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Réformistes et révolutionnaires devant le problème de la démocratie syndicale
Dans le rapport qu'il a présenté au 39e Congrès de la CGT (juin 1975), Georges Séguy, secrétaire général de cette confédération, n'a pas manqué de réaffirmer ce qui reste la position officielle de son organisation en ce qui concerne la démocratie syndicale. La CGT, a-t-il dit, « compte des syndiqués, des militants, des dirigeants de tous les courants de pensée politique, philosophique ou religieuse existant au sein du mouvement ouvrier français. Chacun se trouve parfaitement à l'aise dans la CGT, s'y exprime librement, coopère fraternellement ; nul n'est inquiété pour ses opinions ; tous ses membres, à quelque niveau de responsabilité où ils sont élus, peuvent exercer en dehors de la CGT l'activité et les responsabilités politiques de leur choix... ».
Il est seulement dommage que ces belles affirmations soient si souvent contredites par les faits. Car s'il existe bien, dans l'appareil cégétiste, y compris à un niveau élevé, un certain nombre de militants qui ne sont pas membres du Parti Communiste Français, dont quelques-uns se réclament ouvertement du christianisme social, ou de tout autre courant religieux, et qui servent d'autant plus facilement de caution démocratique qu'ils ne défendent pas une politique différente de celle du PCF, prétendre que « nul n'est inquiété pour ses opinions » au sein de la CGT est un mensonge éhonté. Les exemples de militants révolutionnaires qui se sont vu retirer toutes responsabilités syndicales, ou qui se sont même vu exclure de la CGT, simplement parce qu'ils défendaient les idées révolutionnaires, ne se comptent plus en effet.
Mais le problème de la démocratie syndicale au sein de la CGT ne se limite pas aux entraves apportées par l'appareil à l'activité syndicale des militants révolutionnaires. Il s'agit d'un problème plus général et plus grave. Non seulement parce que la démocratie syndicale ne peut pas se diviser, et qu'on ne voit pas comment une confédération qui emploie des méthodes anti-démocratiques contre les militants révolutionnaires pourrait être un modèle de démocratie vis-à-vis du reste de ses adhérents. Mais aussi parce que toute la politique de la direction de la CGT tend à réduire la vie syndicale démocratique au minimum.
Bien loin de tendre, pour reprendre les propres expressions de Séguy, au « renforcement » de la CGT « d'un point de vue de classe », bien loin d'essayer d'organiser effectivement le plus grand nombre possible de travailleurs, de les réunir régulièrement, de leur apprendre à décider eux-mêmes de ce qui les concerne, tous les efforts de la direction de la CGT tendent au contraire à réserver le monopole des décisions à un appareil soigneusement sélectionné, et à éloigner les travailleurs du rang de toute vie syndicale, en en faisant de simples porteurs de cartes.
Si la direction de la CGT fait tout pour empêcher l'existence d'une vie syndicale démocratique, ce n'est pas seulement, d'ailleurs, pour mettre ses adhérents à l'abri d'une éventuelle, contagion révolutionnaire. Les militants de la CGT, parce qu'ils font souvent partie des éléments les plus dévoués, les plus combatifs et les plus politisés de la classe ouvrière, pourraient certes être particulièrement sensibles aux idées révolutionnaires. Et c'est bien ce qui explique la hargne et la constance que l'appareil déploie pour isoler et éliminer les révolutionnaires. Mais ceux-ci sont encore loin d'être présents partout, leurs idées sont encore minoritaires. Et si la direction de la CGT fait tout pour entraver la possibilité de développement d'une vie syndicale réelle, c'est pour des raisons plus générales. C'est parce que, par rapport à la politique qui est la sienne, par rapport à l'État bourgeois, au patronat, et à chaque patron en particulier, elle a besoin d'avoir les mains libres, de ne pas être liée par les réactions ou les décisions de sa base.
Le réformisme de la direction de la CGT ne l'amène pas seulement, en effet, à se refuser à envisager tout affrontement avec l'État bourgeois, à mettre en cause l'ordre capitaliste. Il l'amène aussi à se refuser à toute lutte, même rigoureusement limitée au plan économique, qui pourrait vraiment gêner la bourgeoisie, et mettre en cause la politique de collaboration de classe de l'appareil syndical Et ce refus ce toute lutte revendicative généralisée amène également l'appareil CGT à freiner bien des luttes locales, ou à ne pas faire tout ce qui serait possible pour leur donner le maximum de chances de vaincre.
L'appareil cégétiste est donc susceptible d'entrer en conflit avec sa base, même lorsque le niveau de conscience de celIe-ci ne dépasse pas le plus classique réformisme, même lorsqu'il s'agit de luttes ne se donnant comme but que la satisfaction de revendications économiques élémentaires. Et c'est pour éviter de se trouver devant ce genre de problème que la direction de la CGT fait tout pour réduire la vie syndicale au maximum.
A plus forte raison l'appareil cégétiste met-il tout en oeuvre lorsque les travailleurs sont engagés dans des luttes, pour garder le contrôle le plus étroit possible sur la direction de celles-ci. C'est aux organisations syndicales de jouer ce rôle de direction, affirme-t-il.
Mais c'est oublier que dans I'immense majorité des cas, seule une minorité de travailleurs est syndiquée et que seule une plus petite minorité encore participe vraiment à l'activité syndicale. Quand bien même le syndicat s'efforcerait-il de faire participer tous ses adhérents à la direction de la grève - ce qui n'est pas le cas, sauf exception rarissime - que la plupart des travailleurs en grève resteraient donc à l'écart de celIe-ci. C'est pourtant dans de telles circonstances, lorsque des travailleurs qui ne participent habituellement à aucune vie syndicale, qui n'avaient même pas conscience bien souvent, quelques jours plus tôt, de la nécessité de s'organiser, sont engagés dans une lutte, que des militants ouvriers réellement conscients des intérêts de leur classe devraient tout faire pour que ces ouvriers prennent conscience de la nécessité et de l'intérêt de s'organiser. Pour qu'ils prennent conscience aussi des immenses possibilités de la classe ouvrière, lorsqu'elle prend son sort en main. En quelques jours, les travailleurs peuvent apprendre plus, dans le feu de la lutte, qu'en des années d'exploitation subies passivement.
Faire en sorte que les travailleurs en grève assument eux-mêmes la direction de leur lutte, c'est préparer la classe ouvrière à gérer demain toute la société. Et ce ne peut être que le rôle du comité de grève, élu par l'ensemble des grévistes, responsable devant l'ensemble des grévistes.
Mais la direction de la CGT est résolument opposée à ces comités. Et quand l'appareil ne parvient pas à en empêcher la formation, il fait tout pour limiter leur rôle et leur pouvoir.
Dans ces circonstances, la volonté de l'appareil d'empêcher les travailleurs de prendre en mains leur propre sort est manifeste. Mais c'est fondamentalement à la même politique que l'on assiste dans l'activité quotidienne, lorsque les responsables n'organisent aucune réunion syndicale, ou en organisent sur le temps de travail, ouvertes aux seuls délégués, ou encore en organisent de si ennuyeuses que les malheureux qui y ont assisté deux ou trois fois n'ont plus aucune envie d'y revenir.
Parce que ce n'est pas parce que les travailleurs ne veulent pas se réunir que les rares réunions syndicales sont quasiment désertes. C'est parce que, pendant des décennies, toute la politique des appareils syndicaux a tendu à dégoûter les travailleurs du fait de se réunir et de s'organiser.
Une telle politique de démobilisation permanente de la base syndicale pourrait paraître suicidaire si, aujourd'hui, la force des organisations syndicales ne résidait que dans le nombre de leurs adhérents prêts à consacrer temps et dévouement à faire vivre ces organisations. Mais si la CGT compte dans ses rangs nombre de militants dont le dévouement est indiscutable (et elle est de loin la confédération qui en compte le plus), elle ne vit pas seulement de ce dévouement. Elle vit aussi de toutes les lois dites « sociales », des multiples heures de délégation payées par le patron que ces lois prévoient (délégués du personnel, délégués au Comité d'Entreprise, délégués syndicaux, etc...), des possibilités offertes par la gestion, au sein des Comités d'Entreprise, des « oeuvres sociales » (certains Comités d'Entreprise employant à leur tour plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de salariés), toutes choses qui permettent à la CGT (comme d'ailleurs aux autres confédérations, pour lesquelles c'est encore plus vrai parce qu'elles n'auraient bien souvent guère d'existence autrement) de disposer dans la plupart des entreprises d'un appareil local, partiellement permanent, et de pouvoir exister même s'il n'existe aucune vie syndicale.
Il serait d'ailleurs faux de croire que la situation se présente de manière très différente dans les autres confédérations syndicales. Si nous avons envisagé en premier le cas de la CGT, c'est simplement parce que, sur le plan de ses effectifs, de la qualité des militants qu'elle recrute, et de son influence, c'est de loin la confédération syndicale la plus importante, celle dans laquelle les révolutionnaires doivent militer en priorité. Et le régime antidémocratique qu'y impose l'appareil du Parti Communiste Français ne doit pas les en détourner a priori, car c'est précisément parce que la CGT est la courroie de transmission du PCF dans les entreprises, et que le stalinisme est en France le principal facteur dé stabilité de l'ordre bourgeois, que la révolutionnaires doivent diriger tous leurs efforts en direction de cette confédération.
Les deux autres grandes confédérations ouvrières, la CFDT et FO, ne se distinguent de la CGT que par une audience et une influence infiniment plus réduite, par une politique plus réformiste encore, et la vie syndicale n'y est pas plus développée.
Cela paraît une évidence en ce qui concerne FO, que la plupart des tendances du mouvement révolutionnaire considèrent comme une confédération. dans laquelle l'activité syndicale n'aurait aucun sens. Mais les mêmes se sont fait le plus souvent, et ont nourri, beaucoup d'illusions sur le caractère prétendument démocratique et radical, sinon révolutionnaire, de la CFDT
La confédération que dirige Edmond Maire doit, au départ, cette réputation au fait qu'en 1968, tout en menant une politique qui ne se différenciait fondamentalement en rien de celle de la CGT, elle a pu, parce que son influence était bien plus réduite, faire preuve d'une certaine démagogie par rapport au mouvement étudiant et aux gauchistes. Et les gauchistes qu'elle a gagnés à cette occasion ont contribué à leur tour à entretenir cette image de la CFDT Celle-ci a d'ailleurs pu, ici ou là, dans des mouvements locaux, apparaître sous un jour relativement radical. Mais c'est dans les mouvements importants, dans les circonstances graves, que l'on peut juger de la politique d'une organisation. Et ce qui était déterminant en 1968, ce n'était pas l'attitude de telle ou telle confédération syndicale par rapport au mouvement étudiant. C'était l'attitude de ces confédérations par rapport à une grève générale qu'aucune, certes, n'avait organisée, mais qui existait de fait. Et comme la CGT, comme FO, la CFDT signa la accords de Grenelle qui aboutissaient à émietter cette grève générale pour en faire la juxtaposition de grèves particulières. C'est là un signalé service que les trois grandes confédérations ouvrières rendirent ensemble à la bourgeoisie, et qui prouve que la CFDT n'était en rien plus radicale que les autres.
Ce n'est pas d'ailleurs, loin de là, le seul exemple qui prouvé que les clins d'oeil adressés par la c.f.d.t., à une certaine époque, aux gauchistes, n'ont rien changé à sa nature.
Il ne faut pas oublier en effet, qu'avant de s'engager derrière Mitterrand dans l'opération Union de la Gauche, qu'avant que ses dirigeants ne se mettent au service du Parti Socialiste, la CFDT avait, en 1969, été partie prenante dans l'opération visant à soutenir l'homme politique de droite Poher aux élections présidentielles. Et qu'aujourd'hui, face à la crise, la CFDT ne défend pas une politique différente de celle de la CGT ; qu'elle ne fait rien pour essayer d'impulser la nécessaire riposte d'ensemble de la classe ouvrière à la politique de chômage et de vie chère du gouvernement et du patronat.
La CFDT n'est pas non plus un syndicat plus démocratique que la CGT, ou plus soucieux de la défense de la démocratie syndicale, et de la démocrate ouvrière en général. Elle mène sur ce terrain-là la même politique que la CGT, et si c'est quelquefois moins visible, tout simplement parce que l'influence plus réduite de la CFDT, le caractère souvent plus réformiste, moins combatif, aussi, de sa base, rendent la nécessité de cette politique moins rigoureuse. Mais il suffit de lire l'éditorial d'Edmond Maire, dans le numéro du 26 juin 1975 de C.F.D.T-Syndicalisme-Hebdo, pour voir qu''il n'a pas une autre manière que Georges Séguy d'aborder les problèmes.
Dans cet éditorial, Maire s'en prend explicitement aux militants révolutionnaires, et en particulier -il les cite- à Rouge et à Lutte Ouvrière. Et il reproche à ces militants « des pratiques néfastes pour la démocratie syndicale », et de déformer les positions prises par la CFDT
Maire reproche ainsi aux militants trotskystes de se livrer à un « travail interne de pénétration des fractions » et à une « campagne pour l'organisation de la CFDT en tendances politiques ». Nous ne discuterons pas de la matérialité des faits, de savoir si certains militants révolutionnaires ont effectivement essayé ou pas de s'organiser en tendances ou en fractions au sein de la CFDT Mais ce que nous disons, c'est qu'en tout état de cause c'est leur droit. Exactement comme c'est le droit de Maire de s'être rallié à l'Union de la Gauche et à Mitterrand. Et que reprocher à des militants politiques de défendre leurs idées au sein du syndicat, et de se concerter pour défendre ces idées, c'est en fait leur refuser le droit de défendre leurs idées, et ce n'est pas une pratique différente de celle de la CGT
Et le fait de continuer à déclarer imperturbablement que « la CFDT n'est liée et ne se liera à aucun parti, fût-il socialiste autogestionnaire », alors que tout le monde a pu voir de quelle manière elle avait emboîté le pas à Mitterrand, tout en rappelant qu'elle avait eu raison de « refuser les candidatures de division de la gauche au premier tour des élections présidentielles » (il s'agit bien sûr, c'est sous-entendu, des candidatures d'Alain Krivine et d'Arlette Laguiller) est aussi hypocrite, aussi jésuite que les déclarations de la CGT affirmant qu'elle est rigoureusement indépendante du Parti Communiste Français.
Quant à l'attitude de la CFDT par rapport au problème de la direction des luttes ouvrières par les travailleurs eux-mêmes, Maire reproche à Rouge et à Lutte Ouvrière de tenter « d'imposer des mensonges comme des évidences » et d'avoir prétendu que « le congrès de Nantes de 1973 aurait condamné les comités de grève ». Mais il n'est même pas besoin de remonter aux textes de 1973 pour voir quelle est exactement la position de la CFDT sur ce sujet. Il suffit de lire ce que Maire lui-même écrit trois lignes plus loin, pour répondre à ce qu'il prétend être les calomnies des trotskystes : « La CFDT a situé les comités de grève à leur place, comme un moyen parmi d'autres que les sections syndicales peuvent utiliser au cours d'une grève ; étant entendu que l'action revendicative et la négociation se mènent sous la responsabilité des organisations syndicales ». On ne saurait mieux dire que le comité de grève, émanation de l'ensemble des travailleurs en lutte, ne doit jouer pour Maire qu'un rôle figuratif, et en aucun cas un rôle de direction réelle des luttes. Dans ce cadre là, Maire est bien sûr pour les comités de grève... comme Séguy d'ailleurs. Prend-il donc ses lecteurs pour des imbéciles ? Peut-être pas, mais comme il le dit lui-même : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ».
Le plus drôle, c'est quand Maire affirme que « la tactique politique qui se cache sous ces manoeuvres » (celle des révolutionnaires) débouche sur « la rupture de l'unité d'action, l'anticommunisme et le refus de l'union des forces populaires ». Voilà des propos particulièrement savoureux dans la bouche du secrétaire général de l'ex-confédération chrétienne, de la confédération qui soutint Poher.
L'éditorial de CFDT-Syndicalisme-Hebdo en question n'aura en tout cas pas été inutile, s'il amène un certain nombre de ceux qui considéraient envers et contre tout que la CFDT était une confédération d'un autre type que la CGT, plus radicale et plus démocratique à se rendre compte de leur erreur. Mais il n'y avait vraiment pas besoin de cela pour le savoir.
En réalité, lorsqu'ils se trouvent (et cela leur arrive forcément, à un moment ou à un autre) dans l'impossibilité d'avoir une activité syndicale à la CGT, les révolutionnaires n'ont pas plus de raison de militer à la CFDT qu'à FO Ils ne doivent de toute manière envisager une telle solution que lorsqu'il n'y en a pas d'autre, que comme une solution de repli, et qu'en fonction des possibilités concrètes qu'ils auront de défendre leurs idées (possibilités variant d'une fédération à une autre, d'une entreprise à une autre). Ils doivent savoir aussi, que ni la CFDT ni FO ne sont des modèles de démocratie syndicale (des militants de Lutte Ouvrière ont été exclus de l'une et l'autre de ces confédérations syndicales à cause de leurs idées. Et ils ne devront pas oublier que c'est aux travailleurs influencés par le stalinisme que les révolutionnaires doivent s'adresser en premier lieu, même lorsqu'ils militent à la CFDT ou à FO
Quelle que soit en tout cas la confédération syndicale dans laquelle ils sont amenés à défendre leurs idées, les révolutionnaires ne peuvent qu'y être les défenseurs les plus conscients de la démocratie syndicale et de la démocratie ouvrière. Car eux qui sont encore aujourd'hui très minoritaires dans la classe ouvrière font entièrement confiance à celIe-ci, et savent qu'ils représentent la politique, les solutions vers lesquelles cette classe ouvrière se tournera nécessairement un jour, et que cette politique, ces solutions exigent justement que les travailleurs soient éduqués dans l'esprit de à démocratie ouvrière, soient à même de prendre leur sort en mains. Alors que les appareils réformistes, s'ils sont aujourd'hui majoritaires, si leur domination n'est même pas contestée dans l'immédiat, ne peuvent que se méfier, pour les mêmes raisons, de cette démocratie ouvrière.
Et cette politique des appareils trace du même coup celle que doivent mener les militants révolutionnaires au sein des syndicats. Leur tâche primordiale n'est pas d'y conquérir d'éventuelles responsabilités, car les seules responsabilités qui vaillent la peine d'être acceptées, pour un révolutionnaire, sont celles pour lesquelles il a été choisi en connaissance de cause par ses camarades de syndicat, prêts à défendre ce choix en cas de conflit avec l'appareil ; et en dehors de cela, la conquête de responsabilités syndicales ne signifie rien, quand elle ne fait pas de son auteur l'otage ou la caution de l'appareil.
La tâché primordiale des révolutionnaires dans les syndicats est d'y créer une vie et une base syndicales. C'est de faire en sorte que les travailleurs puissent se réunir, et prennent goût à le faire ; qu'ils apprennent à discuter ensemble de leurs problèmes, et des moyens de les résoudre ; de leurs revendications, et des moyens de les faire aboutir. C'est de faire en sorte, enfin, que le syndicat soit bien l'école d'organisation et de lutte qu'il devrait être.
Et c'est l'un des paradoxes de notre époque de décadence du capitalisme, que face à tous les soi-disant champions du syndicalisme pur, du syndicalisme apolitique, qui font du syndicat une fin en soi, il n'y ait que les révolutionnaires, que ceux qui proclament ouvertement que l'on ne peut pas séparer l'activité syndicale de l'activité politique, qui luttent vraiment pour faire vivre les syndicats, en tant qu'organisations de la classe ouvrière.