La section antillaise du secrétariat unifié : un trotskysme de façade01/09/19771977Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

La section antillaise du secrétariat unifié : un trotskysme de façade

Le Groupe Révolution Socialiste (GRS) est né du regroupement de militants issus du Parti Communiste Martiniquais et d'un mouvement de jeunes lycéens proche d'eux. Le principal dirigeant du GRS, Édouard Delépine, a été le responsable des Jeunesses Communistes, et était membre de la direction du PCM, avant d'être exclu de ce parti à la suite de ses prises de position en faveur de l'indépendance de la Martinique (alors que le Parti Communiste Martiniquais se contente de revendiquer « l'autonomie en union avec la France » ). Plusieurs autres dirigeants ou militants des différentes sections du PCM furent exclus avec Delépine, ou choisirent de le rejoindre.

Pendant plusieurs années, c'est sous le nom de Mouvement du 10 Janvier que le futur GRS exista. Il avait alors tourné l'essentiel de ses forces vers les lycées et la milieu enseignant, et conservait des liens avec des militants du PCM.

Le premier congrès du GRS, en tant que tel, se tint en 1973. Et c'est depuis cette date que son affiliation au Secrétariat Unifié est devenue officielle.

De son passé, le GRS a gardé un crédit réel auprès d'une partie de l'électorat du PCM. Lors de récentes élections cantonales et lors des dernières élections municipales, on a non seulement vu un candidat du GRS être réélu maire d'une petite commune et élu conseiller général du canton correspondant, mais dans d'autres communes ou cantons, les candidats du GRS ont obtenu des résultats non négligeables, atteignant jusqu'à 15 % des suffrages exprimés. C'est que beaucoup de travailleurs de ces communes ont de l'estime pour ces ex-militants du PCM, dont certains avaient autrefois été candidats du Parti Communiste dans les mêmes endroits. D'ailleurs, bien souvent, les candidats présentés par le GRS sont apparus, en l'absence du PCM, comme les représentants de la gauche face à la droite.

Comme on le voit, le GRS est une tendance qui doit beaucoup au PCM. Et cela n a rien d'étonnant, car pendant des années, après la deuxième guerre mondiale, le Parti Communiste Martiniquais a été le parti dominant dans la vie politique de l'île. Deux députés sur trois étaient communistes, et la capitale de la Martinique, Fort de France (le tiers de la population), était gérée par une municipalité du PCM.

Le premier coup porté à la toute puissance du PCM fut, en 1956, la scission qui donna naissance au Parti Progressiste d'Aimé Césaire. Par la suite, avec la montée du sentiment national martiniquais, les forces rassemblées des différentes tendances nationalistes plus ou moins organisées exercèrent sur le PCM des pressions de plus en plus fortes. Le PCM atteignit le sommet de ses difficultés avec le développement de la révolution cubaine et la prise du pouvoir par Castro à Cuba. Dans ses rangs se discutait la nécessité de prendre des positions plus radicales. Pendant plusieurs années, le PCM fut balloté et perdit beaucoup en influence, en particulier dans le milieu intellectuel et dans la jeunesse.

Cependant, après des années de difficultés, le PCM est resté la principale organisation ouvrière en Martinique, parce que jamais ceux qui s'opposaient à lui ne le firent sur le terrain de la classe ouvrière. Le sort de toutes les tendances nationalistes qui voulurent déborder le PCM a été de disparaître dans la confusion et les éclatements stériles. Et si le PPM fondé par Césaire tient toujours et attire autour de lui tout un mouvement de jeunes intellectuels « culturellement » nationaliste, celui-ci doit sa pérennité à la personnalité de Césaire, poète-écrivain mondialement connu et très respecté dans les pays du Tiers-Monde.

Le GRS, lui, a officiellement abandonné le terrain du nationalisme pour se revendiquer du trotskysme. mais cela ne l'a pas empêché de se fixer pour modèle cuba, la chine ou le vietnam, bien plus que la révolution d'octobre. « l'exemple prestigieux des combattants vietnamiens est là, aujourd'hui, qui nous montre la voie ; exemple héroïque, au moment où se conjuguent la crise de l'impérialisme et la crise du stalinisme », écrit-il par exemple. et voulant démontrer que même minoritaire le prolétariat peut diriger la lutte d'émancipation nationale et prendre le pouvoir, le grs met un signe d'égalité entre la révolution russe d'octobre 17 et les révolutions chinoise, cubaine et la guerre du vietnam.

De la même manière, tout en affirmant que l'État qu'il veut construire est un État ouvrier qui « ... s'appuie sur l'institution décisive des conseils ouvriers et paysans, forme d'organisation autonome des masses et source fondamentale de pouvoir en régime prolétarien », le GRS n'en cite pas moins la Chine et Cuba (où le prolétariat est et a toujours été totalement exclu du pouvoir) comme des types « d'État prolétarien », bien qu'en leur reconnaissant (trotskysme oblige !) « de sérieuses déformations bureaucratiques ».

Comme on le voit, l'adhésion formelle du GRS au trotskysme ne l'amène pas à mener une politique différente de celle de tous les courants petits-bourgeois nationalistes qui se reconnaissent dans le marxisme ou dans le castrisme.

Dans les entreprises, le GRS ne mène d'ailleurs pas non plus une politique visant à construire dans la classe ouvrière une organisation prolétarienne s'opposant au PCM et au PPM, et il se contente d'exercer, là où il le peut, une pression sur les représentants de ces partis au sein des organisations syndicales. Dans la plupart des entreprises où le GRS est présent, ses militants se contentent d'exercer des responsabilités syndicales sans combattre réellement les bureaucrates syndicaux. Dans une série d'articles intitulée « Pour un syndicat de type nouveau », parue en juin-juillet dans Révolution Socialiste (l'organe du GRS), on trouvait un catalogue de conseils généraux sur ce qu'il faudrait faire pour que la vie syndicale se transforme, mais il n'est dit nulle part que les révolutionnaires doivent combattre l'influence des bureaucrates syndicaux, non seulement pour que les luttes quotidiennes des travailleurs soient plus efficaces, mais aussi et surtout parce qu'il est politiquement nécessaire de soustraire la classe ouvrière à leur influence, parce qu'il faut combattre la politique stalinienne et toute variété de nationalisme présent dans la classe ouvrière pour y faire triompher les idées socialistes révolutionnaires. Pour le GRS, il faut « se battre pied à pied pour remplacer les revendications erronées par celles qui font avancer et la lutte et l'unité et la conscience des grévistes »... mais il ne dit pas contre qui.

Depuis quatre ans, le GRS doit détenir le record des « comités de soutien » mis sur pied autour de grèves où le plus souvent il ne jouait aucun rôle. Et quand il a la possibilité de jouer un rôle effectif, comme dans la grève de l'EDF en mai 1976, ou dans celle du Commerce en Guadeloupe récemment, ses militants s'alignent simplement sur les responsables syndicaux qui apparaissent comme les plus démocratiques, et ne font rien pour mettre sur pied des comités de grève... quand ils ne soutiennent pas la direction syndicale dans son effort pour garder le contrôle de la situation.

Comme on le voit, sur le plan des options politiques fondamentales, comme sur celui de la pratique quotidienne, l'adhésion du grs au secrétariat unifié n'a pas amené la transformation d'une organisation opportuniste et nationaliste en une organisation prolétarienne. mais pouvait-il en être autrement, alors précisément que les « vieilles » sections du secrétariat unifié vont chercher de la même façon leur inspiration du côté du nationalisme petit-bourgeois ?

Partager