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Les révolutionnaires et le monopole syndical aux élections de délégués du personnel
L'activité des militants révolutionnaires dans les entreprises, en France, se heurte très souvent à la politique des bureaucraties syndicales réformistes - en particulier à la CGT, syndicat largement majoritaire dans le mouvement ouvrier français - à leur puissance et à une législation qui vise à favoriser et à accroître le contrôle des directions bureaucratiques sur la vie syndicale et ses manifestations.
Il en est ainsi de la loi sur les élections de délégués du personnel.
Si la plupart des tendances révolutionnaires représentées dans les entreprises sont bien engagées dans une lutte contre le bureaucratisme et pour la démocratie syndicale, un certain nombre de divergences apparaissent dès que, concrètement, cette lutte aboutit à l'éviction du ou des militants révolutionnaires des listes de candidats présentés par les syndicats aux élections de délégués du personnel. Il s'agit bien évidemment de problèmes tactiques mais qui révèlent des différences plus fondamentales sur la politique à mener vis-à-vis des bureaucraties syndicales et sur la démocratie ouvrière.
En fait, ces divergences apparaissent dès qu'il s'agit d'apprécier la loi sur le mode d'élections des délégués du personnel. L'institution des délégués du personnel date - dans la loi - de 1936, mais en 1945, au moment où le PCF était associé au gouvernement pour aider à la remise en route de l'économie, la loi réglementant ces élections fut modifiée dans un sens favorable aux syndicats.
Le mode d'élections des délégués, tel qu'il a été institué en 1945 par la loi Ambroise Croizat - ministre « communiste » - et tel qu'il continue à s'appliquer aujourd'hui, peut se résumer ainsi : scrutin de liste, par catégorie de travailleurs, avec, au premier tour, le monopole de présentation aux seuls syndicats reconnus (par la loi ou les tribunaux bourgeois) représentatifs. Ce n'est que si le quorum n'a pas été atteint au premier tour qu'il est possible à n'importe quel travailleur de se présenter, mais toujours par catégorie.
Ce mode d'élection, institué à l'époque comme cadeau aux bureaucraties syndicales pour les protéger sur leur gauche, ne correspond pas aux intérêts de la classe ouvrière. car il enlève aux travailleurs toute possibilité de contrôle sur les délégués qui sont sensés les représenter.
D'abord, le vote par liste revient à demander aux travailleurs (en tous cas dans les grandes usines) de voter pour des délégués qu'ils ne connaissent pas, qu'ils n'ont pas eu l'occasion de juger à l'oeuvre, sur lesquels ils n'ont aucun contrôle. On leur demande en fait de voter pour un sigle syndical. Les élections de délégués sont transformées, en quelque sorte, en approbation des syndicats, consacrant ainsi d'ailleurs la division syndicale par la compétition électorale.
Ensuite, le vote par catégorie renforce la division des travailleurs, ouvriers d'un côté, employés de l'autre, cadres d'un troisième, même s'ils travaillent dans le même atelier, alors que n'importe quelle organisation des travailleurs devrait au contraire contribuer à renforcer le sentiment de leur unité.
Enfin, le monopole syndical fait que ce sont les seuls dirigeants syndicaux, à la limite même, le seul secrétaire du syndicat, celui qui a la signature (souvent un permanent extérieur) qui décident de qui sera candidat ou pas, y compris bien souvent contre le sentiment de la majorité des travailleurs.
Nous pensons que le mode d'élections qui correspondrait le plus aux intérêts de la classe ouvrière serait l'élection de délégués par atelier, ou par secteurs géographiques (de façon à ce que les votants puissent connaître le travail militant, la politique des candidats... et des élus) toutes catégories confondues, avec, évidemment, la liberté complète de candidature et aussi la possibilité à tout moment pour chaque secteur de révoquer son délégué si les travailleurs estiment qu'il ne les représente plus valablement.
Ce mode d'élection seul permettrait à la fois de combattre les divisions catégorielles et le contrôle par les travailleurs de leurs délégués.
La plupart des tendances révolutionnaires (en particulier la LCR et Révolution !) sont d'accord avec nous sur les candidatures par atelier, la responsabilité des élus devant les travailleurs, leur révocabilité etc., c'est semble-t-il sur le problème des candidatures libres que surgissent les divergences.
En d'autres termes, le monopole syndical sur la présentation des candidats est considéré par ces camarades, malgré tout, comme une sorte de barrage contre les syndicats maisons et les manipulations patronales.
Ce n'est pas un argument original, c'est très précisément celui qu'utilisent les bureaucraties syndicales pour tenter de justifier leur monopole. Et c'est un argument qu'il est nécessaire de prendre en considération.
Les candidatures libres, par atelier, permettraient-elles aux candidats pro-patronaux de se faire élire plus facilement ? Parfois, peut-être. Mais la réalité oblige à dire, qu'au moins dans les grandes entreprises, le monopole syndical, loin de rendre impossible ou très difficile la présentation des candidats pro-patronaux, écarte surtout et presque exclusivement les révolutionnaires. Les candidats pro-patronaux, dans la plupart des cas arrivent avec la complicité de la direction, à entrer dans le cadre de la loi et à figurer sur les listes « autonomes » ou autres. L'étiquette peut varier. Les procès introduits par les syndicats pour contester la représentativité de ces formations sont loin d'aboutir systématiquement.
En fait, de barrage juridique contre les délégués pro-patronaux, il n'y en a pas d'efficace. Que demain le gouvernement, pour des raisons politiques, décide d'accorder la représentativité à la CFT et l'on verra un peu partout, sans que le monopole syndical soit entamé pour autant, et, dans le respect de la loi Croizat, se multiplier les sections CFT et les candidats de cette organisation. Seule la conscience des travailleurs peut faire échouer l'élection de ces candidats. Et le problème est justement de mettre en avant les formes d'élections qui permettent le mieux à cette conscience, de juger et de se manifester. Le scrutin par atelier va dans ce sens. N'est-ce pas avec des délégués élus par leurs camarades de travail qui les connaissent bien, qui peuvent donc les juger à tous moments sur leur attitude réelle, sur ce qu'ils disent, sur ce qu'ils font, qu'il serait le plus difficile pour les patrons de placer des créatures à eux.
D'autant que le scrutin de liste peut permettre à des candidats qui n'auraient pas recueilli le nombre de voix suffisant pour être élus dans aucun atelier, d'avoir quand même une représentation sur le plan de l'usine si leur liste recueille au total 10 % des suffrages. Le scrutin par liste favorise les groupes organisés, et bien entendu ceux issus de la volonté patronale.
C'est pourquoi les candidatures libres pour lesquelles nous faisons campagne sont-elles absolument inséparables de la campagne pour le scrutin d'atelier.
C'est l'ensemble de la loi sur les élections de délégués que nous contestons, le monopole syndical n'étant qu'un aspect de cet ensemble anti-démocratique.
Et si les directions syndicales, CGT, CFDT, FO, tiennent à cette loi et à ce monopole comme à la prunelle de leurs yeux, c'est précisément parce qu'elle les met à l'abri des contestations de la base, qu'elle leur permet d'écarter les opposants de gauche de tous les postes représentatifs. Elle leur garantit une sorte de monopole de la représentation ouvrière, qu'elles doivent de temps à autre partager avec la CFT, mais qui est à l'abri des atteintes des travailleurs du rang.
Dans le cadre de cette loi qui donne aux directions bureaucratiques des pouvoirs discriminatoires dans l'établissement des listes, n'y a-t-il aucune faille qui permette à la volonté des travailleurs de se manifester, malgré tout ?
Pour la LCR ce moyen existe, il s'agit de la possibilité de rayer lors du vote sur les listes présentées par les syndicats les noms des bureaucrates dont les travailleurs ne veulent pas qu'ils soient leurs représentants élus. Il convient d'abord de dire que ce moyen n'existe pas toujours, par convention dans certaines entreprises patrons et syndicats ont précisé dans le protocole d'accord qu'il ne serait pas tenu compte des rayures et qu'elles ne seraient même pas décomptées.
Il s'agit cependant de cas assez rares. en règle générale, les rayures comptent dans une élection, mais elles ne peuvent plus faire élire un candidat écarté des listes par les bureaucrates, elles ne peuvent que modifier l'ordre des candidats agréés dans la liste présentée. et cette modification n'est même pas assurée. car les bureaucrates ont prévu des parades selon que le système des rayures soit généralisé ou pas, il suffit parfois d'une rayure pour éliminer le candidat, c'est-à-dire le faire passer de la position élue (tête de liste) en position non élue. ou, au contraire, pour éliminer un candidat, il faut obtenir un nombre de rayures supérieur aux « rayures de protection » par lesquelles les directions syndicales assurent leurs têtes de liste.
On le voit, même si on pense que le recours aux rayures est un moyen de corriger la loi sur les élections de délégués, dans un sens plus démocratique - et ce n'est pas notre opinion - c'est un moyen complexe et dangereux. Dangereux précisément du point de vue de la démocratie ouvrière.
En'effet les ratures permettent à un tout petit groupe, voire à un seul individu, d'éliminer un candidat, même si celui-ci est souhaité par la grosse majorité des travailleurs.
En outre, les ratures, par leur clandestinité, permettent tous les trucages et tous les coups fourrés de la part des appareils politiques ou syndicaux. Et en général c'est à ceux-ci que la possibilité de raturer sert avant tout : pour éliminer en douceur un candidat qu'officiellement ils n'ont pas osé refuser d'inscrire sur les listes.
Les travailleurs peuvent aussi s'en servir pour censurer des délégués dont ils ne voudraient pas. Ça arrive bien sûr. Des militants révolutionnaires peuvent s'en servir aussi dans leur lutte contre les bureaucraties. Mais c'est toujours un combat d'appareils, en sous-main, défensif, où le vainqueur est le plus roublard.
Aussi si des militants révolutionnaires sont contraints de s'en servir c'est parce qu'ils se battent dans un cadre qu'ils n'ont pas choisi, parce que la loi actuelle est foncièrement anti-démocratique et ne leur laisse pas le choix. Mais cette sorte de bataille, dans le secret des isoloirs, n'élève certainement guère la conscience de l'ensemble des travailleurs, ne clarifie guère les problèmes. Ce serait une bien grave erreur que de la présenter comme la panacée universelle.
Lutte Ouvrière est pour un tout autre mode d'élection qui corresponde davantage à la démocratie ouvrière. Pour celui-ci nous faisons, en effet, une propagande systématique. Et en tant que communistes révolutionnaires qui militons pour que la classe ouvrière prenne et exerce elle-même le pouvoir, c'est-à-dire pour la démocratie ouvrière, nous ne voyons pas comment on pourrait faire l'économie du combat pour cette démocratie ouvrière.
Ceci dit, nous savons que ce combat est inséparable de celui que nous menons en tant que militants politiques dans la classe ouvrière et que son issue est liée à la montée et au succès de grands mouvements sociaux secouant le joug des directions bureaucratiques, et posant directement le problème de la démocratie ouvrière dans et après les luttes et mettant en branle l'essentiel des forces de la classe ouvrière. Nous sommes loin de cette situation. Il ne s'agit donc pour le moment que d'un combat propagandiste, mené dans notre presse d'entreprise.
Si le problème d'une modification de la loi ne se pose pas aujourd'hui concrètement, il se pose par contre, assez régulièrement, le problème de la tactique à adopter lors des élections de délégués, quand les militants ouvriers révolutionnaires se trouvent bureaucratiquement écartés des listes de candidatures.
Généralement, cette situation est l'aboutissement de la lutte menée à l'intérieur du syndicat par les militants révolutionnaires, lutte multiple, pour la démocratie syndicale, pour la démocratie ouvrière, pour des revendications unifiant les luttes des travailleurs, etc... Cette lutte difficile nécessite, au moins à la CGT, les précautions rendues indispensables par l'ostracisme de cette centrale vis-à-vis des ouvriers révolutionnaires. Il arrive presque toujours un moment où le conflit aboutit à une opposition ouverte entre le ou les militants révolutionnaires et l'appareil qui profite des avantages que lui donnent sa puissance et la loi, pour écarter des listes sans autre forme de procès, les candidats qu'il juge indésirables.
En fait, quand la situation a atteint ce stade, il faut bien savoir que dans la majorité des cas il n'y a rien à faire. Le rapport de forces entre les ouvriers révolutionnaires et la bureaucratie syndicale - loi ou pas - est tel que quels que soient les remous suscités dans et hors du syndicat par l'éviction d'un révolutionnaire des listes de délégués, les bureaucrates imposent aisément leur volonté. C'est une donnée de la situation actuelle reflétant dans une large mesure les rapports existant aujourd'hui non seulement entre syndiqués et appareil bureaucratique, mais surtout entre la classe ouvrière et les syndicats.
Il reste une possibilité de continuer la lutte même sur le plan des élections. Cette possibilité est inscrite dans la loi qui stipule que si le quorum n'a pas été atteint au premier tour, un deuxième tour doit être organisé, où cette fois il pourra y avoir des candidatures libres.
Il est donc parfois envisageable pour des militants ouvriers écartés bureaucratiquement des listes de recourir à cet aspect de la loi en appelant ses camarades de travail à l'abstention au premier tour, afin de pouvoir faire acte de candidature, librement, au second.
Il ne s'agit pas, il faut le préciser, d'un mode d'action pour démocratiser les élections de délégués ou pour combattre le scrutin de liste avec monopole syndical au profit du scrutin d'atelier sans monopole.
Appeler à voter blanc ou à s'abstenir au premier tour est une tactique à laquelle nous recourons de façon défensive contre les bureaucraties syndicales, lorsque tout autre possibilité de défense est impossible. Nous pensons qu'il est justifié d'y recourir lorsque des militants appuyés de leurs camarades de travail ont été bureaucratiquement écartés des listes de candidatures. Mais nous pensons aussi qu'il n'est justifié d'y recourir que si d'autres conditions sont remplies. La première de celles-ci est de savoir si le ou les camarades écartés sont ou non voulus comme délégués par leurs camarades de travail. Mais ce n'est pas la seule.
On le voit, ce point rejoint la question du monopole syndical et des candidatures libres. C'est pourquoi nous retrouvons là les mêmes divergences que nous avons notées plus haut. Pour un certain nombre d'organisations révolutionnaires, et notamment pour Rouge et Révolution, appeler à l'abstention et donc à la présentation lors d'un second tour de candidatures libres, c'est prendre le risque de favoriser des candidatures pro-patronales. Il s'agit d'un problème qui doit chaque fois être examiné sérieusement. Si le seul résultat de l'appel à l'abstention était de faire élire des candidats jaunes, il est évident qu'il vaudrait mieux pour les révolutionnaires s'abstenir... de s'abstenir. Dans une entreprise où il existe, par exemple, un syndicat pro-patronal qui mène une bataille pour être reconnu représentatif, l'appel à l'abstention qui aboutirait simplement à apporter une aide objective à ce syndicat jaune pourrait être une grossière erreur. 1
Mais, nous le savons d'expérience, puisque nous sommes pratiquement les seuls à user de cette tactique, cette situation est relativement exceptionnelle et, en tout cas, à chaque fois que des militants de Lutte Ouvrière ont eu recours à l'appel à l'abstention, le problème a été envisagé, discuté, et le risque apprécié à sa juste valeur. Aussi, nulle part, ce type de défense n'a ouvert la porte à des candidats pro-patronaux.
En ce sens, l'appel à l'abstention au premier tour, s'il aboutit à couper les militants de leurs camarades du syndicat, alors qu'un travail dans leur direction était encore possible, alors qu'il y aurait la possibilité de s'appuyer sur un certain nombre d'entre eux pour résister aux bureaucrates sur des questions aussi importantes que les augmentations uniformes de salaire, l'issue d'un mouvement, la démocratie syndicale, etc., si cet appel aboutissait simplement à faciliter leur expulsion du syndicat par les bureaucrates, il serait une grave erreur.
Certains militants de Lutte Ouvrière ont commis cette erreur. Ils ont eu tort d'utiliser cette tactique, mais cela ne rend pas cette dernière impropre dans toutes les circonstances. Il s'agit d'apprécier la situation exacte et concrète.
Se battre pour avoir le droit de se présenter aux suffrages de ses camarades, y compris en allant jusqu'à leur recommander de s'abstenir au premier tour, n'est pas forcément se couper de toute possibilité de faire un travail syndical. Un militant révolutionnaire peut être mis à l'écart complet de toute vie syndicale sinon expulsé du syndicat, alors que sur le plan de la discipline syndicale, même la plus formelle, on n'à strictement rien à lui reprocher. Doit-il accepter d'être mis sur la touche sans rien dire ni faire, sans se défendre ? Au contraire, se battre pour être élu tout de même délégué, pour faire la démonstration qu'il a des appuis et une influence auprès des travailleurs, c'est quelquefois - et nous avons là des exemples précis - la seule façon d'imposer sa présence dans un syndicat. Y renoncer, ce serait un peu comme conseiller à un militant exclu de la CGT, sous prétexte que nous pensons que les révolutionnaires ont évidemment leur place dans ce syndicat et doivent y mener un travail, de ne surtout pas aller à la CFDT ou à FO. Ce serait, sous prétexte de préserver ses chances de faire un travail syndical, lui conseiller d'accepter d'être coupé de toute possibilité d'en faire. Étrange paradoxe.
Prévue par la loi actuelle elle-même, l'abstention n'est pas un moyen de combattre cette loi, elle est un problème de rapport des forces entre les militants révolutionnaires et les bureaucrates. Quand les militants révolutionnaires y ont recours, c'est dans le cadre de leurs luttes contre les bureaucraties syndicales au non de la démocratie syndicale et ouvrière (et non « pour... » ), et c'est dans le cadre de cette lutte que la justesse de cette tactique s'apprécie.
Renoncer à employer dans cette lutte tel ou tel moyen, c'est dans certaines circonstances renoncer à la lutte elle-même, s'incliner, qu'on le veuille ou non, devant les bureaucrates.
C'est aussi dans une certaine mesure renoncer à entraîner les travailleurs dans la lutte contre les bureaucraties syndicales. Et c'est peut-être le fond du problème. Le respect du monopole syndical relève de la même attitude que celle qui inspire le refus d'associer les travailleurs non-syndiqués à une action contre le bureaucratisme de l'appareil syndical. Comme si ce qui concernait le mouvement ouvrier organisé ne concernait pas aussi l'ensemble de la classe ouvrière quand il s'agit de questions aussi fondamentales que la démocratie ouvrière et le respect de la volonté des travailleurs. Il y a, entre l'absence de démocratie à l'intérieur du syndicat et l'absence de démocratie du syndicat vis-à-vis de l'ensemble de la classe ouvrière, un rapport évident. Il suffit de voir la réticence, pour ne pas dire l'hostilité, des appareils vis-à-vis des comités de grève élus pour le comprendre.
Et quand des bureaucrates bafouent la volonté des travailleurs en écartant de leur liste des militants qui se sont fait connaître et apprécier par leurs camarades de travail dans des grèves ou dans des mouvements sur l'entreprise, ils font plus que bafouer la démocratie syndicale, ils imposent leur diktat à l'ensemble des travailleurs. Ne pas donner aux travailleurs mécontents l'occasion de l'exprimer, ne serait-ce que par l'abstention quand c'est possible et justifié, une fois examinées toutes les incidences possibles, c'est démobiliser les travailleurs, accroître leur sentiment que l'on ne peut rien contre la puissance des directions bureaucratiques.
Encore une fois, dans la majorité des cas, les militants révolutionnaires et les travailleurs qui les soutiennent ne peuvent que s'incliner, mais quand c'est possible et justifié, l'appel à l'abstention ou au vote blanc est une façon de donner une issue, aussi provisoire et limitée soit-elle, au mécontentement des travailleurs les plus conscients.