraits sont parvenus à la presse et onze mois plus tard le ministère de l'économie publiait une version revue, corrigée et... édulcorée.
C'est-à-dire qu'il est impossible de donner des chiffres sûrs et précis. A titre indicatif, on peut citer ce qui a pu transpirer du rapport Hannoun et qui concerne l'année 1976.
L'essentiel des aides à neuf grandes entreprises
Les aides d'un montant de 15 milliards à l'industrie se répartissaient ainsi : 9,5 milliards d'aide à des secteurs précis (dont 2,2 à l'aéronautique, 2,4 aux Charbonnages, 1,1 à la construction navale, 1,2 à l'électronique et à l'informatique, 1 au nucléaire, 1,3 à la sidérurgie) et 5,6 milliards d'aides diverses dont 4 milliards d'aide à l'exportation.
Le rapport précisait que « les 9 principaux bénéficiaires recueillaient environ 56 % des aides à l'industrie » , sans citer de noms. Il a été aisé aux journaux économiques d'en dresser la liste : il s'agissait de trois entreprises publiques : la SNIAS, les Charbonnages de France, le CEA, d'une entreprise avec capitaux privés et d'État, CII Honeywell Bull, ainsi que d'entreprises privées, Dassault, CGE, Thomson, Empain-Schneider, Alsthom-Atlantique. Mais personne n'a jamais pu savoir ce que chacune avait touché.
Et le montant de ces aides officielles n'est que le petit bout de l'iceberg. Le transfert de fonds publics à l'industrie privée emprunte bien d'autres voies plus difficiles à suivre.
Par exemple, la voie détournée de l'aide aux pays tiers qui permet en fait à ceux-ci de passer commande à des entreprises françaises. Pour ne citer qu'un exemple, lors de son récent voyage à Paris, le président brésilien Figueiredo s'est vu accorder des prêts d'un montant total de 10 milliards grâce auxquels il s'est immédiatement engagé sur 4,5 milliards de contrats. Là encore, c'est la collectivité qui paie et ce sont quelques firmes, toujours les mêmes, qui empochent.
On peut rapprocher de ce type d'aide les subventions versées par l'État à des entreprises françaises pour leur permettre de décrocher des marchés étrangers. C'est ainsi que les Chantiers de l'Atlantique ont reçu une aide de 70 F par heure de travail (c'est-à-dire plus dans la grande majorité des cas que le montant du salaire et des charges sociales des ouvriers concernés) pour construire en 1980, 4 navires polonais.
Le budget militaire, un pactole pour quelques marchands d'armes
Mais l'un des aspects les plus importants de l'action de l'État, ce sont ses commandes. Une partie du budget des différents ministères est consacrée à payer les commandes dont l'essentiel va aux mêmes grandes entreprises. Combien de milliards sur la centaine que compte, par exemple, le budget de la défense, se retrouvent finalement dans les poches des grands trusts privés, Dassault et autres Thomson, au titre non plus d'aides mais de juteuses commandes de matériel militaire.
En effet, l'industrie de guerre en France pour une part dépend directement du ministère de la Défense en ce qui concerne la Direction Technique des Constructions Navales qui dirige l'activité des arsenaux (6 milliards de chiffre d'affaires) et le Groupement Industriel des Armements Terrestres qui construit chars, canons et armes légères (4 milliards de chiffre d'affaires) et pour l'autre part, la plus importante, 15 milliards de chiffre d'affaires, elle est aux mains de grands groupes à capitaux publics ou privés comme la SNIAS, Dassault, Matra, SNECMA, Thomson-CSF et, parmi elles, ce sont bien souvent les sociétés privées qui tirent la couverture à elles.
Par exemple, Dassault sous-traite parfois les opérations les moins rentables à la SNIAS, société à capitaux publics. C'est ainsi que pour la construction du Mystère 20, le PDG de la SNIAS avouait : « les modalités suivant lesquelles le premier contrat (avec Dassault) avait été accepté étaient en fait inacceptables. Je suis désolé de le dire, mais c'est connu.
Comme bien des avions que lance Dassault, le prototype du Mystère 20 était un avion bâclé à toute allure qui ne répondait pas aux besoins du marché. Or, Sud Aviation avait signé le premier contrat sur des données incomplètes, sans avoir les dessins, sans posséder les données technologiques de production ( ... ). Ce programme étant lancé, il est apparu que l'avion ne pouvait être placé sur le marché américain qu'avec de sérieuses modifications. » En attendant, le Mystère 20 avait bénéficié, en 1976, de 46 millions de francs d'aides !
Un rapport parlementaire d'avril 1977 sur l'aide de l'État à l'aéronautique montre que cette affaire n'était pas la seule du même genre à mettre au compte de Dassault. Elle met en évidence, par ailleurs, que le plus drôle dans l'histoire - si l'on peut dire - c'est que, toujours pour ce Mystère 20, alors que Dassault s'était déchargé sur la SNIAS de 56 % du travail, il avait empoché 36,7 millions de subventions pour n'en laisser que 9,3 à la SNIAS !
En 1980, plus de 5 milliards ont été affectés à la construction de nouveaux bâtiments pour la seule flotte de guerre. Jusqu'ici, les bâtiments étaient construits dans les arsenaux d'État. Mais il est de plus en plus question de recourir aux chantiers privés. De toute façon, c'est encore la SNIAS, Matra et Thomson-CSF qui fournissent l'armement des bateaux, armement qui peut représenter dans un navire de combat 70 % de son prix.
Les investissements des services publics : lorsqu'on invoque les intérêts des usagers, pour satisfaire ceux des trusts
Ce qui est vrai pour les équipements militaires, l'est aussi pour le reste et ce n'est pas un hasard que depuis la crise, les entreprises nationales (EDF-GDF, SNCF, Charbonnages de France, RATP, AIR-FRANCE, AIR-INTER, PTT) se sont lancés dans des investissements de plus en plus coûteux, 37,6 milliards de francs en 1979. L'État n'en paie qu'une partie, mais les entreprises publiques empruntent et s'endettent pour fournir à l'industrie un' marché gigantesque et sans risques.
Ces dernières années, les commandes des PTT aux quelques très grosses entreprises de matériel téléphonique et de matériel de tri, comme Thomson, ou CGCT (alias ITT) ont représenté et représentent encore un marché énorme. D'après l'Usine Nouvelle du 26/10/78, les commandes de l'État auraient atteint 110 milliards de francs au cours du seul VIe plan qui ne couvre qu'une partie du projet de modernisation. Et l'on peut dire que toute cette masse d'argent aura moins servi à améliorer le fonctionnement de ce service public - même s'il a contribué à sa rénovation - qu'à fournir un marché sans risque aux sociétés fabriquant le matériel, à leur permettre de rentabiliser un matériel qu'ils tentent maintenant d'exporter à des prix compétitifs avec plus ou moins de succès d'ailleurs.
Remarquons, par exemple aussi, que la SNCF a investi 7,5 milliards dans le train à grande vitesse, mais qu'elle supprime de nombreuses lignes secondaires pour faire des économies au détriment du public. Pelissier, le directeur de la SNCF, situait bien les responsabilités de la SNCF vis-à-vis du privé quand il déclarait en mai dernier : « La SNCF contribue aussi, bien évidemment, au soutien de l'activité économique générale en raison du volume des marchés qu'elle passe et qui, pour les seuls investissements, représentent 7 milliards par an. Pour certaines entreprises et notamment pour l'industrie du matériel ferroviaire, dont nous sommes avec la RA TP les seuls clients nationaux, il s'agit d'un flux de commandes essentielles à leur équilibre, et nous nous efforçons d'assurer, de manière rationnelle et harmonieuse dans le temps, le plan de charge de nos fournisseurs » .
Le programme nucléaire de l'EDF est certainement l'exemple le plus frappant des investissements énormes du secteur public pour le plus grand profit du secteur privé. Il représente à lui seul plus de la moitié des investissements des entreprises nationales, une vingtaine de milliards par an, rien que pour la construction de centrales, dont Framatome qui fait partie du groupe Empain-Schneider a la charge.
L'EDF s'endette chaque année un peu plus pour ce programme, évalué il y a quelques années déjà par la CFDT à près de 300 milliards au total et qui s'étend jusqu'en l'an 2000. C'est ainsi qu'en 1980, EDF a encore emprunté 23 milliards alors qu'elle serait déjà en dette de 100 milliards, dont une partie auprès des banques américaines.
L'objectif officiel du programme serait de fournir en l'an 2000 de l'énergie à bon marché qu'on n'aura pas besoin d'importer.
Du simple point de vue de la rentabilité financière les calculs sont complètement aléatoires car, qui peut dire, dans vingt ans, combien le programme aura réellement coûté ? Combien vaudront respectivement le pétrole, le charbon et l'uranium ? Où en sera l'énergie solaire ou géothermique ?
Mais ce qui est sûr, c'est qu'à l'heure actuelle, alors même qu'on nous dit qu'il faut faire des économies, l'État et l'EDF se lancent dans des dépenses colossales qui n'ont d'autre but réel que de permettre à quelques sociétés d'empocher des bénéfices énormes.
Concorde, airbus et les autres...
L'industrie aéronautique illustre bien le rôle de ces grands programmes mis en oeuvre par l'État au profit de quelques gros trusts.
Il y a eu, dans le passé, le programme Concorde qui a coûté au budget de l'État 15 milliards de francs et qui est toujours si peu rentable que l'État doit verser des subventions à Air France pour compenser les pertes d'exploitation de Concorde. Chaque passager coûte à l'heure actuelle 11 800 F, la consommation en carburant par passager étant quatre fois plus importante que pour un Boeing.
Il y a aujourd'hui le programme Airbus dont on nous dit que c'est un véritable succès. Le dernier conseil de ministres s'en est félicité une fois de plus. Pensez donc, les commandes... et les espoirs de commandes s'élèvent à 460 appareils ! Malheureusement, Jacques Mitterrand, le PDG de la SNIAS qui les fabrique en coproduction avec d'autres pays européens et les USA, affirme, selon le Canard Enchaîné, que c'est seulement à partir du 700e appareil vendu que la SNIAS commencera à rembourser les avances que lui consent l'État !
En fait, l'industrie aéronautique est un véritable gouffre à milliards. Le journal Les Échos chiffrait en mai dernier le montant des aides publiques à l'aéronautique à 63 milliards pour les 9 années précédentes et précisait : « L'État dépensera 5 milliards de francs au cours des 5 prochaines années pour la seule part française du programme Airbus et autant pour le moteur franco-américain CFM 56 de 10 tonnes de poussée » , dont le journal précisait, par ailleurs, que le marche civil tardait à se dessiner !
Les Échos justifiaient ainsi ces mises de fonds publiques : « L'importance des capitaux nécessaires au développement d'un nouveau programme et, surtout, les quelque dix ou quinze ans nécessaires pour que, en cas de succès commercial, il devienne rentable, rendent obligatoire l'apport de l'État » . Si Airbus rapporte un jour à la France en termes financiers plus qu'il ne lui a coûté, ce ne sera pas avant 1990, vingt ans après le lancement du programme !
Le programme Airbus est présenté comme le symbole même des résultats « satisfaisants et même brillants » de l'industrie aéronautique française. La production de cet avion rapporte déjà aux entreprises qui ont participé à sa fabrication, et il n'y a pas que l'entreprise nationalisée qu'est la SNIAS. Mais elle rapporte grâce à l'apport de l'État, grâce à l'apport des contribuables.
Ne parlons même pas des multiples programmes qui ont capoté, et ont été abandonnés une fois les subventions empochées, parce que le projet s'avérait non rentable. Dassault en aurait plein les tiroirs de ces échecs-là, mais cela lui a rapporté gros, et il n'est pas le seul.
Les journaux économiques font en ce moment, paraît-il, le bilan du plan de développement de l'informatique qui était, disait-on, destiné à mettre sur pied une informatique française compétitive. Ils se demandent si leur beau plan n'est pas un relatif fiasco, mais en attendant, d'après un article de l'Expansion du 21 mars 1980, c'est 1,2 milliard de subventions et 4 milliards de commandes qu'il a engloutis pour les profits de CII-Honeywell Bull.
Voilà donc quelques exemples qui sont loin d'être exhaustifs, sur le rôle que joue l'État pour drainer les richesses de la société vers quelques grands groupes capitalistes.
L'argent de l'état utilisé non pour créer des emplois mais pour en supprimer
On a vu que le gouvernement cache soigneusement le montant total de ce que ces grandes entreprises reçoivent grâce à son action. Mais il se revendique de cette action. Giscard annonçait en décembre 1974 : « Face à la compétitivité internationale plus difficile, il est indispensable de muscler l'économie française. Ceci vient d'être décidé dans les secteurs de l'automobile grâce à des prêts remboursables. Ceci devra être fait dans d'autres secteurs, chaque fois que nous devrons améliorer notre position compétitive pour défendre l'activité et l'emploi. »
En fait d'emplois, si Giscard voulait créer des emplois utiles, l'État aurait, avec tous ces milliards qu'il distribue largement, de quoi embaucher dans les services publics.
Car des fonctionnaires il n'y en a pas trop. Oh, il y a assez de policiers et de militaires. Mais on manque d'enseignants, on manque de postiers, on manque de personnel hospitalier.
Pour donner une idée des possibilités financières de l'État en la matière, les 90 milliards de subventions directes distribuées en 1980 permettraient d'embaucher un million de personnes à 4000 F par mois puisque le coût des salaires et charges sociales par an reviendrait à 84 milliards.
Mais là n'est pas le rôle de l'État. Son rôle, c'est au contraire de faire accepter des sacrifices à la population. Et pour cela, les gouvernants nous répètent que c'est pour le bien de tous qu'il faut aider les entreprises à ne pas se faire éliminer par la concurrence. Ils nous disent que pour renforcer leur compétitivité, il faut accepter quelques licenciements indispensables, mais que, grâce à l'aide de l'État, elles vont investir et créer de nouveaux emplois. Ils nous disent qu'il faut les aider à exporter pour qu'elles conservent voire améliorent leur place sur le marché mondial et ramènent des devises. Bref, ils prétendent que ce n'est pas à notre industrie menacée qu'il faut demander des sacrifices si on ne veut pas courir à la banqueroute générale. Par contre, ils nous promettent que si la population accepte quelques sacrifices temporaires, ils ne seront pas inutiles car ils permettront de préserver et même de préparer l'avenir.
Voilà le raisonnement que les patrons et les gouvernants nous tiennent à longueur d'année.
Quel mensonge ! Car tous ces milliards donnés aux grandes entreprises le sont à fond perdu. Ils ne servent qu'à une chose : remplir les coffre-forts des trusts, maintenir leurs profits, leur part du gâteau malgré la crise. Mais c'est tout.
Il ne faudrait pas croire par exemple que les aides à la recherche sont effectivement consacrées à la recherche. C'est surtout de l'argent frais bon à prendre, et Hannoun notait dans son rapport par exemple que : « les aides publiques à la recherche chez Thomson, reconduites d'année en année avec une remarquable régularité, tendent à devenir un état permanent indispensable à l'équilibre de l'entreprise compensant sa rentabilité insuffisante. Chez CIT-Alcatel, les dépenses de recherche sont financées à près de 90 % par l'État » . Et il ajoute ; « dans certains cas, les administrations dispensatrices de soutien public ne sont pas à même de contrôler avec précision la pertinence des budgets de recherche qui leur sont présentés, opération par opération, programme par programme » .
Il ne faudrait pas croire non plus que les aides à la création d'emplois servent à créer des emplois. Le rapport Hannoun déjà cité remarquait que : « dans de nombreux cas les emplois dont la création a fait l'objet de primes publiques sont supprimés, parfois avec l'aide de l'État, au nom de l'adaptation professionnelle ou de la prise en charge du chômage partiel » . Ça, ce sont les petites astuces des patrons. Mais de toute façon les faits sont là. Les milliards versés à la sidérurgie n'ont pas créé un seul emploi. Au contraire n'était-ce pas plutôt une véritable prime au licenciement puisque l'État versait des milliards au moment même où les maîtres des forges se débarrassaient de dizaines de milliers d'ouvriers.
Les dizaines de milliards qui aboutissent dans les coffres des grands groupes non seulement ne créent pas d'emplois, mais n'empêchent pas ces groupes de licencier. Et milliards ou pas, le chômage se développe.
L'État a beau venir de toutes ses forces à la rescousse des grands trusts, il a beau avec l'aide des banques mobiliser les richesses de la société au service des grandes entreprises, rien n'y fait, l'activité économique ne repart pas.
C'est au prix d'une diminution du niveau de vie de la population, d'un endettement considérable de l'État et des banques que l'État parvient à maintenir artificiellement les profits des entreprises. Mais il ne peut enrayer la crise qui continue à s'approfondir.
Malgré ses moyens l'état n'a aucune prise sur la crise
Gouvernement et patrons voudraient nous faire croire que ce n'est qu'un mauvais moment à passer et que les sacrifices d'aujourd'hui préparent un avenir de prospérité. Mais quels mensonges là aussi. Nous ne sommes peut-être qu'au début de la crise. Nous l'avons vu, les économistes ne se risquent plus à prévoir la sortie du tunnel et demain la crise peut prendre une forme bien plus violente. Tous les milliards passés, présents et à venir versés aux grands trusts ne seront alors plus qu'une goutte d'eau dans la débâcle.
Les bourgeois le savent bien, mais c'est la seule politique possible. C'est celle de Barre et de Giscard en France. C'est celle de Reagan comme celle de Carter. C'est celle de Margaret Thatcher en Angleterre. Mais c'est aussi celle du socialiste Schmidt en Allemagne comme c'était hier celle du travailliste Callaghan en Angleterre, comme ce sera celle de Mitterrand, demain, s'il est élu. Quels que soient les gouvernements, c'est la même politique.
Mais la crise de leur système entraîne un tel gâchis, un tel gaspillage, une telle régression de la production que tous les milliards des États n'y suffiront pas. Tout le système court à la faillite.
En renforçant leur compétitivité, les entreprises ne surmontent pas la crise, elles exacerbent la concurrence qui l'a engendrée
Alors non ! Il n'y a pas de raison d'accepter des sacrifices pour ce système en faillite. Les sacrifices que les travailleurs font aujourd'hui, et qui permettent aux États de jeter de l'argent par les fenêtres, préparent les catastrophes de demain. Ils permettent aux grands trusts de continuer à mener leur guerre économique, les uns contre les autres, une guerre économique ruineuse pour la société, et qui est, précisément, la cause même de la crise.
Ne voit-on pas, aujourd'hui que le marché de l'automobile est saturé, les entreprises géantes, parmi les plus grandes du monde, que sont les entreprises automobiles, se livrer à une guerre accrue pour se voler les marchés ? Au moment où le marché se rétrécit, c'est à qui vendra plus, des trusts américains, japonais ou européens. Tous vont licencier des travailleurs pour être plus compétitifs, pour produire encore plus vite des voitures dont personne ne voudra, et qui iront peut-être à la casse avant d'avoir même servi. Et tant qu'ils le pourront, les États verseront des milliards à ces grands trusts pour maintenir, envers et contre tous, leurs profits. C'est une guerre d'usure, ceux qui tiendront le plus longtemps, qui ne se seront pas effondrés au cours de la crise pourront ensuite s'accaparer les marchés des autres. Inutile de dire que dans cette guerre à mort, les entreprises françaises, et l'État français qui est derrière, ne font pas le poids.
Un trust comme General Motors, cinq fois plus puissant en chiffre d'affaires que Renault ou Peugeot, avec toute la puissance de l'État américain pour le soutenir se lance d'ores et déjà, alors même que ses ventes ont diminué de plus de 20 % cette année, dans un programme gigantesque qui comprend, en particulier, la construction d'une demi douzaine d'usines de montage de 500 millions de dollars (plus de deux milliards de francs) chacune. A la pointe de l'automation, de multiples opérations y seront effectuées par des robots et General Motors espère ainsi augmenter sa productivité d'au moins 50 % d'ici 1990. Cet impressionnant programme, chiffré pour l'instant par les dirigeants de la General Motors à 40 milliards de dollars (200 milliards de F), a pour objectif de redonner à General Motors d'ici dix ans une suprématie incontestée sur le marché mondial. Mais toute l'opération est un gigantesque pari, le pari que, dans dix ans, General Motors pourra vendre encore plus de voitures, et les vendre plus cher, que jusqu'ici. Mais personne ne peut prévoir les capacités du marché d'ici là. Personne ne peut même savoir si ces installations ne seront pas démodées avant même d'avoir servi.
Ce n'est pas la folie des grandeurs qui pousse General Motors, c'est la folie du système. Et tous les constructeurs automobiles vont, dans les années qui viennent, se lancer dans la même course effrénée, avec plus ou moins de moyens, mais au détriment de l'ensemble de la société.
Les voilà les solutions de la bourgeoisie.
Et pourtant, ce qui serait nécessaire, ce qui serait utile, face à la crise c'est, non pas une rivalité accrue, non pas une concurrence ruineuse, mais le recensement des besoins à l'échelle du monde et l'organisation de la production en fonction des besoins. Produire des voitures n'est pas un but en soi. On peut en produire moins, des plus solides qui durent plus longtemps. On peut produire davantage de moyens de transport en commun, bien plus économiques et dont on sait bien qu'ils sont insuffisants même dans les pays industrialisés. Et si les pays industriels sont saturés de voitures individuelles, on pourrait utiliser l'industrie automobile mondiale pour produire des équipements de base qui manquent à l'immense majorité de l'humanité : tracteurs, camions, ambulances, moyens de transport en commun, etc.
Ce serait logique, utile, et cela permettrait de mieux vivre partout. Mais voilà, c'en serait fini des profits des grands trusts de l'automobile, basés sur la production de masse à destination des pays industriels qui peuvent payer. Jamais la bourgeoisie ne mettra en oeuvre une telle politique. Seule la classe ouvrière du monde, elle qui produit justement tous les biens, le pourrait. Et le problème se pose de la même façon dans toutes les branches de la vie économique. Les trusts de l'acier se font la guerre pour s'arracher les marchés juteux, c'est la course à la compétitivité avec son cortège de faillites, de licenciements, avec la surexploitation forcenée des travailleurs. Et en même temps, les besoins en acier dans le monde entier, dans les pays sous-développés, en France même, sont considérables. Les installations sidérurgiques de toute la terre pourraient tourner à plein de leur capacité qu'elles ne suffiraient peut-être pas aux besoins, si l'on cherchait à équiper la planète en écoles, en hôpitaux, en logements, en moyens de transport. D'ailleurs, les besoins élémentaires des trois quarts de l'humanité ne sont pas satisfaits et il y a de quoi faire tourner les usines et donner du travail à tous, Et puis, au fur et à mesure qu'ils le seraient, on pourrait travailler moins, beaucoup moins. La production ne devrait pas être un but en soi, mais simplement un moyen de satisfaire les besoins des hommes.
Il n'y a pas d'autre moyen de mettre fin à tout jamais aux crises sinon en mettant fin à l'économie capitaliste elle-même, à la concurrence, à la soif du profit, au pouvoir des grands trusts. C'est-à-dire en réorganisant l'économie de fond en comble, avec comme critère de base de produire en fonction des besoins des hommes, de tous les hommes, et pas seulement en fonction des besoins solvables, pas seulement en fonction des espoirs de profits des entreprises.
Il n'existe pas de solution à la crise à l'échelle d'un seul pays car l'économie est mondiale, et la crise aussi.
La bourgeoisie, dans chaque pays, veut attirer ses propres travailleurs dans le piège de la compétition internationale. Elle réclame leur concours pour lutter contre les trusts allemands, japonais ou américains.
Mais c'est un piège pour les travailleurs, c'est un piège pour l'ensemble de la société. Car c'est précisément la concurrence, c'est précisément la guerre entre trusts, qui est à l'origine de la crise. Accroître la compétitivité des trusts, c'est leur donner plus de moyens dans la guerre économique qu'ils se livrent les uns aux autres, c'est exacerber encore un peu plus la crise.
Les grands trusts se servent des richesses créées, des usines ultra-modernes, des grands complexes sidérurgiques, mais aussi des denrées alimentaires, mais aussi du pétrole comme du nucléaire et même des découvertes scientifiques, comme autant d'armes pour combattre leurs concurrents.
Ce n'est pas en renforçant les trusts, fussent-ils de leur pays, que les travailleurs adouciront la crise pour eux-mêmes mais, au contraire, en arrachant à ces trusts le pouvoir exorbitant qu'ils détiennent sur l'économie et sur la société.
Les bourgeois veulent lancer les travailleurs les uns contre les autres, leur faire croire que le bien être des uns va à l'encontre de celui des autres. Mais c'est faux. Le bien-être des uns et des autres dépend de la coopération de tous.
Ce n'est que par la coopération entre les peuples, ce n'est qu'en mettant en commun leurs richesses et leurs besoins, qui sont complémentaires, ce n'est qu'en utilisant les bras de tous, qu'il sera possible de satisfaire les besoins de tous, en diminuant l'effort de chacun.
C'est dire que toutes les politiques nationalistes vont fondamentalement à l'encontre des intérêts des travailleurs. Car si ces derniers acceptaient de suivre leur propre bourgeoisie dans cette voie-là, elle exigerait d'eux, sacrifices sur sacrifices, sur l'autel de la concurrence internationale, et plus la concurrence sera sévère, plus les sacrifices exigés seront grands. On verra les États se replier sur eux-mêmes, à l'abri des barrières douanières, et les travailleurs payer cher, le prix de l'autarcie, comme les travailleurs allemands l'ont fait sous Hitler.
Nous n'en sommes pas là, mais c'est là que la guerre des trusts peut nous mener, avant de jeter les peuples dans la guerre tout court. Car c'est là, la logique meurtrière du système. C'est la guerre économique, sauvage, que se livrent les bourgeoisies qui préparent les guerres où elles envoient les ouvriers faire l'ultime sacrifice sur l'autel de leurs profits.
Pour remplacer l'économie capitaliste en faillite, le socialisme a l'échelle du monde !
Voilà où nous mènent tous ceux qui prétendent rafistoler l'économie nationale. Et le « produire français » de Georges Marchais n'échappe pas à la règle. Augmenter la production nationale alors que les marchés sont saturés, que les capitalistes du monde entier ont produit en dépit du bon sens, et que les circuits sont engorgés, que la production ne s'écoule plus, que le commerce international se ralentit, c'est d'autant plus absurde que certains veulent, au même moment, produire italien, allemand ou japonais ou américain.
Marchais se fait fort, lui, de rétablir les positions de l'industrie française, s'il est élu. C'est de la démagogie électorale, pour faire croire qu'il suffirait de changer le gouvernement pour rétablir la situation, et que la crise provient d'une mauvaise politique de la bourgeoisie de ce pays et non pas du système capitaliste tout entier. Cette démagogie est d'autant plus néfaste, dangereuse, qu'elle renforce les préjugés nationalistes et chauvins.
Et face à la crise, qui risque d'emporter toute la société, aucune politique qui prétend défendre les travailleurs d'un pays contre ceux d'un autre, ne peut être dans l'intérêt des travailleurs.
Car c'est, au contraire, en s'unissant par-delà les rivalités nationales de la bourgeoisie que la classe ouvrière pourra offrir une issue à l'humanité.
C'est en défendant jusqu'au bout ses propres intérêts de classe internationale qu'elle défendra du même coup les intérêts de l'ensemble de la société, menacée tout entière gravement par la crise.
Les révolutionnaires avaient toujours affirmé que la classe ouvrière devait arracher le pouvoir à la bourgeoisie et prendre elle-même en main l'organisation de l'économie à l'échelle de la planète, pour le plus grand bien de tous.
Que meurent les profits et que vive le communisme !